Encore passé une bonne partie de la journée à tapoter des notes de lecture et de relecture. Dans celles relatives à la Correspondance de Paul Léautaud, relue en Bretagne cet automne, j’extrais la missive d’icelui envoyée le lundi treize octobre mil neuf cent quarante-neuf au jeune Georges Poulot (futur Perros), après que celui-ci a commis l’imprudence de s’épancher auprès de son aîné :
Mon cher Poulot.
Vous m’écrivez une lettre bien déplaisante, dans son style, dans son vocabulaire, dans les attitudes qu’elle évoque, les airs penchés et gémissements.
« Je me croîs fini. » Vous parlez comme les romanciers de l’école réaliste ou naturaliste, fabricants de littérature, inventeurs de sujets sur lesquels ils bûchaient comme des manœuvres pour en tirer le meilleur parti possible, et qui, parbleu ! arrivés à un certain âge, leur faculté d’invention se faisait rétive à la découverte de nouveaux chefs-d’œuvre à fabriquer.
C’est pitoyable. Je n’aime pas les gémissements, les gens qui exagèrent leur malheur, (ou leur bonheur). Je comprends qu’on se retire, mais s’aplatir, perdant tout ressort ? A votre âge ? Vous avez vraiment des airs de poète romantique. (…)
Et par-dessus le marché, qu’êtes-vous : comédien, ou écrivain ? Les deux ? Cela engendre les Truffier, les Féraudy, les Mounet-Sully, d’autres que j’oublie.
A vous.
Comment le jeune Poulot prit la chose, j’aimerais le savoir. Ce qui est sûr, c’est qu’il abandonna assez vite ses activités de comédien.
*
En bonus, l’avis de Léautaud sur Les Essais de Montaigne, ma lecture d’été dans le Massif Central :
Mais, que diable, vous aussi, après d’autres, me jetez-vous Montaigne dans les jambes. Vous ne trouverez son nom dans rien de ce que j’ai écrit. Je n’ai jamais pu le lire. Dans ma jeunesse, ayant acheté les Essais, après avoir lu dix pages, j’ai bazardé l’ouvrage. J’ai horreur des citateurs. Le vendredi vingt-sept mai mil neuf cent quarante-neuf à Henri Clouard
Mon cher Poulot.
Vous m’écrivez une lettre bien déplaisante, dans son style, dans son vocabulaire, dans les attitudes qu’elle évoque, les airs penchés et gémissements.
« Je me croîs fini. » Vous parlez comme les romanciers de l’école réaliste ou naturaliste, fabricants de littérature, inventeurs de sujets sur lesquels ils bûchaient comme des manœuvres pour en tirer le meilleur parti possible, et qui, parbleu ! arrivés à un certain âge, leur faculté d’invention se faisait rétive à la découverte de nouveaux chefs-d’œuvre à fabriquer.
C’est pitoyable. Je n’aime pas les gémissements, les gens qui exagèrent leur malheur, (ou leur bonheur). Je comprends qu’on se retire, mais s’aplatir, perdant tout ressort ? A votre âge ? Vous avez vraiment des airs de poète romantique. (…)
Et par-dessus le marché, qu’êtes-vous : comédien, ou écrivain ? Les deux ? Cela engendre les Truffier, les Féraudy, les Mounet-Sully, d’autres que j’oublie.
A vous.
Comment le jeune Poulot prit la chose, j’aimerais le savoir. Ce qui est sûr, c’est qu’il abandonna assez vite ses activités de comédien.
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En bonus, l’avis de Léautaud sur Les Essais de Montaigne, ma lecture d’été dans le Massif Central :
Mais, que diable, vous aussi, après d’autres, me jetez-vous Montaigne dans les jambes. Vous ne trouverez son nom dans rien de ce que j’ai écrit. Je n’ai jamais pu le lire. Dans ma jeunesse, ayant acheté les Essais, après avoir lu dix pages, j’ai bazardé l’ouvrage. J’ai horreur des citateurs. Le vendredi vingt-sept mai mil neuf cent quarante-neuf à Henri Clouard