Très peu de monde ce samedi matin dans le train pour Le Havre qui s’éloigne de Rouen au ralenti sous un ciel gris et bas et dans lequel je voyage à prix « Happy Hour », huit euros. Tunnels et viaducs se succèdent dans la banlieue puis d’un coup c’est la campagne, le Pays de Caux, arrêt à Yvetot où personne ne descend vendre ses Pim Pam Poum, ensuite des champs verts et bruns, des routes étroites qui vont quelque part, une église, une mare, nouvel arrêt à Bréauté-Beuzeville, enfin des immeubles, des grues portuaires, les deux hautes cheminées, terminus. Il est dix heures. Dehors, ça souffle.
Je suis la voie du tramouais jusqu’à la Porte Océane, ne croisant guère de monde. La mer est là avec sa plage déserte, son port de plaisance où rien ne bouge. Au loin, un porte-conteneurs les remporte vides en Chine Le vent n’est pas seulement fort, il est froid. J’entre dans le seul bar ouvert, le Spi. Le patron ressemble à ses clients, des piliers de comptoir parmi lesquels d’anciens marins. Leur conversation rugueuse mélange déchéance orthographique (« C’est bien la peine d’être allé à l’école jusqu’à quatorze ans ») et déchéance de nationalité (« Un franco-marocain qui fait une connerie au Maroc, s’il est déchu là-bas on nous le renvoie ? ») puis elle se fixe sur le tremblement de terre à Taïwan, une ville du Japon. J’y reste un certain temps à lire Rushdie.
Affrontant le grand vent, je poursuis en bord de mer jusqu'au restaurant indo-pakistanais Namasty India. Une affiche annonce un changement de propriétaire. Le buffet à volonté en fait les frais, remplacé par une assiette à alvéoles proposant un échantillon de divers plats pour onze euros. Je suis le seul client. Par la vitre, j’observe un courageux photographe qui s’approprie un immeuble Perret. Avec le nan au fromage et un quart de vin rouge, cela fait dix-huit euros cinquante.
Ce premier samedi du mois, la MuMa (Musée d’Art Moderne André Malraux) est gratuit. J’y visite l’exposition Le Havre en noir et blanc de Bernard Plossu qui, depuis qu’il l’a découverte en deux mille treize, est « fasciné par la ville portuaire ». En deux mille quatorze, il est revenu la parcourir. « Pour faire de bonnes photos, il faut être bien chaussé », a-t-il déclaré. Pour en faire de mauvaises aussi, me dis-je. Les siennes sont bonnes, c’est sûr, bien dans son style, mais beaucoup trop petites à mon goût. Une moitié a plus ou moins le format A Quatre. L’autre moitié est minuscule, quatre centimètres sur sept à peu près, de toutes petites images à l’ancienne entourées d’un passe-partout démesuré. Il faut se coller dessus pour voir de quoi il retourne, ce qui est possible car malgré la gratuité il n’y a pas grand monde.
Bousculé à nouveau par le vent tempétueux, je rejoins le quartier Saint-François dans l’espoir d’y trouver un café accueillant, mais presque tout est fermé. Les deux brasseries ouvertes sont emplies de convives faisant traîner le repas. Aucune table n’est disponible.
Je suis obligé de me rapprocher de la gare plus tôt que prévu et trouve refuge à La Baraka, brasserie café hôtel, au bout du boulevard de Strasbourg. J’y reprends ma lecture dans l’attente du train de seize heures cinquante-cinq. Peu fréquenté, il me ramène à Rouen où grouille la foule des consommateurs.
Je suis la voie du tramouais jusqu’à la Porte Océane, ne croisant guère de monde. La mer est là avec sa plage déserte, son port de plaisance où rien ne bouge. Au loin, un porte-conteneurs les remporte vides en Chine Le vent n’est pas seulement fort, il est froid. J’entre dans le seul bar ouvert, le Spi. Le patron ressemble à ses clients, des piliers de comptoir parmi lesquels d’anciens marins. Leur conversation rugueuse mélange déchéance orthographique (« C’est bien la peine d’être allé à l’école jusqu’à quatorze ans ») et déchéance de nationalité (« Un franco-marocain qui fait une connerie au Maroc, s’il est déchu là-bas on nous le renvoie ? ») puis elle se fixe sur le tremblement de terre à Taïwan, une ville du Japon. J’y reste un certain temps à lire Rushdie.
Affrontant le grand vent, je poursuis en bord de mer jusqu'au restaurant indo-pakistanais Namasty India. Une affiche annonce un changement de propriétaire. Le buffet à volonté en fait les frais, remplacé par une assiette à alvéoles proposant un échantillon de divers plats pour onze euros. Je suis le seul client. Par la vitre, j’observe un courageux photographe qui s’approprie un immeuble Perret. Avec le nan au fromage et un quart de vin rouge, cela fait dix-huit euros cinquante.
Ce premier samedi du mois, la MuMa (Musée d’Art Moderne André Malraux) est gratuit. J’y visite l’exposition Le Havre en noir et blanc de Bernard Plossu qui, depuis qu’il l’a découverte en deux mille treize, est « fasciné par la ville portuaire ». En deux mille quatorze, il est revenu la parcourir. « Pour faire de bonnes photos, il faut être bien chaussé », a-t-il déclaré. Pour en faire de mauvaises aussi, me dis-je. Les siennes sont bonnes, c’est sûr, bien dans son style, mais beaucoup trop petites à mon goût. Une moitié a plus ou moins le format A Quatre. L’autre moitié est minuscule, quatre centimètres sur sept à peu près, de toutes petites images à l’ancienne entourées d’un passe-partout démesuré. Il faut se coller dessus pour voir de quoi il retourne, ce qui est possible car malgré la gratuité il n’y a pas grand monde.
Bousculé à nouveau par le vent tempétueux, je rejoins le quartier Saint-François dans l’espoir d’y trouver un café accueillant, mais presque tout est fermé. Les deux brasseries ouvertes sont emplies de convives faisant traîner le repas. Aucune table n’est disponible.
Je suis obligé de me rapprocher de la gare plus tôt que prévu et trouve refuge à La Baraka, brasserie café hôtel, au bout du boulevard de Strasbourg. J’y reprends ma lecture dans l’attente du train de seize heures cinquante-cinq. Peu fréquenté, il me ramène à Rouen où grouille la foule des consommateurs.