Je retrouve le chemin qui mène au Tribunal Administratif de Rouen ce lundi matin afin d’y soutenir, à l’appel du Réseau Education Sans Frontières, un père de famille mongol embastillé depuis quelques jours au Centre de Rétention à Oissel. Des pères et mères d’élèves de l’école Marie Houdemare, située en centre ville, où sont scolarisés deux des enfants de cet homme, m’ont précédé, trois venues avec bébé. Sont là aussi la femme de cet homme, l’une de leurs filles pas encore scolarisée et un ami de la famille. Nous sommes rejoints par quelques autres membres du Réseau. Un peu avant onze heures se présente le fourgon d’où sortent sans menottes celui qu’on attend et un autre irrégulier. Ils sont encadrés par deux Policiers et une Policière détendus. Leur avocate, Cécile Madeline du cabinet Eden, s’entretient avec eux.
Arrive une huissière qui déclare « Je vais avoir besoin de vos noms et de vos cartes d’identité ». Tout le monde obtempère, sauf moi qui me glisse directement dans la salle d’audience.
-C’est légal cette façon de faire ? demandé-je à deux membres du Réseau.
Elles évoquent le plan Vigipirate mais je ne suis pas convaincu. Les audiences sont publiques. Je ne vois pas pourquoi il faudrait justifier de son identité.
-Tu as refusé toi ? me demande l’une.
-Non, je suis entré sans aller la voir.
Le second embastillé est un jeune Tunisien barbu en tenue de sport. Il est rejoint par son amie, une Française en longue robe grise, voilée, mâcheuse de chouine-gomme, venue avec une enfant en bas âge portant un souite marqué « très jolie ». D’autres parents d’élèves de Marie Houdemare arrivent à leur tour, plusieurs avec bébé. Je n’ai jamais vu autant d’enfants de cet âge dans ce Tribunal. Ils s’y tiennent bien.
Nous nous levons à l’arrivée du Juge. Il commence par le dossier du Tunisien de dix-neuf ans dont le téléphone sonne bruyamment lorsque Maître Madeline commence à le défendre. Son cas n’est pas des meilleurs. Il a été mis en Centre de Rétention après avoir fait deux mois de prison pour n’avoir pas justifié régulièrement de son assignation à résidence. L’avocate signale au juge que la jeune amie française de son client, ici présente, est enceinte de lui et que la Tunisie n’a pas au bout de quarante-cinq jours répondu à la demande de réadmission et ne le fera peut-être pas.
Est ensuite évoqué le dossier du père mongol, homme placide dont la femme sourit malgré les circonstances. Ils sont en France depuis six ans et ont été déboutés du droit d’asile. Ils ont quatre enfants. Les deux aînés sont scolarisés à Marie Houdemare dont la directrice et une institutrice viennent d’arriver après la fin des classes. Ces deux enfants parlent mieux le français que leur langue natale et portent comme patronyme le prénom de leur père selon la coutume de leur pays d’origine. Les deux plus jeunes, nés en France, ont pour patronyme celui de leur père selon la coutume d’ici. Comment les autorités chinoises pourraient-elles accepter cela ? D’autant qu’un couple de mongols n’est autorisé qu’à avoir deux enfants.
Le Juge se retire pour délibérer et revient vers treize heures pour annoncer que le jeune Tunisien restera au Centre de Rétention et que le père de famille mongol peut rentrer chez lui mais reste sous l’Obligation de Quitter le Territoire Français. Les parents et les enseignantes de Marie Houdemare poussent un soupir de soulagement tandis que le jeune homme se lève et demande au Juge pourquoi lui il n’est pas libéré.
-Votre avocate vous l’expliquera, déclare celui-ci avant de quitter la salle.
Furieux, le déçu s’emporte dans l’entrée du Tribunal. Les Policiers s’emploient à le calmer avant de le ramener à Oissel.
*
Quatre ans de procédure d’asile pour cette famille de Mongolie Intérieure qui, bien que déboutée, loge encore dans les locaux du Cada (Centre d’Accueil pour Demandeur d’Asile). Un jugement du Tribunal d’Instance lui a accordé un délai de six mois à compter de juin dernier pour partir. C’est sans doute la raison pour laquelle le Préfet de Seine-Maritime a demandé le placement du père en Centre de Rétention, il faut faire de la place pour l’arrivée des Syriens.
*
Une loi récemment votée vise à raccourcir le délai d’étude des dossiers de demande d’asile. Cela est présenté comme un progrès, mais pour les déboutés l’expulsion sera plus facile puisqu’ils n’auront pas le temps de faire naître des enfants en France ni d’en mettre d’autres déjà nés à l’école suffisamment longtemps pour qu’ils y apprennent le français.
Arrive une huissière qui déclare « Je vais avoir besoin de vos noms et de vos cartes d’identité ». Tout le monde obtempère, sauf moi qui me glisse directement dans la salle d’audience.
-C’est légal cette façon de faire ? demandé-je à deux membres du Réseau.
Elles évoquent le plan Vigipirate mais je ne suis pas convaincu. Les audiences sont publiques. Je ne vois pas pourquoi il faudrait justifier de son identité.
-Tu as refusé toi ? me demande l’une.
-Non, je suis entré sans aller la voir.
Le second embastillé est un jeune Tunisien barbu en tenue de sport. Il est rejoint par son amie, une Française en longue robe grise, voilée, mâcheuse de chouine-gomme, venue avec une enfant en bas âge portant un souite marqué « très jolie ». D’autres parents d’élèves de Marie Houdemare arrivent à leur tour, plusieurs avec bébé. Je n’ai jamais vu autant d’enfants de cet âge dans ce Tribunal. Ils s’y tiennent bien.
Nous nous levons à l’arrivée du Juge. Il commence par le dossier du Tunisien de dix-neuf ans dont le téléphone sonne bruyamment lorsque Maître Madeline commence à le défendre. Son cas n’est pas des meilleurs. Il a été mis en Centre de Rétention après avoir fait deux mois de prison pour n’avoir pas justifié régulièrement de son assignation à résidence. L’avocate signale au juge que la jeune amie française de son client, ici présente, est enceinte de lui et que la Tunisie n’a pas au bout de quarante-cinq jours répondu à la demande de réadmission et ne le fera peut-être pas.
Est ensuite évoqué le dossier du père mongol, homme placide dont la femme sourit malgré les circonstances. Ils sont en France depuis six ans et ont été déboutés du droit d’asile. Ils ont quatre enfants. Les deux aînés sont scolarisés à Marie Houdemare dont la directrice et une institutrice viennent d’arriver après la fin des classes. Ces deux enfants parlent mieux le français que leur langue natale et portent comme patronyme le prénom de leur père selon la coutume de leur pays d’origine. Les deux plus jeunes, nés en France, ont pour patronyme celui de leur père selon la coutume d’ici. Comment les autorités chinoises pourraient-elles accepter cela ? D’autant qu’un couple de mongols n’est autorisé qu’à avoir deux enfants.
Le Juge se retire pour délibérer et revient vers treize heures pour annoncer que le jeune Tunisien restera au Centre de Rétention et que le père de famille mongol peut rentrer chez lui mais reste sous l’Obligation de Quitter le Territoire Français. Les parents et les enseignantes de Marie Houdemare poussent un soupir de soulagement tandis que le jeune homme se lève et demande au Juge pourquoi lui il n’est pas libéré.
-Votre avocate vous l’expliquera, déclare celui-ci avant de quitter la salle.
Furieux, le déçu s’emporte dans l’entrée du Tribunal. Les Policiers s’emploient à le calmer avant de le ramener à Oissel.
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Quatre ans de procédure d’asile pour cette famille de Mongolie Intérieure qui, bien que déboutée, loge encore dans les locaux du Cada (Centre d’Accueil pour Demandeur d’Asile). Un jugement du Tribunal d’Instance lui a accordé un délai de six mois à compter de juin dernier pour partir. C’est sans doute la raison pour laquelle le Préfet de Seine-Maritime a demandé le placement du père en Centre de Rétention, il faut faire de la place pour l’arrivée des Syriens.
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Une loi récemment votée vise à raccourcir le délai d’étude des dossiers de demande d’asile. Cela est présenté comme un progrès, mais pour les déboutés l’expulsion sera plus facile puisqu’ils n’auront pas le temps de faire naître des enfants en France ni d’en mettre d’autres déjà nés à l’école suffisamment longtemps pour qu’ils y apprennent le français.