Souvenir du l’époque où j’écrivais encore des textes à destination de revues littéraires confidentielles, je relis, à l’heure de le mettre en ligne sur Textes en Revues, ce récit intitulé Quatre chansons et un enterrement, narration de la cérémonie religieuse consécutive à la mort de Franck Langolff :
Onze septembre deux mille six, pour qui sonne le glas ? se demandaient les habitués du Son du Cor et bien sûr l’idée leur venait qu’il s’agissait de commémorer le cinquième anniversaire de la destruction des Twin Towers. Trouvaient ça bizarre tout de même et un peu louche. Je me levais les laissant à leurs élucubrations de comptoir et quittais ce mauvais lieu où j’écris en terrasse chaque jour de beau temps.
Je me dirigeais vers la cathédrale, qui à cloches que veux-tu m’appelait aux obsèques de Franck Langolff, le compositeur de moult chansonnettes, dont Joe le taxi.
On attendait le corbillard. Beaucoup de lunettes noires façon chaubise, des proches et des moins proches, des musiciens accomplis et des laissés pour compte devenus vendeur de cédés d’occasion ou animateur de vide greniers, une équipe de la télévision régionale et pas mal de curieux, cela faisait foule sur le parvis surchauffé.
De bons moments, voilà pourquoi j’étais là, la petite Vanessa Paradis et sa rengaine, musique de Franck Langolff, découverte avec Sandra quand l’âge venant j’avais commencé à plaire aux jeunes filles, écoutée ensuite avec Laura, retrouvée avec Mélo, réentendue avec Melina en ce moment au lycée, une chansonnette qui, accessoirement, grâce au texte d’Etienne Roda-Gil, mort lui aussi, m’avait conduit à Xavier Cugat et à la si grande folle Yma Sumac, juste dire merci un lundi après-midi.
Le cortège automobile se garait devant la cathédrale et d’une des voitures sortait cette jolie fille si souvent croisée, cycliste élégante sur son vélo hollandais, spectatrice assidue de la danse à l’Opéra, buveuse de jus de fruits à l’Espiguette. Une inconnue à qui je n’avais jamais parlé mais qui me disait parfois bonjour et que je savais maintenant intimement liée à celui dont le corps était enfermé dans la boîte en bois. D’un joli geste du bras, le regard clair, elle invitait la foule à suivre le cercueil dans la cathédrale.
Le curé disait des sottises comme en disent tous les curés, prétendant que le soleil nous était généreusement offert par le défunt, qu’aurait-il inventé s’il avait plu? Aurait mieux fait de rappeler la chanson pour l’Éthiopie, composée par Franck Langolff et chantée en chœur par nombre d’artistes connus, absents aujourd’hui, à une époque où l’on pouvait encore croire à la sincérité d’un tel geste. Nous lisait un extrait du Livre de Job. Puis nous promettait des chansons pendant le salut au mort, non pas Joe le taxi mais Quand j’rai p’tit chanté par Franck Langolff en personne, Imagine de John Lennon et Blowin’ in te wind de Bob Dylan. Cette dernière passait à la trappe, remplacée par une longue improvisation de l’organiste.
Il était temps de quitter l’agréable fraîcheur de la cathédrale et de se regrouper sur le parvis où quatre croque-morts synchrones chargeaient le mort dans le corbillard tandis que la jolie fille au sourire philosophique saluait ses amis. Puis, vas-y Joe, le convoi se mettait en route sous les applaudissements.
Ce texte a été publié dans la revue Décharge en juin deux mille sept, À cette époque, je l’ai fait lire à « cette jolie fille si souvent croisée » qui en a été étonnée. Bien plus tard, le fils du défunt devenu adulte m’a dit qu’il l’avait lu.
Onze septembre deux mille six, pour qui sonne le glas ? se demandaient les habitués du Son du Cor et bien sûr l’idée leur venait qu’il s’agissait de commémorer le cinquième anniversaire de la destruction des Twin Towers. Trouvaient ça bizarre tout de même et un peu louche. Je me levais les laissant à leurs élucubrations de comptoir et quittais ce mauvais lieu où j’écris en terrasse chaque jour de beau temps.
Je me dirigeais vers la cathédrale, qui à cloches que veux-tu m’appelait aux obsèques de Franck Langolff, le compositeur de moult chansonnettes, dont Joe le taxi.
On attendait le corbillard. Beaucoup de lunettes noires façon chaubise, des proches et des moins proches, des musiciens accomplis et des laissés pour compte devenus vendeur de cédés d’occasion ou animateur de vide greniers, une équipe de la télévision régionale et pas mal de curieux, cela faisait foule sur le parvis surchauffé.
De bons moments, voilà pourquoi j’étais là, la petite Vanessa Paradis et sa rengaine, musique de Franck Langolff, découverte avec Sandra quand l’âge venant j’avais commencé à plaire aux jeunes filles, écoutée ensuite avec Laura, retrouvée avec Mélo, réentendue avec Melina en ce moment au lycée, une chansonnette qui, accessoirement, grâce au texte d’Etienne Roda-Gil, mort lui aussi, m’avait conduit à Xavier Cugat et à la si grande folle Yma Sumac, juste dire merci un lundi après-midi.
Le cortège automobile se garait devant la cathédrale et d’une des voitures sortait cette jolie fille si souvent croisée, cycliste élégante sur son vélo hollandais, spectatrice assidue de la danse à l’Opéra, buveuse de jus de fruits à l’Espiguette. Une inconnue à qui je n’avais jamais parlé mais qui me disait parfois bonjour et que je savais maintenant intimement liée à celui dont le corps était enfermé dans la boîte en bois. D’un joli geste du bras, le regard clair, elle invitait la foule à suivre le cercueil dans la cathédrale.
Le curé disait des sottises comme en disent tous les curés, prétendant que le soleil nous était généreusement offert par le défunt, qu’aurait-il inventé s’il avait plu? Aurait mieux fait de rappeler la chanson pour l’Éthiopie, composée par Franck Langolff et chantée en chœur par nombre d’artistes connus, absents aujourd’hui, à une époque où l’on pouvait encore croire à la sincérité d’un tel geste. Nous lisait un extrait du Livre de Job. Puis nous promettait des chansons pendant le salut au mort, non pas Joe le taxi mais Quand j’rai p’tit chanté par Franck Langolff en personne, Imagine de John Lennon et Blowin’ in te wind de Bob Dylan. Cette dernière passait à la trappe, remplacée par une longue improvisation de l’organiste.
Il était temps de quitter l’agréable fraîcheur de la cathédrale et de se regrouper sur le parvis où quatre croque-morts synchrones chargeaient le mort dans le corbillard tandis que la jolie fille au sourire philosophique saluait ses amis. Puis, vas-y Joe, le convoi se mettait en route sous les applaudissements.
Ce texte a été publié dans la revue Décharge en juin deux mille sept, À cette époque, je l’ai fait lire à « cette jolie fille si souvent croisée » qui en a été étonnée. Bien plus tard, le fils du défunt devenu adulte m’a dit qu’il l’avait lu.