Dernières notes
Loïc Boyer
Je suis l’auteur de textes courts qui furent publiés depuis mil neuf cent quatre-vingt-quinze dans des revues littéraires en France (Supérieur Inconnu, Supplément d’Ame, Nouvelle Donne, Le Bord de l’Eau, Pris de Peur, l’Art du Bref, Sol’Air, Gros Textes, Salmigondis, Verso, Décharge, Bulle, Filigranes, Diérèse, Martobre, Comme ça et Autrement, (Cahier d’) Ecritures, La Nef des Fous), en Belgique (Traversées, Ecrits Vains, L’Arbre à Plumes, Inédit Nouveau, Bleu d’Encre), au Canada (Les Saisons Littéraires) et en Italie (Les Cahiers du Ru).
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.
22 septembre 2020
Il fait nuit lorsque je rejoins la Gare de Paimpol ce lundi afin de prendre devant celle-ci le car BreizhGo Vingt-Sept jusqu’au port de Tréguier. Comme je suis en avance, j’entre dans le bâtiment afin de voir s’il dispose d’un automate où je pourrais prendre les billets de train qui me seront nécessaires lors de prochaines étapes, et aussi pour mon retour à Rouen.
J’ai la surprise de trouver le guichet ouvert à cette heure matutinale. Je m’en étonne auprès de celui qui le tient. « C’est qu’ici, me dit-il, c’est particulier, c’est privé ». Une gare privée, première fois que je vois ça. C’est la société Transdev qui la gère. Elle a aussi le marché de la plupart des cars de la Région, comme ce BreizhGo que je dois prendre. « On est ouvert tout le temps », m’explique-t-il. Grâce à cette entreprise, je peux obtenir mes trois billets qui pourtant concernent des gares autres que celle de Paimpol (et pour le même prix bien sûr).
Il y a du monde près de l’abribus, essentiellement des lycéennes à grosses valises, internes à Saint-Brieuc, mais nous ne sommes que quelques-uns dans le Vingt-Sept terminus Lannion. Il me permet de revoir Lézardrieux, puis après un nouveau passage de pont, c’est Tréguier où descend aussi une jeune femme.
Cet arrêt de car est placé au meilleur endroit, face à la porte d’entrée monumentale dans la ville de Renan. Je remonte la rue à son nom, fort pentue, où se trouve sa maison natale, une des plus belles demeures d’une ville qui n’en manque pas. Cette rue Renan mène à la place du Martray et à l’immense Cathédrale Saint-Tugdual.
Sur cette place du Martray est aussi la boulangerie Ty Fournil dont les viennoiseries sont loin de valoir celles de la boulangerie de la place du Martray de Paimpol. Y prospère également le bien nommé café La Place, dont le café est vingt centimes moins cher que sur le port paimpolais.
Rassasié, je repars à la découverte de la ville de ce Renan que personne ne lit plus, une des très belles villes de Bretagne. Quand j’ai bien parcouru ses rues désertes, je quitte le centre par la rue Saint-François et rejoins la passerelle du même nom qui enjambe le Guindy puis par le pont Noir je retrouve le Jaudy et son port. Tréguier est au confluent de ces deux cours d’eau.
Remonté en ville, je songe à m’offrir un plateau de fruits de mer à l’étage de dégustation de la Poissonnerie du Trégor en haut de la rue Renan mais le vieux poissonnier m’apprend qu’il n’y aura ni tourteau ni bulots ni écrevisses ni crevettes, on a été dévalisé dimanche. Je refuse le plateau dépeuplé qu’il voulait me faire moins cher et vais m’installer à une table de terrasse près de la statue de Renan qui trône sur la place de Martray à proximité de la Cathédrale (un Renan ventripotent déjà écrasé par la gloire qui va tomber sous forme de lauriers sur sa tête pensante).
Cette table appartient à la brasserie Les Vieilles Poutres qui propose un menu du jour à onze euros quatre-vingt-dix : quiche lorraine, choux farci avec coquillettes (rien à voir avec celui mangé en Auvergne) et crème brulée. C’est plutôt médiocre mais je préfère donner mon argent à ces jeunes gens qu’au vieux poissonnier mal organisé.
Le café, je le prends à La Place en lisant les ébouriffantes lettres de Paul Léautaud à son amante Anne Cayssac, dite la Panthère, dite le Fléau. Puis je descends la rue Renan à l’heure du car de retour, m’inquiétant de ne pas savoir si le point d’arrivée est aussi le point de départ dans l’autre sens. Celle qui ce matin est descendue en même temps que moi s’y trouve me donnant la réponse.
*
Au Ty Fournil de Tréguier, la boulangère ramasse mon billet de dix euros avec une raclette à pognon, le faisant tomber dans son tiroir-caisse sans y toucher, puis elle me rend la monnaie dans une bannette qu’elle pousse sous le plexiglas, c’est une variante locale du paiement sans contact.
*
Sur la vitrine du bouquiniste du bas de la rue Renan, une citation de circonstance : Celui qui contrôle la peur des gens devient le maître de leurs âmes. C’est de Machiavel. Un peu plus haut dans la rue : « Vous n’êtes pas à l’abri d’une éclaircie ».
J’ai la surprise de trouver le guichet ouvert à cette heure matutinale. Je m’en étonne auprès de celui qui le tient. « C’est qu’ici, me dit-il, c’est particulier, c’est privé ». Une gare privée, première fois que je vois ça. C’est la société Transdev qui la gère. Elle a aussi le marché de la plupart des cars de la Région, comme ce BreizhGo que je dois prendre. « On est ouvert tout le temps », m’explique-t-il. Grâce à cette entreprise, je peux obtenir mes trois billets qui pourtant concernent des gares autres que celle de Paimpol (et pour le même prix bien sûr).
Il y a du monde près de l’abribus, essentiellement des lycéennes à grosses valises, internes à Saint-Brieuc, mais nous ne sommes que quelques-uns dans le Vingt-Sept terminus Lannion. Il me permet de revoir Lézardrieux, puis après un nouveau passage de pont, c’est Tréguier où descend aussi une jeune femme.
Cet arrêt de car est placé au meilleur endroit, face à la porte d’entrée monumentale dans la ville de Renan. Je remonte la rue à son nom, fort pentue, où se trouve sa maison natale, une des plus belles demeures d’une ville qui n’en manque pas. Cette rue Renan mène à la place du Martray et à l’immense Cathédrale Saint-Tugdual.
Sur cette place du Martray est aussi la boulangerie Ty Fournil dont les viennoiseries sont loin de valoir celles de la boulangerie de la place du Martray de Paimpol. Y prospère également le bien nommé café La Place, dont le café est vingt centimes moins cher que sur le port paimpolais.
Rassasié, je repars à la découverte de la ville de ce Renan que personne ne lit plus, une des très belles villes de Bretagne. Quand j’ai bien parcouru ses rues désertes, je quitte le centre par la rue Saint-François et rejoins la passerelle du même nom qui enjambe le Guindy puis par le pont Noir je retrouve le Jaudy et son port. Tréguier est au confluent de ces deux cours d’eau.
Remonté en ville, je songe à m’offrir un plateau de fruits de mer à l’étage de dégustation de la Poissonnerie du Trégor en haut de la rue Renan mais le vieux poissonnier m’apprend qu’il n’y aura ni tourteau ni bulots ni écrevisses ni crevettes, on a été dévalisé dimanche. Je refuse le plateau dépeuplé qu’il voulait me faire moins cher et vais m’installer à une table de terrasse près de la statue de Renan qui trône sur la place de Martray à proximité de la Cathédrale (un Renan ventripotent déjà écrasé par la gloire qui va tomber sous forme de lauriers sur sa tête pensante).
Cette table appartient à la brasserie Les Vieilles Poutres qui propose un menu du jour à onze euros quatre-vingt-dix : quiche lorraine, choux farci avec coquillettes (rien à voir avec celui mangé en Auvergne) et crème brulée. C’est plutôt médiocre mais je préfère donner mon argent à ces jeunes gens qu’au vieux poissonnier mal organisé.
Le café, je le prends à La Place en lisant les ébouriffantes lettres de Paul Léautaud à son amante Anne Cayssac, dite la Panthère, dite le Fléau. Puis je descends la rue Renan à l’heure du car de retour, m’inquiétant de ne pas savoir si le point d’arrivée est aussi le point de départ dans l’autre sens. Celle qui ce matin est descendue en même temps que moi s’y trouve me donnant la réponse.
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Au Ty Fournil de Tréguier, la boulangère ramasse mon billet de dix euros avec une raclette à pognon, le faisant tomber dans son tiroir-caisse sans y toucher, puis elle me rend la monnaie dans une bannette qu’elle pousse sous le plexiglas, c’est une variante locale du paiement sans contact.
*
Sur la vitrine du bouquiniste du bas de la rue Renan, une citation de circonstance : Celui qui contrôle la peur des gens devient le maître de leurs âmes. C’est de Machiavel. Un peu plus haut dans la rue : « Vous n’êtes pas à l’abri d’une éclaircie ».
21 septembre 2020
C’est ce dimanche qu’a lieu à Rouen le Quai des Livres qui jusqu’à l’an dernier m’aurait fait revenir de vadrouille, quoique j’y trouvais parfois si peu pour me plaire. Ce temps-là n’est plus. En lieu et place, après mon petit-déjeuner à L’Epoque, j’ai la possibilité d’aller à la Salle des Fêtes de Paimpol, quai Pierre Loti, où le groupe local du Secours Populaire organise sa Foire aux Livres.
J’arrive un peu avant neuf heures, en même temps qu’un descendu de voiture, au moment où le rideau métallique se lève. Il n’y a pas ici le climat tendu qui caractérise celle organisée par le Secours Populaire rouennais à la Halle aux Toiles, où les dingues profilèrent, prêts à vous piétiner ou à vous arracher un livre des mains. Dix minutes après l’ouverture nous ne sommes qu’une dizaine, et des plus calmes, dans cette salle à rideau rouge.
Les livres proposés sont essentiellement des romans, donc pas pour moi. Je ne trouve à mon goût que La Défense de l’infini suivi de Les Aventures de Jean-Foutre La Bite de Louis Aragon, recueil d’inédits publié en mil neuf cent quatre-vingt-six par Gallimard, qui inclut Le Con d’Irène illustré par André Masson.
« Jean-Foutre La Bite, tiens, ça a l’air marrant ça », commente le membre du Secours Pop à qui je dois présenter mon achat pour qu’il me donne un ticket marqué de son prix, deux euros, avec lequel je dois aller payer plus loin (même procédure à la soviétique que celle en vigueur à Rouen). Cet émoustillé ne connaît d’Aragon que les chansons de Ferrat.
La mer est aussi haute que la veille quand je retrouve le quai Pierre Loti. Il est à la limite du débordement. J’en profite pour photographier tout autour du port les bateaux qui me plaisent, essentiellement ceux des pêcheurs, inutilisés. Puis je trouve place sur un banc au-dessus de la plage, laquelle est sous les eaux, pour lire Léautaud. Soudain, marchant sur la digue d’en face, un sonneur fait entendre une mélodie bretonne puis disparaît.
C’est encore avant midi que je déjeune sans voisinage à l’extérieur du Terre Neuvas : foie gras maison avec un verre de chardonnay, mijoté de bœuf au vin rouge tagliatelles avec un verre de Petite Perrière, puis je rentre dans mon logis provisoire afin d’organiser la dernière partie de ma virée bretonne que je décide de poursuive jusqu’à la date butoir que je me suis fixé pour rentrer, bien que je craigne d’être rattrapé je ne sais quand par l’interdiction de voyager.
« Je pense que nous allons affronter une tempête – une tempête économique, une tempête sanitaire, une tempête à tous égards – et peut-être une tempête sociale, peut-être une tempête politique. Et je pense que les temps qui viennent sont des temps difficiles. », a dit Edouard Philippe, mercredi dernier à Octeville-sur-Mer.
*
« Ça s’est levé à la renverse », un gars du pays évoquant la fin de la pluie au moment du changement de marée hier midi.
*
Un autre, à L’Epoque, explique que s’il s’épuise dans les travaux sans fin de la maison de son beau-frère, c’est que depuis qu’il est retraité, il se fait chier. « Sinon tu fais quoi, tu prends ta bagnole, tu vas faire un tour, mais tu peux pas rouler comme ça toute la journée. »
J’arrive un peu avant neuf heures, en même temps qu’un descendu de voiture, au moment où le rideau métallique se lève. Il n’y a pas ici le climat tendu qui caractérise celle organisée par le Secours Populaire rouennais à la Halle aux Toiles, où les dingues profilèrent, prêts à vous piétiner ou à vous arracher un livre des mains. Dix minutes après l’ouverture nous ne sommes qu’une dizaine, et des plus calmes, dans cette salle à rideau rouge.
Les livres proposés sont essentiellement des romans, donc pas pour moi. Je ne trouve à mon goût que La Défense de l’infini suivi de Les Aventures de Jean-Foutre La Bite de Louis Aragon, recueil d’inédits publié en mil neuf cent quatre-vingt-six par Gallimard, qui inclut Le Con d’Irène illustré par André Masson.
« Jean-Foutre La Bite, tiens, ça a l’air marrant ça », commente le membre du Secours Pop à qui je dois présenter mon achat pour qu’il me donne un ticket marqué de son prix, deux euros, avec lequel je dois aller payer plus loin (même procédure à la soviétique que celle en vigueur à Rouen). Cet émoustillé ne connaît d’Aragon que les chansons de Ferrat.
La mer est aussi haute que la veille quand je retrouve le quai Pierre Loti. Il est à la limite du débordement. J’en profite pour photographier tout autour du port les bateaux qui me plaisent, essentiellement ceux des pêcheurs, inutilisés. Puis je trouve place sur un banc au-dessus de la plage, laquelle est sous les eaux, pour lire Léautaud. Soudain, marchant sur la digue d’en face, un sonneur fait entendre une mélodie bretonne puis disparaît.
C’est encore avant midi que je déjeune sans voisinage à l’extérieur du Terre Neuvas : foie gras maison avec un verre de chardonnay, mijoté de bœuf au vin rouge tagliatelles avec un verre de Petite Perrière, puis je rentre dans mon logis provisoire afin d’organiser la dernière partie de ma virée bretonne que je décide de poursuive jusqu’à la date butoir que je me suis fixé pour rentrer, bien que je craigne d’être rattrapé je ne sais quand par l’interdiction de voyager.
« Je pense que nous allons affronter une tempête – une tempête économique, une tempête sanitaire, une tempête à tous égards – et peut-être une tempête sociale, peut-être une tempête politique. Et je pense que les temps qui viennent sont des temps difficiles. », a dit Edouard Philippe, mercredi dernier à Octeville-sur-Mer.
*
« Ça s’est levé à la renverse », un gars du pays évoquant la fin de la pluie au moment du changement de marée hier midi.
*
Un autre, à L’Epoque, explique que s’il s’épuise dans les travaux sans fin de la maison de son beau-frère, c’est que depuis qu’il est retraité, il se fait chier. « Sinon tu fais quoi, tu prends ta bagnole, tu vas faire un tour, mais tu peux pas rouler comme ça toute la journée. »
22 septembre 2020
« Temps de merde » « On avait oublié », tels sont les propos avec lesquels se saluent les habitué(e)s de L’Epoque. Il pleut dru. « Ah c’est la marée, faut attendre qu’elle descende, après ça devrait aller mieux », dit l’une des serveuses à un inhabitué consterné. « J’espère que vous avez la bonne parole », lui répond-il.
Ce samedi matin dans le port, les pontons dépassent les quais d’au moins trente centimètres. L’eau est à un pouce du débordement. Mon petit-déjeuner consommé, je lis Léautaud un bon moment abrité par l’auvent.
A presque dix heures, je rentre à mon studio. Mon voisin et logeur qui devait partir quatre jours est absent depuis six. Ce me serait indifférent si cela ne se traduisait pas par la disparition de la ouifi. J’allume la télé sur France Info. Un reportage explique que la Suède, si critiquée pour sa gestion de la catastrophe sanitaire, son refus du confinement, son non usage du masque, ne connaît pas de regain de la pandémie alors que partout ailleurs cela tourne mal. C’est ce que me disait dans son courrier d’il y a deux jours, l’ami de Stockholm :
« La consigne est toujours de télétravailler pour ceux qui le peuvent. Tout est ouvert car rien n’a vraiment fermé à part les salles de concerts. Les rassemblements de plus de 50 personnes sont toujours interdits. Les rumeurs vont bon train pour rouvrir des salles de concerts mi-octobre… On verra. Sinon, restau, lieux d’expos, écoles, tout est normal !
On voit un peu plus de masques dans les transports. Ça a commencé à fleurir à la fin de l’été (début août). Ça reste très marginal mais ça se développe de plus en plus. Beaucoup se déplacent en vélo, y a eu un boom, avec pas mal de vélos électriques à charrette pour transporter les enfants à l’école notamment. (…)
Cela dit, j’ai du mal à comprendre pourquoi la situation de la Suède est si différente. La plupart des gens vivent comme « avant ». »
Moi aussi j’aimerais comprendre. Ce qui est certain, c’est que la France avec toutes ses restrictions, ses interdictions et ses obligations, dont le port du masque partout tout le temps, aboutit à l’inefficacité. Ce qui n’est pas pour me surprendre. On peut toujours compter sur les politiciens français pour faire le mauvais choix.
Qu’en l’occurrence, ils n’assument pas, déléguant l’action aux Préfets. Dans tout Préfet se cache un aspirant dictateur. Quelle jouissance pour ces individus à casquette de militaire de fermer des bars à telle heure, d’interdire l’achat d’alcool après telle autre, et d’envisager le prochain tour de vis.
Ici, en Côtes d’Armor, nous ne sommes pas encore en zone rouge. Une braderie trempée a lieu ce jour sur la place du Martray, les Journées du Patrimoine se déroulent comme chaque année, en mode dégradé bien sûr.
Point n’y participe. La vie culturelle en mode dégradé ne m’intéresse pas. On ne me verra pas au cinéma, à une expo, à un concert dans ces conditions. Autrement dit, vu le temps qu’il me reste à vivre, je n’irai plus jamais au cinéma, à une expo, à un concert.
*
Il pleut encore à midi moins le quart quand je m’installe à l’une des rares tables abritées du Terre Neuvas, quai Duguay Trouin. J’y déjeune de six huîtres et d’une brandade de morue, puis je prends le café à L’Epoque, quai Morand, afin de me connecter à Internet. Au retour je trouve mon logeur rentré et la ouifi rétablie. Il met ça sur le compte de travaux ayant lieu quai de Kernoa. Je ne juge pas utile de le contredire. Cette panne prolongée est surtout due à son absence.
*
Comme il ne pleut plus, c’est marée basse, je vais poursuivre ma lecture des lettres de Léautaud au bout du port sur un banc entre deux écluses. Le vingt-trois février mil neuf cent trente, celui-ci écrit au directeur du journal rennais Breiz Atao :
Vous vous exprimez très franchement à l’égard de vos compatriotes pour les engager de se corriger des défauts qui leur font depuis si longtemps une mauvaise réputation : alcoolisme, malpropreté.
Vous devriez bien leur parler aussi un peu de certaines de leurs superstitions. Je n’entends pas la croyance religieuse. Je parle d’une superstition comme celle-ci, par exemple : la coutume de murer vivant un chat dans une maison nouvellement construite pour préserver celle-ci du « mauvais sort ». Il y a vraiment là une cruauté qu’on s’étonne de voir encore à notre époque et qui concourt encore à accréditer l’opinion d’un peuple arriéré qu’on a, fort injustement par bien d’autres points, sur les Bretons.
Ce samedi matin dans le port, les pontons dépassent les quais d’au moins trente centimètres. L’eau est à un pouce du débordement. Mon petit-déjeuner consommé, je lis Léautaud un bon moment abrité par l’auvent.
A presque dix heures, je rentre à mon studio. Mon voisin et logeur qui devait partir quatre jours est absent depuis six. Ce me serait indifférent si cela ne se traduisait pas par la disparition de la ouifi. J’allume la télé sur France Info. Un reportage explique que la Suède, si critiquée pour sa gestion de la catastrophe sanitaire, son refus du confinement, son non usage du masque, ne connaît pas de regain de la pandémie alors que partout ailleurs cela tourne mal. C’est ce que me disait dans son courrier d’il y a deux jours, l’ami de Stockholm :
« La consigne est toujours de télétravailler pour ceux qui le peuvent. Tout est ouvert car rien n’a vraiment fermé à part les salles de concerts. Les rassemblements de plus de 50 personnes sont toujours interdits. Les rumeurs vont bon train pour rouvrir des salles de concerts mi-octobre… On verra. Sinon, restau, lieux d’expos, écoles, tout est normal !
On voit un peu plus de masques dans les transports. Ça a commencé à fleurir à la fin de l’été (début août). Ça reste très marginal mais ça se développe de plus en plus. Beaucoup se déplacent en vélo, y a eu un boom, avec pas mal de vélos électriques à charrette pour transporter les enfants à l’école notamment. (…)
Cela dit, j’ai du mal à comprendre pourquoi la situation de la Suède est si différente. La plupart des gens vivent comme « avant ». »
Moi aussi j’aimerais comprendre. Ce qui est certain, c’est que la France avec toutes ses restrictions, ses interdictions et ses obligations, dont le port du masque partout tout le temps, aboutit à l’inefficacité. Ce qui n’est pas pour me surprendre. On peut toujours compter sur les politiciens français pour faire le mauvais choix.
Qu’en l’occurrence, ils n’assument pas, déléguant l’action aux Préfets. Dans tout Préfet se cache un aspirant dictateur. Quelle jouissance pour ces individus à casquette de militaire de fermer des bars à telle heure, d’interdire l’achat d’alcool après telle autre, et d’envisager le prochain tour de vis.
Ici, en Côtes d’Armor, nous ne sommes pas encore en zone rouge. Une braderie trempée a lieu ce jour sur la place du Martray, les Journées du Patrimoine se déroulent comme chaque année, en mode dégradé bien sûr.
Point n’y participe. La vie culturelle en mode dégradé ne m’intéresse pas. On ne me verra pas au cinéma, à une expo, à un concert dans ces conditions. Autrement dit, vu le temps qu’il me reste à vivre, je n’irai plus jamais au cinéma, à une expo, à un concert.
*
Il pleut encore à midi moins le quart quand je m’installe à l’une des rares tables abritées du Terre Neuvas, quai Duguay Trouin. J’y déjeune de six huîtres et d’une brandade de morue, puis je prends le café à L’Epoque, quai Morand, afin de me connecter à Internet. Au retour je trouve mon logeur rentré et la ouifi rétablie. Il met ça sur le compte de travaux ayant lieu quai de Kernoa. Je ne juge pas utile de le contredire. Cette panne prolongée est surtout due à son absence.
*
Comme il ne pleut plus, c’est marée basse, je vais poursuivre ma lecture des lettres de Léautaud au bout du port sur un banc entre deux écluses. Le vingt-trois février mil neuf cent trente, celui-ci écrit au directeur du journal rennais Breiz Atao :
Vous vous exprimez très franchement à l’égard de vos compatriotes pour les engager de se corriger des défauts qui leur font depuis si longtemps une mauvaise réputation : alcoolisme, malpropreté.
Vous devriez bien leur parler aussi un peu de certaines de leurs superstitions. Je n’entends pas la croyance religieuse. Je parle d’une superstition comme celle-ci, par exemple : la coutume de murer vivant un chat dans une maison nouvellement construite pour préserver celle-ci du « mauvais sort ». Il y a vraiment là une cruauté qu’on s’étonne de voir encore à notre époque et qui concourt encore à accréditer l’opinion d’un peuple arriéré qu’on a, fort injustement par bien d’autres points, sur les Bretons.
19 septembre 2020
Chant des goélands, un peu de vent, le soleil se lève encore une fois derrière la cheminée d’usine face à la terrasse de L’Epoque. Ce vendredi matin, j’ai renoncé à prendre le car pour Pleudaniel préférant glandouiller à Paimpol.
C’est le début des grandes marées. Sitôt après le petit-déjeuner, je fais le tour du port. Les pontons sont plus hauts que les quais. Des panneaux menacent de la fourrière les voitures garées près de la mer. La plage a disparu mangée par les flots agités. Ce sera plus fort ce ouiquennede.
Lorsque j’ai suffisamment profité du spectacle, je rejoins le Vieux Paimpol. Georges Brassens, l’estivant de Lézardrieux, qui venait régulièrement en voisin dans cette ville y a sa rue, donnant sur la place du Martray, « rue Georges Brassens, poète », au coin de laquelle est un bistrot nommé Les Copains d’abord. J’en fais quelques photos.
Un portrait de lui est à la Mairie, ai-je appris par mon vieux Guide du Routard. Je demande à l’employée de l’accueil s’il est possible de le voir. Oui, mais il est dans une salle où il y a une réunion ce matin, et aussi cet après-midi. « Et lundi ? », lui demandé-je.
Elle m’invite à aller voir la secrétaire du Maire au deuxième étage. Celle-ci m’apprend que la réunion a été annulée. « Venez », me dit-elle. Nous descendons au premier.et entrons dans la salle en question. Ce portrait de Brassens ne marquera pas l’histoire de la peinture. Du moins est-il ressemblant, signé Alain Le Nost. J’en fais une photo, remercie, redescends, vais boire un café et lire Léautaud au soleil de la terrasse du Bistrot Gourmand devant des bateaux de pêche redescendus.
A midi, je déjeune une nouvelle fois Chez Tonton Guy, quai Morand (il ne s’agit pas de Paul). Point de jolie serveuse à lunettes ce vendredi, reste l’apprentie du Céhéfa, seize ans, timide et appliquée. Tonton Guy est à la manœuvre accueillant les arrivant(e)s, surtout des habitué(e)s. La patronne veille à tout. C’est le sosie vocal d’une Rouennaise de ma connaissance. Je dois me retenir pour ne pas m’adresser à elle en l’appelant Marie-Andrée. Au menu à quinze euros cinquante, je choisis les rillettes de lieu noir, l’escalope de porc aux champignons, choux et grenailles et le crémeux Dulcey.
Mon logeur n’ayant pas reparu, je dois encore une fois me charger de mon ordinateur jusqu’à L’Epoque où la ouifi fonctionne. C’est là que je prends le café.
*
Au Bistrot Gourmand, on annonce que la saison des moules de bouchot est terminée. Chez Tonton Guy, une ardoise claironne : « C’est la saison des moules de bouchot, enjoy »
*
Le bout des six cent soixante-trois pages du premier tome de la Correspondance de Paul Léautaud atteint, j’attaque le second.
C’est le début des grandes marées. Sitôt après le petit-déjeuner, je fais le tour du port. Les pontons sont plus hauts que les quais. Des panneaux menacent de la fourrière les voitures garées près de la mer. La plage a disparu mangée par les flots agités. Ce sera plus fort ce ouiquennede.
Lorsque j’ai suffisamment profité du spectacle, je rejoins le Vieux Paimpol. Georges Brassens, l’estivant de Lézardrieux, qui venait régulièrement en voisin dans cette ville y a sa rue, donnant sur la place du Martray, « rue Georges Brassens, poète », au coin de laquelle est un bistrot nommé Les Copains d’abord. J’en fais quelques photos.
Un portrait de lui est à la Mairie, ai-je appris par mon vieux Guide du Routard. Je demande à l’employée de l’accueil s’il est possible de le voir. Oui, mais il est dans une salle où il y a une réunion ce matin, et aussi cet après-midi. « Et lundi ? », lui demandé-je.
Elle m’invite à aller voir la secrétaire du Maire au deuxième étage. Celle-ci m’apprend que la réunion a été annulée. « Venez », me dit-elle. Nous descendons au premier.et entrons dans la salle en question. Ce portrait de Brassens ne marquera pas l’histoire de la peinture. Du moins est-il ressemblant, signé Alain Le Nost. J’en fais une photo, remercie, redescends, vais boire un café et lire Léautaud au soleil de la terrasse du Bistrot Gourmand devant des bateaux de pêche redescendus.
A midi, je déjeune une nouvelle fois Chez Tonton Guy, quai Morand (il ne s’agit pas de Paul). Point de jolie serveuse à lunettes ce vendredi, reste l’apprentie du Céhéfa, seize ans, timide et appliquée. Tonton Guy est à la manœuvre accueillant les arrivant(e)s, surtout des habitué(e)s. La patronne veille à tout. C’est le sosie vocal d’une Rouennaise de ma connaissance. Je dois me retenir pour ne pas m’adresser à elle en l’appelant Marie-Andrée. Au menu à quinze euros cinquante, je choisis les rillettes de lieu noir, l’escalope de porc aux champignons, choux et grenailles et le crémeux Dulcey.
Mon logeur n’ayant pas reparu, je dois encore une fois me charger de mon ordinateur jusqu’à L’Epoque où la ouifi fonctionne. C’est là que je prends le café.
*
Au Bistrot Gourmand, on annonce que la saison des moules de bouchot est terminée. Chez Tonton Guy, une ardoise claironne : « C’est la saison des moules de bouchot, enjoy »
*
Le bout des six cent soixante-trois pages du premier tome de la Correspondance de Paul Léautaud atteint, j’attaque le second.
18 septembre 2020
Toujours en l’absence de mon voisin et logeur, toujours privé d’Internet, je sors de ma demeure provisoire avant le lever du jour ce jeudi. Désirant éclairer la cour, j’appuie sur un bouton qui déclenche le glissement du portail. Je réussis à refermer ce bazar, me débrouille pour ouvrir dans le noir le portillon dont j’ai la clé et prends le chemin de la Gare devant laquelle j’attends le car BreizhGo Vingt-Sept de sept heures cinquante dont le terminus est Lannion.
Quand il arrive, j’utilise le premier ticket de mon carnet de dix (vingt euros ; avant le premier septembre, c’était quinze euros). C’est cher payé pour quelques kilomètres car son premier arrêt sera le mien. Il suffit de passer le pont et j’arrive à Lézardrieux.
Georges Brassens avait sa maison de vacances à Lézardrieux qu’il fréquenta pendant plus de trente ans. Une salle porte son nom en hommage quelque part. Son bateau, Les Copains d’abord, était amarré sur le Trieux. Ce marin d’eau douce sortait-il en mer ? J’ai un peu de mal à l’imaginer à la barre.
Arrivé sur la place centrale, toute en longueur et traversée par la route, je fais une photo de l’église qui la conclut. Avec ses deux tours de forme cylindrique encadrant le clocher, elle m’évoque une fusée prête à décoller. Lézardrieux est pratique, entre cette église et la Mairie est un Crédit Agricole où je peux retirer de l’argent (celui de Paimpol est trop loin du port) et juste après se trouve le Fournil de l’Estuaire où j’achète croissant et pain au chocolat (deux fois quatre-vingt-quinze centimes) puis il me suffit d’aller en face pour m’installer à la terrasse du seul café du bourg, Le Cariocca, où j‘en commande un (un euro trente).
Je demande à la tenancière si la maison de Georges Brassens est indiquée quelque part. « Non, c’est privé, me dit-elle, il y a de nouveaux habitants. Si vous continuez après le port vous arriverez à une plage, c’est par là. » Au mur du café est une photo dédicacée de Gilles Servat.
Je descends la rue qui mène au port de plaisance puis le raidillon vers la plage, une petite étendue de sable d’où part une autre route qui est également un chemin de Grande Randonnée. Une femme sort de la maison de droite, engagée dans un téléphonage de travail. J’ose l’interrompre : « On m’a dit que la maison de Georges Brassens était par ici. ».
-Derrière vous, me répond-elle, c’est cette grande maison.
Grande elle l’est, sans aucun signe extérieur de richesse, entourée d’un jardin, mitoyenne avec une qui lui tourne le dos. Sur l’un des portails, son nom : Kerflandry. De son balcon, Brassens voyait les petits bateaux sur le fleuve et un élégant bâtiment ressemblant à une usine sur l’autre rive.
Comme, pour la première fois depuis mon arrivée en Côtes d’Armor, il fait un vent à soulever les jupons, je ne puis m’installer sur un banc du port pour lire. Je retourne donc prendre un café au Cariocca où l’on ne me demande pas si j’ai trouvé.
A midi, je redescends à mi-côte où j’ai repéré le Restaurant Lézard, un peu chic et disposant de quelques tables à l’extérieur. Pour ce repas venté, je choisis les six huîtres nées en mer numéro quatre « la Belle de Paimpol » de la maison Chaumard (sept euros) et le porc confit mousseline de patates douces aux herbes fraîches et jus de veau au banyuls (quinze euros) accompagnés d’une bouteille de cidre fermier du Verger de Kernivinen de Perros-Guirec (sept euros cinquante). L’un des restaurateurs me donne l’origine de tous les produits, si possible bio et toujours locaux. J’écoute poliment mais je m’en fiche que cela soit d’ici ou d’ailleurs. Deux couples ont également choisi d’affronter le vent. Eux sont très réceptifs à ces explications et demandent des détails complémentaires.
Quand arrive mon café (deux euros), je le découvre pas assez chaud et accompagné d’un sachet de sucre industriel. C’est inexcusable mais « C’était très bien », dis-je en réglant l’addition.
Je vais prendre un autre café, bien chaud, au Cariocca dont je suis le seul client. Vers treize heures trente, le cafetier rentre ses cartes postales. « On va fermer pour déjeuner, me dit-il, mais vous pouvez rester là, pas de problème. » Ce que je fais, bien content d’être dans un lieu confortable et abrité du vent pour lire Léautaud en attendant le car du retour.
Celui-ci arrivé à destination (nous y étions deux passagers), je dois aller m’enfermer à L’Epoque, heureusement seul à l’intérieur, pour me connecter à Internet.
*
A Lézardrieux, une pierre tombale sert de seuil à une maison près de l’église. Derrière celle-ci est un monument aux morts de la guerre de Quatorze Dix-Huit (moi, mon colon, celle que j’préfère…) dont le soldat agonise en couleur.
*
Tous ces randonneurs du Géherre Trente-Quatre qui passent à côté de la maison de Georges Brassens sans le savoir.
Quand il arrive, j’utilise le premier ticket de mon carnet de dix (vingt euros ; avant le premier septembre, c’était quinze euros). C’est cher payé pour quelques kilomètres car son premier arrêt sera le mien. Il suffit de passer le pont et j’arrive à Lézardrieux.
Georges Brassens avait sa maison de vacances à Lézardrieux qu’il fréquenta pendant plus de trente ans. Une salle porte son nom en hommage quelque part. Son bateau, Les Copains d’abord, était amarré sur le Trieux. Ce marin d’eau douce sortait-il en mer ? J’ai un peu de mal à l’imaginer à la barre.
Arrivé sur la place centrale, toute en longueur et traversée par la route, je fais une photo de l’église qui la conclut. Avec ses deux tours de forme cylindrique encadrant le clocher, elle m’évoque une fusée prête à décoller. Lézardrieux est pratique, entre cette église et la Mairie est un Crédit Agricole où je peux retirer de l’argent (celui de Paimpol est trop loin du port) et juste après se trouve le Fournil de l’Estuaire où j’achète croissant et pain au chocolat (deux fois quatre-vingt-quinze centimes) puis il me suffit d’aller en face pour m’installer à la terrasse du seul café du bourg, Le Cariocca, où j‘en commande un (un euro trente).
Je demande à la tenancière si la maison de Georges Brassens est indiquée quelque part. « Non, c’est privé, me dit-elle, il y a de nouveaux habitants. Si vous continuez après le port vous arriverez à une plage, c’est par là. » Au mur du café est une photo dédicacée de Gilles Servat.
Je descends la rue qui mène au port de plaisance puis le raidillon vers la plage, une petite étendue de sable d’où part une autre route qui est également un chemin de Grande Randonnée. Une femme sort de la maison de droite, engagée dans un téléphonage de travail. J’ose l’interrompre : « On m’a dit que la maison de Georges Brassens était par ici. ».
-Derrière vous, me répond-elle, c’est cette grande maison.
Grande elle l’est, sans aucun signe extérieur de richesse, entourée d’un jardin, mitoyenne avec une qui lui tourne le dos. Sur l’un des portails, son nom : Kerflandry. De son balcon, Brassens voyait les petits bateaux sur le fleuve et un élégant bâtiment ressemblant à une usine sur l’autre rive.
Comme, pour la première fois depuis mon arrivée en Côtes d’Armor, il fait un vent à soulever les jupons, je ne puis m’installer sur un banc du port pour lire. Je retourne donc prendre un café au Cariocca où l’on ne me demande pas si j’ai trouvé.
A midi, je redescends à mi-côte où j’ai repéré le Restaurant Lézard, un peu chic et disposant de quelques tables à l’extérieur. Pour ce repas venté, je choisis les six huîtres nées en mer numéro quatre « la Belle de Paimpol » de la maison Chaumard (sept euros) et le porc confit mousseline de patates douces aux herbes fraîches et jus de veau au banyuls (quinze euros) accompagnés d’une bouteille de cidre fermier du Verger de Kernivinen de Perros-Guirec (sept euros cinquante). L’un des restaurateurs me donne l’origine de tous les produits, si possible bio et toujours locaux. J’écoute poliment mais je m’en fiche que cela soit d’ici ou d’ailleurs. Deux couples ont également choisi d’affronter le vent. Eux sont très réceptifs à ces explications et demandent des détails complémentaires.
Quand arrive mon café (deux euros), je le découvre pas assez chaud et accompagné d’un sachet de sucre industriel. C’est inexcusable mais « C’était très bien », dis-je en réglant l’addition.
Je vais prendre un autre café, bien chaud, au Cariocca dont je suis le seul client. Vers treize heures trente, le cafetier rentre ses cartes postales. « On va fermer pour déjeuner, me dit-il, mais vous pouvez rester là, pas de problème. » Ce que je fais, bien content d’être dans un lieu confortable et abrité du vent pour lire Léautaud en attendant le car du retour.
Celui-ci arrivé à destination (nous y étions deux passagers), je dois aller m’enfermer à L’Epoque, heureusement seul à l’intérieur, pour me connecter à Internet.
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A Lézardrieux, une pierre tombale sert de seuil à une maison près de l’église. Derrière celle-ci est un monument aux morts de la guerre de Quatorze Dix-Huit (moi, mon colon, celle que j’préfère…) dont le soldat agonise en couleur.
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Tous ces randonneurs du Géherre Trente-Quatre qui passent à côté de la maison de Georges Brassens sans le savoir.
17 septembre 2020
Ce mercredi à neuf heures huit je grimpe une nouvelle fois dans le car BreizhGo Vingt-Quatre et une nouvelle fois son chauffeur me dit « Allez-y c’est gratuit, la machine ne marche pas ».
Pas question cette fois de m’embarquer pour l’île de Bréhat, je descends à mi-chemin à l’arrêt Mairie de Ploubazlanec. Le bourg est dans la brume, ce qui convient bien à la visite que je fais à son cimetière afin de découvrir le Mur des Disparus. Sur toute sa longueur, des ex-voto égrènent le nom de péris en mer lors des pêches en Islande ou à Terre-Neuve. Deux mille hommes en sont morts dont les corps ont été engloutis par les flots.
Je m’arme ensuite de courage et m’engage pédestrement sur la petite route qui mène à Pors-Even. Elle passe par la chapelle de Perros-Hamon dont le porche contient aussi des plaques à des péris en mer. L’un n’avait que seize ans.
Plus loin, une flèche m’indique d’aller à gauche pour voir la Croix des Veuves érigée sur le promontoire où les femmes de marins s’assemblaient dans l’espoir d’apercevoir le bateau de leur mari de retour d’une campagne à la morue. Elle est bien usée par les intempéries.
Je crois alors malin de prendre un sentier descendant vers le rivage, pensant qu’il me rapproche de Pors Evens. Las, je m’égare jusqu’à la grève de Launay mais quelle belle baie. Il me faut remonter, ce qui me donne l’occasion de rencontrer une biche entrée dans une propriété privée dont le devant n’est pas clôturé. Elle se prend un grillage en voulant me fuir, sans mal heureusement.
Après ce fatiguant détour, je récupère la route des voitures qui doit me mener au port. C’est plus loin que je pensais et cela descend jusqu’à seize pour cent. J’arrive enfin dans ce qui est aussi un domaine ostréicole. Il y a là une moulerie où j’aurais pu déjeuner mais elle est fermée depuis quelques jours car la saison est passée.
Je remonte jusqu’au bourg où j’arrive bien fatigué. Rien ne me convient pour y déjeuner. Le Vingt-Quatre doit repasser peu avant midi. Je l’attends. Il arrive un peu en retard mais toujours gratuit.
A Paimpol je fais le tour des restaurants du port et suis séduit par le menu du jour de Chez Tonton Guy. La patronne en est aimable et deux des serveuses particulièrement mignonnes. Celle à lunettes m’apporte le wrap de poulet mascarpone tomaté accompagné de très bon pain, de beurre demi-sel et de beurre au piment d’Espelette. J’ai pour boire une grande carafe d’eau dont j’use beaucoup. Viennent ensuite le bœuf bourguignon et ses pommes rissolées, le nougat glacé et un café. Cela fait dix-sept euros quatre-vingts.
Il est deux heures moins le quart quand je quitte la table pour repasser à mon logement provisoire. Depuis hier soir, la ouifi n’y fonctionne plus et comme mon logeur est parti depuis lundi pour quatre jours, me voilà bien. J’emporte mon ordinateur à L’Epoque où l’on me donne le code.
Ayant mis en ligne mes photos et mon texte de la veille, je vais prendre un autre café à la terrasse du Bistrot Gourmand près des bateaux de pêche qui n’ont pas quitté le port depuis mon arrivée. Un soleil radieux a remplacé la brume matinale. De chaque côté de ma table sont deux duos de première rencontre après discussion sur Internet. A ma gauche, des quinquagénaires, une femme peu séduisante et amortie face à un vieux beau bronzé à lunettes noires qui ne parle que de lui et de sa propriété. A ma droite, des quadragénaires, une blonde plutôt séduisante face à un faux Charlebois qui lui explique à quel point il est un homme moderne pas du tout macho. Ils se quittent en se promettant de se recontacter. Dans les deux cas, je ne parierais pas sur le début d’une histoire commune.
*
Rue des Islandais, rue Théodore Botrel, rue Pierre Loti, tel fut mon itinéraire dans Ploubazlanec.
*
Ce n'est pas la population qui arrêtera cette maladie, que les médecins fassent leur boulot, trouvent un traitement, un vaccin, au lieu de culpabiliser et d’infantiliser tout le monde en demandant qu’on siffle la fin de la recréation.
En attendant, il faut bien comprendre que la vie d'avant c'est fini et en tirer les conséquences. Ne pas croire que ce qui a été annulé en deux mille vingt pourra avoir lieu en deux mille vingt et un.
Pas question cette fois de m’embarquer pour l’île de Bréhat, je descends à mi-chemin à l’arrêt Mairie de Ploubazlanec. Le bourg est dans la brume, ce qui convient bien à la visite que je fais à son cimetière afin de découvrir le Mur des Disparus. Sur toute sa longueur, des ex-voto égrènent le nom de péris en mer lors des pêches en Islande ou à Terre-Neuve. Deux mille hommes en sont morts dont les corps ont été engloutis par les flots.
Je m’arme ensuite de courage et m’engage pédestrement sur la petite route qui mène à Pors-Even. Elle passe par la chapelle de Perros-Hamon dont le porche contient aussi des plaques à des péris en mer. L’un n’avait que seize ans.
Plus loin, une flèche m’indique d’aller à gauche pour voir la Croix des Veuves érigée sur le promontoire où les femmes de marins s’assemblaient dans l’espoir d’apercevoir le bateau de leur mari de retour d’une campagne à la morue. Elle est bien usée par les intempéries.
Je crois alors malin de prendre un sentier descendant vers le rivage, pensant qu’il me rapproche de Pors Evens. Las, je m’égare jusqu’à la grève de Launay mais quelle belle baie. Il me faut remonter, ce qui me donne l’occasion de rencontrer une biche entrée dans une propriété privée dont le devant n’est pas clôturé. Elle se prend un grillage en voulant me fuir, sans mal heureusement.
Après ce fatiguant détour, je récupère la route des voitures qui doit me mener au port. C’est plus loin que je pensais et cela descend jusqu’à seize pour cent. J’arrive enfin dans ce qui est aussi un domaine ostréicole. Il y a là une moulerie où j’aurais pu déjeuner mais elle est fermée depuis quelques jours car la saison est passée.
Je remonte jusqu’au bourg où j’arrive bien fatigué. Rien ne me convient pour y déjeuner. Le Vingt-Quatre doit repasser peu avant midi. Je l’attends. Il arrive un peu en retard mais toujours gratuit.
A Paimpol je fais le tour des restaurants du port et suis séduit par le menu du jour de Chez Tonton Guy. La patronne en est aimable et deux des serveuses particulièrement mignonnes. Celle à lunettes m’apporte le wrap de poulet mascarpone tomaté accompagné de très bon pain, de beurre demi-sel et de beurre au piment d’Espelette. J’ai pour boire une grande carafe d’eau dont j’use beaucoup. Viennent ensuite le bœuf bourguignon et ses pommes rissolées, le nougat glacé et un café. Cela fait dix-sept euros quatre-vingts.
Il est deux heures moins le quart quand je quitte la table pour repasser à mon logement provisoire. Depuis hier soir, la ouifi n’y fonctionne plus et comme mon logeur est parti depuis lundi pour quatre jours, me voilà bien. J’emporte mon ordinateur à L’Epoque où l’on me donne le code.
Ayant mis en ligne mes photos et mon texte de la veille, je vais prendre un autre café à la terrasse du Bistrot Gourmand près des bateaux de pêche qui n’ont pas quitté le port depuis mon arrivée. Un soleil radieux a remplacé la brume matinale. De chaque côté de ma table sont deux duos de première rencontre après discussion sur Internet. A ma gauche, des quinquagénaires, une femme peu séduisante et amortie face à un vieux beau bronzé à lunettes noires qui ne parle que de lui et de sa propriété. A ma droite, des quadragénaires, une blonde plutôt séduisante face à un faux Charlebois qui lui explique à quel point il est un homme moderne pas du tout macho. Ils se quittent en se promettant de se recontacter. Dans les deux cas, je ne parierais pas sur le début d’une histoire commune.
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Rue des Islandais, rue Théodore Botrel, rue Pierre Loti, tel fut mon itinéraire dans Ploubazlanec.
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Ce n'est pas la population qui arrêtera cette maladie, que les médecins fassent leur boulot, trouvent un traitement, un vaccin, au lieu de culpabiliser et d’infantiliser tout le monde en demandant qu’on siffle la fin de la recréation.
En attendant, il faut bien comprendre que la vie d'avant c'est fini et en tirer les conséquences. Ne pas croire que ce qui a été annulé en deux mille vingt pourra avoir lieu en deux mille vingt et un.
16 septembre 2020
Le ciel est rose au-dessus du port de Paimpol à l’heure où je petit-déjeune ce mardi. La cause en est le lever du soleil que je retrouve orangé un peu plus tard lorsque je rejoins le chemin de Grande Randonnée avec deux objectifs : l’abbaye de Beauport à Kérity et la Ferme Marine Paimpolaise à la pointe de Kerarzic.
Ce chemin est d’abord large et plat, il porte le nom de promenade suivi de celui d’un ancien Maire qui était dans l’armée. Je longe la baie de Poulafret avec ses bassins au bord desquels folâtrent des oies pas franchement amicales puis l’anse de Beauport.
Au-dessus de cette dernière se trouve Kérity, autrefois commune, aujourd’hui quartier de Paimpol. C’est son église que j’entendais sonner dix heures dimanche dernier depuis la pointe de Guilben, et non pas l’abbaye de Beauport que je trouve un peu plus loin, magnifiquement en ruine. Je suis seul pour en faire le tour avec mon appareil photo. Vraiment les moines étaient doués pour choisir l’emplacement de leurs abbayes, ici des prémontrés.
Lorsque je reprends le chemin je côtoie une zone d’étangs et des marécages et suis attentivement les traits blancs et rouges signalant le Géherre. Celui-ci devient digne de son appellation, incitant à la prudence quand on est d’âge avancé et mal chaussé. Lorsque je sors de sous les arbres, la mer est toujours à ma gauche et je suis arrivé à la pointe de Kerarzic. Devant moi, la Ferme Marine Paimpolaise dont j’ai appris l’existence en cherchant des restaurants proches de l’abbaye sur le plan de Gougueule. On y élève des huîtres. La dégustation est proposée à partir d’onze heures.
Il n’est que dix heures. Je fais le tour des bâtiments et descends sur la plage où une corde barre le chemin permettant d’accéder directement aux tables d’extérieur. Après en avoir de loin réservé une auprès de la jeune femme qui s’en occupe, je m’installe sur un muret pour lire la Correspondance de Léautaud. Pendant ce temps, la mer recule.
Parfois, un autochtone muni d’un seau et d’un râteau passe près de moi, me salue et va mettre les bottes dans la vase dans l’espoir de trouver quelque chose. Le ciel passe du bleu azur au noir menaçant. La lumière qui en résulte à la surface de la mer ferait le bonheur d’un bon photographe. Peu à peu apparaissent les parcs à huîtres.
A onze heures, le risque de l’averse écarté, la corde est enlevée par la serveuse. Je prends place à une table tout au bord du dessus de la plage. Les tracteurs des ostréiculteurs, certains munis d’énormes pneus, déboulent de l’exploitation et foncent vers les parcs à huîtres. Ce sont six de ces huîtres (neuf euros) que je commande, ainsi qu’un pot de rillettes de maquereaux à la moutarde à l’ancienne (sept euros). Je les accompagne de deux verres de chardonnay à trois euros et les fais suivre d’un café à un euro cinquante.
Seule une autre table est occupée, par cinq sexagénaires guillerets qui parlent d’un de leurs amis. Il s’est pris une branche dans la poire, le tracteur a continué tout seul, il a le visage tout tuméfié, il va falloir qu’il refasse ses papiers d’identité.
Il est midi quand je quitte l’exploitation marine. Je reprends le chemin accidenté dans l’autre sens, n’y croisant toujours personne.
Arrivé à hauteur de l’abbaye, je m’assois sur un banc fait d’une moitié de tronc d’arbre et reprends la lecture de Léautaud face au marais. Derrière moi, dans le pré, sont des vaches que j’entends brouter.
A quatorze heures, je suis de retour en ville. Précisément à l’Office de Tourisme où je désire acheter un carnet de dix tickets de car BreizhGo pour la suite. Avant moi sont des retraitées qui, l’une après l’autre, demandent ce qu’elles peuvent faire. Le jeune homme les envoie toutes sur l’île de Bréhat, pas étonnant que celle-ci soit saturée. Certaines ont des maris mais ceux-ci sont restés dehors.
Après un café à L’Epoque, j’achète mon dessert au Fournil du Martray. Cela fait deux semaines que je suis en Bretagne et je n’ai pas encore mangé de kouign-amann, il est temps d’y remédier.
*
Née à Kérity, le sept octobre mil huit cent soixante-quatorze : Jeanne Weber (Moulinet de son nom de jeune fille), tueuse en série, surnommée « l'Ogresse de la Goutte d'Or ». Elle a étranglé dix enfants, dont les siens.
*
Une criminelle que devait bien connaître l’historien Dominique Kalifa, spécialiste des bas-fonds et des faits divers, qui s’est suicidé ce samedi douze septembre, le jour de son soixante-troisième anniversaire, après un dernier message à ses ami(e)s sur les réseaux sociaux : « Au revoir ».
Ce chemin est d’abord large et plat, il porte le nom de promenade suivi de celui d’un ancien Maire qui était dans l’armée. Je longe la baie de Poulafret avec ses bassins au bord desquels folâtrent des oies pas franchement amicales puis l’anse de Beauport.
Au-dessus de cette dernière se trouve Kérity, autrefois commune, aujourd’hui quartier de Paimpol. C’est son église que j’entendais sonner dix heures dimanche dernier depuis la pointe de Guilben, et non pas l’abbaye de Beauport que je trouve un peu plus loin, magnifiquement en ruine. Je suis seul pour en faire le tour avec mon appareil photo. Vraiment les moines étaient doués pour choisir l’emplacement de leurs abbayes, ici des prémontrés.
Lorsque je reprends le chemin je côtoie une zone d’étangs et des marécages et suis attentivement les traits blancs et rouges signalant le Géherre. Celui-ci devient digne de son appellation, incitant à la prudence quand on est d’âge avancé et mal chaussé. Lorsque je sors de sous les arbres, la mer est toujours à ma gauche et je suis arrivé à la pointe de Kerarzic. Devant moi, la Ferme Marine Paimpolaise dont j’ai appris l’existence en cherchant des restaurants proches de l’abbaye sur le plan de Gougueule. On y élève des huîtres. La dégustation est proposée à partir d’onze heures.
Il n’est que dix heures. Je fais le tour des bâtiments et descends sur la plage où une corde barre le chemin permettant d’accéder directement aux tables d’extérieur. Après en avoir de loin réservé une auprès de la jeune femme qui s’en occupe, je m’installe sur un muret pour lire la Correspondance de Léautaud. Pendant ce temps, la mer recule.
Parfois, un autochtone muni d’un seau et d’un râteau passe près de moi, me salue et va mettre les bottes dans la vase dans l’espoir de trouver quelque chose. Le ciel passe du bleu azur au noir menaçant. La lumière qui en résulte à la surface de la mer ferait le bonheur d’un bon photographe. Peu à peu apparaissent les parcs à huîtres.
A onze heures, le risque de l’averse écarté, la corde est enlevée par la serveuse. Je prends place à une table tout au bord du dessus de la plage. Les tracteurs des ostréiculteurs, certains munis d’énormes pneus, déboulent de l’exploitation et foncent vers les parcs à huîtres. Ce sont six de ces huîtres (neuf euros) que je commande, ainsi qu’un pot de rillettes de maquereaux à la moutarde à l’ancienne (sept euros). Je les accompagne de deux verres de chardonnay à trois euros et les fais suivre d’un café à un euro cinquante.
Seule une autre table est occupée, par cinq sexagénaires guillerets qui parlent d’un de leurs amis. Il s’est pris une branche dans la poire, le tracteur a continué tout seul, il a le visage tout tuméfié, il va falloir qu’il refasse ses papiers d’identité.
Il est midi quand je quitte l’exploitation marine. Je reprends le chemin accidenté dans l’autre sens, n’y croisant toujours personne.
Arrivé à hauteur de l’abbaye, je m’assois sur un banc fait d’une moitié de tronc d’arbre et reprends la lecture de Léautaud face au marais. Derrière moi, dans le pré, sont des vaches que j’entends brouter.
A quatorze heures, je suis de retour en ville. Précisément à l’Office de Tourisme où je désire acheter un carnet de dix tickets de car BreizhGo pour la suite. Avant moi sont des retraitées qui, l’une après l’autre, demandent ce qu’elles peuvent faire. Le jeune homme les envoie toutes sur l’île de Bréhat, pas étonnant que celle-ci soit saturée. Certaines ont des maris mais ceux-ci sont restés dehors.
Après un café à L’Epoque, j’achète mon dessert au Fournil du Martray. Cela fait deux semaines que je suis en Bretagne et je n’ai pas encore mangé de kouign-amann, il est temps d’y remédier.
*
Née à Kérity, le sept octobre mil huit cent soixante-quatorze : Jeanne Weber (Moulinet de son nom de jeune fille), tueuse en série, surnommée « l'Ogresse de la Goutte d'Or ». Elle a étranglé dix enfants, dont les siens.
*
Une criminelle que devait bien connaître l’historien Dominique Kalifa, spécialiste des bas-fonds et des faits divers, qui s’est suicidé ce samedi douze septembre, le jour de son soixante-troisième anniversaire, après un dernier message à ses ami(e)s sur les réseaux sociaux : « Au revoir ».
15 septembre 2020
Ce lundi, après un café croissants (achetés à La Fournée, moins bons, plus chers) pris en terrasse à L’Epoque, je rejoins la Gare de Paimpol afin de prendre le car de la ligne Vingt-Quatre qui dessert la pointe de l’Arcouest et son embarcadère pour l’ile de Bréhat. J’ai en ma possession un billet aller et retour pour celle-ci, acheté dix euros trente samedi dernier à la boutique de vêtements qui les vend où une dame charmante m’a donné toutes les explications nécessaires, notamment qu’il n’y a pas sur l’île de distributeur de billets.
Le premier Vingt-Quatre part à neuf heures zéro huit. Le voyage de douze minutes coûte un euro mais ce matin, nous dit le chauffeur, c’est gratuit, l’appareil est en panne. Nous sommes moins de dix, masqués et éloignés.
A l’arrivée, je suis effaré du nombre de personnes attendant le bateau, au moins une centaine, à quoi s’ajoute la centaine qui est là pour celui qui fait le tour de l’île. Un premier bateau part sans moi. Arrive le Cupidon et c’est bon. Je prends place à la proue, au grand air avec quelques autres téméraires. La traversée dure dix minutes. Le débarquement se fait à la cale de marée basse, ce qui implique une longue marche en troupeau sur la digue jusqu’à la cale de marée haute. La foule se dirige alors droit sur le bourg. Je prends à gauche pour être enfin seul et vais voir la citadelle. Elle abrite une verrerie pour touristes et est jouxtée d’un campigne municipal pour porteurs de tente. Ils sont peu d’installés.
Impossible de longer la côte, des propriétés privées l’empêchent, dont Ker Guevara. Le chemin est en fait une petite route goudronnée où surgissent les bruyants tracteurs des îliens et quelques bicyclettes louées (cette plaie des îles). J’arrive au moulin à mer qu’il me souvient avoir vu de près bien accompagné. Cette fois je le regarde de loin, tout comme, un peu plus loin, la chapelle Saint-Michel sur sa butte. Evitant la déchetterie, je mets le cap sur le bourg dans l’espoir d’y déjeuner.
Malédiction, ils sont tous là avec leurs masques, occupant déjà les terrasses du peu de restaurants ouverts. Beaucoup de ceux-ci sont fermés le lundi. Ce constat me consterne. Je décide de quitter les lieux, retourne à l’embarcadère de marée basse où des bateaux continuent de déverser des centaines d’arrivants. Là, je discute avec un employé venu faire un contrôle je ne sais où, prêt à repartir. Il me dit qu’une fois, un lundi, il a dû aller manger à la maison de retraite, faute de place dans les restaurants. Ce n’est pas mieux à la pointe de l’Arcouest, ajoute-t-il, on a le choix entre un restaurant d’hôtel quatre étoiles et un snack minable.
Le bateau de douze heures quinze, la Bréhatine, me ramène sur le continent. Plus qu’à attendre le car de quatorze heures vingt. Heureusement que Léautaud est là. Je le lis devant un splendide paysage de roches brunes et de mer azurée.
A Paimpol, les restaurants du port ouverts le lundi ne servent plus après quatorze heures trente (il est encore écrit sur les murs du Terre-Neuvas qu’on y sert à manger de onze heures à vingt-trois heures, mais, me dit le patron, depuis le confinement, c’est fini, on a dû réduire le personnel), sauf L’Islandais, à la carte, et à des prix exagérés. Je me contente d’un pichet d’eau, d’une galette saucisse de pays et d’une crêpe beurre sucre, que m’apporte la patronne, blonde et mielleuse. J’en ai pour dix euros.
Le café, je le bois à L’Epoque, en terrasse, au soleil, près de deux jeunes filles à robes roses et jolies jambes. Je les crois lycéennes, elles sont élèves infirmières, boivent de la bière, parlent de pansements et de peaux mortes macérées.
*
Bréhat n’a jamais été de mes îles préférées, trop grande, on y marche longtemps sans voir la mer, comme si on était à la campagne. J’aime les petites, Batz, Arz, Sein, etc.
*
Qui voit Bréhat est dans l’embarras. (nouveau proverbe breton)
Le premier Vingt-Quatre part à neuf heures zéro huit. Le voyage de douze minutes coûte un euro mais ce matin, nous dit le chauffeur, c’est gratuit, l’appareil est en panne. Nous sommes moins de dix, masqués et éloignés.
A l’arrivée, je suis effaré du nombre de personnes attendant le bateau, au moins une centaine, à quoi s’ajoute la centaine qui est là pour celui qui fait le tour de l’île. Un premier bateau part sans moi. Arrive le Cupidon et c’est bon. Je prends place à la proue, au grand air avec quelques autres téméraires. La traversée dure dix minutes. Le débarquement se fait à la cale de marée basse, ce qui implique une longue marche en troupeau sur la digue jusqu’à la cale de marée haute. La foule se dirige alors droit sur le bourg. Je prends à gauche pour être enfin seul et vais voir la citadelle. Elle abrite une verrerie pour touristes et est jouxtée d’un campigne municipal pour porteurs de tente. Ils sont peu d’installés.
Impossible de longer la côte, des propriétés privées l’empêchent, dont Ker Guevara. Le chemin est en fait une petite route goudronnée où surgissent les bruyants tracteurs des îliens et quelques bicyclettes louées (cette plaie des îles). J’arrive au moulin à mer qu’il me souvient avoir vu de près bien accompagné. Cette fois je le regarde de loin, tout comme, un peu plus loin, la chapelle Saint-Michel sur sa butte. Evitant la déchetterie, je mets le cap sur le bourg dans l’espoir d’y déjeuner.
Malédiction, ils sont tous là avec leurs masques, occupant déjà les terrasses du peu de restaurants ouverts. Beaucoup de ceux-ci sont fermés le lundi. Ce constat me consterne. Je décide de quitter les lieux, retourne à l’embarcadère de marée basse où des bateaux continuent de déverser des centaines d’arrivants. Là, je discute avec un employé venu faire un contrôle je ne sais où, prêt à repartir. Il me dit qu’une fois, un lundi, il a dû aller manger à la maison de retraite, faute de place dans les restaurants. Ce n’est pas mieux à la pointe de l’Arcouest, ajoute-t-il, on a le choix entre un restaurant d’hôtel quatre étoiles et un snack minable.
Le bateau de douze heures quinze, la Bréhatine, me ramène sur le continent. Plus qu’à attendre le car de quatorze heures vingt. Heureusement que Léautaud est là. Je le lis devant un splendide paysage de roches brunes et de mer azurée.
A Paimpol, les restaurants du port ouverts le lundi ne servent plus après quatorze heures trente (il est encore écrit sur les murs du Terre-Neuvas qu’on y sert à manger de onze heures à vingt-trois heures, mais, me dit le patron, depuis le confinement, c’est fini, on a dû réduire le personnel), sauf L’Islandais, à la carte, et à des prix exagérés. Je me contente d’un pichet d’eau, d’une galette saucisse de pays et d’une crêpe beurre sucre, que m’apporte la patronne, blonde et mielleuse. J’en ai pour dix euros.
Le café, je le bois à L’Epoque, en terrasse, au soleil, près de deux jeunes filles à robes roses et jolies jambes. Je les crois lycéennes, elles sont élèves infirmières, boivent de la bière, parlent de pansements et de peaux mortes macérées.
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Bréhat n’a jamais été de mes îles préférées, trop grande, on y marche longtemps sans voir la mer, comme si on était à la campagne. J’aime les petites, Batz, Arz, Sein, etc.
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Qui voit Bréhat est dans l’embarras. (nouveau proverbe breton)
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