Le Journal de Michel Perdrial
Le Journal de Michel Perdrial



Loïc Boyer
Je suis l’auteur de textes courts qui furent publiés depuis mil neuf cent quatre-vingt-quinze dans des revues littéraires en France (Supérieur Inconnu, Supplément d’Ame, Nouvelle Donne, Le Bord de l’Eau, Pris de Peur, l’Art du Bref, Sol’Air, Gros Textes, Salmigondis, Verso, Décharge, Bulle, Filigranes, Diérèse, Martobre, Comme ça et Autrement, (Cahier d’) Ecritures, La Nef des Fous), en Belgique (Traversées, Ecrits Vains, L’Arbre à Plumes, Inédit Nouveau, Bleu d’Encre), au Canada (Les Saisons Littéraires) et en Italie (Les Cahiers du Ru).
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.







Rss

A l’Ouest (trente et un) : Fort Bloqué

22 juin 2024


Un orage hier vers dix-sept heures et ce vendredi matin un ciel tout bleu, c’est enfin le jour où je vais voir (revoir) le Fort de Keragan, dit aussi Fort Bloqué, et le « village » qui lui fait face, appelé Le Fort Bloqué, où, m’a appris l’ami Christian Degoutte, qui en connait un rayon sur les poètes, vivait Alain Jégou.
Pour rejoindre ce lieu-dit qui fait partie de la commune de Ploemeur, je prends le bus Té Trois, terminus Ploemeur Les Pins, et en descends à l’arrêt Kerjoël. Grâce à un autochtone, je déniche l’arrêt provisoire du bus Trente-Trois dont le terminus est Fort Bloqué. Je dois l’attendre quinze minutes mais il est prodigieusement à l’heure comme tous les bus et bateaux-bus de l’agglomération de Lorient.
Ce bus où je suis seul me dépose juste en face du Fort de Keragan. Cette forteresse construite sur la petite île de Keragan est accessible pédestrement à marée basse. C’est privé et à louer selon la saison entre deux mille et quatre mille euros la semaine. Un petit port à flot jouxte l’île. Pour l’heure, c’est marée haute.
Je marche le long de la côte jusqu’à trouver le Fournil de Fort Bloqué, lequel n’est qu’un dépôt de pains et pâtisseries mais cela me suffit. J’y achète, pour un euro dix, un pain au chocolat. A côté est le bar tabac Les Tamaris, vaste établissement doté d’une terrasse. Hélas, celle-ci est séparée de la mer par la route et un parquigne. Rien d’autre à voir que des voitures et le camion des éboueurs qui glandent à l’intérieur devant un café.
Je me situe entre Guidel Plages et Larmor-Plage. Je choisis de marcher vers cette dernière en me rapprochant ainsi de la Pointe du Courégant. Le chemin est plein de promesses, la mer est belle et les rochers bretons mais assez vite il faut longer la route et cela suffit à me décourager.
De retour au Tamaris, je m’offre un nouvel allongé à un euro quatre-vingts et lis un peu Proust et Céleste cependant que le ciel se couvre. De temps à autre passe un avion dans un bruit d’aéroport. Lann-Bihoué n’est pas loin.
Si je ne suis pas déçu par le Fort de Keragan, en revanche j’attendais plus du village de Fort Bloqué où le seul restaurant (avec vue sur les voitures) ne sert qu’à la carte et pour cher des plats courants.
Sous un ciel complètement gris, je rentre à Lorient avec le bus Trente-Trois de dix heures cinquante-six dont je descends à l’arrêt Fontaine Saint-Pierre où il est plus facile de récupérer le Té Trois. Passant devant Le Parisien avec ce dernier, je constate qu’on y installe, en vue des festivités de la soirée, des pompes à bière d’extérieur. Ce doit être la même chose au Wesport Inn et chez son voisin.
Ce n’est pas le genre du Vauban où je déjeune à midi de la formule du jour : couscous maison, quart de vin rouge et mousse au chocolat. Mes voisines sont trois et ont mon âge. « Je me souviens à La Garenne-Colombes, il y avait une brasserie dans ce genre-là », dit l’une aux deux autres.
Pas de pompes à bière d’extérieur non plus au Crème où je prends le café en terrasse, à une table plus ou moins ensoleillée car le temps s’est de nouveau amélioré. Le commerce voisin, Au Vent des Mots, est une très belle librairie où je n’ai aucune envie d’entrer.
Pas plus que, le soir venu, je n’ai envie de sortir. Ce vendredi, c’est Fête de la Musique et match de foute de l’Euro avec l’équipe de France, deux raisons de se pinter dans une région qui pour cela n’a besoin d’aucune.
                                                                 *
Alain Jégou n’était pas seulement poète, c’était aussi un authentique marin pêcheur. Son bateau, immatriculé à Lorient, avait pour nom Ikaria. Il est mort d’un cancer en deux mille treize à l’âge de soixante-quatre ans.
Espace portuaire dorloté par la nuit. L’ombre maousse pèse sur l’avenue de La Perrière, les troquets aux quinquets fermés, les magasins de marée, la glacière, le slip-way et ses bassins de carénage. Pas ou peu de bruit encore, aucune agitation particulière, pas le tintouin excessif des nuits estivales. L’air est vif et glacial. Notre monde frémit et se recroqueville sous la botte hivernale. La vie la nuit se bourre d’étoupe, de silences grassouillets, pour colmater ses brèches et opposer sa frêle résistance aux vents perfides qui la pénètrent et malmènent. Halo orangé et brouillard givré pour seules nippes, envapé et groggy, le port se cherche un rythme pour l’éveil. Passe Ouest suivi d'IKARIA LO 686070, Editions Apogée