Dernières notes
Loïc Boyer
Je suis l’auteur de textes courts qui furent publiés depuis mil neuf cent quatre-vingt-quinze dans des revues littéraires en France (Supérieur Inconnu, Supplément d’Ame, Nouvelle Donne, Le Bord de l’Eau, Pris de Peur, l’Art du Bref, Sol’Air, Gros Textes, Salmigondis, Verso, Décharge, Bulle, Filigranes, Diérèse, Martobre, Comme ça et Autrement, (Cahier d’) Ecritures, La Nef des Fous), en Belgique (Traversées, Ecrits Vains, L’Arbre à Plumes, Inédit Nouveau, Bleu d’Encre), au Canada (Les Saisons Littéraires) et en Italie (Les Cahiers du Ru).
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.
26 décembre 2019
Fuir Rouen le jour du paroxysme de la fièvre acheteuse, tel est mon projet. Je peux le mettre en œuvre grâce aux trains qui circulent malgré la grève entre Rouen et Dieppe ce vingt-quatre décembre. Nous sommes fort peu dans le neuf heures quinze qui mène à la mer. La campagne a un air désolé, arbres nus et champs gorgés d’eau, mais les nuages laissent voir du bleu.
A l’arrivée, je rejoins le quartier du Pollet où j’ai repéré un restaurant nommé La Cale. Je le trouve fermé et m’apprête à rejoindre le Tout Va Bien quand devant la Poste je croise Bernard Clarisse et sa compagne. Cela fait longtemps que je n’ai vu cet artiste plasticien dont je fus le stagiaire à l’Institut Universitaire de Formation des Maîtres. Nous devisons un bon moment de nos activités respectives. Incidemment, il me fait une description peu flatteuse d’un autre de ses stagiaires, tête de liste aux prochaines municipales rouennaises. Quand nous nous séparons, je passe à la boîte à livres. Un vandale en a arraché les portes. Les quelques ouvrages présents sont trempés.
Trop tard pour le Tout Va Bien où les tables sont dressées dès onze heures pour le déjeuner, je me rabats sur L’Escale où j entreprends la lecture du Journal Particulier (1936) de Paul Léautaud. D’autres lisent la presse locale qui s’intéresse à Henri, quatre-vingt-six ans, Père Noël depuis trente ans.
Beaucoup des restaurants des quais sont fermés. Je trouve place au Sully, une table avec vue sur le port ensoleillé à ma gauche et sur une décoration de Noël surchargée à ma droite, choisissant le menu à dix-neuf euros quatre-vingt-dix : six huîtres numéro trois, haddock sur lit de chou, camembert frit, crème brûlée, avec un demi de vin blanc à douze euros et du mauvais pain sorti d’un congélateur. La table voisine est occupée par un duo de Parisiennes dont l’une d’origine allemande qui s’efforce de garder à sa vie une part de naïveté, comme Romain Gary. Elles parlent d’une femme qui a acheté une maison « Lui il n’a rien. Il a juste le droit de faire les travaux. »
Le service est à l’ancienne, très Ecole Hôtelière, comme les tenues. Le changement de couverts s’effectue à l’aide d’une assiette couverte d’un carré de tissu marron sur lequel ils reposent.
-Vous êtes écrivain ? me demande la serveuse me voyant écrire sur mon carnet Muji.
-Je publie des choses sur Internet, lui réponds-je
Elle n’en demande pas plus, m’apporte mon dessert. Cette crème brûlée est plus grande que la moyenne, et moins bonne que la moyenne.
A la sortie, je longe la mer sur une promenade presque déserte puis trouve refuge au Brazza. Le couple de tenanciers y passe le relais à un père et sa fille qui ont repris l’affaire. La clientèle regrette le départ des uns et considère les autres de façon expectative. « C’est une page qui se tourne ». On parle de Noël, comment on va le fêter : « Faut essayer de rester un peu traditionnel. »
Vers quinze heures, je vais boire un autre café au Café des Tribunaux, le seul endroit de la ville où il y a foule, un mélange de bourgeoisie locale et de pré-fêtards venus d’ailleurs. « C’est joli ici, on dirait l’Alsace », commente l’un de ces derniers en entrant dans la taverne. « Oui, c’est dommage qu’on y trouve tant d’abrutis », ai-je envie de lui répondre.
Le train omnibus de dix-sept heures dix-sept, quasi vide, me ramène dans une ville de Rouen débarrassée des porteuses et porteurs de sacs de boutiques.
*
Désormais plus de période bleue plus de période blanche, tous les trains Dieppe Rouen sont au même prix pour les détenteurs de la Carte Avantage Senior, soit huit euros quarante. En période bleue, c’était six euros. Cela correspond donc à une augmentation de quarante pour cent du prix du billet. Et celui-ci n’est maintenant valable que pour un train précis, plus question de prendre le précédent ou le suivant.
A qui faut-il dire merci ?
A Hervé Morin, Duc de Normandie, Centriste de Droite, qui a pris le contrôle de la ligne.
*
Maudite soit la décentralisation. Jacobin, je suis, l’ai toujours été, me réjouissant dans ma vie professionnelle de dépendre d’un lointain Ministre de l’Education Nationale et non pas d’un chefaillon régional, ou pire, municipal.
A l’arrivée, je rejoins le quartier du Pollet où j’ai repéré un restaurant nommé La Cale. Je le trouve fermé et m’apprête à rejoindre le Tout Va Bien quand devant la Poste je croise Bernard Clarisse et sa compagne. Cela fait longtemps que je n’ai vu cet artiste plasticien dont je fus le stagiaire à l’Institut Universitaire de Formation des Maîtres. Nous devisons un bon moment de nos activités respectives. Incidemment, il me fait une description peu flatteuse d’un autre de ses stagiaires, tête de liste aux prochaines municipales rouennaises. Quand nous nous séparons, je passe à la boîte à livres. Un vandale en a arraché les portes. Les quelques ouvrages présents sont trempés.
Trop tard pour le Tout Va Bien où les tables sont dressées dès onze heures pour le déjeuner, je me rabats sur L’Escale où j entreprends la lecture du Journal Particulier (1936) de Paul Léautaud. D’autres lisent la presse locale qui s’intéresse à Henri, quatre-vingt-six ans, Père Noël depuis trente ans.
Beaucoup des restaurants des quais sont fermés. Je trouve place au Sully, une table avec vue sur le port ensoleillé à ma gauche et sur une décoration de Noël surchargée à ma droite, choisissant le menu à dix-neuf euros quatre-vingt-dix : six huîtres numéro trois, haddock sur lit de chou, camembert frit, crème brûlée, avec un demi de vin blanc à douze euros et du mauvais pain sorti d’un congélateur. La table voisine est occupée par un duo de Parisiennes dont l’une d’origine allemande qui s’efforce de garder à sa vie une part de naïveté, comme Romain Gary. Elles parlent d’une femme qui a acheté une maison « Lui il n’a rien. Il a juste le droit de faire les travaux. »
Le service est à l’ancienne, très Ecole Hôtelière, comme les tenues. Le changement de couverts s’effectue à l’aide d’une assiette couverte d’un carré de tissu marron sur lequel ils reposent.
-Vous êtes écrivain ? me demande la serveuse me voyant écrire sur mon carnet Muji.
-Je publie des choses sur Internet, lui réponds-je
Elle n’en demande pas plus, m’apporte mon dessert. Cette crème brûlée est plus grande que la moyenne, et moins bonne que la moyenne.
A la sortie, je longe la mer sur une promenade presque déserte puis trouve refuge au Brazza. Le couple de tenanciers y passe le relais à un père et sa fille qui ont repris l’affaire. La clientèle regrette le départ des uns et considère les autres de façon expectative. « C’est une page qui se tourne ». On parle de Noël, comment on va le fêter : « Faut essayer de rester un peu traditionnel. »
Vers quinze heures, je vais boire un autre café au Café des Tribunaux, le seul endroit de la ville où il y a foule, un mélange de bourgeoisie locale et de pré-fêtards venus d’ailleurs. « C’est joli ici, on dirait l’Alsace », commente l’un de ces derniers en entrant dans la taverne. « Oui, c’est dommage qu’on y trouve tant d’abrutis », ai-je envie de lui répondre.
Le train omnibus de dix-sept heures dix-sept, quasi vide, me ramène dans une ville de Rouen débarrassée des porteuses et porteurs de sacs de boutiques.
*
Désormais plus de période bleue plus de période blanche, tous les trains Dieppe Rouen sont au même prix pour les détenteurs de la Carte Avantage Senior, soit huit euros quarante. En période bleue, c’était six euros. Cela correspond donc à une augmentation de quarante pour cent du prix du billet. Et celui-ci n’est maintenant valable que pour un train précis, plus question de prendre le précédent ou le suivant.
A qui faut-il dire merci ?
A Hervé Morin, Duc de Normandie, Centriste de Droite, qui a pris le contrôle de la ligne.
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Maudite soit la décentralisation. Jacobin, je suis, l’ai toujours été, me réjouissant dans ma vie professionnelle de dépendre d’un lointain Ministre de l’Education Nationale et non pas d’un chefaillon régional, ou pire, municipal.
24 décembre 2019
Pire qu’un habituel dimanche désert, le dernier dimanche d’avant Noël est une épreuve que je traverse du mieux que je peux pour aller m’installer avec mon ordinateur au Café de la Ville. J’y transcris les passages relevés lors de ma lecture du Journal de guerre de Valentin Feldman. De temps en temps entrent des familles venues dans le plus grand centre commerçant de Normandie pour acheter les cadeaux, une corvée à laquelle peu échappent. Ce sont toujours des couples avec deux enfants, accompagnés soit d’un beau-frère soit d’une belle-mère. L’ambiance est tendue. D’abord la marmaille se fait remonter les bretelles par la mère puis l’irritation monte entre les deux beaux-frères ou entre la belle-mère et la fille, un passage aux toilettes et les voici partis.
Quand j’en suis à taper le passage où Valentin Feldman, professeur agrégé nommé à Dieppe, raconte l’énervement que lui cause la serveuse blonde du Tout Va Bien qui sourit aux soldats nazis pendant qu’il y lit le Journal d’Eugène Dabit, une drache s’abat sur le Vieux Marché. Elle m’autorise à rester plus longtemps. Quand cela se calme un peu, je me lance à l’extérieur. Las, l’averse reprend de plus belle. Malgré le parapluie, j’arrive à la maison rincé. Le livre et l’ordinateur sont saufs.
Monté à l’étage, un bruit me fait sursauter. C’est mon livre en forme de cercueil qui vient de choir, en quoi je m’efforce de ne pas voir un signe. Ce serait bête de ne pas atteindre deux mille vingt, alors qu’on en est si près.
*
A cette période, Rouen est une ville fréquentée avant tout par des beaufs. Même les Parisiens venus ici en sont.
*
Croisé ce lundi midi, rue du Canuet, une manifestation des plus rigolotes. Des cheminots de Sud au volant d’un petit train blanc surmonté de tous leurs drapeaux colorés et dont la sirène mugit aussi fort que celle d’une locomotive de la Senecefe. Ils crient « Bon Noël » et « Vive la grève ». Devant eux, une voiture de la Police Nationale. Derrière eux, une voiture de la Police Nationale.
Quand j’en suis à taper le passage où Valentin Feldman, professeur agrégé nommé à Dieppe, raconte l’énervement que lui cause la serveuse blonde du Tout Va Bien qui sourit aux soldats nazis pendant qu’il y lit le Journal d’Eugène Dabit, une drache s’abat sur le Vieux Marché. Elle m’autorise à rester plus longtemps. Quand cela se calme un peu, je me lance à l’extérieur. Las, l’averse reprend de plus belle. Malgré le parapluie, j’arrive à la maison rincé. Le livre et l’ordinateur sont saufs.
Monté à l’étage, un bruit me fait sursauter. C’est mon livre en forme de cercueil qui vient de choir, en quoi je m’efforce de ne pas voir un signe. Ce serait bête de ne pas atteindre deux mille vingt, alors qu’on en est si près.
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A cette période, Rouen est une ville fréquentée avant tout par des beaufs. Même les Parisiens venus ici en sont.
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Croisé ce lundi midi, rue du Canuet, une manifestation des plus rigolotes. Des cheminots de Sud au volant d’un petit train blanc surmonté de tous leurs drapeaux colorés et dont la sirène mugit aussi fort que celle d’une locomotive de la Senecefe. Ils crient « Bon Noël » et « Vive la grève ». Devant eux, une voiture de la Police Nationale. Derrière eux, une voiture de la Police Nationale.
23 décembre 2019
A droite, Hervé Morin, Duc de Normandie, et à ce titre faiseur de Maire à Rouen, ou se rêvant tel, impose dans un premier temps un sondage de notoriété aux Droitistes et Centristes de Droite qui pensent être nés pour diriger la ville. En sort vainqueur, c’est lui que le dit, Jean-François Bures, Droitiste de chez Les Républicains. Sans plus attendre, il annonce sa candidature.
L’avait précédé, pas concerné par le sondage, Jean-Louis Louvel, le roi de la palette, avec l’onction des macronistes MoDem et Agir. Celui-ci est ensuite adoubé par LaRem. Que fait Hervé Morin ? Il vole au secours de ce possible vainqueur, suivi par des membres de Les Républicains de la ville.
Jean-François Bures, écœuré, maintient sa candidature et Marine Caron, une Centriste de Droite qui s’espérerait choisie par la Macronie, fait de même.
On a connu Morin bras droit de Bayrou, puis le trahissant entre les deux tours de la Présidentielle pour se prosterner devant Sarkozy dont il devint Ministre, plus tard Gilet Jaune de la première heure (celle des Poujadistes) puis derrière Wauquiez et son candidat ultra catholique aux Européennes, le voici Macroniste. Son soutien à Louvel me sera une motivation supplémentaire pour voter contre au second tour.
A gauche, les Ecologistes ont été rejoints par les Communistes, le mariage de la carpe et du lapin, l’alliance contre-nature des pronucléaires avec les antinucléaires. Ces productivistes seraient donc devenus écolos ? Je pense plutôt qu’ils ne pouvaient faire autrement. Trop faibles qu’ils sont pour se présenter seuls (le Parti Communiste a fait moins de voix que le Parti Animaliste aux Européennes), ils auraient eu trop honte de se présenter au premier tour avec les Socialistes Fiers de Rouen conduits par Nicolas Mayer-Rossignol. Ils font donc les coucous chez Jean-Michel Bérégovoy afin de pouvoir rejoindre les Socialistes au second tour.
Je n’étais pas sûr d’aller voter au premier tour pour cet Ecolo qui se croit lui aussi né pour être Maire de Rouen, cette association fera de moi un abstentionniste.
*
Le nom de la liste écolo-communiste : « Réenchantons Rouen ». Pour être réenchanté, il faut d’abord avoir été enchanté. Je me demande quand Rouen l’a été. De son côté, Nicolas Mayer-Rossignol, Socialiste, veut faire de Rouen « la ville la plus agréable à vivre de France ». On a hâte. Quant à son désir d’embrigader Flaubert dans l’opération « Rouen Capitale Européenne de la Littérature », celui-ci lui avait répondu par avance dans une lettre à Louise Colet : Je ne suis pas plus moderne qu’ancien, pas plus Français que Chinois, et l’idée de patrie, c’est-à-dire l’obligation où l’on est de vivre sur un coin de terre marqué en rouge ou en bleu et de détester les autres coins en vert ou en noir m’a paru toujours étroite, bornée et d’une stupidité féroce.
L’avait précédé, pas concerné par le sondage, Jean-Louis Louvel, le roi de la palette, avec l’onction des macronistes MoDem et Agir. Celui-ci est ensuite adoubé par LaRem. Que fait Hervé Morin ? Il vole au secours de ce possible vainqueur, suivi par des membres de Les Républicains de la ville.
Jean-François Bures, écœuré, maintient sa candidature et Marine Caron, une Centriste de Droite qui s’espérerait choisie par la Macronie, fait de même.
On a connu Morin bras droit de Bayrou, puis le trahissant entre les deux tours de la Présidentielle pour se prosterner devant Sarkozy dont il devint Ministre, plus tard Gilet Jaune de la première heure (celle des Poujadistes) puis derrière Wauquiez et son candidat ultra catholique aux Européennes, le voici Macroniste. Son soutien à Louvel me sera une motivation supplémentaire pour voter contre au second tour.
A gauche, les Ecologistes ont été rejoints par les Communistes, le mariage de la carpe et du lapin, l’alliance contre-nature des pronucléaires avec les antinucléaires. Ces productivistes seraient donc devenus écolos ? Je pense plutôt qu’ils ne pouvaient faire autrement. Trop faibles qu’ils sont pour se présenter seuls (le Parti Communiste a fait moins de voix que le Parti Animaliste aux Européennes), ils auraient eu trop honte de se présenter au premier tour avec les Socialistes Fiers de Rouen conduits par Nicolas Mayer-Rossignol. Ils font donc les coucous chez Jean-Michel Bérégovoy afin de pouvoir rejoindre les Socialistes au second tour.
Je n’étais pas sûr d’aller voter au premier tour pour cet Ecolo qui se croit lui aussi né pour être Maire de Rouen, cette association fera de moi un abstentionniste.
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Le nom de la liste écolo-communiste : « Réenchantons Rouen ». Pour être réenchanté, il faut d’abord avoir été enchanté. Je me demande quand Rouen l’a été. De son côté, Nicolas Mayer-Rossignol, Socialiste, veut faire de Rouen « la ville la plus agréable à vivre de France ». On a hâte. Quant à son désir d’embrigader Flaubert dans l’opération « Rouen Capitale Européenne de la Littérature », celui-ci lui avait répondu par avance dans une lettre à Louise Colet : Je ne suis pas plus moderne qu’ancien, pas plus Français que Chinois, et l’idée de patrie, c’est-à-dire l’obligation où l’on est de vivre sur un coin de terre marqué en rouge ou en bleu et de détester les autres coins en vert ou en noir m’a paru toujours étroite, bornée et d’une stupidité féroce.
21 décembre 2019
Lire le Journal (1939-1945) de Maurice Garçon, paru aux éditions Les Belles Lettres et Fayard, c’est avoir le plaisir de croiser à plusieurs reprises Paul Léautaud, toujours à la hauteur de sa réputation :
Vingt-neuf avril mil neuf cent trente-neuf : Je suis allé, pendant que tout le monde discutait un peu vainement des destinées de l’Europe, au Mercure de France où tout ce qui n’est pas « Lettres » ne pénètre pas. Chère vieille maison de la rue de Condé où, sauf qu’on a mis le téléphone, rien n’est changé depuis trente ans.
Je voulais voir le vieux Léautaud qui, depuis quelques jours, est dans tous ses états.
Charles-Henry Hirsch a écrit dans Le Matin un conte, d’ailleurs très amusant, mais qui est d’une méchanceté rare. Léautaud y est représenté au naturel, vivant parmi ses bêtes, chiens et chats. Il meurt et ses animaux rongent ses vieux os.
Vingt mai mil neuf cent quarante : Je rencontre Léautaud. Il est furieux qu’on ait hier fait une cérémonie à Notre-Dame.
-Et tous les francs-maçons y étaient… Et Daladier… Et Paul Reynaud… Des pitres. Jamais on n’avait vu une telle mise en scène. On se serait cru à l’opéra, il ne manquait que des ballerines.
Je ne le croyais pas si anticlérical. Je voulus connaître la vraie raison de sa fureur, car il est toujours en fureur lorsqu’il émet une opinion. Il s’est vite expliqué :
-Se mettre à genoux, c’est faire un acte d’humilité… C’est faire acte de faiblesse… Devant le danger, je réagis… Je ne me mets pas à genoux… (…)
Puis on a parlé d’autre chose. Il cherche un endroit pour mettre le manuscrit de son journal à l’abri. Il ne sait pas où l’envoyer. Il a peur d’un incendie, d’une inondation. Il a pensé à mettre tout dans un coffre bardé de fer blanc et à l’enterrer dans son jardin. Mais il ne veut pas payer un homme pour faire le trou. (…)
Tandis que nous continuons à parler, ses yeux s’allument. Comme je le plaisante de son impiété, il me dit :
-Je crois en Dieu… Et j’y crois parce que j’en ai une preuve… La plus belle preuve, c’est la douceur de la peau à l’intérieur des cuisses des femmes…
Et il a ricané en grimaçant comme Lucifer !
Vingt-trois mai mil neuf cent quarante : J’ai rencontré Léautaud au coin de ma rue. Il portait son déjeuner dans un cabas. Comme à l’habitude, il était grimaçant.
Nous avons bavardé un moment sur le bord du trottoir. Il est irrité plus contre le trouble et le désordre intérieur que contre l’avance des ennemis. Il vitupère.
Dix décembre mil neuf cent quarante : Au Mercure, Léautaud exulte. La censure allemande a interdit la sortie d’un livre de Duhamel, Lieu d’asile. (…) Parce que Duhamel a jadis fait des articles qu’on a jugés sévères pour les Allemands. Ils le traitent en ennemi et voilà tout.
Mais le récit de cette opération par Léautaud est impayable :
-Ils ont convoqué mon Duhamel un matin et ils ont commencé par lui faire faire une heure antichambre. A la fin, il a été reçu par deux officiers qui l’ont traité du haut en bas… Et il s’est montré petit, tout petit garçon… Il a essayé d’ergoter, d’expliquer… On lui a dit que toute réclamation était inutile… Et il est parti aplati…
Il ricana de ce rire bruyant, cruel et sarcastique dont il a le secret :
-Et je l’ai vu venir ici après… Une loque… Ah ! Ah ! Ah !
Reprenant son sérieux, il ajouta :
D’ailleurs, quoi qu’on pense de son caractère, il faut reconnaître qu’il est un écrivain important. Eh bien, l’Académie française n’a pas agité un petit doigt en sa faveur… Des salauds… Tous salauds.
Six mars mil neuf cent quarante et un : Au Mercure de France, je viens de porter mon bon à tirer. Je suis arrêté à l’entresol par Léautaud. Il est hors de lui, roule plus que d’habitude des yeux furibonds.
-Ne montez pas, il n’est pas là… Il est chez ses amis…
Il faut comprendre que « il », c’est Bernard, et que ses amis sont les Allemands. Le brave Léautaud est dans un grand état d’indignation. Si ce qu’il dit est vrai, il y a de quoi.
Il paraît que Bernard ne manque pas une occasion de se réjouir de notre défaite et qu’il la proclame sans cesse avec satisfaction. Devant moi, jusqu’à présent, il a été plus modéré. Comme je manifeste quelques doutes et que je parais croire à une exagération, Léautaud me saisit par le col et me dit à voix basse et comme avec effroi :
-Vous n’y croyez pas ? Eh bien je vais vous dire une chose qui vous convaincra. Quand dans son bureau, quelqu’un lui dit une chose de défavorable à ces messieurs, sur le dos de sa carte de visite, il fait un rapport. Je l’ai vu…
Six mai mil neuf cent quarante et un : Léautaud vient déjeuner chez moi. Il me dit :
-Je ne pourrais plus vivre si je devais manquer de tabac et de café. Si le café venait à me manquer, je crois que je serais capable de tout, même de me marier pour en avoir…
Et il a gloussé comme un vieux singe.
Puis me racontant comment une guenon s’est réfugiée chez lui venant on ne sait d’où et la manière dont il l’a apprivoisée, il termina :
-Aujourd’hui, j’en suis à me demander si c’est moi qui ai pris ses gestes ou si c’est elle qui m’imite…
Et il avait vraiment l’air d’une vieille guenon en m’expliquant ça.
Six octobre mil neuf cent quarante et un : Descendant l’escalier, j’ai rencontré Léautaud. Le vieux cynique riait de son rire des grands jours. On l’entendait jusque dans la rue. Il déménageait un dessin de Marie Laurencin et diverses petites choses de son cabinet qu’il occupait depuis trente ans.
Avant-hier, Bernard l’a congédié avec des injures. Le directeur prétendait ne pas vouloir continuer à voir sa « sale gueule trop chère » à la maison. Il touchait mille quatre cents francs par mois ! Il lui a donné deux heures pour déguerpir. Léautaud a obtenu une indemnité et le voilà sur le pavé.
Dix-huit mars mil neuf cent quarante-quatre : Vu Léautaud. Il est préoccupé de la mort, qu’il craint, et de la publication posthume de son journal.
Pour ses étrennes, il s’est acheté une concession dans je ne sais quel cimetière. Le choix de la place lui avait donné bien des tracas. Il en avait trouvé une qui lui convenait mais qui a été acquise par un autre avant qu’il se soit décidé. Il a parcouru le cimetière avec le gardien pour se fixer ailleurs et, enfin, il a trouvé. C’est contre un mur. Il n’y a qu’un voisin. Il est enchanté parce que le gardien lui a dit :
-Je vois que monsieur veut être tranquille.
Il veut être incinéré parce que l’idée de la putréfaction lui soulève le cœur, et on mettra l’urne dans un caveau.
Restent les mémoires :
-On ne peut avoir confiance en personne, dit-il. Les meilleurs amis sont des traîtres. Ils ont des engagements qui leur font manquer à leurs promesses. Ils émasculent les textes pour ne pas gêner tel ou tel… Il n’y a pas d’exécuteur testamentaire honnête s’il est homme de lettres et s’il a des relations.
A force de chercher, Léautaud a trouvé une solution. Le journal est copié à deux exemplaires. Celui destiné à être publié est légué à quelqu’un qui, ni de près ni de loin, ne touche à la littérature.
-Un épicier ! Je l’ai prévenu que ça lui rapporterait de l’argent, surtout s’il ne supprime rien.
-Et l’autre exemplaire ?
-Il est secrètement déposé dans une bibliothèque de province. On le retrouvera un jour et on pourra par là vérifier si le texte publié est bien conforme !
Il ricane, se frotte les mains :
-On en lira de drôles, là-dedans !
Ça promet.
*
« Léautaud me saisit par le col », j’aurais été curieux de voir ça, petit comme il était, alors que Maurice Garçon mesurait un mètre quatre-vingt-onze, ce qui lui valu d’être réformé et d’éviter ainsi la Première Guerre Mondiale.
Vingt-neuf avril mil neuf cent trente-neuf : Je suis allé, pendant que tout le monde discutait un peu vainement des destinées de l’Europe, au Mercure de France où tout ce qui n’est pas « Lettres » ne pénètre pas. Chère vieille maison de la rue de Condé où, sauf qu’on a mis le téléphone, rien n’est changé depuis trente ans.
Je voulais voir le vieux Léautaud qui, depuis quelques jours, est dans tous ses états.
Charles-Henry Hirsch a écrit dans Le Matin un conte, d’ailleurs très amusant, mais qui est d’une méchanceté rare. Léautaud y est représenté au naturel, vivant parmi ses bêtes, chiens et chats. Il meurt et ses animaux rongent ses vieux os.
Vingt mai mil neuf cent quarante : Je rencontre Léautaud. Il est furieux qu’on ait hier fait une cérémonie à Notre-Dame.
-Et tous les francs-maçons y étaient… Et Daladier… Et Paul Reynaud… Des pitres. Jamais on n’avait vu une telle mise en scène. On se serait cru à l’opéra, il ne manquait que des ballerines.
Je ne le croyais pas si anticlérical. Je voulus connaître la vraie raison de sa fureur, car il est toujours en fureur lorsqu’il émet une opinion. Il s’est vite expliqué :
-Se mettre à genoux, c’est faire un acte d’humilité… C’est faire acte de faiblesse… Devant le danger, je réagis… Je ne me mets pas à genoux… (…)
Puis on a parlé d’autre chose. Il cherche un endroit pour mettre le manuscrit de son journal à l’abri. Il ne sait pas où l’envoyer. Il a peur d’un incendie, d’une inondation. Il a pensé à mettre tout dans un coffre bardé de fer blanc et à l’enterrer dans son jardin. Mais il ne veut pas payer un homme pour faire le trou. (…)
Tandis que nous continuons à parler, ses yeux s’allument. Comme je le plaisante de son impiété, il me dit :
-Je crois en Dieu… Et j’y crois parce que j’en ai une preuve… La plus belle preuve, c’est la douceur de la peau à l’intérieur des cuisses des femmes…
Et il a ricané en grimaçant comme Lucifer !
Vingt-trois mai mil neuf cent quarante : J’ai rencontré Léautaud au coin de ma rue. Il portait son déjeuner dans un cabas. Comme à l’habitude, il était grimaçant.
Nous avons bavardé un moment sur le bord du trottoir. Il est irrité plus contre le trouble et le désordre intérieur que contre l’avance des ennemis. Il vitupère.
Dix décembre mil neuf cent quarante : Au Mercure, Léautaud exulte. La censure allemande a interdit la sortie d’un livre de Duhamel, Lieu d’asile. (…) Parce que Duhamel a jadis fait des articles qu’on a jugés sévères pour les Allemands. Ils le traitent en ennemi et voilà tout.
Mais le récit de cette opération par Léautaud est impayable :
-Ils ont convoqué mon Duhamel un matin et ils ont commencé par lui faire faire une heure antichambre. A la fin, il a été reçu par deux officiers qui l’ont traité du haut en bas… Et il s’est montré petit, tout petit garçon… Il a essayé d’ergoter, d’expliquer… On lui a dit que toute réclamation était inutile… Et il est parti aplati…
Il ricana de ce rire bruyant, cruel et sarcastique dont il a le secret :
-Et je l’ai vu venir ici après… Une loque… Ah ! Ah ! Ah !
Reprenant son sérieux, il ajouta :
D’ailleurs, quoi qu’on pense de son caractère, il faut reconnaître qu’il est un écrivain important. Eh bien, l’Académie française n’a pas agité un petit doigt en sa faveur… Des salauds… Tous salauds.
Six mars mil neuf cent quarante et un : Au Mercure de France, je viens de porter mon bon à tirer. Je suis arrêté à l’entresol par Léautaud. Il est hors de lui, roule plus que d’habitude des yeux furibonds.
-Ne montez pas, il n’est pas là… Il est chez ses amis…
Il faut comprendre que « il », c’est Bernard, et que ses amis sont les Allemands. Le brave Léautaud est dans un grand état d’indignation. Si ce qu’il dit est vrai, il y a de quoi.
Il paraît que Bernard ne manque pas une occasion de se réjouir de notre défaite et qu’il la proclame sans cesse avec satisfaction. Devant moi, jusqu’à présent, il a été plus modéré. Comme je manifeste quelques doutes et que je parais croire à une exagération, Léautaud me saisit par le col et me dit à voix basse et comme avec effroi :
-Vous n’y croyez pas ? Eh bien je vais vous dire une chose qui vous convaincra. Quand dans son bureau, quelqu’un lui dit une chose de défavorable à ces messieurs, sur le dos de sa carte de visite, il fait un rapport. Je l’ai vu…
Six mai mil neuf cent quarante et un : Léautaud vient déjeuner chez moi. Il me dit :
-Je ne pourrais plus vivre si je devais manquer de tabac et de café. Si le café venait à me manquer, je crois que je serais capable de tout, même de me marier pour en avoir…
Et il a gloussé comme un vieux singe.
Puis me racontant comment une guenon s’est réfugiée chez lui venant on ne sait d’où et la manière dont il l’a apprivoisée, il termina :
-Aujourd’hui, j’en suis à me demander si c’est moi qui ai pris ses gestes ou si c’est elle qui m’imite…
Et il avait vraiment l’air d’une vieille guenon en m’expliquant ça.
Six octobre mil neuf cent quarante et un : Descendant l’escalier, j’ai rencontré Léautaud. Le vieux cynique riait de son rire des grands jours. On l’entendait jusque dans la rue. Il déménageait un dessin de Marie Laurencin et diverses petites choses de son cabinet qu’il occupait depuis trente ans.
Avant-hier, Bernard l’a congédié avec des injures. Le directeur prétendait ne pas vouloir continuer à voir sa « sale gueule trop chère » à la maison. Il touchait mille quatre cents francs par mois ! Il lui a donné deux heures pour déguerpir. Léautaud a obtenu une indemnité et le voilà sur le pavé.
Dix-huit mars mil neuf cent quarante-quatre : Vu Léautaud. Il est préoccupé de la mort, qu’il craint, et de la publication posthume de son journal.
Pour ses étrennes, il s’est acheté une concession dans je ne sais quel cimetière. Le choix de la place lui avait donné bien des tracas. Il en avait trouvé une qui lui convenait mais qui a été acquise par un autre avant qu’il se soit décidé. Il a parcouru le cimetière avec le gardien pour se fixer ailleurs et, enfin, il a trouvé. C’est contre un mur. Il n’y a qu’un voisin. Il est enchanté parce que le gardien lui a dit :
-Je vois que monsieur veut être tranquille.
Il veut être incinéré parce que l’idée de la putréfaction lui soulève le cœur, et on mettra l’urne dans un caveau.
Restent les mémoires :
-On ne peut avoir confiance en personne, dit-il. Les meilleurs amis sont des traîtres. Ils ont des engagements qui leur font manquer à leurs promesses. Ils émasculent les textes pour ne pas gêner tel ou tel… Il n’y a pas d’exécuteur testamentaire honnête s’il est homme de lettres et s’il a des relations.
A force de chercher, Léautaud a trouvé une solution. Le journal est copié à deux exemplaires. Celui destiné à être publié est légué à quelqu’un qui, ni de près ni de loin, ne touche à la littérature.
-Un épicier ! Je l’ai prévenu que ça lui rapporterait de l’argent, surtout s’il ne supprime rien.
-Et l’autre exemplaire ?
-Il est secrètement déposé dans une bibliothèque de province. On le retrouvera un jour et on pourra par là vérifier si le texte publié est bien conforme !
Il ricane, se frotte les mains :
-On en lira de drôles, là-dedans !
Ça promet.
*
« Léautaud me saisit par le col », j’aurais été curieux de voir ça, petit comme il était, alors que Maurice Garçon mesurait un mètre quatre-vingt-onze, ce qui lui valu d’être réformé et d’éviter ainsi la Première Guerre Mondiale.
20 décembre 2019
Passionnante lecture que celle des pages du Journal que Maurice Garçon, avocat du temps de mon enfance dont il était régulièrement question aux informations de la radio pendant les pesants repas familiaux, a écrit durant la Seconde Guerre Mondiale et qu’ont publié en association Les Belles Lettres et Fayard en un pavé rouge de sept cent deux pages aux petits caractères.
Moult passages ont retenu mon attention. Celui-ci narre l’enterrement de l’abbé Mugnier, le six mars mil neuf cent quarante-quatre :
Le chanoine Mugnier est mort. Je suis allé ce matin à son enterrement dans la chapelle des sœurs de la rue Méchain.
Il avait quatre-vingt-dix ans. C’est une curieuse figure qui disparaît. Il n’aimait que les hérétiques pour les convertir et il s’était spécialisé pour les confessions dans les cas difficiles. Si tous ceux qu’il a confessés, consolés, aidés, secourus, baptisés ou mariés étaient venus à son enterrement, la nef de Notre-Dame eût été trop étroite. En tout, nous étions à peine une centaine à son service funèbre Il y avait des hommes de lettres, des amis d’Huysmans qu’il convertit jadis, et puis Matza, la fille de Finaly, échappée depuis peu du camp des juifs de Drancy, des comtesses, des princesses, des marquises, des gueuses, une fille. Un mélange qui était l’abbé Mugnier même, vieux brave homme qui n’aimait rien tant que le monde sous toutes ses formes et que sa bonté avait fait aimer de tous.
Pendant la messe, Chambrun me dit :
-Je suis venu hier et sa gouvernante m’a dit: Monsieur l’abbé doit être bien heureux, il peut causer au paradis avec Chateaubriand !
Tharaud, assis près de moi, me dit que la bonne sœur qui le veillait hier a exprimé une idée charmante.
-Il est au paradis, le bon abbé… Il n’a pas été jugé parce qu’il n’avait jugé personne.
Au fond de moi, je me rappelais du mot attribué au chanoine et qu’il trouvait si parfait qu’il se l’était attribué :
-On m’enterrera dans une nappe !
Allusion à ses continuels repas pris chez des invités.
Moult passages ont retenu mon attention. Celui-ci narre l’enterrement de l’abbé Mugnier, le six mars mil neuf cent quarante-quatre :
Le chanoine Mugnier est mort. Je suis allé ce matin à son enterrement dans la chapelle des sœurs de la rue Méchain.
Il avait quatre-vingt-dix ans. C’est une curieuse figure qui disparaît. Il n’aimait que les hérétiques pour les convertir et il s’était spécialisé pour les confessions dans les cas difficiles. Si tous ceux qu’il a confessés, consolés, aidés, secourus, baptisés ou mariés étaient venus à son enterrement, la nef de Notre-Dame eût été trop étroite. En tout, nous étions à peine une centaine à son service funèbre Il y avait des hommes de lettres, des amis d’Huysmans qu’il convertit jadis, et puis Matza, la fille de Finaly, échappée depuis peu du camp des juifs de Drancy, des comtesses, des princesses, des marquises, des gueuses, une fille. Un mélange qui était l’abbé Mugnier même, vieux brave homme qui n’aimait rien tant que le monde sous toutes ses formes et que sa bonté avait fait aimer de tous.
Pendant la messe, Chambrun me dit :
-Je suis venu hier et sa gouvernante m’a dit: Monsieur l’abbé doit être bien heureux, il peut causer au paradis avec Chateaubriand !
Tharaud, assis près de moi, me dit que la bonne sœur qui le veillait hier a exprimé une idée charmante.
-Il est au paradis, le bon abbé… Il n’a pas été jugé parce qu’il n’avait jugé personne.
Au fond de moi, je me rappelais du mot attribué au chanoine et qu’il trouvait si parfait qu’il se l’était attribué :
-On m’enterrera dans une nappe !
Allusion à ses continuels repas pris chez des invités.
19 décembre 2019
J’espérais ce mercredi inaugurer le nouvel horaire du sept heures cinquante-neuf pour Paris qui désormais part à sept heures cinquante-six et arrive dans la capitale à neuf heures dix-huit au lieu de neuf heures dix-sept. Las, pour cause de grève, il ne circule pas. Et pas davantage celui que j’avais choisi pour le retour, désormais à seize heures quarante.
J’aurais pu aller avec le sept heures vingt-cinq mais c’est le retour qui pose problème. Dans l’après-midi, aucun train pour Rouen ne circule avant celui de dix-sept heures quarante. Outre celles et ceux qui ont une réservation, l’attendra la foule des abonnés navetteurs. Autrement dit, il sera pris d’assaut. Comme, par la faute d’Hervé Morin, Duc de Normandie, Centriste de Droite, il faut franchir les maudites barrières d’accès aux trains et que mon billet sera refusé, qu’il faudra que je fasse appel à une être humain de la Senecefe pour passer, à quoi s’ajoute le handicap que constitue mon grand âge, il est très probable que j’y voyagerais débout Je choisis de renoncer.
Ce ne sont pas les cheminots en grève qui posent problème. Tous ne le sont pas et autrefois dans ces circonstances je voyageais quand même, compensant le handicap de mon âge par la ruse. Maintenant avec les foutues barrières à Morin, c’est impossible. La peste soit de ce politicien féodal qui m’assigne à résidence.
Au lieu de profiter d’une journée de ciel bleu à Paris, je subis, au Café des Chiens, la conversation de deux sœurs quinquagénaires qui font les comptes après l’achat des cadeaux de Noël. Je te dois ci, tu me dois ça. Des épicières. « Bon alors ça c’est fait ».
*
Partir trois minutes plus tôt pour arriver une minute plus tard, ce doit être ce qu’on appelle le progrès dans les chemins de fer au vingt et unième siècle.
J’aurais pu aller avec le sept heures vingt-cinq mais c’est le retour qui pose problème. Dans l’après-midi, aucun train pour Rouen ne circule avant celui de dix-sept heures quarante. Outre celles et ceux qui ont une réservation, l’attendra la foule des abonnés navetteurs. Autrement dit, il sera pris d’assaut. Comme, par la faute d’Hervé Morin, Duc de Normandie, Centriste de Droite, il faut franchir les maudites barrières d’accès aux trains et que mon billet sera refusé, qu’il faudra que je fasse appel à une être humain de la Senecefe pour passer, à quoi s’ajoute le handicap que constitue mon grand âge, il est très probable que j’y voyagerais débout Je choisis de renoncer.
Ce ne sont pas les cheminots en grève qui posent problème. Tous ne le sont pas et autrefois dans ces circonstances je voyageais quand même, compensant le handicap de mon âge par la ruse. Maintenant avec les foutues barrières à Morin, c’est impossible. La peste soit de ce politicien féodal qui m’assigne à résidence.
Au lieu de profiter d’une journée de ciel bleu à Paris, je subis, au Café des Chiens, la conversation de deux sœurs quinquagénaires qui font les comptes après l’achat des cadeaux de Noël. Je te dois ci, tu me dois ça. Des épicières. « Bon alors ça c’est fait ».
*
Partir trois minutes plus tôt pour arriver une minute plus tard, ce doit être ce qu’on appelle le progrès dans les chemins de fer au vingt et unième siècle.
18 décembre 2019
Ce mardi je n’entends de la manifestation rouennaise que les gros pétards des syndicats. En sortant pour aller poster une lettre d’avant vacances à l’une qui ne m’écrit presque plus, je trouve dans ma venelle un trio qui en revient, deux femmes et un homme porteur d’un drapeau de la Haie Fessue. Leur conversation porte sur les sacs Paul Marius.
Sur le mur de la Poste, rue de la Jeanne, la main d’un manifestant invisible a écrit « C’est l’avent, il n’y aura pas d’après ».
Précisément, je commence à penser que l’après ne sera pas victorieux. Macron ne cèdera pas, d’autant qu’il est désormais entre les mains du trio Philippe Lemaire Darmanin, Droitistes, qui ont pris le pouvoir dans son gouvernement. Il y a du monde dans les rues mais pas tant que ça et les grévistes ne pourront continuer à l’être pendant un mois. Ça négocie en loucedé dans le Chemin de Fer et le Métropolitain, à ciel ouvert dans l’Education Nationale.
Je vois moins Edouard Philippe prochain Maire du Havre. J’aurais dû parier sur la chute du Haut Commissaire Delevoye, Droitiste, l’abonné des comités Théodule.
*
Si ce mouvement social va à l’échec, ce ne sera pas sans conséquence sur la prochaine Présidentielle. Au second tour, en cas de face à face Macron Le Pen, peu de ceux qui auront perdus contre lui iront voter pour lui.
Sur le mur de la Poste, rue de la Jeanne, la main d’un manifestant invisible a écrit « C’est l’avent, il n’y aura pas d’après ».
Précisément, je commence à penser que l’après ne sera pas victorieux. Macron ne cèdera pas, d’autant qu’il est désormais entre les mains du trio Philippe Lemaire Darmanin, Droitistes, qui ont pris le pouvoir dans son gouvernement. Il y a du monde dans les rues mais pas tant que ça et les grévistes ne pourront continuer à l’être pendant un mois. Ça négocie en loucedé dans le Chemin de Fer et le Métropolitain, à ciel ouvert dans l’Education Nationale.
Je vois moins Edouard Philippe prochain Maire du Havre. J’aurais dû parier sur la chute du Haut Commissaire Delevoye, Droitiste, l’abonné des comités Théodule.
*
Si ce mouvement social va à l’échec, ce ne sera pas sans conséquence sur la prochaine Présidentielle. Au second tour, en cas de face à face Macron Le Pen, peu de ceux qui auront perdus contre lui iront voter pour lui.
17 décembre 2019
Ne sachant quoi faire de toutes ses églises, la ville aux cent clochers a eu l’idée d’en proposer quatre, désacralisées, à la vente : Saint-Nicaise, Sainte-Croix-des-Pelletiers, Saint-Pierre-du-Châtel et Saint-Paul.
Trois ont trouvé preneurs.
Saint-Nicaise deviendra le lieu de production et de consommation (avec modération) de la bière Ragnar.
Sainte-Croix-des-Pelletiers deviendra Bek’Miettes, un espace de co-travail, d’accueil d’évènements, avec café et appartements.
Saint-Pierre-du-Châtel, dont il ne reste que des ruines, deviendra La Métropolitaine, restaurant augmenté de trois chambres d’hôtel de charme, avec « rooftop ouvert selon les saisons en guise d’after work/after shop. »
Sur le papier, ces projets sont assez attrayants. Certains, notamment dans le quartier Saint-Nicaise, s’enthousiasment.
Dès que les travaux commenceront cela donnera de la vie à de petites rues à voitures où il ne se passe rien. Un peu trop peut-être au goût des riverains.
Quand on vit pendant des décennies près d’une ruine, on s’habitue au calme. Le changement d’ambiance sera total rue Camille-Saint-Saëns quand fonctionnera le toit terrasse.
La seule église sans voisinage est celle qui n’a pas trouvé d’acquéreur. Pauvre Saint-Paul coincée entre la circulation automobile d’une trois voies et la Seine. Des quatre, c’est pourtant ma préférée.
J’ai ma petite idée sur quoi en faire : une gare pour le téléphérique qui permettrait d’atteindre sans fatigue le sommet de la côte Sainte-Catherine sur laquelle tournent déjà des éoliennes qui je suis le seul à voir.
Des idées pour faire de Rouen une ville enfin intéressante, je n’en manque pas mais, même à l’approche des municipales, personne ne fait appel à moi.
*
Du côté de ceux qui devraient en avoir, des idées, le Fier de Rouen Nicolas Mayer Rossignol, Socialiste, désirant être Maire, s’emballe sur Effe Bé : « Nous voulons que Rouen et sa métropole, fortes de leurs grands écrivains passés (Flaubert mais aussi Corneille, Maupassant, Hector Malot, Maurice Leblanc, André Maurois...) et actuels (Annie Ernaux (oui elle est d'Yvetot!), Michel Bussi, Agnès Martin-Lugand...), deviennent une Capitale européenne de la littérature. »
Je sais que j’ai tort de le faire mais c’est plus fort que moi je réponds : « Michel Bussi, Agnès Martin-Lugand.. le niveau baisse. Et évidemment on ne parle pas de Jean-Pierre Duprey. »
A quoi on me rétorque : « Pour ma part je ne me permettrais pas de juger du "niveau". Quant aux exemples, ils ne sont bien sûr pas exhaustifs. Il y en a pour tous les goûts et tant mieux, non? », une répartie langue de bois à laquelle je pouvais m’attendre.
Pour ces politiciens, pas de culture si elle n’est point de chez nous.
*
Du côté des médias locaux, c’est la même chose : « Le chanteur normand Vincent Delerm à l’Omnia de Rouen pour présenter son premier film », titre 76actu. On le sait qu’il est chanteur. Quant à être Normand quelle importance. D’ailleurs, il ne l’est plus depuis longtemps.
Trois ont trouvé preneurs.
Saint-Nicaise deviendra le lieu de production et de consommation (avec modération) de la bière Ragnar.
Sainte-Croix-des-Pelletiers deviendra Bek’Miettes, un espace de co-travail, d’accueil d’évènements, avec café et appartements.
Saint-Pierre-du-Châtel, dont il ne reste que des ruines, deviendra La Métropolitaine, restaurant augmenté de trois chambres d’hôtel de charme, avec « rooftop ouvert selon les saisons en guise d’after work/after shop. »
Sur le papier, ces projets sont assez attrayants. Certains, notamment dans le quartier Saint-Nicaise, s’enthousiasment.
Dès que les travaux commenceront cela donnera de la vie à de petites rues à voitures où il ne se passe rien. Un peu trop peut-être au goût des riverains.
Quand on vit pendant des décennies près d’une ruine, on s’habitue au calme. Le changement d’ambiance sera total rue Camille-Saint-Saëns quand fonctionnera le toit terrasse.
La seule église sans voisinage est celle qui n’a pas trouvé d’acquéreur. Pauvre Saint-Paul coincée entre la circulation automobile d’une trois voies et la Seine. Des quatre, c’est pourtant ma préférée.
J’ai ma petite idée sur quoi en faire : une gare pour le téléphérique qui permettrait d’atteindre sans fatigue le sommet de la côte Sainte-Catherine sur laquelle tournent déjà des éoliennes qui je suis le seul à voir.
Des idées pour faire de Rouen une ville enfin intéressante, je n’en manque pas mais, même à l’approche des municipales, personne ne fait appel à moi.
*
Du côté de ceux qui devraient en avoir, des idées, le Fier de Rouen Nicolas Mayer Rossignol, Socialiste, désirant être Maire, s’emballe sur Effe Bé : « Nous voulons que Rouen et sa métropole, fortes de leurs grands écrivains passés (Flaubert mais aussi Corneille, Maupassant, Hector Malot, Maurice Leblanc, André Maurois...) et actuels (Annie Ernaux (oui elle est d'Yvetot!), Michel Bussi, Agnès Martin-Lugand...), deviennent une Capitale européenne de la littérature. »
Je sais que j’ai tort de le faire mais c’est plus fort que moi je réponds : « Michel Bussi, Agnès Martin-Lugand.. le niveau baisse. Et évidemment on ne parle pas de Jean-Pierre Duprey. »
A quoi on me rétorque : « Pour ma part je ne me permettrais pas de juger du "niveau". Quant aux exemples, ils ne sont bien sûr pas exhaustifs. Il y en a pour tous les goûts et tant mieux, non? », une répartie langue de bois à laquelle je pouvais m’attendre.
Pour ces politiciens, pas de culture si elle n’est point de chez nous.
*
Du côté des médias locaux, c’est la même chose : « Le chanteur normand Vincent Delerm à l’Omnia de Rouen pour présenter son premier film », titre 76actu. On le sait qu’il est chanteur. Quant à être Normand quelle importance. D’ailleurs, il ne l’est plus depuis longtemps.
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