Dernières notes
Loïc Boyer
Je suis l’auteur de textes courts qui furent publiés depuis mil neuf cent quatre-vingt-quinze dans des revues littéraires en France (Supérieur Inconnu, Supplément d’Ame, Nouvelle Donne, Le Bord de l’Eau, Pris de Peur, l’Art du Bref, Sol’Air, Gros Textes, Salmigondis, Verso, Décharge, Bulle, Filigranes, Diérèse, Martobre, Comme ça et Autrement, (Cahier d’) Ecritures, La Nef des Fous), en Belgique (Traversées, Ecrits Vains, L’Arbre à Plumes, Inédit Nouveau, Bleu d’Encre), au Canada (Les Saisons Littéraires) et en Italie (Les Cahiers du Ru).
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.
2 avril 2022
La briocherie Sicard, ce premier avril, n’a pas loupé le début de la haute saison en passant son petit-déjeuner « détente » de quatre euros cinquante à cinq euros trente, une augmentation de dix-huit pour cent, que l’on m’annonce une fois la commande posée sur le plateau, bien obligé d’obtempérer.
Sorti de là, je me dirige vers la Gare et attends cette fois le car numéro Quatre. Il conduit à Surgères. Son terminus est Place du Château. C’est précisément celui-ci qui m’attire dans cette petite ville de l’intérieur que j’ai traversée avec le Tégévé.
Le ciel est bleu à l’arrivée mais il fait frais. Je suis seul pour découvrir le mur d’enceinte et les bâtiments construits à l’intérieur à des époques ultérieures et différentes, dont le logis seigneurial de la famille de La Rochefoucauld qui abrite aujourd’hui la Mairie et l’église Notre-Dame dont la façade émerveillait Prosper Mérimée.
Quand arrive un groupe de retraités masqués en visite guidée, il est temps de repasser le pont-levis qui ne peut plus être relevé. Les quelques rues piétonnières de ce bourg austère sont en gros travaux. Je vais jusqu’à la Halle du Marché puis prends la fuite devant le bruit de la pilonneuse.
En bas du Château coule la Gères, petite rivière qui donne son nom à Surgères. Un chemin champêtre permet de la suivre un moment. Ce que je fais, puis le vent froid soufflant de plus en plus fort, je reviens en ville et entre au Victor Hugo, place de l’Europe (cette adresse lui aurait plu), pour me réchauffer d’un café à un euro quarante, mais je ne peux y rester pour lire Choses vues car ce troquet est étroit et très fréquenté par les locaux. J’y crains le Covid.
Je passe au restaurant Le Manuel, face au Château, et obtiens de la sympathique patronne de venir y déjeuner dès midi moins le quart afin d’être sûr d’attraper le car de treize heures pour La Rochelle. En attendant, malgré le froid, sur un muret un peu abrité, je lis Hugo dans le parc du Château.
A l’heure dite, je pousse la porte de ce restaurant au mobilier démodé et à la décoration désuète. On y propose un menu du jour à treize euros cinquante. C’est d’autant plus méritoire qu’il n’y a aucune concurrence. J’opte pour le hareng pommes tièdes, la brandade de morue et la tarte au citron maison. La liaison avec la cuisine se fait par le biais d’un passe-plat dans lequel la patronne et son serveur passent la tête pour donner leurs ordres. Peu à peu, la salle se remplit de couples ou de duos qui ont l’air eux aussi d’être des années soixante-dix ou quatre-vingt. Avec le quart de vin blanc et le café, mon addition ne s’élève qu’à dix-huit euros.
Evidemment je suis en avance sous l’abribus et je me pèle en attendant le Quatre.
*
Prosper Mérimée, de passage à Surgères : Bien que blasé, j’ai trouvé à m’extasier devant son église ; je ne trouve rien de plus beau que sa façade.
*
Quand vous serez bien vieille, au soir, à la chandelle,
Assise auprès du feu, dévidant et filant,
Direz, chantant mes vers, en vous émerveillant :
« Ronsard me célébrait du temps que j'étais belle ! »
Ce sonnet fut écrit pour Hélène de Fonsèque, fille du baron de Surgères.
Vous serez au foyer une vieille accroupie,
Regrettant mon amour et votre fier dédain.
Vivez, si m'en croyez, n'attendez à demain :
Cueillez dès aujourd'hui les roses de la vie.
*
Ces noms de lieu qui vous font rêver quand vous les lisez sur un horaire de car et qui sont ceux de villages sans âme. Exemple, entre Surgères et La Rochelle : Aigrefeuille d’Aunis.
*
Ouverture de la haute saison, L’Amiral Café et le Bistro du Gabut ont installé leurs extensions de terrasses de l’autre côté du quai Georges-Simenon, juste au-dessus des bateaux, des tables qui restent inoccupées en raison d’une température de basse saison.
Sorti de là, je me dirige vers la Gare et attends cette fois le car numéro Quatre. Il conduit à Surgères. Son terminus est Place du Château. C’est précisément celui-ci qui m’attire dans cette petite ville de l’intérieur que j’ai traversée avec le Tégévé.
Le ciel est bleu à l’arrivée mais il fait frais. Je suis seul pour découvrir le mur d’enceinte et les bâtiments construits à l’intérieur à des époques ultérieures et différentes, dont le logis seigneurial de la famille de La Rochefoucauld qui abrite aujourd’hui la Mairie et l’église Notre-Dame dont la façade émerveillait Prosper Mérimée.
Quand arrive un groupe de retraités masqués en visite guidée, il est temps de repasser le pont-levis qui ne peut plus être relevé. Les quelques rues piétonnières de ce bourg austère sont en gros travaux. Je vais jusqu’à la Halle du Marché puis prends la fuite devant le bruit de la pilonneuse.
En bas du Château coule la Gères, petite rivière qui donne son nom à Surgères. Un chemin champêtre permet de la suivre un moment. Ce que je fais, puis le vent froid soufflant de plus en plus fort, je reviens en ville et entre au Victor Hugo, place de l’Europe (cette adresse lui aurait plu), pour me réchauffer d’un café à un euro quarante, mais je ne peux y rester pour lire Choses vues car ce troquet est étroit et très fréquenté par les locaux. J’y crains le Covid.
Je passe au restaurant Le Manuel, face au Château, et obtiens de la sympathique patronne de venir y déjeuner dès midi moins le quart afin d’être sûr d’attraper le car de treize heures pour La Rochelle. En attendant, malgré le froid, sur un muret un peu abrité, je lis Hugo dans le parc du Château.
A l’heure dite, je pousse la porte de ce restaurant au mobilier démodé et à la décoration désuète. On y propose un menu du jour à treize euros cinquante. C’est d’autant plus méritoire qu’il n’y a aucune concurrence. J’opte pour le hareng pommes tièdes, la brandade de morue et la tarte au citron maison. La liaison avec la cuisine se fait par le biais d’un passe-plat dans lequel la patronne et son serveur passent la tête pour donner leurs ordres. Peu à peu, la salle se remplit de couples ou de duos qui ont l’air eux aussi d’être des années soixante-dix ou quatre-vingt. Avec le quart de vin blanc et le café, mon addition ne s’élève qu’à dix-huit euros.
Evidemment je suis en avance sous l’abribus et je me pèle en attendant le Quatre.
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Prosper Mérimée, de passage à Surgères : Bien que blasé, j’ai trouvé à m’extasier devant son église ; je ne trouve rien de plus beau que sa façade.
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Quand vous serez bien vieille, au soir, à la chandelle,
Assise auprès du feu, dévidant et filant,
Direz, chantant mes vers, en vous émerveillant :
« Ronsard me célébrait du temps que j'étais belle ! »
Ce sonnet fut écrit pour Hélène de Fonsèque, fille du baron de Surgères.
Vous serez au foyer une vieille accroupie,
Regrettant mon amour et votre fier dédain.
Vivez, si m'en croyez, n'attendez à demain :
Cueillez dès aujourd'hui les roses de la vie.
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Ces noms de lieu qui vous font rêver quand vous les lisez sur un horaire de car et qui sont ceux de villages sans âme. Exemple, entre Surgères et La Rochelle : Aigrefeuille d’Aunis.
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Ouverture de la haute saison, L’Amiral Café et le Bistro du Gabut ont installé leurs extensions de terrasses de l’autre côté du quai Georges-Simenon, juste au-dessus des bateaux, des tables qui restent inoccupées en raison d’une température de basse saison.
1er avril 2022
Ce jeudi, dès que le soleil pointe un peu ses rayons, je décide de faire le tour du Bassin des Chalutiers, entièrement visible de ma fenêtre et rebaptisé sur le plan distribué à l’Office du Tourisme, Bassin des Grands Yachts, puisqu’il est devenu le lieu de garage des plus grands bateaux de plaisance depuis la mise en service du port de Chef de Baie pour les pêcheurs, loin du centre de la Rochelle.
De ma fenêtre ouverte, je fais une première photo avec en arrière-plan l’Aquarium puis descendu sur le quai Georges Simenon, je marche vers ce bâtiment plein d’animaux marins où je n’ai pas envie d’entrer. Après le parvis Eric Tabarly le quai longe d’anciens hangars reconvertis en lieu culturel et conduit au Musée Maritime dont l’architecture m’évoque une chenille colorée. Une partie de ce Musée est à flot sous forme de bateaux d’un autre temps.
Je traverse le bassin par une passerelle dont la partie centrale peut se lever afin de laisser passer les grands yachts, puis je reviens par le quai d’en face qui mène au pont-levant du Gabut et voilà le circuit accompli.
Les tables du Bistro du Gabut sont au soleil quand j’y prends place et un café verre d’eau. Pour démentir mon propos de la veille, on y parle réchauffement climatique et montée des eaux. Un client vient de voir le Maire qui parle là derrière. Il a mis sa cravate rouge. Y a des caméras et tout le bordel. « C’est pour un exercice de submersion », explique le patron qui est bien renseigné. Une partie de La Rochelle est menacée par la montée des eaux prévue dans quelques décennies et au moins la moitié de l’Ile de Ré doit être noyée, celle où prolifèrent les célébrités.
Trois employés des espaces verts arrivent pour nettoyer le pied de l’arbre qui fait le coin de la terrasse. Pour quatre mètres carrés à désherber, ils utilisent un coupe herbe à fil et une souffleuse. Le calme revenu, je retrouve Victor Hugo.
Il fait un peu trop frais pour déjeuner dehors près de la Gare, aussi est-ce à l’intérieur de L’Ardoise que je me présente à midi pile. Je fais bien car de nombreuses tables sont réservées. Ce restaurant mal situé est apprécié pour son menu du jour qui en est vraiment un, pas comme les plats du jour de certains restos du Gabut qui sont en réalité des plats de tous les jours : filet de merlu ou faux filet.
La décoration intérieure de L’Ardoise est agréable et le jeune couple qui le tient est chaleureux, tout comme leur petite serveuse. Aujourd’hui, c’est œuf mollet florentine, lasagnes de poisson salade verte et charlotte au citron et morceaux de fraise, à quoi j’ajoute un quart de vin blanc charentais. La sono diffuse les tubes anglo-saxons des années cinquante et soixante. Une musique tout à fait appropriée. La Sweet Little Sixteen à queue de cheval qui me demande si tout va bien pourrait s’appeler Peggy Sue.
A l’issue de ce bon moment, je prends le café sous le soleil au Bistro du Gabut. Quand apparaissent les nuages gris et que les premières gouttes tombent, j’apprécie de résider au-dessus du bar.
*
Pendant ce temps-là Macron n’était pas loin, apprends-je sitôt rentré. A Fouras, un lieu où j’envisageais d’aller en train pour ensuite rejoindre la pointe de la Fumée et prendre le bac pour l’Ile d’Aix, mais hormis l’été aucun transport collectif ne fait la liaison entre la gare et l’embarcadère, distants de huit kilomètres. Il m’a fallu renoncer.
Si je l’avais pu, cela aurait été en ce mois de mars, pendant la basse saison, où le bateau est à dix euros. Dès le premier avril, début officiel de la haute saison, il passe à quinze euros.
*
Il n’y a pas de moyenne saison à La Rochelle et ses environs.
De ma fenêtre ouverte, je fais une première photo avec en arrière-plan l’Aquarium puis descendu sur le quai Georges Simenon, je marche vers ce bâtiment plein d’animaux marins où je n’ai pas envie d’entrer. Après le parvis Eric Tabarly le quai longe d’anciens hangars reconvertis en lieu culturel et conduit au Musée Maritime dont l’architecture m’évoque une chenille colorée. Une partie de ce Musée est à flot sous forme de bateaux d’un autre temps.
Je traverse le bassin par une passerelle dont la partie centrale peut se lever afin de laisser passer les grands yachts, puis je reviens par le quai d’en face qui mène au pont-levant du Gabut et voilà le circuit accompli.
Les tables du Bistro du Gabut sont au soleil quand j’y prends place et un café verre d’eau. Pour démentir mon propos de la veille, on y parle réchauffement climatique et montée des eaux. Un client vient de voir le Maire qui parle là derrière. Il a mis sa cravate rouge. Y a des caméras et tout le bordel. « C’est pour un exercice de submersion », explique le patron qui est bien renseigné. Une partie de La Rochelle est menacée par la montée des eaux prévue dans quelques décennies et au moins la moitié de l’Ile de Ré doit être noyée, celle où prolifèrent les célébrités.
Trois employés des espaces verts arrivent pour nettoyer le pied de l’arbre qui fait le coin de la terrasse. Pour quatre mètres carrés à désherber, ils utilisent un coupe herbe à fil et une souffleuse. Le calme revenu, je retrouve Victor Hugo.
Il fait un peu trop frais pour déjeuner dehors près de la Gare, aussi est-ce à l’intérieur de L’Ardoise que je me présente à midi pile. Je fais bien car de nombreuses tables sont réservées. Ce restaurant mal situé est apprécié pour son menu du jour qui en est vraiment un, pas comme les plats du jour de certains restos du Gabut qui sont en réalité des plats de tous les jours : filet de merlu ou faux filet.
La décoration intérieure de L’Ardoise est agréable et le jeune couple qui le tient est chaleureux, tout comme leur petite serveuse. Aujourd’hui, c’est œuf mollet florentine, lasagnes de poisson salade verte et charlotte au citron et morceaux de fraise, à quoi j’ajoute un quart de vin blanc charentais. La sono diffuse les tubes anglo-saxons des années cinquante et soixante. Une musique tout à fait appropriée. La Sweet Little Sixteen à queue de cheval qui me demande si tout va bien pourrait s’appeler Peggy Sue.
A l’issue de ce bon moment, je prends le café sous le soleil au Bistro du Gabut. Quand apparaissent les nuages gris et que les premières gouttes tombent, j’apprécie de résider au-dessus du bar.
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Pendant ce temps-là Macron n’était pas loin, apprends-je sitôt rentré. A Fouras, un lieu où j’envisageais d’aller en train pour ensuite rejoindre la pointe de la Fumée et prendre le bac pour l’Ile d’Aix, mais hormis l’été aucun transport collectif ne fait la liaison entre la gare et l’embarcadère, distants de huit kilomètres. Il m’a fallu renoncer.
Si je l’avais pu, cela aurait été en ce mois de mars, pendant la basse saison, où le bateau est à dix euros. Dès le premier avril, début officiel de la haute saison, il passe à quinze euros.
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Il n’y a pas de moyenne saison à La Rochelle et ses environs.
31 mars 2022
Ce mercredi, en attendant de voir comment le temps tourne, j’organise peu ou prou la suite de mes pérégrinations puis quand il s’avère que ce sera meilleur que prévu, je fais le tour d’un Vieux Port de plus en plus touché par les travaux. Passé sous la Grosse Horloge, je remonte la rue aux arcades jusqu’à la laide Cathédrale devant laquelle ont également lieu des travaux. En face d’elle sont deux tirettes du Crédit à Bricoles où je me procure du liquide (comme on dit).
Revenu au Vieux Port, je constate que le restaurant où je songeais à déjeuner est fermé exceptionnellement jusqu’au premier avril. Je passe alors au pied de la Tour de la Chaîne pour effectuer la promenade de peu d’effort baptisée balade Jean-Louis Foulquier.
En contre-bas des remparts, elle est malheureusement jouxtée d’un parquigne qui n’aurait pas lieu d’être. On y rencontre un bâtiment de bois (fermé quand je passe devant) où peuvent s’exprimer des artistes en devenir dans la perspective d’un passage aux Francofolies puis une école de voile également en bois (fermée elle aussi). Le chenal interdit d’aller plus loin. Je boucle la boucle en revenant vers la Tour de la Chaîne et assiste à la courte traversée de la navette électrique Yélo qui va et vient, pour le prix d’un ticket de bus, entre cette Tour et l’Aquarium.
C’est à pied que je vais de son point de départ à son point d’arrivée, contournant le port pour revenir vers mon logis temporaire et m’installer face à l’Aquarium au Bistro du Gabut pour un café lecture. Près de moi sont deux artistes dont le jargon m’exaspère : « La copine qui nous a accompagnés sur le début de la créa ». Ils portent des bonnets qui donnent une tête de gland.
A midi, je retourne déjeuner au japonais à volonté nommé Cusine Yuzi. J’ai derrière moi trois femmes que je suppose être des enseignantes. Elles organisent un futur évènement culturel dont le point culminant sera une conférence gesticulée. « C’est bien, t’apprends des trucs et en plus tu rigoles. »
Le soleil est toujours là quand j’en sors, certes un peu voilé par des nuages. Je retrouve la terrasse du Bistro du Gabut. Après un couple d’Allemands venu manger une omelette, c’est un jeune homme qui s’installe à ma gauche, lisant Big Sur de Jack Kerouac dans la collection Folio, tandis que le patron derrière nous raconte les faits divers dont il a été la victime : cambriolages de son bar et de sa maison, voiture retrouvée sans roues et sur cales, etc.
*
Il y a tous ces zonards à chiens, la voix mielleuse quand ils demandent un brin de monnaie, ceux-là tu sais ce qu’ils pensent de toi, que tu donnes ou pas. Il y a aussi les mendiants classiques assis sous les arcades, dont l’un près des tirettes du Crédit à Bricoles, bien poli quand il demande une pièce ou une cigarette, puis insultant à voix basse ceux qui passent sans donner : « Connard » « Enculé ».
*
De passage dans le port, conduit par un barbu chevelu, diffusant une musique tonitruante, un campigne car sur la cloison duquel est inscrit à la peinture sommaire : « Service de musicothérapie universel et poivre ».
*
Guerre, pandémie, sècheresse, réchauffement, pénuries, tout va mal. Dans les conversations de la vie quotidienne, personne n’en parle.
Revenu au Vieux Port, je constate que le restaurant où je songeais à déjeuner est fermé exceptionnellement jusqu’au premier avril. Je passe alors au pied de la Tour de la Chaîne pour effectuer la promenade de peu d’effort baptisée balade Jean-Louis Foulquier.
En contre-bas des remparts, elle est malheureusement jouxtée d’un parquigne qui n’aurait pas lieu d’être. On y rencontre un bâtiment de bois (fermé quand je passe devant) où peuvent s’exprimer des artistes en devenir dans la perspective d’un passage aux Francofolies puis une école de voile également en bois (fermée elle aussi). Le chenal interdit d’aller plus loin. Je boucle la boucle en revenant vers la Tour de la Chaîne et assiste à la courte traversée de la navette électrique Yélo qui va et vient, pour le prix d’un ticket de bus, entre cette Tour et l’Aquarium.
C’est à pied que je vais de son point de départ à son point d’arrivée, contournant le port pour revenir vers mon logis temporaire et m’installer face à l’Aquarium au Bistro du Gabut pour un café lecture. Près de moi sont deux artistes dont le jargon m’exaspère : « La copine qui nous a accompagnés sur le début de la créa ». Ils portent des bonnets qui donnent une tête de gland.
A midi, je retourne déjeuner au japonais à volonté nommé Cusine Yuzi. J’ai derrière moi trois femmes que je suppose être des enseignantes. Elles organisent un futur évènement culturel dont le point culminant sera une conférence gesticulée. « C’est bien, t’apprends des trucs et en plus tu rigoles. »
Le soleil est toujours là quand j’en sors, certes un peu voilé par des nuages. Je retrouve la terrasse du Bistro du Gabut. Après un couple d’Allemands venu manger une omelette, c’est un jeune homme qui s’installe à ma gauche, lisant Big Sur de Jack Kerouac dans la collection Folio, tandis que le patron derrière nous raconte les faits divers dont il a été la victime : cambriolages de son bar et de sa maison, voiture retrouvée sans roues et sur cales, etc.
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Il y a tous ces zonards à chiens, la voix mielleuse quand ils demandent un brin de monnaie, ceux-là tu sais ce qu’ils pensent de toi, que tu donnes ou pas. Il y a aussi les mendiants classiques assis sous les arcades, dont l’un près des tirettes du Crédit à Bricoles, bien poli quand il demande une pièce ou une cigarette, puis insultant à voix basse ceux qui passent sans donner : « Connard » « Enculé ».
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De passage dans le port, conduit par un barbu chevelu, diffusant une musique tonitruante, un campigne car sur la cloison duquel est inscrit à la peinture sommaire : « Service de musicothérapie universel et poivre ».
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Guerre, pandémie, sècheresse, réchauffement, pénuries, tout va mal. Dans les conversations de la vie quotidienne, personne n’en parle.
30 mars 2022
Quelques pluies possibles ce mardi, annonce la météo. Quoi de plus approprié que de monter dans le car Trois pour en descendre à La Flotte, arrêt Vierge. Celle-ci est là pour m’accueillir, pas plus fière que ça d’avoir été l’objet d’une récente polémique médiatique nationale.
Pour rejoindre le port c’est tout simple, m’expliquent les jardiniers qui nettoient les iris, il faut prendre la rue qui descend tout droit. C’est une belle rue à maisons typiques, quasiment déserte.
Il est l’heure de la marée basse quand j’arrive. Les bateaux sont posés sur la vase. Des ouvriers en profitent pour refaire une partie de la paroi du bassin.
Je vais de-ci de-là dans ce bourg bien plus beau que dans mon souvenir. Il dispose de multiples ruelles à ambiance ilienne, d’une courte plage et d’une promenade avec vue sur les élevages d’huîtres. A l’intérieur se trouvent un marché sous des hallettes anciennes à tuiles roses et une église fort sombre bien que toutes ses portes soient ouvertes.
Quand il se met à pleuvoir, je reviens au port avec l’espoir d’y trouver un café ouvert mais c’est trop demander. Je m’abrite sous un auvent en attendant que ça passe. « Ah bah, il en faut de la flotte, commente un autochtone qui en croise un autre, que les patates poussent. »
Quand cela cesse, je passe à l’Office de Tourisme d’où je ressors avec (enfin) une carte de l’Ile de Ré puis, constatant que L’Escale a ouvert, j’y bois un café sous l’auvent, à un euro quatre-vingt-dix, et ouvre Choses vues. Près de moi travaillent sur leurs ordinateurs une femme et un homme chassés de leurs bureaux par le bruit de la meuleuse des travaux du bassin.
Dans une rue donnant sur le port, face à Le Coiffeur, je découvre L’Endroit du Goinfre, un restaurant garanti sans enfants, où je réserve une table car il est précisé qu’en raison d’un manque de personnel, seules trente personnes sont admises à y manger. Partout dans l’île on cherche des cuisiniers et des serveurs pour la saison qui va commencer le premier avril.
L’heure venue, je prends place à l’intérieur de ce restaurant pour carnivores. J’y commande les deux plats qui me font envie : un os à moelle rôti (onze euros) et des pieds d’cochon rôtis (neuf euros) avec un verre de cahors à quatre euros cinquante. Le cuisinier est tatoué, le serveur efféminé. « Ça se passe bien les pieds de cochon ? », me demande ce dernier. Oui ça se passe bien, je suis content d’avoir cédé à la tentation.
En début d’après-midi, je retrouve la Vierge pour attendre le car de retour. A son arrivée devant la Gare de la Rochelle, je fais recharger ma carte dix voyages par son aimable conducteur.
*
L’association La Libre Pensée a obtenu du Tribunal le déplacement de la Vierge de La Flotte. Venue d’un terrain privé, elle doit y retourner. Le Maire a six mois pour obtempérer mais aucune pénalité financière n’est prévue s’il dépasse ce délai. La Marie est peut-être là pour longtemps.
*
Personnellement, la présence sur la voie publique de ce genre de statue ne me gêne pas. Dans le cas présent, c’est un poteau indicateur bien utile.
Pour rejoindre le port c’est tout simple, m’expliquent les jardiniers qui nettoient les iris, il faut prendre la rue qui descend tout droit. C’est une belle rue à maisons typiques, quasiment déserte.
Il est l’heure de la marée basse quand j’arrive. Les bateaux sont posés sur la vase. Des ouvriers en profitent pour refaire une partie de la paroi du bassin.
Je vais de-ci de-là dans ce bourg bien plus beau que dans mon souvenir. Il dispose de multiples ruelles à ambiance ilienne, d’une courte plage et d’une promenade avec vue sur les élevages d’huîtres. A l’intérieur se trouvent un marché sous des hallettes anciennes à tuiles roses et une église fort sombre bien que toutes ses portes soient ouvertes.
Quand il se met à pleuvoir, je reviens au port avec l’espoir d’y trouver un café ouvert mais c’est trop demander. Je m’abrite sous un auvent en attendant que ça passe. « Ah bah, il en faut de la flotte, commente un autochtone qui en croise un autre, que les patates poussent. »
Quand cela cesse, je passe à l’Office de Tourisme d’où je ressors avec (enfin) une carte de l’Ile de Ré puis, constatant que L’Escale a ouvert, j’y bois un café sous l’auvent, à un euro quatre-vingt-dix, et ouvre Choses vues. Près de moi travaillent sur leurs ordinateurs une femme et un homme chassés de leurs bureaux par le bruit de la meuleuse des travaux du bassin.
Dans une rue donnant sur le port, face à Le Coiffeur, je découvre L’Endroit du Goinfre, un restaurant garanti sans enfants, où je réserve une table car il est précisé qu’en raison d’un manque de personnel, seules trente personnes sont admises à y manger. Partout dans l’île on cherche des cuisiniers et des serveurs pour la saison qui va commencer le premier avril.
L’heure venue, je prends place à l’intérieur de ce restaurant pour carnivores. J’y commande les deux plats qui me font envie : un os à moelle rôti (onze euros) et des pieds d’cochon rôtis (neuf euros) avec un verre de cahors à quatre euros cinquante. Le cuisinier est tatoué, le serveur efféminé. « Ça se passe bien les pieds de cochon ? », me demande ce dernier. Oui ça se passe bien, je suis content d’avoir cédé à la tentation.
En début d’après-midi, je retrouve la Vierge pour attendre le car de retour. A son arrivée devant la Gare de la Rochelle, je fais recharger ma carte dix voyages par son aimable conducteur.
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L’association La Libre Pensée a obtenu du Tribunal le déplacement de la Vierge de La Flotte. Venue d’un terrain privé, elle doit y retourner. Le Maire a six mois pour obtempérer mais aucune pénalité financière n’est prévue s’il dépasse ce délai. La Marie est peut-être là pour longtemps.
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Personnellement, la présence sur la voie publique de ce genre de statue ne me gêne pas. Dans le cas présent, c’est un poteau indicateur bien utile.
29 mars 2022
Paradis ou Crapaudière ? A quel arrêt descendre pour être au plus près de l’église de Sainte-Marie-de-Ré ? C’est la question que je pose ce lundi matin au chauffeur du car Trois. « Crapaudière », me dit-il.
Je fais comme il a dit et j’ai tort car l’arrêt Crapaudière est au lieu-dit La Noue, loin du centre du bourg.
Au moins, cela me fera marcher. Je découvre d’abord la jolie place de La Noue, autour de laquelle sont quelques commerces, puis prends une longue rue étroite sur la gauche qui doit mener au centre de ce village. Elle est bien sûr bordée de maisons basses et blanches. J’y rencontre l’Hôtel du Peu Breton et une haute statue de la Vierge qui donne son nom à un arrêt de car d’été.
Quand enfin j’arrive à l’église fortifiée, je la découvre moins pimpante que je pensais. Point de commerces alentour et pour atteindre la plage c’est encore loin. Aussi je décide de ne pas m’attarder à Sainte-Marie.
Comme je crains de ne pas trouver le Paradis, je marche en sens inverse jusqu’à la Crapaudière. Le car d’onze heures est ponctuel. Il me dépose à la Gare de La Rochelle peu avant midi.
Il fait moins chaud qu’hier quand je m’installe pour déjeuner à la terrasse de L’Ardoise, une brasserie qui fait face à l’Hôtel des Gens de Mer. J’ai vue sur la Gare et sur les travaux du parvis qui sont heureusement suspendus entre midi et deux. La rue sert de parquigne à des loueurs de voitures, des chipoteurs de première quand il s’agit de vérifier l’état du véhicule rendu.
Pour seize euros quatre-vingt-dix, le menu du jour propose des concombres à la crème et fines herbes, un filet de poulet au chorizo avec poêlée de légumes frais, un gâteau à la cannelle en croûte de sucre et un café. La jeune serveuse m’apporte mon quart de vin rouge charentais à cinq euros cinquante. Elle me propose de le goûter si je ne connais pas. Effectivement, il est particulier, plutôt rustique, mais il me va. Ce repas est des plus corrects et j’aime suivre les allées de venues de celle qui me sert et m’inspire des pensées coupables.
Le lundi, L’Echo n’ouvre qu’à quatorze heures. J’y bois un autre café puis me lance dans une longue lecture d’Hugo sur fond d’electro qui me permet de terminer le premier volume de Choses vues et d’entreprendre le second. Trois quinquagénaires du cru, propriétaires du bateau le plus photographié du Vieux Port (disent-ils), se demandent comment faire pour continuer à bénéficier de cette place de choix. Ils ont vu Valentine, la responsable, et ont bon espoir « Heureusement, car quand t’es aux Minimes, t’es anonyme. »
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A Sainte-Marie-de-Ré, on peut « déambuler entre ruelles, venelles et quéreux », annonce le site de l’Office du Tourisme.
Un quéreux est une sorte de place nue ou de cour non fermée entre une maison et la voie publique (c’est du parler rochelais).
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A Sainte-Marie-de-Ré, une rue des Beaucoups où je n’ai vu personne.
Je fais comme il a dit et j’ai tort car l’arrêt Crapaudière est au lieu-dit La Noue, loin du centre du bourg.
Au moins, cela me fera marcher. Je découvre d’abord la jolie place de La Noue, autour de laquelle sont quelques commerces, puis prends une longue rue étroite sur la gauche qui doit mener au centre de ce village. Elle est bien sûr bordée de maisons basses et blanches. J’y rencontre l’Hôtel du Peu Breton et une haute statue de la Vierge qui donne son nom à un arrêt de car d’été.
Quand enfin j’arrive à l’église fortifiée, je la découvre moins pimpante que je pensais. Point de commerces alentour et pour atteindre la plage c’est encore loin. Aussi je décide de ne pas m’attarder à Sainte-Marie.
Comme je crains de ne pas trouver le Paradis, je marche en sens inverse jusqu’à la Crapaudière. Le car d’onze heures est ponctuel. Il me dépose à la Gare de La Rochelle peu avant midi.
Il fait moins chaud qu’hier quand je m’installe pour déjeuner à la terrasse de L’Ardoise, une brasserie qui fait face à l’Hôtel des Gens de Mer. J’ai vue sur la Gare et sur les travaux du parvis qui sont heureusement suspendus entre midi et deux. La rue sert de parquigne à des loueurs de voitures, des chipoteurs de première quand il s’agit de vérifier l’état du véhicule rendu.
Pour seize euros quatre-vingt-dix, le menu du jour propose des concombres à la crème et fines herbes, un filet de poulet au chorizo avec poêlée de légumes frais, un gâteau à la cannelle en croûte de sucre et un café. La jeune serveuse m’apporte mon quart de vin rouge charentais à cinq euros cinquante. Elle me propose de le goûter si je ne connais pas. Effectivement, il est particulier, plutôt rustique, mais il me va. Ce repas est des plus corrects et j’aime suivre les allées de venues de celle qui me sert et m’inspire des pensées coupables.
Le lundi, L’Echo n’ouvre qu’à quatorze heures. J’y bois un autre café puis me lance dans une longue lecture d’Hugo sur fond d’electro qui me permet de terminer le premier volume de Choses vues et d’entreprendre le second. Trois quinquagénaires du cru, propriétaires du bateau le plus photographié du Vieux Port (disent-ils), se demandent comment faire pour continuer à bénéficier de cette place de choix. Ils ont vu Valentine, la responsable, et ont bon espoir « Heureusement, car quand t’es aux Minimes, t’es anonyme. »
*
A Sainte-Marie-de-Ré, on peut « déambuler entre ruelles, venelles et quéreux », annonce le site de l’Office du Tourisme.
Un quéreux est une sorte de place nue ou de cour non fermée entre une maison et la voie publique (c’est du parler rochelais).
*
A Sainte-Marie-de-Ré, une rue des Beaucoups où je n’ai vu personne.
28 mars 2022
Ce dimanche au temps ensoleillé, je me garde d’aller là où je prévois la foule. Je choisis donc de rester à La Rochelle côté Gabut.
Au départ de ma balade du jour se trouve un monument hommage à Michel Crépeau, ancien Maire et pionnier du vélo en libre-service. Il est installé à proximité du pont-levant. Celui-ci a des soucis. Après avoir passé une semaine levé, il est maintenant couché et utilisable uniquement par les bicyclistes et les piétons. Une coûteuse réfection a abouti à son dysfonctionnent en raison d’une prise de poids. Il s’agit maintenant de l’alléger et pour cela il faut acheter de l’aluminium mais c’est la pénurie.
J’emprunte ce pont puis longe le bras de mer qui mène au port des Minimes, vaste garage à bateaux de plaisance, des milliers de voiliers immobiles en plusieurs bassins, dont l’un est accessible par une passerelle nommée Nelson Mandela. J’en fais presque le tour. Si je poursuivais, j’arriverais à la petite plage des Minimes, pas loin du Phare du Bout du Monde, mais je ne vais pas au bout.
Revenu à mon point de départ, je prends un café au Bistro du Gabut puis y lis Hugo en bénéficiant de la musique de L’Amiral Café Oh yes I'm the great pretender. Pas loin de ma table est un jeune homme plongé dans la lecture d’un roman historique. C’est la première fois depuis mon arrivée en Charente-Maritime que je vois un autre que moi se livrer en public au vice impuni. Ce jeune homme lit Ces Messieurs de Saint-Malo de Bernard Simiot. Il en faut pour tous les goûts (comme on dit).
A midi, je rejoins la terrasse du Café du Nord. Le dimanche est proposé un menu à vingt-quatre euros dans lequel, après avoir changé de table à ma demande pour cause d’arrivée d’une famille avec moutards en bas-âge, je choisis les quatre huîtres de la Maison Henry, le pluma de cochon au pineau avec son écrasé de pommes de terre et le baba à la Sève feu de Joie, tout cela accompagné d’une carafe d’eau.
Près de moi sont assis un père et son fils qui va bientôt passer le permis de conduire. Le paternel est en boucle. « Il faut que tu voies Papillon et aussi Les Evadés, des films bouleversants et très très très beaux », répète-t-il pendant tout le repas. Il aurait besoin de se libérer de ses propres chaînes.
Quand mon dessert arrive, il est accompagné d’une bouteille munie d’un bec verseur de Sève feu de Joie, une liqueur charentaise à base d'eau-de-vie, de cognac et d'amande. J’en arrose copieusement mon baba. A l’issue de ce repas (le deuxième ici), je suis certain que le Café du Nord est le meilleur restaurant du Gabut.
Le café, je le prends à L’Echo où la patronne se réjouit de l’affluence. « Du tourisme diurne, dit-elle, ils viennent le matin et repartent le soir ». J’ai un œil sur mon livre, l’autre sur ce qui se passe et les oreilles un peu partout. C’est ainsi que j’entends une mère dire à sa fille : « Mais oui je suis fière de ce que tu es : chieuse à temps complet ».
*
Musique appropriée, bombes à disposition, le graffeur du Gabut a choisi de s’exprimer le jour où il y a le plus de monde pour le voir à l’œuvre. Il est ce qu’on appelle un peintre du dimanche.
*
Je me souviens de la mort filmée de Michel Crépeau, d’une crise cardiaque à l’Assemblée Nationale, comme un paisible endormissement. Philippe Douste-Blazy avait essayé de le ranimer.
Au départ de ma balade du jour se trouve un monument hommage à Michel Crépeau, ancien Maire et pionnier du vélo en libre-service. Il est installé à proximité du pont-levant. Celui-ci a des soucis. Après avoir passé une semaine levé, il est maintenant couché et utilisable uniquement par les bicyclistes et les piétons. Une coûteuse réfection a abouti à son dysfonctionnent en raison d’une prise de poids. Il s’agit maintenant de l’alléger et pour cela il faut acheter de l’aluminium mais c’est la pénurie.
J’emprunte ce pont puis longe le bras de mer qui mène au port des Minimes, vaste garage à bateaux de plaisance, des milliers de voiliers immobiles en plusieurs bassins, dont l’un est accessible par une passerelle nommée Nelson Mandela. J’en fais presque le tour. Si je poursuivais, j’arriverais à la petite plage des Minimes, pas loin du Phare du Bout du Monde, mais je ne vais pas au bout.
Revenu à mon point de départ, je prends un café au Bistro du Gabut puis y lis Hugo en bénéficiant de la musique de L’Amiral Café Oh yes I'm the great pretender. Pas loin de ma table est un jeune homme plongé dans la lecture d’un roman historique. C’est la première fois depuis mon arrivée en Charente-Maritime que je vois un autre que moi se livrer en public au vice impuni. Ce jeune homme lit Ces Messieurs de Saint-Malo de Bernard Simiot. Il en faut pour tous les goûts (comme on dit).
A midi, je rejoins la terrasse du Café du Nord. Le dimanche est proposé un menu à vingt-quatre euros dans lequel, après avoir changé de table à ma demande pour cause d’arrivée d’une famille avec moutards en bas-âge, je choisis les quatre huîtres de la Maison Henry, le pluma de cochon au pineau avec son écrasé de pommes de terre et le baba à la Sève feu de Joie, tout cela accompagné d’une carafe d’eau.
Près de moi sont assis un père et son fils qui va bientôt passer le permis de conduire. Le paternel est en boucle. « Il faut que tu voies Papillon et aussi Les Evadés, des films bouleversants et très très très beaux », répète-t-il pendant tout le repas. Il aurait besoin de se libérer de ses propres chaînes.
Quand mon dessert arrive, il est accompagné d’une bouteille munie d’un bec verseur de Sève feu de Joie, une liqueur charentaise à base d'eau-de-vie, de cognac et d'amande. J’en arrose copieusement mon baba. A l’issue de ce repas (le deuxième ici), je suis certain que le Café du Nord est le meilleur restaurant du Gabut.
Le café, je le prends à L’Echo où la patronne se réjouit de l’affluence. « Du tourisme diurne, dit-elle, ils viennent le matin et repartent le soir ». J’ai un œil sur mon livre, l’autre sur ce qui se passe et les oreilles un peu partout. C’est ainsi que j’entends une mère dire à sa fille : « Mais oui je suis fière de ce que tu es : chieuse à temps complet ».
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Musique appropriée, bombes à disposition, le graffeur du Gabut a choisi de s’exprimer le jour où il y a le plus de monde pour le voir à l’œuvre. Il est ce qu’on appelle un peintre du dimanche.
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Je me souviens de la mort filmée de Michel Crépeau, d’une crise cardiaque à l’Assemblée Nationale, comme un paisible endormissement. Philippe Douste-Blazy avait essayé de le ranimer.
27 mars 2022
Changement de car ce samedi matin, je suis avec une dizaine d’autres dans le Neuf qui part à neuf heures moins le quart, direction Royan « Capitale de la Côte de Beauté ». Un jeune homme y distribue un questionnaire du Conseil Régional pour l’amélioration du service. Je complète le mien bien que je ne voie pas en quoi aideront les petites cases à cocher. Après avoir traversé Rochefort, nous empruntons un énorme pont de béton pour passer la petite Charente. Suit un paysage de marais salant et c’est l’arrivée devant la Gare.
La mer n’est pas loin que j’atteins au niveau de la plage de la Grande Conche. Royan est connue pour son architecture des années cinquante, conséquence des bombardements de la Libération, une architecture d’inégale valeur qui n’empêche pas son succès touristique.
Ce jour c’est assez calme quand je longe la côte en direction du port de plaisance. Ensuite on peut aller de conche en conche mais je m’arrête à la première, celle de Foncillon, et rebrousse pour entrer dans la ville. Après avoir vu le marché central, une coupole en béton ondulé, je mets le cap sur l’église Notre-Dame, de même matière et aux lignes rudes tendues vers le ciel.
A sa proximité, je constate que le restaurant Les Filets Bleus, un petit établissement chic, propose un « menu du moment » à dix-neuf euros (amuse-bouche, entrée, plat et dessert). C’est moins cher que ce que propose la concurrence pour une nourriture basique avec vue sur mer.
J’en pousse la porte à midi. La cuisine, ouverte, est située à gauche de l’entrée. Derrière est une salle pas très grande au décor maritime. Je choisis le petit pâté maison au pineau, le saumon frais façon paupiette et la crème brûlée caramélisée puis commande une demi-bouteille de vin blanc du Château Haut-Grelot à treize euros, cependant que s’installe une clientèle locale et bourgeoise. La musique classique n’est pas troublée par des conversations trop hautes, aussi n’entends-je guère ce que l’on dit aux autres tables. Si ce n’est que mon voisin le plus proche est déçu de l’absence momentanée du homard annoncé sur la carte.
Aux Flots Bleus, c’est excellent, le service est attentionné et on peut dire merci au chef en quittant les lieux. De retour au bord de mer, je vais lire Choses vues sur un banc en plein soleil. Quelques maillots de bains sont visibles sur la plage mais nul(le) n’est assez intrépide pour se baigner.
Je longe ensuite la plage à l’opposé du port vers le quartier belle époque où une trentaine de villas balnéaires ont été épargnées par les bombes.
Près de la Gare, installé à la terrasse de la Brasserie Royannaise où le café n’est qu’à un euro cinquante, je reprends ma lecture d’Hugo. En face est le cinéma Le Lido de construction récente. Des branlotin(e)s chahutent devant. L’une en jupe ne se prive pas de lever la jambe aussi haut que les autres. C’est elle qui les décide à aller jouer ailleurs avec cette formule choc : « Bon, on bouge ou en s’encule ? ».
*
Depuis le car du retour, à l’entrée de La Rochelle, ce que je prends d’abord pour une Hôtel de Police au vu des véhicules garés est un Hôtel Première Classe où sont logés ces fonctionnaires.
*
En parallèle à l’énorme pont de béton de Rochefort est un pont transbordeur, le dernier ouvrage de ce type en France, ouvert aux touristes à partir d’avril, deux euros la traversée.
*
Le jeune Nicolas Sarkozy passa plusieurs de ses étés en vacances à Royan dans les années soixante. Il fréquentait alors le quartier de Pontaillac et le Garden Tennis. Il possède une résidence dans la station balnéaire. Je doute qu’il y soit en ce moment, occupé qu’il est à trouver comment ne pas soutenir Valérie Pécresse tout en ne semblant pas trahir sa famille politique.
*
Au bord de la mer / Dans le vent / Je pleure tout le temps / Le bel été de mes vingt ans (Philippe Katerine Le bel aimé de Royan)
La mer n’est pas loin que j’atteins au niveau de la plage de la Grande Conche. Royan est connue pour son architecture des années cinquante, conséquence des bombardements de la Libération, une architecture d’inégale valeur qui n’empêche pas son succès touristique.
Ce jour c’est assez calme quand je longe la côte en direction du port de plaisance. Ensuite on peut aller de conche en conche mais je m’arrête à la première, celle de Foncillon, et rebrousse pour entrer dans la ville. Après avoir vu le marché central, une coupole en béton ondulé, je mets le cap sur l’église Notre-Dame, de même matière et aux lignes rudes tendues vers le ciel.
A sa proximité, je constate que le restaurant Les Filets Bleus, un petit établissement chic, propose un « menu du moment » à dix-neuf euros (amuse-bouche, entrée, plat et dessert). C’est moins cher que ce que propose la concurrence pour une nourriture basique avec vue sur mer.
J’en pousse la porte à midi. La cuisine, ouverte, est située à gauche de l’entrée. Derrière est une salle pas très grande au décor maritime. Je choisis le petit pâté maison au pineau, le saumon frais façon paupiette et la crème brûlée caramélisée puis commande une demi-bouteille de vin blanc du Château Haut-Grelot à treize euros, cependant que s’installe une clientèle locale et bourgeoise. La musique classique n’est pas troublée par des conversations trop hautes, aussi n’entends-je guère ce que l’on dit aux autres tables. Si ce n’est que mon voisin le plus proche est déçu de l’absence momentanée du homard annoncé sur la carte.
Aux Flots Bleus, c’est excellent, le service est attentionné et on peut dire merci au chef en quittant les lieux. De retour au bord de mer, je vais lire Choses vues sur un banc en plein soleil. Quelques maillots de bains sont visibles sur la plage mais nul(le) n’est assez intrépide pour se baigner.
Je longe ensuite la plage à l’opposé du port vers le quartier belle époque où une trentaine de villas balnéaires ont été épargnées par les bombes.
Près de la Gare, installé à la terrasse de la Brasserie Royannaise où le café n’est qu’à un euro cinquante, je reprends ma lecture d’Hugo. En face est le cinéma Le Lido de construction récente. Des branlotin(e)s chahutent devant. L’une en jupe ne se prive pas de lever la jambe aussi haut que les autres. C’est elle qui les décide à aller jouer ailleurs avec cette formule choc : « Bon, on bouge ou en s’encule ? ».
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Depuis le car du retour, à l’entrée de La Rochelle, ce que je prends d’abord pour une Hôtel de Police au vu des véhicules garés est un Hôtel Première Classe où sont logés ces fonctionnaires.
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En parallèle à l’énorme pont de béton de Rochefort est un pont transbordeur, le dernier ouvrage de ce type en France, ouvert aux touristes à partir d’avril, deux euros la traversée.
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Le jeune Nicolas Sarkozy passa plusieurs de ses étés en vacances à Royan dans les années soixante. Il fréquentait alors le quartier de Pontaillac et le Garden Tennis. Il possède une résidence dans la station balnéaire. Je doute qu’il y soit en ce moment, occupé qu’il est à trouver comment ne pas soutenir Valérie Pécresse tout en ne semblant pas trahir sa famille politique.
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Au bord de la mer / Dans le vent / Je pleure tout le temps / Le bel été de mes vingt ans (Philippe Katerine Le bel aimé de Royan)
26 mars 2022
Ce vendredi matin, après un « petit-déjeuner détente » chez Sicard, je fais l’ouverture du Bistro du Gabut pour un café lecture en attendant qu’il soit l’heure de rejoindre le point de départ des cars Nouvelle Aquitaine.
Assuré du beau temps, j’attends à nouveau celui de dix heures pour aller cette fois à Ars-en-Ré, un beau bourg du bout de l’île que l’on voit de loin en raison de son clocher peint en noir et blanc qui servait autrefois de repère aux navigateurs. L’arrivée du Tégévé de Paris a pour effet d’emplir ce car numéro Trois de filles et garçons à valises. Notre chauffeur est un trentenaire à cheveux longs qui sait se faire respecter. « C’est le bus pour l’Ile de Ré ? » lui demande l’une. « Il n’y a pas de bus pour l’Ile de Ré ». « Vous n’allez pas à l’Ile de Ré ? » « Oui, mais ce n’est pas un bus, c’est un car ». Un peu de pédagogie ne fait jamais de mal. Les quidam(e)s qui confondent bus et car m’énervent moi aussi. « Vous allez où ? » demande-t-il à une autre. « A l’Ile de Ré ». « Oui, mais où dans l’Ile de Ré ? » « Je ne sais pas ». « Ce n’est pas moi qui vais le savoir à votre place ». Elle choisit La Flotte. « Vierge ? » lui demande-t-il. « Pardon ? » « L’arrêt ? Vierge ? » Elle acquiesce et file s’asseoir. Le car est quasiment complet cette fois et grâce à ce chauffeur énergique tout le monde a le masque sur le nez.
Au bout d’une heure trente de voyage apparaît le clocher noir et blanc. Le premier arrêt d’Ars-en-Ré est au lieu-dit Le Martray, une terre à huîtrières située à trois kilomètres du centre. C’est ici que le fâcheux Philippe Sollers a sa demeure. Je regarde par la vitre si je ne l’aperçois pas, en chorte, occupé à biner son jardin.
L’arrêt suivant est le bon pour moi et pour quelques autres. Chacun(e) vise le clocher bicolore. Un marché est installé au pied de cette église Saint Etienne. Sur le mur de l’Hôtel du Clocher, Monsieur Chat a laissé sa marque. Pas loin se trouve la Maison du Sénéchal, un logis Renaissance à échauguettes. Il y a un peu trop de monde à mon goût au centre de cet autre repaire de célébrités qu’est Ars-en-Ré (on risque notamment d’y croiser Lionel Jospin). Néanmoins, je trouve de jolies petites rues à maisons blanches à photographier sans qu’il y ait trace d’êtres humains.
Je poursuis jusqu’au port de plaisance par la rue du Havre et trouve un banc près des bateaux pour manger mes sandouiches triangles. Cela fait, je me balade le long du chenal sur la Promenade du Fier. Un chemin que l’on doit au 519e Régiment du Train, annonce une pancarte verte..
Arrivé à la mer, je reviens sur mes pas et retrouve mon banc pour lire un peu Hugo avant de faire la route dans l’autre sens avec moins de monde dans le car que conduit un chauffeur un peu accablé par la chaleur ; dix-neuf degrés à l’extérieur, vingt-cinq à l’intérieur, est-il indiqué sur l’écran.
*
Une pédaleuse d’Ars-en-Ré aux trois qui la précèdent : « Il faudra qu’on se prenne en photo nous quatre à vélo. »
*
Vu au passage, au Bois-Plage, une rue des Barjottes. J’en connais qui pourraient habiter là.
*
Ce vendredi soir, sous ma fenêtre, c’est le premier concert de l’année au Bistro du Gabut. Un évènement Effe Bé auquel je ne peux échapper.
Femme femme femme je ne suis pas un héros donne-moi ton corps j’veux du soleil dans les yeux d’Emilie laisse-moi t’aimer aux Champs-Elysées
Assuré du beau temps, j’attends à nouveau celui de dix heures pour aller cette fois à Ars-en-Ré, un beau bourg du bout de l’île que l’on voit de loin en raison de son clocher peint en noir et blanc qui servait autrefois de repère aux navigateurs. L’arrivée du Tégévé de Paris a pour effet d’emplir ce car numéro Trois de filles et garçons à valises. Notre chauffeur est un trentenaire à cheveux longs qui sait se faire respecter. « C’est le bus pour l’Ile de Ré ? » lui demande l’une. « Il n’y a pas de bus pour l’Ile de Ré ». « Vous n’allez pas à l’Ile de Ré ? » « Oui, mais ce n’est pas un bus, c’est un car ». Un peu de pédagogie ne fait jamais de mal. Les quidam(e)s qui confondent bus et car m’énervent moi aussi. « Vous allez où ? » demande-t-il à une autre. « A l’Ile de Ré ». « Oui, mais où dans l’Ile de Ré ? » « Je ne sais pas ». « Ce n’est pas moi qui vais le savoir à votre place ». Elle choisit La Flotte. « Vierge ? » lui demande-t-il. « Pardon ? » « L’arrêt ? Vierge ? » Elle acquiesce et file s’asseoir. Le car est quasiment complet cette fois et grâce à ce chauffeur énergique tout le monde a le masque sur le nez.
Au bout d’une heure trente de voyage apparaît le clocher noir et blanc. Le premier arrêt d’Ars-en-Ré est au lieu-dit Le Martray, une terre à huîtrières située à trois kilomètres du centre. C’est ici que le fâcheux Philippe Sollers a sa demeure. Je regarde par la vitre si je ne l’aperçois pas, en chorte, occupé à biner son jardin.
L’arrêt suivant est le bon pour moi et pour quelques autres. Chacun(e) vise le clocher bicolore. Un marché est installé au pied de cette église Saint Etienne. Sur le mur de l’Hôtel du Clocher, Monsieur Chat a laissé sa marque. Pas loin se trouve la Maison du Sénéchal, un logis Renaissance à échauguettes. Il y a un peu trop de monde à mon goût au centre de cet autre repaire de célébrités qu’est Ars-en-Ré (on risque notamment d’y croiser Lionel Jospin). Néanmoins, je trouve de jolies petites rues à maisons blanches à photographier sans qu’il y ait trace d’êtres humains.
Je poursuis jusqu’au port de plaisance par la rue du Havre et trouve un banc près des bateaux pour manger mes sandouiches triangles. Cela fait, je me balade le long du chenal sur la Promenade du Fier. Un chemin que l’on doit au 519e Régiment du Train, annonce une pancarte verte..
Arrivé à la mer, je reviens sur mes pas et retrouve mon banc pour lire un peu Hugo avant de faire la route dans l’autre sens avec moins de monde dans le car que conduit un chauffeur un peu accablé par la chaleur ; dix-neuf degrés à l’extérieur, vingt-cinq à l’intérieur, est-il indiqué sur l’écran.
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Une pédaleuse d’Ars-en-Ré aux trois qui la précèdent : « Il faudra qu’on se prenne en photo nous quatre à vélo. »
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Vu au passage, au Bois-Plage, une rue des Barjottes. J’en connais qui pourraient habiter là.
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Ce vendredi soir, sous ma fenêtre, c’est le premier concert de l’année au Bistro du Gabut. Un évènement Effe Bé auquel je ne peux échapper.
Femme femme femme je ne suis pas un héros donne-moi ton corps j’veux du soleil dans les yeux d’Emilie laisse-moi t’aimer aux Champs-Elysées
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