Henri-Pierre Roché est au programme de France Culture, ce jeudi soir, dans Ping Pong, la confuse émission de Mathilde Serrell et Mathieu Quenehen. Y sont invités la chanteuse Camélia Jordana et le comédien Félix Moati qui liront avec un troisième des extraits de Jules et Jim au festival Le Goût des Autres au Havre ce dimanche soir, ainsi que Xavier Rockenstrocly, président de l’association Jules et Jim et co-auteur des Cahiers de l’Herne consacrés à Roché. J’écoute ça d’une oreille attentive mais n’en retire pas grand-chose. Il vaut mieux revenir au texte, aux Carnets dudit Roché :
Munich, jeudi cinq août mil neuf cent vingt, retrouvant son ami Franz Hessel :
Franz arrive chez nous à 11h. –De loin je reconnais sa silhouette et sa marche, moins traînante qu’avant la guerre. –Je cours au-devant de lui dans la prairie. –Nous nous embrassons, sur la bouche vite et naturellement. Nous ne nous sommes pas vus depuis 1913, sept ans –rien n’est changé.
Munich, samedi sept août mil neuf cent vingt :
De là nous allons chez les Starke –je regarde des estampes érotiques japonaises –celles où les gens sont gros m’ennuient –mais soudain en voici de minces qui me font passer dans les os un violent désir pour Cligneur. (une autre de ses amantes)
Munich, mercredi quinze septembre mil neuf cent vingt, avec Helen, femme de Franz :
… je commence à manger sa nuque, puis son dos, ses muscles de nageuse, ses flancs, sa croupe –elle ne bouge pas– je prends mon temps, je la mange à fond, j’arrive à ses intimités, je les écarte, je la mange, succulente comme une huître fine, je m’y arrête, je ne puis plus les quitter –elle ne bouge pas encore– alors commence, comme imperceptible, un amour infiniment doux, lent, patient, interminable, ménager, qui ne s’enfle qu’avec tout le regret possible, qui ne cède à la sainte fureur que peu avant le jour, et qui me laisse comme mort contre elle, et aveugle pour plus d’une heure, sans pouvoir distinguer une fenêtre de l’autre ni voir ma main : je n’en ai même pas d’inquiétude –j’aurais voulu mourir tout à fait…
Paris, lundi vingt-cinq octobre mil neuf cent vingt, ayant maintenant envie d’un enfant garçon avec son Helen mais pas avec les autres :
Soir Mno –dormir nus –notre chambre blanche –au matin encore un sp. délicieux, mais ne me déviant pas de Hln. Et de ma volonté constante d’enfant d’elle.
Paris, samedi trente octobre mil neuf cent vingt :
Concert Colonne –audition du Protée de Darius Milhaud. –Satie, Auric, Cocteau, toute la bande, très sérieuse, sauf Satie, délicieux, qui crie : « A bas les ivrognes ! » -Protestations, chahut.
Je pars avec Satie –grand talk au café voisin. Il m’emmène dîner place de l’Observatoire –Talk socratique jusqu’à minuit.
*
Lexique : sp. pour spend (orgasme).
Munich, jeudi cinq août mil neuf cent vingt, retrouvant son ami Franz Hessel :
Franz arrive chez nous à 11h. –De loin je reconnais sa silhouette et sa marche, moins traînante qu’avant la guerre. –Je cours au-devant de lui dans la prairie. –Nous nous embrassons, sur la bouche vite et naturellement. Nous ne nous sommes pas vus depuis 1913, sept ans –rien n’est changé.
Munich, samedi sept août mil neuf cent vingt :
De là nous allons chez les Starke –je regarde des estampes érotiques japonaises –celles où les gens sont gros m’ennuient –mais soudain en voici de minces qui me font passer dans les os un violent désir pour Cligneur. (une autre de ses amantes)
Munich, mercredi quinze septembre mil neuf cent vingt, avec Helen, femme de Franz :
… je commence à manger sa nuque, puis son dos, ses muscles de nageuse, ses flancs, sa croupe –elle ne bouge pas– je prends mon temps, je la mange à fond, j’arrive à ses intimités, je les écarte, je la mange, succulente comme une huître fine, je m’y arrête, je ne puis plus les quitter –elle ne bouge pas encore– alors commence, comme imperceptible, un amour infiniment doux, lent, patient, interminable, ménager, qui ne s’enfle qu’avec tout le regret possible, qui ne cède à la sainte fureur que peu avant le jour, et qui me laisse comme mort contre elle, et aveugle pour plus d’une heure, sans pouvoir distinguer une fenêtre de l’autre ni voir ma main : je n’en ai même pas d’inquiétude –j’aurais voulu mourir tout à fait…
Paris, lundi vingt-cinq octobre mil neuf cent vingt, ayant maintenant envie d’un enfant garçon avec son Helen mais pas avec les autres :
Soir Mno –dormir nus –notre chambre blanche –au matin encore un sp. délicieux, mais ne me déviant pas de Hln. Et de ma volonté constante d’enfant d’elle.
Paris, samedi trente octobre mil neuf cent vingt :
Concert Colonne –audition du Protée de Darius Milhaud. –Satie, Auric, Cocteau, toute la bande, très sérieuse, sauf Satie, délicieux, qui crie : « A bas les ivrognes ! » -Protestations, chahut.
Je pars avec Satie –grand talk au café voisin. Il m’emmène dîner place de l’Observatoire –Talk socratique jusqu’à minuit.
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Lexique : sp. pour spend (orgasme).