Le Journal de Michel Perdrial

Le Journal de Michel Perdrial




Loïc Boyer
Je suis l’auteur de textes courts qui furent publiés depuis mil neuf cent quatre-vingt-quinze dans des revues littéraires en France (Supérieur Inconnu, Supplément d’Ame, Nouvelle Donne, Le Bord de l’Eau, Pris de Peur, l’Art du Bref, Sol’Air, Gros Textes, Salmigondis, Verso, Décharge, Bulle, Filigranes, Diérèse, Martobre, Comme ça et Autrement, (Cahier d’) Ecritures, La Nef des Fous), en Belgique (Traversées, Ecrits Vains, L’Arbre à Plumes, Inédit Nouveau, Bleu d’Encre), au Canada (Les Saisons Littéraires) et en Italie (Les Cahiers du Ru).
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.







Rss

19 septembre 2017


Ce dimanche à sept heures, alors que je m’apprête à sortir pour rejoindre les quais bas de la rive droite de la Seine où est organisé l’annuel événement nommé le Quai des Livres une drache m’en dissuade. Je ne suis pas surpris. Choisir pour date de cette grande vente de livres d’occasion celle de la Fête de l’Humanité sur laquelle il pleut quatre fois sur cinq était risqué.
En attendant l’accalmie, je me livre à des travaux ménagers. C’est ainsi qu’en sortant la poubelle, je découvre qu’on a tenté de forcer ma porte côté jardin. Le bois a été attaqué avec un tournevis ou un couteau. Je me souviens avoir entendu du bruit dans la nuit, mais lorsque mon voisin le plus proche rentre chez lui, c’est comme s’il rentrait chez moi, aussi je n’y ai pas pris garde, pensant qu’il avait des difficultés avec sa porte. Sans doute l’un des habitants de la copropriété est-il sorti en laissant la porte d’entrée ouverte permettant l’intrusion du mal intentionné.
Je mets une affichette sur la porte cochère pour demander à mes chers voisins de veiller à bien fermer derrière eux puis, armé d’un parapluie que j’espère garder fermé, je rejoins le quai où les vendeuses et vendeurs se sont installés malgré la météo alarmante. Cette vente de livres d’occasion est doublée d’un salon, sous tente, d’auteur(e)s ayant à vendre leurs propres livres tout neufs. Juste à côté de ces écrivain(e)s se trouve une antenne de la Croix Rouge au cas où l’un(e) ferait un malaise en constatant que personne ne s’intéresse à ses écritures.
Malheureusement, du côté de l’occasion, pour la deuxième année consécutive, je ne vois pas de livres qui m’attirent vraiment. Désormais les particuliers sont rares, les associations vendent du second ou troisième choix et les professionnels profitent d’un lieu très fréquenté pour tenter de se débarrasser de la drouille qu’ils n’arrivent pas à vendre en d’autres circonstances.
Le seul à avoir des livres qui sortent du lot est un universitaire connu pour ses travaux sur Flaubert. Je lui achète Et parlez-moi de la terre…, le recueil de chroniques de Xavier Grall dans l’édition qu’en a fait Calligrammes avec photo noir et blanc de l’auteur et un dessin couleur de celui-ci, et rentre plus tôt que je l’avais prévu.
Passant par le parvis de la Cathédrale à l’heure de la sortie de la messe, j’y aperçois l’Archevêque Lebrun en tenue d’apparat, mitre et crosse. Porte-t-il le ruban de la Légion d’Honneur sur sa tenue sacerdotale, je suis trop loin pour le savoir.
                                                                     *
Il n’y a pas que le membres du clergé pour céder à la vanité d’une décoration, une mienne connaissance enseignante saute de joie parce qu’elle est nommée Chevalier des Palmes Académiques. Une Insoumise pourtant.
                                                                     *
On ne m’a proposé que la malheureuse médaille de la Ville de Rouen, offerte à tous les enseignants de la ville quand ils partent à la retraite. Je l’ai refusée (pas parce que je la jugeais indigne de moi).
 

18 septembre 2017


En général, peu me chaut l’opération touristique nommée Journées Européennes du Patrimoine mais cette fois c’est l’opportunité d’aller voir de près le carillon réinstallé depuis un an dans la tour Saint-Romain de la Cathédrale de Rouen, dont la musique m’est familière. A cette fin, je me suis inscrit via Internet pour la première des visites gratuites ayant lieu ce samedi à quatorze heures, faite par les guides-carillonneurs Ryan Dufau et Jean-François Maillard « Au programme : découverte de la cabine et du clavier d'étude, histoire du carillon, et démonstration de l'instrument sur le clavier. »
Le rendez-vous est fixé un quart d’heure avant devant la grille du jardin de la cour d’Albane et il y a déjà foule quand j’arrive. Je comprends pourquoi : beaucoup sont là sans avoir réservé. Les Journées du Patrimoine sont une sorte de rentrée des classes pour adultes. Le nombre de celles et ceux qui veulent s’instruire est supérieur aux possibilités d’accueil (tout comme pour les étudiant(e)s à l’Université de Rouen). Un sans-gêne, que suivent une femme et une fille soumises, se glisse brutalement au milieu de la file. Une femme le rabroue sans effet.
A quatorze heures arrivent les deux guides. Jean-François Maillard a la liste en main. Il indique que seuls les inscrits pourront entrer dans la partie du jardin habituellement fermée (l’ancien cloître des chanoines) sur laquelle donne la porte d’accès à la tour Saint-Romain. Le malotru pique sa crise puis s’éloigne furibard suivi de ses deux penaudes. Mon nom est le dernier de la liste. Nous sommes dix-sept et pas un de plus n’est possible pour des raisons de sécurité.
Je suis le plus vieux, la moitié des présent(e)s sont très jeunes. Jean-François Maillard, dans un style prof à l’ancienne, nous offre une histoire de la Cathédrale un peu longuette à l’aide de documents photographiques. Je n’écoute que d’une oreille, retenant seulement qu’il y aura cent vingt-neuf marches à gravir pour arriver au premier niveau où se trouve le carillon d’étude. Il nous prévient qu’il s’arrêtera plusieurs fois au cours de cette ascension qui se fait par un escalier hélicoïdal étroit en pierre. Cette grimpette n’est pourtant pas fatigante.
Le carillon d’études est semblable au vrai. Il permet aux apprentis de progresser et aux titulaires de répéter sans déranger le voisinage. Le son de chaque cloche, ayant été copié électroniquement, est diffusé par des enceintes acoustiques. C’est ce que nous explique Ryan Dufau, jeune homme au louque contemporain qui en connaît long et dont la spontanéité se heurte parfois à la routine de son associé d’un jour.
Un court escalier métallique permet d’accéder au deuxième niveau d’où, par une étroite fenêtre, on a belle vue sur la rue du Gros-Horloge. Dans une cage métallique vitrée, chauffée l’hiver, climatisée l’été, est installé le véritable carillon dont le clavier est relié aux cloches par des tiges métalliques. Ces cloches se trouvent au-dessus de nos têtes mais on ne devine que les plus grosses en raison de la présence d’un plafond métallique ajouré. Ryan Dufau les connaît toutes par leur prénom. Il nous fait une démonstration minimale Au clair de la lune et Frère Jacques. Nous les dix-sept, on a envie de grimper au-dessus pour les voir en action ces cloches. « Impossible », nous répond Jean-François Maillard.
                                                                *
Si je sors frustré de cette découverte du carillon de la Cathédrale de Rouen, au moins ai-je bien ri la veille en apprenant que son Archevêque avait reçu la Légion d’Honneur pour être le supérieur hiérarchique du Père Hamel assassiné par les islamistes dans son église de Saint-Etienne-du-Rouvray et avoir ainsi vécu, selon la formule de 76actu, « une année éprouvante ».
L’article de ce site d’information est accablant pour le récipiendaire  : « Ces 32 ans, ce sont les années que j’ai passées au sein de l’Église, en tant que prêtre et en tant qu’évêque. J’aime à croire que j’ai rendu service à la nation pendant ces années », a dit Mgr Lebrun, ému, devant une foule attentive. Celle-ci était composée du gratin local : élus, représentants de l’Église, de la Justice, de la police et de la gendarmerie mais aussi de la société civile.
Un casting prestigieux pour un homme décrit par la préfète comme « humble ». Un modeste qui avait sollicité Bernard Cazeneuve, ancien Premier ministre, pour lui remettre la Légion d’honneur. Ce dernier a accepté l’invitation mais n’a pas pu venir car souffrant. »
 

15 septembre 2017


En mil neuf cent un, Pierre Mac Orlan (qui s’appelait encore Pierre Dumarchey) est correcteur d’imprimerie à Rouen (ville où il avait déjà passé un an à l’Ecole Normale d’Instituteurs en mil huit cent quatre-vingt-dix-huit/quatre-vingt dix-neuf), employé du journal Le Petit Rouennais. Devenu écrivain, il évoque cette époque dans un texte intitulé Rouen écrit en mil neuf cent vingt-neuf et publié par Gallimard dans le volume Villes en mil neuf cent soixante-six. Je l’ai lu dans sa réédition de deux mille quatre au sein du recueil Romans maritimes d’Omnibus, mon exemplaire provenant de la bouquinerie rouennaise Le Rêve de l’Escalier. Extraits :
Vers la fin de 1901, j’entrai dans la rue des Charrettes à Rouen, comme une ombre dans une rue composée en studio. C’était au crépuscule du soir. La rue sentait le tonneau de cidre éventé et, selon le caprice du vent, l’odeur âcre d’une fumée de cargo anglais amarré devant le quai de Paris à l’entrée de la rue de la Vicomté. Une petite pluie fine s’adaptait merveilleusement aux images de mon avenir. Elle ruisselait sur le pavé inégal et gras qui, déjà, tant bien que mal, reflétait les pauvres lumières des bars et des grands cafés qui faisaient l’angle de la rue Grand-Pont, devant le Théâtre des Arts. (…/…)
Pour vivre, j’étais tantôt correcteur d’imprimerie, tantôt, et plus simplement, teneur de copie, selon les besoin du trafic. Ce métier me rapportait quatre francs par jour. (…/…)
Lorsque j’arrivai à Rouen, je m’étais contenté jusqu’à cette date de coucher dans les gares, et, à l’occasion, dans les meules, ce qui n’est pas plus désagréable que de coucher dans un abri creusé sous un parapet de tranchée ou dans une grange sans toit. En pénétrant dans la rue des Charrettes, j’étais gonflé d’optimiste parce que, grâce à mes cent vingt francs par mois, j’espérais conquérir la ville entre minuit et trois heures du matin (…/…)
La barmaid de l’Albion parlait sept ou huit langues comme les parlent les matelots. C’est-à-dire qu’en sept ou huit langues elle savait dire l’essentiel de sa profession. (…/…)
A vivre solitaire dans ma chambre de l’Albion, au milieu d’Anglais et de Norvégiens qui ne parlaient pas français, je devins ombre et me laissai aller au découragement. Par ma fenêtre, le matin, en me levant vers dix heures, je pouvais contempler l’agitation familière de la rue des Charrettes. C’était l’heure débilitante où de tous les bars jaillissaient des seaux d’eau qui inondaient le trottoir. On n’entendait que des voix anglaises de filles. Des putains en négligé apparaissaient aux fenêtres et des enfants s’en allaient aux commissions par bandes, de tristes fillettes qui connaissaient déjà l’homme et en vivaient, avec l’aide de leurs parents, aussi mal qu’il est possible de l’imaginer. (…/…)
La rue des Charrettes sentait le crime marin, l’ouvrier marin, le patron marin, la putain de marine et les éléments, cependant honnêtes, de tout un lot d’assez tristes associations d’idées. (…/…)
Nous autres, à Rouen, nous étions comme des poussins dans un purgatoire qui sentait Villon, quand celui-ci marinait dans la tiède promiscuité des tavernes et des filles. (…/…)
Nous vivions comme si Rouen, son pont transbordeur, ses cargos, ses industriels et ses demoiselles de haute bourgeoisie n’eussent point existé.
La rue des Charrettes ne pouvait même pas constituer le cadre d’un quartier général. Nous n’avions pas de café littéraire. On se rencontrait partout, aussi bien à Dieppedalle qu’à Saint-Adrien, rue de la République, place du Vieux-Marché, dans l’estaminet chic à la Parisienne où Nelly d’H…, petite femme blonde et spirituelle, représentait avec délicatesse l’aristocratie du plaisir (…/…)
Quand Rouen s’éveillait au petit jour, on entendait d’abord le trompette de garde à la caserne des chasseurs, à Saint-Sever. Et tous les sifflets d’usine ne tardaient pas à percer les brumes qui s’effilochaient sur la Seine. Je ne connais rien de plus triste qu’une journée qui commence au signal sévère d’une usine. (…/…)
Les derniers jours que j’ai vécus à Rouen furent d’une tristesse sans emploi. J’habitais une chambre sordide au-dessus du Criterion, à l’angle de la rue des Charrettes et de la Vicomté. Je ne sais si la maison existe toujours. Tout autour de moi, la ville se rétrécissait implacablement comme si une vis géante eût resserré les divers éléments hostiles qui se groupaient en faisceau pour m’expulser.
                                                            *
La rue des Charrettes une rue composée en studio, cette expression me reste incomprise. Feu Félix Phellion aurait peut-être pu m’éclairer.
                                                            *
Quai des brumes ne figure pas dans les Romans maritimes de Pierre Mac Orlan. Pour la raison que l’action se déroule à Montmartre. Le quai des brumes était la formule qu’employait Max Jacob pour désigner les lieux qu’il hantait en compagnie de Mac Orlan et d’autres, les brumes étant les vapeurs de l’alcool. Jean Renoir l’a rendu maritime en situant son adaptation au Havre.
 

14 septembre 2017


Après une nuit perturbée par le vent fort, je prends place ce mercredi dans le confortable train de sept heures cinquante-six pour Paris. Certains y lisent Le Canard Enchaîné titré « Macron saisit par la phobie des glandeurs » cependant qu’un trio de femmes babille dans le carré central. Elles sont priées de la mettre en sourdine par l’un des voyageurs à ordinateur qui n’est assurément pas un glandeur.
Par le métro je rejoins le Café du Faubourg où j’ai cinq minutes pour boire un café avant l’ouverture de Book-Off. J’y trouve à un euro au rayon cinéma Vie et mort de Guy Debord de Christophe Bourseiller (Plon). Au sortir, le risque de pluie approchant, je renonce au marché d’Aligre, passe chez Emmaüs pour rien, chez le petit marchand de journaux pour pas grand-chose, puis me dirige à pied vers le Centre Pompidou avec l’idée de m’y réfugier quand le ciel ouvrira ses vannes.
Cela arrive pendant que je déjeune chez New New au bout de l’impasse Beaubourg. Un ouvrier passe tout son repas le téléphone à l’oreille, se servant et mangeant d’une main. C’est pour le boulot, il est question de commencer par refaire les soudures. A une autre table, une grand-mère fait des reproches à sa petite-fille de huit ou neuf ans :
-C’est mon anniversaire, je t’invite au restaurant, tu me dis pas merci, tu me dis pas je t’aime Mamie, tu me fais même pas de bisou.
-Je t’ai fait un dessin, lui répond la malheureuse enfant.
C’est à pleins seaux que tombe l’eau quand je traverse la piazza. Ma carte d’adhérent me permet d’éviter la longue file d’attente qui sinue à l’intérieur de Pompidou. Je monte à l’étage Art Contemporain, partiellement fermé pour restructuration. J’y vois avec plaisir le magasin de Ben Vautier, lequel fut ouvert à Nice entre mil neuf cent cinquante-huit et soixante-douze, démonté et remonté ici tel quel, ainsi que la série de photos de jolie mangeuse de banane à couettes intitulée Consumer Act due à Natalia LL (mil neuf cent soixante-douze) et le Jardin d’hiver de Jean Dubuffet, une sorte de grotte qu’il élabora entre mil neuf cent soixante-huit et soixante-douze dont l’entrée est limitée à douze personnes. J’y suis seul un moment puis arrive un jeune couple. Il lui demande d’ôter sa veste pour l’y photographier. Pas davantage, ce jardin d’hiver n’est pas le jardin d’Eden.
A la sortie, les vendeurs à la sauvette proposent des parapluies. La suite de l’après-midi n’est que flotte. La bétaillère de dix-sept heures cinquante part à l’heure mais s’arrête près des usines Peugeot pour cause de train précédent en panne. Cela dure jusqu’au cri de victoire de la cheffe de bord « Mesdames et messieurs, nous repartons ! » et me fait arriver à Rouen avec « dix-sept minutes de retard environ ».
                                                                 *
Aucune ville européenne sensée n’en voulant, Paris se voit refiler les Jeux Olympiques de deux mille vingt-quatre. Une manifestation d’opposants avait lieu ce mercredi dans le parc de Bercy où j’aurais pu aller mais j’ai préféré sécher. Ils n’étaient que cinquante.
Il y en a pourtant beaucoup d’autres, souvent pour des raisons économiques. On ne saura jamais combien. Anne Hidalgo, Maire, Socialiste, qui ne voulait pas de ces Jihos en deux mille quatorze mais s’est fait retourner le cerveau, n’a pas pris le risque d’un référendum.
Pour ma part, je suis surtout affligé par la perspective des conversations chauvines, du matraquage des médias et de l’invasion de la capitale par les fanatiques.
Je suis hostile à l’idée même de compétition sportive.
 

13 septembre 2017


Le temps est révolu où même sous le parapluie je participais aux manifestations sociales. Ce n’est pas que je sois d’accord avec ce que fait le gouvernement actuel mais en ce jour de grève contre les ordonnances de Macron, je préfère demeurer chez moi ou, si je sors, vaquer à des occupations personnelles. Certains que j’avais déjà du mal à côtoyer dans les défilés me sont devenus insupportables. De plus, si je n’aime pas vivre l’ère Macron, j’aurais encore moins envie de vivre une ère Mélenchon.
Dire que des fonctionnaires en activité ou à la retraite ont voté pour ce dernier à la Présidentielle alors que s’il avait gagné (et en admettant que les Législatives lui eussent été favorables) sa politique « révolutionnaire » et l’opposition des capitalistes à celle-ci auraient conduit à une crise financière dont l’une des conséquences aurait pu être l’impossibilité de leur verser la totalité du salaire ou de la pension.
                                                             *
France Culture est en grève ce mardi matin, alors que France Inter non. Je me rabats sur cette dernière. Publicités, voix excitées, humoriste sotte, rires bêtes, cela présenté par Nicolas Demorand qui me soûlait déjà quand il était sur France Culture et qui n’a pas eu de mal à se mettre au bas niveau. Je mets vite fin à cette expérience. Il y en a qui écoutent ça tous les jours.
                                                            *
Invité de cette matinale de France Inter, Olivier Besancenot du déjà ancien Nouveau Parti Anticapitaliste pour un livre qu’il vient d’écrire dans lequel il explique que la Révolution Russe, c’était bien au début, ce n’est qu’après que ça a mal tourné. Il devrait lire La Révolution Inconnue (1917-1921) de l’anarchiste Voline ou La Terreur sous Lénine de Jacques Baynac (Le Sagittaire) dont le texte de quatrième de couverture s’ouvre par ces mots : « Octobre 1917. Lénine prend le pouvoir. Décembre 1917. La tchéka est créée. C’est le début de la Terreur. »
                                                           *
Les forains installent leurs barrages filtrants dans différentes villes, notamment à Paris place de l’Etoile et sur l’autoroute à Tourville-la-Rivière près de Rouen. Ces rebelles sont soutenus par les Invisibles et Florian Philippot le Patriote. Il y a ceux qui bloquent et ceux qui débloquent.
                                                           *
Un fidèle lecteur me communique les résultats du premier tour de la Présidentielle dans le quartier de la Croix de Pierre. Moins d’abstentions que je croyais et encore plus de Mélenchon que je pensais : trente-deux et demi pour cent au bureau vingt-six (Macron : six et demi) et quarante pour cent au bureau vingt-sept (Macron : dix).
 

12 septembre 2017


Le jour n’est pas encore levé quand je me pointe dans le quartier populaire de la Croix de Pierre ce dimanche matin et il n’est pas le seul. Où sont les vendeurs ? Très peu d’exposants sont en place. Je marche beaucoup pour pas grand-chose tandis qu’arrivent tranquillement (des fainéants, dirait Macron) ceux qui prennent le risque de déballer malgré le risque de pluie. Certains passent directement de la nuit d’ivresse à la journée de commerce. Il y a toujours des livres à vendre dans ce vide grenier mais cette année j’ai moins de chance que l’an dernier. Un homme passe de stand en stand en demandant s’il y a une rallonge électrique à vendre. Il obtient vite satisfaction. Je croise l’une de mes connaissances qui arrive du vide grenier d’Isneauville, commune bourgeoise où celles et ceux qui vendent s’installent avant l’aube. J’aurais dû faire comme lui, bien qu’il n’y ait qu’un bus par heure le dimanche pour aller dans cette campagne et que celui-ci ne peut aller plus loin que la jardinerie. Quand les anarchistes de la librairie L’Insoumise ont terminé de disposer les livres qu’ils bradent à trois pour un euro, on peut dire que tout le monde est installé. Il fait gris et l’ambiance est morne, cela ne m’incite pas à rester davantage.
En début d’après-midi je songe à tenter Isneauville mais le ciel gris me retient. Je repasse donc à la Croix de Pierre où de nouveaux livres ont fait surface. Quelques-uns sont pour moi.
                                                               *
A Isneauville, au premier tour de la Présidentielle, Macron et Fillon sont arrivés en tête, presque ex-aequo à quasiment trente pour cent des voix, et au premier tour de la Législative, la candidate En marche ! a fait presque cinquante pour cent suivie de la droitiste à vingt pour cent.
Dans le quartier rouennais de la Croix de Pierre, je ne sais ce qu’il en fut. Il est probable que les abstentionnistes ont été très nombreux et que Mélenchon a fait un bon score.
                                                              *
Il faut en France beaucoup de fermeté et une grande étendue d’esprit pour se passer des charges et des emplois, et consentir ainsi à demeurer chez soi, à ne rien faire. (La Bruyère)
 

11 septembre 2017


Le temps pourri d’août se poursuit en septembre. Il pleut ce samedi matin à l’heure où je comptais prendre le bus pour Mont-Saint-Aignan afin d’aller au vide grenier annuel qui se tient sur le parquigne de la Fac de Lettres.
Je guette l’éclaircie pendant toute la matinée. Elle n’arrive qu’en début d’après-midi. Je saute dans le premier Teor Un et en descends à Campus au moment où une nouvelle averse menace. Moitié moins d’exposants sont installés et certains profitent du rayon de soleil pour remballer. Bientôt, je dois ressortir mon parapluie new-yorkais. Les intempéries de l’été ont eu raison de l’une de ses baleines renforcées. Quelle idée j’ai eu de m’opiniâtrer (comme écrit Gabriel Matzneff dont je lis le dernier volume du journal publié de son vivant, Calamity Gab, trouvé dans un des bacs à cinquante centimes du Rêve de l’Escalier).
Alors que je me vois repartir bredouille, une vendeuse m’annonce ses livres de poche à dix centimes. J’en fais une petite moisson puis vais attendre le bus Teor. D’incroyables familles à enfants perturbés descendent à Rouen pour la braderie. Les côtoyer pendant vingt minutes est une punition que je n’ai pas méritée.
                                                       *
Mendiant au bout de la rue Saint-Romain :
-Bonjour, monsieur, je vous parle aimablement, une petite pièce, de quoi manger, même pas grand-chose.
Cela dit sur un ton qui fait redouter le jour où il ne sera pas aimable.
                                                       *
Pillage de nourriture à Saint-Martin ravagée par le cyclone Irma, mais aussi pillage de téléviseurs, réfrigérateurs ou ventilateurs. Le vernis de civilisation balayé par le vent, la nature humaine reprend le dessus.
 

9 septembre 2017


Les genoux rouillés quand je sors du lit, une douleur persistante au niveau des reins quand je m’assois et me relève, cela depuis plusieurs semaines. Il faut que je sache à quoi m’en tenir. A cette fin, je monte pédestrement l’avenue de la Porte des Champs ce jeudi. J’ai rendez-vous à neuf heures quarante-cinq avec mon médecin traitant (comme on dit).
Un seul homme est avant moi dans la salle d’attente. La secrétaire au téléphone regrette ses vacances : « Il n’y a plus qu’à attendre les fêtes de Noël maintenant ». Une femme bien mise arrive, qui prend rendez-vous avec chacun des médecins du cabinet. C’est ce qu’on appelle une visiteuse médicale. Cette représentante en épicerie s’installe sur une chaise dans un coin du couloir.
Quand mon tour arrive, j’explique mon problème à l’homme de l’art. Il appuie sur ma colonne directement là où ça fait mal. Son diagnostic rejoint ma supposition : arthrose. C’est la même chose pour les genoux, me dit-il après avoir manipulé mes jambes.
-Je vais vous prescrire du Doliprane, m’annonce-t-il, il vaut mieux éviter les antidouleurs plus costauds.
-Cela va traiter le symptôme, lui dis-je
-Pas seulement, en ayant moins mal vous allez vous détendre et cela va contribuer à la fin de la crise. Mais cela reviendra.
-Oui, je sais, c’est encore une conséquence de la vieillesse.
-C’est exactement ça la définition de l’arthrose : vieillissement des cartilages.
                                                            *
« Michel, nous avons remarqué que vous avez récemment retiré une personne de la liste de vos amis. Cela signifie qu’elle ne pourra plus voir les publications que vous partagez uniquement avec vos amis, ni vous les siennes. Ne vous inquiétez pas, nous ne l’informerons pas du fait que vous l’avez retirée de vos amis. »
Tu aurais pu me dénoncer, Effe Bé, cela ne m’aurait pas dérangé.
C’était le genre d’intéressé qui vous offre d’être « ami » avec lui en se fichant pas mal de ce que vous êtes, uniquement pour que vous évoquiez son évènement artistique, dans le cas présent un festival de musique electro ayant lieu ce ouiquennede et le prochain en deux lieux différents à Rouen.
                                                           *
Deux jeunes femmes à la terrasse du Son du Cor :
-T’as couché avec ton patron, alors ?
-C’est pas mon patron, c’est mon N+1.
                                                           *
Encore un duo qui fait connaissance à la terrasse du Sacre après s’être croisé sur Internet.
-T’aimes pas les animaux alors ? lui dit-elle
-C’est pas que je les aime pas, c’est que je m’en fous, lui répond-il. (Tout comme moi, pensé-je)
A la fin, ils se disent au revoir de l’air de qui n’en pense rien.
 

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