Dernières notes
Loïc Boyer
Je suis l’auteur de textes courts qui furent publiés depuis mil neuf cent quatre-vingt-quinze dans des revues littéraires en France (Supérieur Inconnu, Supplément d’Ame, Nouvelle Donne, Le Bord de l’Eau, Pris de Peur, l’Art du Bref, Sol’Air, Gros Textes, Salmigondis, Verso, Décharge, Bulle, Filigranes, Diérèse, Martobre, Comme ça et Autrement, (Cahier d’) Ecritures, La Nef des Fous), en Belgique (Traversées, Ecrits Vains, L’Arbre à Plumes, Inédit Nouveau, Bleu d’Encre), au Canada (Les Saisons Littéraires) et en Italie (Les Cahiers du Ru).
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.
19 mars 2018
Pour la première fois, ces vendredi et samedi, le Secours Populaire organise une vente de livres d’occasion en bas de la rue de la Jeanne chez Auchan, profitant ainsi du long couloir qui mène de la porte aux marchandises. Quand j’y arrive, en avance, les livres sont couverts de bâches blanches et pas question que cela commence avant quatorze heures, me dit l’une des organisatrices. Je vais faire un tour.
Quand je reviens, il est encore trop tôt. Je discute avec le plus jeune de mes concurrents qui me raconte qu’à la fin d’un vide grenier il s’apprêtait à jeter des livres de Romain Gary qui n’intéressaient personne quand qu’il s’est aperçu qu’ils bénéficiaient d’un envoi de l’auteur à celui à qui il les avait achetés, un ancien résistant. Il les a vendus plusieurs centaines d’euros pièce via Internet, dont deux à un bouquiniste spécialisé de Paris. Je lui raconte que de mon côté je possède des livres de Marcel Moreau avec des envois à l’une qui fut plus que son amie. Des ouvrages achetés il y a un certain temps à Rouen au marché des Emmurées et qui semblent n’intéresser personne, bien que je les vende via Internet beaucoup moins cher que les siens. Marcel Moreau est certainement meilleur écrivain que Romain Gary, mais il est moins connu. De plus il n’est pas mort. « Quatre-vingt-cinq ans », m’annonce mon interlocuteur après consultation de son smartphone.
En revanche, je ne lui raconte pas que j’ai trouvé à Paris au marché d’Aligre deux livres de Jean-Paul Sartre avec un envoi de l’auteur à Suzanne et Raymond Aron et que je m’apprête à en faire don à l’institution où les deux hommes se sont rencontrés.
Quand les bâches sont ôtées, je constate qu’aucun livre indispensable ne m’attendait, mais je repars quand même avec deux.
*
Leïla et Nathan, nés dans le milieu artistique rouennais, dix-sept ans l’une et l’autre, font une fugue à bord d’une voiture. La mère de la jeune fille en appelle aux réseaux sociaux. Et voilà des artistes et autres personnes aux idées larges qui partagent sa demande de les signaler à la Police. Cette dernière n’a pas besoin de ça pour les retrouver à Nice. Sains et saufs évidemment.
Le jour où dans une affaire de fugue, tu prends le parti des parents contre les adolescents, c’est que tu es fini.
Jamais je n’aiderai des géniteurs à retrouver leur progéniture en fuite.
*
En voulant empêcher Bertrand Cantat de chanter en concert, voilà encore une fois la multitude qui se mêle de faire la loi après que la Justice est passée (comme on dit) pour la mort de Marie Trintignant et bien qu’elle ne lui reproche rien à ce jour pour le suicide de son ex-femme Kristina Rady. Cette action est menée par Osez le Féminisme, mais quand je vois ça à la télé, c’est un quinquagénaire moustachu et ventru qui aurait pu servir de modèle à Cabu pour son Beauf qui tient une pancarte où est marqué « Assassin ». Il faudrait déjà expliquer à ce justicier, et à certaines de celles qui osent tout, la différence entre un meurtrier et un assassin. Bertrand Cantat est un meurtrier. Il a été condamné pour cela. Il a effectué sa peine de prison. Il reprend son activité professionnelle. Personne n’est obligé d’aller le voir, ni à l’écouter. Personnellement, je m’en passe.
*
Parmi ceux qui ont tué leur femme ou leur compagne, il semble que certains soient moins détestables que d’autres. En témoigne l’histoire de celui qui a étranglé la sienne à Gray (meurtrier ou assassin, on ne sait pas encore). Les parents de la victime disent qu’ils regrettent d’avoir perdu leur gendre (comme ils ont perdu leur fille qu’il a tuée sauvagement). Les journalistes et les avocats, quand ils évoquent l’affaire, l’appellent par son prénom : Jonathann.
Quand je reviens, il est encore trop tôt. Je discute avec le plus jeune de mes concurrents qui me raconte qu’à la fin d’un vide grenier il s’apprêtait à jeter des livres de Romain Gary qui n’intéressaient personne quand qu’il s’est aperçu qu’ils bénéficiaient d’un envoi de l’auteur à celui à qui il les avait achetés, un ancien résistant. Il les a vendus plusieurs centaines d’euros pièce via Internet, dont deux à un bouquiniste spécialisé de Paris. Je lui raconte que de mon côté je possède des livres de Marcel Moreau avec des envois à l’une qui fut plus que son amie. Des ouvrages achetés il y a un certain temps à Rouen au marché des Emmurées et qui semblent n’intéresser personne, bien que je les vende via Internet beaucoup moins cher que les siens. Marcel Moreau est certainement meilleur écrivain que Romain Gary, mais il est moins connu. De plus il n’est pas mort. « Quatre-vingt-cinq ans », m’annonce mon interlocuteur après consultation de son smartphone.
En revanche, je ne lui raconte pas que j’ai trouvé à Paris au marché d’Aligre deux livres de Jean-Paul Sartre avec un envoi de l’auteur à Suzanne et Raymond Aron et que je m’apprête à en faire don à l’institution où les deux hommes se sont rencontrés.
Quand les bâches sont ôtées, je constate qu’aucun livre indispensable ne m’attendait, mais je repars quand même avec deux.
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Leïla et Nathan, nés dans le milieu artistique rouennais, dix-sept ans l’une et l’autre, font une fugue à bord d’une voiture. La mère de la jeune fille en appelle aux réseaux sociaux. Et voilà des artistes et autres personnes aux idées larges qui partagent sa demande de les signaler à la Police. Cette dernière n’a pas besoin de ça pour les retrouver à Nice. Sains et saufs évidemment.
Le jour où dans une affaire de fugue, tu prends le parti des parents contre les adolescents, c’est que tu es fini.
Jamais je n’aiderai des géniteurs à retrouver leur progéniture en fuite.
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En voulant empêcher Bertrand Cantat de chanter en concert, voilà encore une fois la multitude qui se mêle de faire la loi après que la Justice est passée (comme on dit) pour la mort de Marie Trintignant et bien qu’elle ne lui reproche rien à ce jour pour le suicide de son ex-femme Kristina Rady. Cette action est menée par Osez le Féminisme, mais quand je vois ça à la télé, c’est un quinquagénaire moustachu et ventru qui aurait pu servir de modèle à Cabu pour son Beauf qui tient une pancarte où est marqué « Assassin ». Il faudrait déjà expliquer à ce justicier, et à certaines de celles qui osent tout, la différence entre un meurtrier et un assassin. Bertrand Cantat est un meurtrier. Il a été condamné pour cela. Il a effectué sa peine de prison. Il reprend son activité professionnelle. Personne n’est obligé d’aller le voir, ni à l’écouter. Personnellement, je m’en passe.
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Parmi ceux qui ont tué leur femme ou leur compagne, il semble que certains soient moins détestables que d’autres. En témoigne l’histoire de celui qui a étranglé la sienne à Gray (meurtrier ou assassin, on ne sait pas encore). Les parents de la victime disent qu’ils regrettent d’avoir perdu leur gendre (comme ils ont perdu leur fille qu’il a tuée sauvagement). Les journalistes et les avocats, quand ils évoquent l’affaire, l’appellent par son prénom : Jonathann.
16 mars 2018
Sorti de L’Entrecôte, je rejoins le Book-Off de Ledru-Rollin où il y a foule pour cause de pause méridienne. Peu à peu chacun(e) retourne travailler et il redevient possible de circuler dans les allées. Pour un euro, je deviens propriétaire du Cours de philosophie en six heures un quart de Witold Gombrowicz (Rivages poche), un achat de précaution. Il me faut avoir de quoi lire durant le retour à durée indéterminée jusqu’à Rouen.
Afin de profiter de ce mercredi printanier je descends la rue Ledru-Rollin, traverse la Seine et me fais dorer au soleil sur un banc du Jardin des Plantes. J’ai une pensée pour les huit garçons et filles de Tarnac et de Rouen qui doivent passer ce bel après-midi pas loin d’ici au Palais de Justice, jugés par le Tribunal Correctionnel. Je songe notamment au sympathique Benjamin Rosoux chargé de la tournée en camion du Magasin Général, pour laquelle il ne ménage pas sa peine, et avec qui j’ai bien discuté lors de mes deux passages à Tarnac. Je l’ai revu hier à la télé arrivant au Tribunal, un peu vieilli. Y a-t-il quelqu’un pour ravitailler les campagnes pendant son absence ? Il n’est mis en examen que pour son refus de prélèvement biologique mais il va devoir se fader les trois semaines de procès alors que ce genre de reproche peut être traité en deux heures comme j’ai eu l’occasion de le constater au Palais de Justice de Rouen lors du procès de Charles Torrès, le forgeron que l’on suspectait d’avoir fabriquer les crochets en fer à béton ayant arrêter les Tégévés.
Je gagne ensuite le Quartier Latin, furète sans vraie envie dans les bacs à livres de Joseph Gibert puis, avec le bus Vingt-Sept, rejoins la gare Saint-Lazare.
Le retour à Rouen est un copié collé du précédent. La bétaillère absente, c’est un train à compartiments de la défunte Basse-Normandie qui arrive à quai avec trente-sept minutes de retard. Ce retard ne s’aggrave pas en chemin. J’ai le temps de lire (en diagonale) une bonne partie du Cours de philosophie en six heures un quart de Witold Gombrowicz, de quoi me rappeler que je suis étanche à toute préoccupation d’ordre philosophique.
*
« Vos conditions de transport sont nos conditions de travail », est-il écrit sur le tract de Sud Rail.
*
En quoi la disparition du statut de cheminot est-elle la solution à la dégradation continue du réseau ferroviaire, c’est un mystère.
*
Après qu’Hervé Morin, Duc de Normandie, Centriste de Droite, a comparé la situation des lignes régionales de la Senecefe au Moyen Age et assuré que tout irait bien quand la Région prendrait les commandes dans deux ans, son subalterne Jean-Baptiste Gastinne, Vice-Président de la Région en charge des transports, déclare ce jeudi matin sur France Bleu : « On ne va pas faire de miracle en deux mille vingt, je ne veux pas vendre du rêve ici mais il y aura des trains neufs. » Les trains neufs, ce sont ceux à grande largeur dont on espère qu’ils pourront se croiser.
Afin de profiter de ce mercredi printanier je descends la rue Ledru-Rollin, traverse la Seine et me fais dorer au soleil sur un banc du Jardin des Plantes. J’ai une pensée pour les huit garçons et filles de Tarnac et de Rouen qui doivent passer ce bel après-midi pas loin d’ici au Palais de Justice, jugés par le Tribunal Correctionnel. Je songe notamment au sympathique Benjamin Rosoux chargé de la tournée en camion du Magasin Général, pour laquelle il ne ménage pas sa peine, et avec qui j’ai bien discuté lors de mes deux passages à Tarnac. Je l’ai revu hier à la télé arrivant au Tribunal, un peu vieilli. Y a-t-il quelqu’un pour ravitailler les campagnes pendant son absence ? Il n’est mis en examen que pour son refus de prélèvement biologique mais il va devoir se fader les trois semaines de procès alors que ce genre de reproche peut être traité en deux heures comme j’ai eu l’occasion de le constater au Palais de Justice de Rouen lors du procès de Charles Torrès, le forgeron que l’on suspectait d’avoir fabriquer les crochets en fer à béton ayant arrêter les Tégévés.
Je gagne ensuite le Quartier Latin, furète sans vraie envie dans les bacs à livres de Joseph Gibert puis, avec le bus Vingt-Sept, rejoins la gare Saint-Lazare.
Le retour à Rouen est un copié collé du précédent. La bétaillère absente, c’est un train à compartiments de la défunte Basse-Normandie qui arrive à quai avec trente-sept minutes de retard. Ce retard ne s’aggrave pas en chemin. J’ai le temps de lire (en diagonale) une bonne partie du Cours de philosophie en six heures un quart de Witold Gombrowicz, de quoi me rappeler que je suis étanche à toute préoccupation d’ordre philosophique.
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« Vos conditions de transport sont nos conditions de travail », est-il écrit sur le tract de Sud Rail.
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En quoi la disparition du statut de cheminot est-elle la solution à la dégradation continue du réseau ferroviaire, c’est un mystère.
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Après qu’Hervé Morin, Duc de Normandie, Centriste de Droite, a comparé la situation des lignes régionales de la Senecefe au Moyen Age et assuré que tout irait bien quand la Région prendrait les commandes dans deux ans, son subalterne Jean-Baptiste Gastinne, Vice-Président de la Région en charge des transports, déclare ce jeudi matin sur France Bleu : « On ne va pas faire de miracle en deux mille vingt, je ne veux pas vendre du rêve ici mais il y aura des trains neufs. » Les trains neufs, ce sont ceux à grande largeur dont on espère qu’ils pourront se croiser.
15 mars 2018
« Usagers, on vous ment ! » titre le tract que distribuent des cheminots de Sud devant la gare de Rouen, ce mercredi matin, où j’arrive porteur d’un lourd sac de livres à vendre dans la capitale, les bouquinistes locaux les dédaignant. C’est encore un train court à la place du confortable pour lequel j’avais place réservée. Le Train de l’Impressionnisme, dont les vitres sont couvertes d’un film plastique sale qui empêche de bien voir le paysage. Je m’installe à l’étage derrière trois filles et un garçon qui parlent de Brice et de Jules. Il ne s’agit pas de leur peutes mais des boutiques de ce nom sises dans le centre commercial de Saint-Sever. Elles et lui y sont employés et évoquent les vols fréquents, dont le plus récent, une pile de polos jaunes partie en courant, les vigiles regardant ailleurs, à se demander si.
Le ciel est bleu à l’arrivée. Je prends le bus Vingt qui avance lentement en raison de gros travaux. Cela me permet de ne pas attendre plus de cinq minutes l’ouverture du Book-Off de Quatre Septembre. Un employé examine mes livres, en refuse six, paie les autres onze euros cinquante. Je furète ensuite dans les rayonnages à un euro, n’y trouvant que trois livres à mon usage : Aventures d’un gourmand vagabond de Jim Harrison (Christian Bourgois), Ma mère de Richard Ford (Editions de l’Olivier) et La terre des morts est lointaine (Sylvia Plath) de Sylvie Doizelet (L’un et l’autre/Gallimard).
Par le métro Huit je vais à Ledru-Rollin et passe au marché d’Aligre où des vieux distribuent des tracts « pour l’augmentation des retraites ». Je les évite, et évite aussi d’acheter des livres bien que je sois tenté. Chez Emmaüs, je dépose mes invendus de Book-Off.
Pour déjeuner je choisis L’Entrecôte, rue de la Roquette, au carrefour avec la rue Keller qui est redevenue quelconque depuis que Manuel Valls n’est plus qu’un député lambda. Je prends place derrière la vitre avec vue sur une jolie fille qui boit un café à l’une des deux tables de la terrasse. Sur la peau de l’épaule dénudée qu’elle offre au soleil, ce tatouage : « ma petite marque de chagrin ».
Je commande l’avocat crevettes, le coucous au bœuf et un quart de cabernet sauvignon. Le tout est fort bon (pour vingt euros). Au comptoir discutent un cinéaste blanc à pantalon rouge et un saxophoniste noir à long manteau noir.
Le premier raconte qu’une femme l’a recontacté récemment en lui rappelant que du temps où il était punk, il l’avait emmenée en moto toute une nuit pour lui offrir un petit-déjeuner en Angleterre. « Je ne m’en souviens pas du tout », s’étonne-t-il.
Le second raconte qu’une fille à qui il a offert le restaurant lui a dit qu’elle était en manque de câlins et qu’elle aimerait qu’il l’accompagne avec son saxo lors de ses lectures de poésies érotiques mais il n’a pas voulu lui céder. « En Afrique, si tu sors avec une fille et que tu fais pas la gymnastique, elle peut te tuer », conclut-il.
*
C'est pour pouvoir acheter l'entrecôte/ Qui nourrira les chères têtes blondes/ Qu'elle commit son initiale faute/ Qui la rabaisse au rang du demi-monde, je ne peux voir ou entendre le mot entrecôte sans avoir cette chanson dans la tête. Ma version préférée est celle de Raoul de Godewarsvelde.
*
Je n’aime pas les vieux (ni les vieilles), comment se fait-il que j’en sois un.
Le ciel est bleu à l’arrivée. Je prends le bus Vingt qui avance lentement en raison de gros travaux. Cela me permet de ne pas attendre plus de cinq minutes l’ouverture du Book-Off de Quatre Septembre. Un employé examine mes livres, en refuse six, paie les autres onze euros cinquante. Je furète ensuite dans les rayonnages à un euro, n’y trouvant que trois livres à mon usage : Aventures d’un gourmand vagabond de Jim Harrison (Christian Bourgois), Ma mère de Richard Ford (Editions de l’Olivier) et La terre des morts est lointaine (Sylvia Plath) de Sylvie Doizelet (L’un et l’autre/Gallimard).
Par le métro Huit je vais à Ledru-Rollin et passe au marché d’Aligre où des vieux distribuent des tracts « pour l’augmentation des retraites ». Je les évite, et évite aussi d’acheter des livres bien que je sois tenté. Chez Emmaüs, je dépose mes invendus de Book-Off.
Pour déjeuner je choisis L’Entrecôte, rue de la Roquette, au carrefour avec la rue Keller qui est redevenue quelconque depuis que Manuel Valls n’est plus qu’un député lambda. Je prends place derrière la vitre avec vue sur une jolie fille qui boit un café à l’une des deux tables de la terrasse. Sur la peau de l’épaule dénudée qu’elle offre au soleil, ce tatouage : « ma petite marque de chagrin ».
Je commande l’avocat crevettes, le coucous au bœuf et un quart de cabernet sauvignon. Le tout est fort bon (pour vingt euros). Au comptoir discutent un cinéaste blanc à pantalon rouge et un saxophoniste noir à long manteau noir.
Le premier raconte qu’une femme l’a recontacté récemment en lui rappelant que du temps où il était punk, il l’avait emmenée en moto toute une nuit pour lui offrir un petit-déjeuner en Angleterre. « Je ne m’en souviens pas du tout », s’étonne-t-il.
Le second raconte qu’une fille à qui il a offert le restaurant lui a dit qu’elle était en manque de câlins et qu’elle aimerait qu’il l’accompagne avec son saxo lors de ses lectures de poésies érotiques mais il n’a pas voulu lui céder. « En Afrique, si tu sors avec une fille et que tu fais pas la gymnastique, elle peut te tuer », conclut-il.
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C'est pour pouvoir acheter l'entrecôte/ Qui nourrira les chères têtes blondes/ Qu'elle commit son initiale faute/ Qui la rabaisse au rang du demi-monde, je ne peux voir ou entendre le mot entrecôte sans avoir cette chanson dans la tête. Ma version préférée est celle de Raoul de Godewarsvelde.
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Je n’aime pas les vieux (ni les vieilles), comment se fait-il que j’en sois un.
14 mars 2018
-Je viens à Rouen en coup de vent, m’écrit Maria, veux-tu que l’on déjeune ensemble ?
J’accepte, d’autant que je lui dois un repas. Elle me fixe rendez-vous à douze heures quinze au Rêve de l’Escalier bien que la bouquinerie soit fermée le lundi. J’y suis trop tôt forcément et m’abrite comme je peux de la pluie et du vent jusqu’à ce qu’elle arrive en courant vers midi et demi. La faute à une imprimante défectueuse, s’excuse-t-elle.
Où déjeuner dans le coin alors que presque tous les restaurants sont fermés ? Nous entrons dans la brasserie la plus proche, Le Guillaume, rue du Conquérant, où ça ne va pas être terrible, lui dis-je.
Le restaurateur a tôt fait de l’énerver. Je le trouve un peu mielleux mais pas de quoi avoir envie d’aller ailleurs, comme elle serait presque prête à le faire. A peine commençons-nous à étudier la carte que son téléphone sonne. C’est mon deuxième patron, me dit-elle. Elle sort répondre sous l’auvent.
La formule du jour ne lui convient pas parce qu’il y a du veau et qu’elle en a mangé il y a deux jours. Néanmoins, elle choisit un autre plat avec du veau, pané. Est-ce que les frites sont maison ? s’enquiert-elle. Elles sont fraîches mais elles viennent d’ailleurs. Je commande un demi pichet de côtes-du-rhône dont elle ne pourra boire qu’un verre car à quatorze heures elle a rendez-vous à l’Hôtel de Région pour la conférence de presse des éditeurs normands présents à Livre Paris, ce qu’on appelait le Salon du Livre
Elle me parle de ses trois patrons, tous dans le domaine culturel, et ne mange pratiquement rien. Elle n’a pas faim, ayant pris une part de pizza à dix heures. De toute façon, ajoute-t-elle, je suis perturbée en ce moment. C’est la crise de la soixantaine, lui dis-je. Elle refuse mon diagnostic au prétexte qu’elle n’a pas encore cet âge.
Le restaurateur débarrasse son assiette au trois quarts pleine et la mienne vide. Quand il apporte le café, elle réclame du sucre de canne, que l’on n’a évidemment pas dans une maison de cette catégorie. Il va être l’heure que je traverse la Seine, me dit-elle. Je comprends qu’elle confond Hôtel de Région et Hôtel de la Métropole. Je la désabuse.
Après avoir cheminé sous la pluie, nous arrivons au bout de ma ruelle. Je lui indique le reste du chemin : tu prends l’église Saint Maclou par la gauche, ensuite tout droit jusqu’à la place Saint-Marc que tu traverseras en diagonale.
*
Un téléphone, un smartphone, je ne sais jamais comment appeler cette chose. Alain Damasio, écrivain de science-fiction, propose de la dénommer onoto, pour objet nomade totalitaire. Je ne pense pas que cela prenne.
*
Réouverture ce lundi, après travaux d’embellissement, de la boulangerie du Fournil du Carré d’Or. Patronne et employées portent désormais le panama, mais les baguettes tradition sont cramées. Elles ont pour nom Petite Marie. Aujourd’hui conviendrait mieux Petite Jeanne.
*
Quand je passe mardi matin rue du Pont à Dame Renaude, jolie voie pavée où l’on ne croise pas un touriste, dans le quartier de la Croix de Pierre, il y a embrouille entre les installateurs de la fibre et une dame du lieu :
-Il n’est pas question que vous installiez un câble sur ma façade, je n’ai rien signé, je suis propriétaire.
*
A l’ouvrage, rue de la Tour de Beurre, derrière la Cathédrale, ce mardi midi, elles avalent tout, les Suceuses de l’Ouest.
J’accepte, d’autant que je lui dois un repas. Elle me fixe rendez-vous à douze heures quinze au Rêve de l’Escalier bien que la bouquinerie soit fermée le lundi. J’y suis trop tôt forcément et m’abrite comme je peux de la pluie et du vent jusqu’à ce qu’elle arrive en courant vers midi et demi. La faute à une imprimante défectueuse, s’excuse-t-elle.
Où déjeuner dans le coin alors que presque tous les restaurants sont fermés ? Nous entrons dans la brasserie la plus proche, Le Guillaume, rue du Conquérant, où ça ne va pas être terrible, lui dis-je.
Le restaurateur a tôt fait de l’énerver. Je le trouve un peu mielleux mais pas de quoi avoir envie d’aller ailleurs, comme elle serait presque prête à le faire. A peine commençons-nous à étudier la carte que son téléphone sonne. C’est mon deuxième patron, me dit-elle. Elle sort répondre sous l’auvent.
La formule du jour ne lui convient pas parce qu’il y a du veau et qu’elle en a mangé il y a deux jours. Néanmoins, elle choisit un autre plat avec du veau, pané. Est-ce que les frites sont maison ? s’enquiert-elle. Elles sont fraîches mais elles viennent d’ailleurs. Je commande un demi pichet de côtes-du-rhône dont elle ne pourra boire qu’un verre car à quatorze heures elle a rendez-vous à l’Hôtel de Région pour la conférence de presse des éditeurs normands présents à Livre Paris, ce qu’on appelait le Salon du Livre
Elle me parle de ses trois patrons, tous dans le domaine culturel, et ne mange pratiquement rien. Elle n’a pas faim, ayant pris une part de pizza à dix heures. De toute façon, ajoute-t-elle, je suis perturbée en ce moment. C’est la crise de la soixantaine, lui dis-je. Elle refuse mon diagnostic au prétexte qu’elle n’a pas encore cet âge.
Le restaurateur débarrasse son assiette au trois quarts pleine et la mienne vide. Quand il apporte le café, elle réclame du sucre de canne, que l’on n’a évidemment pas dans une maison de cette catégorie. Il va être l’heure que je traverse la Seine, me dit-elle. Je comprends qu’elle confond Hôtel de Région et Hôtel de la Métropole. Je la désabuse.
Après avoir cheminé sous la pluie, nous arrivons au bout de ma ruelle. Je lui indique le reste du chemin : tu prends l’église Saint Maclou par la gauche, ensuite tout droit jusqu’à la place Saint-Marc que tu traverseras en diagonale.
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Un téléphone, un smartphone, je ne sais jamais comment appeler cette chose. Alain Damasio, écrivain de science-fiction, propose de la dénommer onoto, pour objet nomade totalitaire. Je ne pense pas que cela prenne.
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Réouverture ce lundi, après travaux d’embellissement, de la boulangerie du Fournil du Carré d’Or. Patronne et employées portent désormais le panama, mais les baguettes tradition sont cramées. Elles ont pour nom Petite Marie. Aujourd’hui conviendrait mieux Petite Jeanne.
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Quand je passe mardi matin rue du Pont à Dame Renaude, jolie voie pavée où l’on ne croise pas un touriste, dans le quartier de la Croix de Pierre, il y a embrouille entre les installateurs de la fibre et une dame du lieu :
-Il n’est pas question que vous installiez un câble sur ma façade, je n’ai rien signé, je suis propriétaire.
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A l’ouvrage, rue de la Tour de Beurre, derrière la Cathédrale, ce mardi midi, elles avalent tout, les Suceuses de l’Ouest.
13 mars 2018
Ce n’est que dans deux semaines qu’aura lieu le premier vide grenier traditionnel rouennais, celui du quartier Augustins Molière, mais je ne peux m’empêcher ce dimanche matin d’aller voir à quoi ressemble celui qui se vante d’être couvert, place des Emmurées, de l’autre côté de l’eau.
De l’eau, il en est tombé cette nuit. Le ciel est très gris lorsque je traverse la Seine par le pont Boieldieu après avoir parcouru les rues vides de la rive droite. Sous la verrière, on s’agite. Il faut caser les derniers exposants.
Je parcours deux fois l’ensemble des allées sans trouver livre qui me convienne, ni même un tire-bouchon pour remplacer celui dont j’ai cassé un bras.
*
L’après-midi, le soleil est là et le touriste nouveau dans la ruelle, le même que l’an dernier : « C’est sûr, c’est mignon, mais tu peux pas accéder avec la voiture. »
*
« Le punk, c’est fini. Même les punks à chien, ça n’existe plus. », disait Tewfik Hakem l’autre petit matin dans son Réveil culturel sur France Culture. A Paris, sûrement. A Rouen, il en est autrement : « Un p’tit brin de monnaie pour moi et mon toutou ? ».
*
La réussite du ouiquennede : le changement de nom du Front National devenu Rassemblement National, une appellation déjà utilisée par le pronazi Marcel Déat, par le maréchaliste Tixier-Vignancour et par le père Le Pen. Durant le congrès : les mots de Steve Bannon : « Laissez-vous appeler racistes, xénophobes, portez-le comme un badge d'honneur » et les actes de Davy Rodriguez, l’ancien mélenchoniste devenu assistant parlementaire de la fille Le Pen, s’en prenant au videur d’un bar de Lille : « Espèce de nègre de merde ».
De l’eau, il en est tombé cette nuit. Le ciel est très gris lorsque je traverse la Seine par le pont Boieldieu après avoir parcouru les rues vides de la rive droite. Sous la verrière, on s’agite. Il faut caser les derniers exposants.
Je parcours deux fois l’ensemble des allées sans trouver livre qui me convienne, ni même un tire-bouchon pour remplacer celui dont j’ai cassé un bras.
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L’après-midi, le soleil est là et le touriste nouveau dans la ruelle, le même que l’an dernier : « C’est sûr, c’est mignon, mais tu peux pas accéder avec la voiture. »
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« Le punk, c’est fini. Même les punks à chien, ça n’existe plus. », disait Tewfik Hakem l’autre petit matin dans son Réveil culturel sur France Culture. A Paris, sûrement. A Rouen, il en est autrement : « Un p’tit brin de monnaie pour moi et mon toutou ? ».
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La réussite du ouiquennede : le changement de nom du Front National devenu Rassemblement National, une appellation déjà utilisée par le pronazi Marcel Déat, par le maréchaliste Tixier-Vignancour et par le père Le Pen. Durant le congrès : les mots de Steve Bannon : « Laissez-vous appeler racistes, xénophobes, portez-le comme un badge d'honneur » et les actes de Davy Rodriguez, l’ancien mélenchoniste devenu assistant parlementaire de la fille Le Pen, s’en prenant au videur d’un bar de Lille : « Espèce de nègre de merde ».
12 mars 2018
Huit mars, Journée Internationale des Droits des Femmes, les années précédentes plus d’une fois j’ai signalé à certaines instances que ce n’était pas la Journée d’la Femme mais cette année avec tout ce qui se passe, comme on dit dans les cafés, il devrait en être autrement, me dis-je à l’aube. Pas vraiment, il en est encore pour évoquer la Journée d’la Femme. Et on trouve toujours des commerçants pour ce jour offrir le montage des pneus ou le lavage de la voiture à qui est du genre féminin.
Du côté de certaines féministes, ce n’est pas plus glorieux. Anne Guillard qui vient d’en faire les frais et qui en paie le prix fort en a tiré les conséquences dans une lettre ouverte publiée ce sept mars, illustrée d’un dessin de ses quatre héroïnes écrasées de manière sanglante par un BUZZ surmonté d’un étron :
« En tant qu’illustratrice du livre On a chopé la puberté, j’ai le regret d’annoncer qu’après les proportions sidérantes de la polémique, et suite à l’arrêt de commercialisation de l’ouvrage qui en a découlé, j’ai décidé de stopper intégralement l’univers des « Pipelettes », aussi bien les livres dérivés que la BD mensuelle dans le magazine ; et ce malgré l’insistance des éditions Milan pour continuer cette collection.
Il m’est impossible de continuer de dessiner les Pipelettes comme s’il ne s’était rien passé, ce qui reviendrait à accepter tacitement cette situation. Le résultat de cette polémique éclair sera donc la disparition de toute une collection créée, écrite, et éditée par des femmes, et publiée par un éditeur jeunesse qui s’est publiquement engagé pour l’égalité des sexes.
Les Pipelettes étaient à l’origine les héroïnes d’une petite BD d’humour publiée depuis 10 ans dans un magazine ; elles sont très populaires auprès des jeunes lectrices. Tellement que Milan a voulu en faire les mascottes d’une collection de livres thématiques dont le texte a été confié à deux journalistes habituées des publications pour pré-ados. Nous avions déjà commencé à travailler sur les thèmes des prochains livres : le collège, la confiance en soi… Il aura fallu à peine 48h pour ruiner publiquement cet univers.
Désolée pour les jeunes lectrices qui attendaient la suite. Merci aux messages individuels de soutien, qui hélas ne feront pas le poids face à la mobilisation et la pression qui pèse sur l’éditeur pour ne pas ré-imprimer l’ouvrage.
148.249 personnes mobilisées contre un livre écoulé à 5000 exemplaires : donc des gens qui n’ont pas lu ce livre avant de le critiquer accusent l’éditeur de ne pas avoir lu ce livre avant de le publier, et estiment devoir empêcher les autres de le lire.
Vous avez le droit de trouver que les auteures auraient pu donner des conseils plus judicieux, ou que les extraits que vous avez vus tourner ne sont pas adaptés ; vous avez le droit de trouver ce livre idiot, ringard ou inapproprié… Mais si vous réclamez qu’on fasse disparaître un ouvrage parce que vous n’en approuvez pas le contenu, alors c’est vous qui vivez au Moyen Âge.
J’ai même vu passer des accusations de racisme, pour avoir dessiné 4 héroïnes « toutes stéréotypées, blanches, pas assez racisées ! » Alors que j’avais seulement dessiné mes amies d’enfance, à qui ces BD autobiographiques ont été publiquement dédiées dès le début : elles nous représentent telles que nous étions à l’école, une bande de VRAIES filles avec leurs caractères propres, et non des concepts calibrés pour répondre à des exigences de diversité.
C’est bien d’avoir à cœur de préserver l’âme de nos petites filles contre les livres dangereux. Et comme vous êtes des adultes vigilants, vous n’oublierez pas non plus de les mettre en garde contre les dangers des réseaux sociaux et des lynchages collectifs. »
*
Parmi les censeuses d’On a chopé la puberté la dessinatrice Emma dont j’avais apprécié une bédé sur le clitoris. Qu’une artiste, qu’une créatrice, demande l’interdiction du livre d’une autre artiste, qui plus est de son domaine d’expression, ce doit être une première. Honte à elle. Par prudence, la Journée Internationale des Droits des Femmes devrait être précédée, le sept mars, d’une Journée Internationale de la Liberté d’Expression.
*
Il y aura d’autres livres sur le sujet, dans lesquels les auteures se seront autocensurées. Aucun n’aura un meilleur titre qu’On a chopé la puberté.
*
Le précédent livre pour la jeunesse ayant eu des ennuis, ce fut Tous à poil, notamment vilipendé par Jean-François Copé, politicien déjà presque oublié.
*
Le soir de ce huit mars, je regarde Envoyé Spécial, ce qui ne m’était pas arrivé depuis au moins deux décennies. S’y expriment, avant leur procès qui commencera mardi, Julien Coupat qui n’a plus la même coupe de cheveux que lorsque je l’avais côtoyé avec celle qui me tenait la main un soir de fête à Tarnac où il était particulièrement triste, et Mathieu Burnel, bien connu à Rouen. Étrange entretien enregistré rue Mouffetard au Verre à Pied où j’ai également de bons souvenirs. Deux chenapans qui ne veulent pas dire si oui ou non ils ont mis le doigt dans le pot de confiture.
Du côté de certaines féministes, ce n’est pas plus glorieux. Anne Guillard qui vient d’en faire les frais et qui en paie le prix fort en a tiré les conséquences dans une lettre ouverte publiée ce sept mars, illustrée d’un dessin de ses quatre héroïnes écrasées de manière sanglante par un BUZZ surmonté d’un étron :
« En tant qu’illustratrice du livre On a chopé la puberté, j’ai le regret d’annoncer qu’après les proportions sidérantes de la polémique, et suite à l’arrêt de commercialisation de l’ouvrage qui en a découlé, j’ai décidé de stopper intégralement l’univers des « Pipelettes », aussi bien les livres dérivés que la BD mensuelle dans le magazine ; et ce malgré l’insistance des éditions Milan pour continuer cette collection.
Il m’est impossible de continuer de dessiner les Pipelettes comme s’il ne s’était rien passé, ce qui reviendrait à accepter tacitement cette situation. Le résultat de cette polémique éclair sera donc la disparition de toute une collection créée, écrite, et éditée par des femmes, et publiée par un éditeur jeunesse qui s’est publiquement engagé pour l’égalité des sexes.
Les Pipelettes étaient à l’origine les héroïnes d’une petite BD d’humour publiée depuis 10 ans dans un magazine ; elles sont très populaires auprès des jeunes lectrices. Tellement que Milan a voulu en faire les mascottes d’une collection de livres thématiques dont le texte a été confié à deux journalistes habituées des publications pour pré-ados. Nous avions déjà commencé à travailler sur les thèmes des prochains livres : le collège, la confiance en soi… Il aura fallu à peine 48h pour ruiner publiquement cet univers.
Désolée pour les jeunes lectrices qui attendaient la suite. Merci aux messages individuels de soutien, qui hélas ne feront pas le poids face à la mobilisation et la pression qui pèse sur l’éditeur pour ne pas ré-imprimer l’ouvrage.
148.249 personnes mobilisées contre un livre écoulé à 5000 exemplaires : donc des gens qui n’ont pas lu ce livre avant de le critiquer accusent l’éditeur de ne pas avoir lu ce livre avant de le publier, et estiment devoir empêcher les autres de le lire.
Vous avez le droit de trouver que les auteures auraient pu donner des conseils plus judicieux, ou que les extraits que vous avez vus tourner ne sont pas adaptés ; vous avez le droit de trouver ce livre idiot, ringard ou inapproprié… Mais si vous réclamez qu’on fasse disparaître un ouvrage parce que vous n’en approuvez pas le contenu, alors c’est vous qui vivez au Moyen Âge.
J’ai même vu passer des accusations de racisme, pour avoir dessiné 4 héroïnes « toutes stéréotypées, blanches, pas assez racisées ! » Alors que j’avais seulement dessiné mes amies d’enfance, à qui ces BD autobiographiques ont été publiquement dédiées dès le début : elles nous représentent telles que nous étions à l’école, une bande de VRAIES filles avec leurs caractères propres, et non des concepts calibrés pour répondre à des exigences de diversité.
C’est bien d’avoir à cœur de préserver l’âme de nos petites filles contre les livres dangereux. Et comme vous êtes des adultes vigilants, vous n’oublierez pas non plus de les mettre en garde contre les dangers des réseaux sociaux et des lynchages collectifs. »
*
Parmi les censeuses d’On a chopé la puberté la dessinatrice Emma dont j’avais apprécié une bédé sur le clitoris. Qu’une artiste, qu’une créatrice, demande l’interdiction du livre d’une autre artiste, qui plus est de son domaine d’expression, ce doit être une première. Honte à elle. Par prudence, la Journée Internationale des Droits des Femmes devrait être précédée, le sept mars, d’une Journée Internationale de la Liberté d’Expression.
*
Il y aura d’autres livres sur le sujet, dans lesquels les auteures se seront autocensurées. Aucun n’aura un meilleur titre qu’On a chopé la puberté.
*
Le précédent livre pour la jeunesse ayant eu des ennuis, ce fut Tous à poil, notamment vilipendé par Jean-François Copé, politicien déjà presque oublié.
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Le soir de ce huit mars, je regarde Envoyé Spécial, ce qui ne m’était pas arrivé depuis au moins deux décennies. S’y expriment, avant leur procès qui commencera mardi, Julien Coupat qui n’a plus la même coupe de cheveux que lorsque je l’avais côtoyé avec celle qui me tenait la main un soir de fête à Tarnac où il était particulièrement triste, et Mathieu Burnel, bien connu à Rouen. Étrange entretien enregistré rue Mouffetard au Verre à Pied où j’ai également de bons souvenirs. Deux chenapans qui ne veulent pas dire si oui ou non ils ont mis le doigt dans le pot de confiture.
10 mars 2018
Il drache à fond quand je sors du Péhemmu chinois du faubourg Saint-Antoine. Je fonce sous terre. La ligne Huit m’emmène jusqu’à Opéra d’où je rejoins au plus vite la brasserie Les Ducs où l’on m’accepte pour un café bien que ce soit encore l’heure du service de restaurant. J’y suis en bonne compagnie avec Giacomo Leopardi dont je relis les extraits du Zibaldone réunis sous le titre Philosophie pratique. Cette noirceur m’est remède à la mélancolie.
Vers quinze heures, j’entre au second Book-Off où ce mercredi les employés sont tous mâles. Finis les moments de rigolade de quand les filles étaient majoritaires. On y a renouvelé les rayonnages pendant mon absence.
Au bout d’une heure et demie, j’ai dans mon panier onze livres à un euro qui m’intéressent à des degrés divers : A l’instant de Luc et Christian Boltanski chez Melville Léo Scheer, Bloody Mary de Jean-Pierre Bouyxou aux Ateliers de Tayrac, Les Violettes sont des fleurs du désir d’Ana Clavel chez Métailié (que j’ai déjà), Ma petite poésie ne connaît pas la crise de Jean-Pierre Verheggen chez Gallimard, Les autodafés nazis de Didier Chauvet chez L’Harmattan, De Tunis à Kairouan de Guy de Maupassant aux Editions Ibn Charaf (avec des illustrations de Moncef Charfeddine), La Doulou d’Alphonse Daudet dans la jolie édition de Michel de Maule, L’art et l’artisanat de William Morris chez Rivages poche, Petit catéchisme à l’usage de la classe inférieure d’August Strindberg chez Babel/Actes Sud, Printemps français suivi de poèmes satiriques de Stig Dagerman chez Ludd et l’utile et récent Almanach des crimes et des catastrophes de Raymond Clément aux Editions du Panthéon (c'est-à-dire à compte d’auteur).
Je prends un dernier café A la Ville d’Argentan pas loin d’une quinquagénaire occupée à remplir la semaine de son agenda à l’aide de L'Officiel des spectacles dont elle tourne les pages en mouillant son doigt. Rien n’est moins érotique.
Quand il s’agit de revenir à Rouen avec le dix-sept heures quarante-huit, il n’est point là. Quinze minutes de retard sont annoncées, puis trente, puis on ne sait pas. Lorsque l’omnibus de dix-huit heures trente est affiché, la foule s’y précipite, parmi laquelle not’ bon Maire, Yvon Robert, ballotté comme bouchon. Ce train à deux étages est bientôt blindé. La bétaillère attendue se pointe enfin. J’y trouve une place assise. « Vous êtes bien dans le train pour Le Havre qui est enfin arrivé en gare de Paris Saint-Lazare », nous annonce ironiquement le chef de bord. Il n’y a pas que les usagers qui n’en peuvent plus. Une partie du trop-plein du dix-huit heures trente vient se déverser dans le nôtre à l’invitation de son chef de bord. Une femme s’inquiète de ne pas avoir vue sur sa valise. Elle croit que l’on voyage encore comme dans l’ancien monde. Nous partons avec quarante-huit minutes de retard. Tout va bien jusqu’à un arrêt inopiné. « Je vais essayer de savoir ce qui se passe car actuellement je n’en ai pas la moindre idée », annonce le chef de bord. Le train repart, on n’en saura pas plus. A l’arrivée à Rouen, cela fait cinquante-trois minutes de retard. Ceux qui avaient une correspondance pour Serqueux termineront leur voyage à l’aide de taxis payés par la Senecefe.
*
La vie des autres : sa fille s’est démis le pied en séparant les deux chiens qui se battaient dans la cour, elle est enceinte de quatre mois, son fils joue aux jeux vidéo toute la nuit, il empêche tout le monde de dormir, son mari vient de mourir. « Depuis le drame », dit-elle quand elle en parle. Ce qu’elle ne comprend pas : qu’un collègue de travail qui ne lui dit jamais bonjour soit venu à l’enterrement.
*
Au sept mars dans l’Almanach des crimes et des catastrophes, celui de mil huit cent quatre-vingt-six :
Arthur Belon, âgé de dix ans, y est jugé par la Cour d’Assises de la Martinique pour avoir passé une ficelle autour du cou de la petite Thérèse Famy, âgée de cinq ans, avant de la frapper mortellement à la tête avec une pierre. Son âge lui est circonstance atténuante, il est condamné à sept ans d’emprisonnement dans une maison de correction.
Vers quinze heures, j’entre au second Book-Off où ce mercredi les employés sont tous mâles. Finis les moments de rigolade de quand les filles étaient majoritaires. On y a renouvelé les rayonnages pendant mon absence.
Au bout d’une heure et demie, j’ai dans mon panier onze livres à un euro qui m’intéressent à des degrés divers : A l’instant de Luc et Christian Boltanski chez Melville Léo Scheer, Bloody Mary de Jean-Pierre Bouyxou aux Ateliers de Tayrac, Les Violettes sont des fleurs du désir d’Ana Clavel chez Métailié (que j’ai déjà), Ma petite poésie ne connaît pas la crise de Jean-Pierre Verheggen chez Gallimard, Les autodafés nazis de Didier Chauvet chez L’Harmattan, De Tunis à Kairouan de Guy de Maupassant aux Editions Ibn Charaf (avec des illustrations de Moncef Charfeddine), La Doulou d’Alphonse Daudet dans la jolie édition de Michel de Maule, L’art et l’artisanat de William Morris chez Rivages poche, Petit catéchisme à l’usage de la classe inférieure d’August Strindberg chez Babel/Actes Sud, Printemps français suivi de poèmes satiriques de Stig Dagerman chez Ludd et l’utile et récent Almanach des crimes et des catastrophes de Raymond Clément aux Editions du Panthéon (c'est-à-dire à compte d’auteur).
Je prends un dernier café A la Ville d’Argentan pas loin d’une quinquagénaire occupée à remplir la semaine de son agenda à l’aide de L'Officiel des spectacles dont elle tourne les pages en mouillant son doigt. Rien n’est moins érotique.
Quand il s’agit de revenir à Rouen avec le dix-sept heures quarante-huit, il n’est point là. Quinze minutes de retard sont annoncées, puis trente, puis on ne sait pas. Lorsque l’omnibus de dix-huit heures trente est affiché, la foule s’y précipite, parmi laquelle not’ bon Maire, Yvon Robert, ballotté comme bouchon. Ce train à deux étages est bientôt blindé. La bétaillère attendue se pointe enfin. J’y trouve une place assise. « Vous êtes bien dans le train pour Le Havre qui est enfin arrivé en gare de Paris Saint-Lazare », nous annonce ironiquement le chef de bord. Il n’y a pas que les usagers qui n’en peuvent plus. Une partie du trop-plein du dix-huit heures trente vient se déverser dans le nôtre à l’invitation de son chef de bord. Une femme s’inquiète de ne pas avoir vue sur sa valise. Elle croit que l’on voyage encore comme dans l’ancien monde. Nous partons avec quarante-huit minutes de retard. Tout va bien jusqu’à un arrêt inopiné. « Je vais essayer de savoir ce qui se passe car actuellement je n’en ai pas la moindre idée », annonce le chef de bord. Le train repart, on n’en saura pas plus. A l’arrivée à Rouen, cela fait cinquante-trois minutes de retard. Ceux qui avaient une correspondance pour Serqueux termineront leur voyage à l’aide de taxis payés par la Senecefe.
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La vie des autres : sa fille s’est démis le pied en séparant les deux chiens qui se battaient dans la cour, elle est enceinte de quatre mois, son fils joue aux jeux vidéo toute la nuit, il empêche tout le monde de dormir, son mari vient de mourir. « Depuis le drame », dit-elle quand elle en parle. Ce qu’elle ne comprend pas : qu’un collègue de travail qui ne lui dit jamais bonjour soit venu à l’enterrement.
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Au sept mars dans l’Almanach des crimes et des catastrophes, celui de mil huit cent quatre-vingt-six :
Arthur Belon, âgé de dix ans, y est jugé par la Cour d’Assises de la Martinique pour avoir passé une ficelle autour du cou de la petite Thérèse Famy, âgée de cinq ans, avant de la frapper mortellement à la tête avec une pierre. Son âge lui est circonstance atténuante, il est condamné à sept ans d’emprisonnement dans une maison de correction.
9 mars 2018
Après avoir déclaré forfait la semaine dernière pour cause de froidure sibérienne, je suis à la gare de Rouen ce mercredi matin où le train pour Paris de sept heures cinquante-neuf est désormais le train de sept heures cinquante-six afin de lui donner plus de chance d’arriver à la même heure qu’avant. Certes, quand il se présente ce n’est pas le modèle pour lequel j’avais une place réservée, certes il est aussi plus court, mais au moins y ai-je une place assise.
A son premier passage, j’arrête le contrôleur. J’ai composté par distraction mon billet de retour. Il s’ensuit de nombreuses écritures sur les deux billets et un cachet officiel. Cela pour rien, aucun contrôle n’a lieu et j’arrive à l’heure dans la capitale où le temps est à la pluie.
Plus de serveuse exubérante au Café du Faubourg, je ne peux demander à son collègue ce qu’elle est devenue car il raconte à un habitué ses vacances en Dordogne où l’on se croirait encore dans le temps. Mon café bu, j’explore le Book-Off d’à côté. On y a renouvelé les rayonnages pendant mon absence.
Au bout d’une heure et demie, j’ai dans mon panier dix livres à un euro qui m’intéressent à des degrés divers : Sur l’épaule d’un ange d’Alexandre Romanès chez Gallimard, le numéro dix du Préau des collines consacré à L’atelier de Jean-Paul Michel (poète que je ne connais pas), Sous les feuilles de Christian Degoutte (poète que je connais sans connaître) publié chez p.i.sage intérieur, Willy Colette et moi de Sylvain Bonmariage dans sa réédition d’Anagramme Editions, Pensées éparses d’un rabat-joie d’Abel Castel chez Max Milo, La Reine Berthe de Charles-Albert Cingria chez l’Age d’Homme, Rouge Soutine d’Olivier Renault dans la collection de poche La Petite Vermillon, Mémoires d’Hortense et de Marie Mancini au Temps Retrouvé du Mercure de France, Ecrits d’un tueur de bergers de Joseph Vacher chez A Rebours (inquiétant petit livre noir) et 5 bis d’Aude Turpault chez Florent Massot (ce cinq bis est celui de la rue de Verneuil où quand elle avait treize ans elle alla sonner avec une copine, cinq ans avant la mort de son illustre habitant).
Inutile avec ce qui tombe d’aller au marché d’Aligre, je passe néanmoins chez Emmaüs pour pas grand-chose puis me réfugie dès midi moins le quart au Péhemmu chinois Le Rallye où je m’offre un hareng pommes à l’huile avant le coutumier confit de canard pommes sautées salade, une formule à dix-huit euros cinquante, vin et café inclus.
A ma gauche déjeunent quatre femmes, des collègues qui débinent leur supérieure. « L’autre jour j’étais à la ponceuse, elle vient me déranger pour les tickets restaurant », dit l’une. « T’en as une belle veste », lui dit une autre. « Deux cents euros ». « Ça se fait plaisir », commente une troisième. Je préfère quand même ça à quatre hommes qui auraient parlé du match de foute perdu hier soir contre Madrid. Elles commandent des salades pour la ligne mais mangent toute la bannette de pain avec qu’elles arrivent.
*
Ligne Huit du métro, une femme avec un chien en laisse.
-Je croyais que c’était interdit, lui dis-je
-Heureusement que non, me répond-elle, comment je ferais sinon.
C’est autorisé depuis un an. Les plus gros doivent payer. Bizarre qu’on n’en voie pas davantage. Le précédent, c’était il y a plus d’un mois. Très chic, entre deux garçons qui se sont embrassés sur la bouche en se séparant à République. Ça aussi, c’est rare.
*
« Vous me suivez mesdames, vous me suivez. » Quel est donc cet homme qui parle ainsi dans l’allée voisine chez Book-Off. Je glisse une tête et comprends. C’est l’encadrant d’un groupe de femmes qu’on nommait mongoliennes. On doit dire autrement dans le langage normalisé. J’ignore quoi et ne veux pas le savoir. Elles le suivent dans la librairie, la faute à la pluie.
A son premier passage, j’arrête le contrôleur. J’ai composté par distraction mon billet de retour. Il s’ensuit de nombreuses écritures sur les deux billets et un cachet officiel. Cela pour rien, aucun contrôle n’a lieu et j’arrive à l’heure dans la capitale où le temps est à la pluie.
Plus de serveuse exubérante au Café du Faubourg, je ne peux demander à son collègue ce qu’elle est devenue car il raconte à un habitué ses vacances en Dordogne où l’on se croirait encore dans le temps. Mon café bu, j’explore le Book-Off d’à côté. On y a renouvelé les rayonnages pendant mon absence.
Au bout d’une heure et demie, j’ai dans mon panier dix livres à un euro qui m’intéressent à des degrés divers : Sur l’épaule d’un ange d’Alexandre Romanès chez Gallimard, le numéro dix du Préau des collines consacré à L’atelier de Jean-Paul Michel (poète que je ne connais pas), Sous les feuilles de Christian Degoutte (poète que je connais sans connaître) publié chez p.i.sage intérieur, Willy Colette et moi de Sylvain Bonmariage dans sa réédition d’Anagramme Editions, Pensées éparses d’un rabat-joie d’Abel Castel chez Max Milo, La Reine Berthe de Charles-Albert Cingria chez l’Age d’Homme, Rouge Soutine d’Olivier Renault dans la collection de poche La Petite Vermillon, Mémoires d’Hortense et de Marie Mancini au Temps Retrouvé du Mercure de France, Ecrits d’un tueur de bergers de Joseph Vacher chez A Rebours (inquiétant petit livre noir) et 5 bis d’Aude Turpault chez Florent Massot (ce cinq bis est celui de la rue de Verneuil où quand elle avait treize ans elle alla sonner avec une copine, cinq ans avant la mort de son illustre habitant).
Inutile avec ce qui tombe d’aller au marché d’Aligre, je passe néanmoins chez Emmaüs pour pas grand-chose puis me réfugie dès midi moins le quart au Péhemmu chinois Le Rallye où je m’offre un hareng pommes à l’huile avant le coutumier confit de canard pommes sautées salade, une formule à dix-huit euros cinquante, vin et café inclus.
A ma gauche déjeunent quatre femmes, des collègues qui débinent leur supérieure. « L’autre jour j’étais à la ponceuse, elle vient me déranger pour les tickets restaurant », dit l’une. « T’en as une belle veste », lui dit une autre. « Deux cents euros ». « Ça se fait plaisir », commente une troisième. Je préfère quand même ça à quatre hommes qui auraient parlé du match de foute perdu hier soir contre Madrid. Elles commandent des salades pour la ligne mais mangent toute la bannette de pain avec qu’elles arrivent.
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Ligne Huit du métro, une femme avec un chien en laisse.
-Je croyais que c’était interdit, lui dis-je
-Heureusement que non, me répond-elle, comment je ferais sinon.
C’est autorisé depuis un an. Les plus gros doivent payer. Bizarre qu’on n’en voie pas davantage. Le précédent, c’était il y a plus d’un mois. Très chic, entre deux garçons qui se sont embrassés sur la bouche en se séparant à République. Ça aussi, c’est rare.
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« Vous me suivez mesdames, vous me suivez. » Quel est donc cet homme qui parle ainsi dans l’allée voisine chez Book-Off. Je glisse une tête et comprends. C’est l’encadrant d’un groupe de femmes qu’on nommait mongoliennes. On doit dire autrement dans le langage normalisé. J’ignore quoi et ne veux pas le savoir. Elles le suivent dans la librairie, la faute à la pluie.
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