Le Journal de Michel Perdrial

Le Journal de Michel Perdrial




Loïc Boyer
Je suis l’auteur de textes courts qui furent publiés depuis mil neuf cent quatre-vingt-quinze dans des revues littéraires en France (Supérieur Inconnu, Supplément d’Ame, Nouvelle Donne, Le Bord de l’Eau, Pris de Peur, l’Art du Bref, Sol’Air, Gros Textes, Salmigondis, Verso, Décharge, Bulle, Filigranes, Diérèse, Martobre, Comme ça et Autrement, (Cahier d’) Ecritures, La Nef des Fous), en Belgique (Traversées, Ecrits Vains, L’Arbre à Plumes, Inédit Nouveau, Bleu d’Encre), au Canada (Les Saisons Littéraires) et en Italie (Les Cahiers du Ru).
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.







Rss

5 juin 2022


Vendredi soir, au moment où ils rentrent, je chope les occupants de l’appartement au-dessus du mien pour essayer d’obtenir d’eux la possibilité de me connecter sur leur boxe. Las, c’est aussi un logement Airbibi et eux aussi, deux couples de retraités, sont en panne d’Internet depuis leur arrivée. Une même boxe doit desservir les trois appartements du petit immeuble.
Après une nuit sans orage, bien qu’il ait été annoncé, je remonte la rue de Siam ce samedi et arrive à la boulangerie pour son ouverture. Il est sept heures et demie et aucun café n’est ouvert dans le coin.
Je mange donc mes viennoiseries sur un banc puis passe à la Gare Routière afin d’y prendre deux horaires qui me manquaient et redescends vers la Penfeld. Mon objectif du jour est de regarder de plus près le Château, c’est-à-dire d’en faire de tour avec mon appareil photo. Il abrite la Préfecture Maritime ainsi que le Musée de la Marine et doit son aspect actuel à Vauban.
Cela fait, j’emprunte la rampe qui mène au Port du Commerce. C’est ouvert à La Presqu’île. J’y bois un allongé (un euro cinquante) avant de lire longuement Mémoires intimes de Simenon entouré de quelques locaux qui, comme moi, viennent ici pour lire, mais Ouest France ou Le Télégramme ou les deux.
A midi, je déjeune au même endroit d’une andouillette de campagne suivie d’une mousse au chocolat avec un quart de vin rouge (vingt-deux euros) puis je reprends ma lecture sur un banc face à l’embarcadère.
Je profite ainsi de l’aubade donnée par quatre interprètes de musique bretonne à un peloton de cyclistes qui embarquent avec leurs engins pour Ouessant.
Au milieu de l’après-midi, je repasse chez Offside Bay avec mon ordinateur et en remontant sonne chez le voisin d’à côté que je soupçonne être le propriétaire d’une Lifebox sur laquelle je pourrais me connecter, s’il consentait à me donner son code.
« Ça ne se donne pas ces choses-là », me dit celui à qui j’explique mon cas après qu’il m’a fait entrer chez lui et qui s’avère être un retraité de chez France Telecom. Cependant tout n’est pas perdu, il me propose de bidouiller sa boxe pour la transformer en hot spot avec lequel je pourrai me connecter. « Je viendrai toquer à votre fenêtre quand j’aurai fait la manip ».
Ce qu’il fait. Je le fais entrer mais c’est pour apprendre que c’est fini le hot spot chez Orange. Il essaie une autre méthode avec son smartphone mais ça ne peut fonctionner qu’un temps. Et puis, comme ça fait un moment qu’on discute tous les deux, finalement il me dit qu’il va me le donner, son code ouifi. Il faut qu’il aille le chercher.
Le temps passe et il ne revient pas. J’en déduis qu’il a changé d’avis, de lui-même ou sur le conseil de sa femme que j’ai sentie très réticente.
Quand il toque à nouveau, il est presque dix-neuf heures. Il me confirme ce que je supputais. « On ne peut faire confiance à personne aujourd’hui », me dit-il avant que je lui souhaite une bonne soirée.
                                                                     *
Carieux homme qui refuse de donner son code ouifi car il faut de méfier de tout le monde, mais fait entrer directement un inconnu chez lui.
 

4 juin 2022


Toujours pas de ouifi dans mon appartement Air Bibi de Recouvrance. Comme il est géré par une conciergerie située je ne sais où loin de la ville, je crains que la situation perdure. Peut-être le problème vient-il de Esse Effe Air, la boxe n’apparaît même plus dans la liste des connexions disponibles. J’organise mes journées sans l’aide d’Internet.
Ce vendredi, je passe le Pont de Recouvrance avec le tramouais, en descends à Liberté, monte dans le Bibus Trois qui va à Océanopolis et m’arrête à Port de Plaisance. Nous sommes ici au lieu-dit Le Moulin Blanc, dont le port et la plage ont le nom.
Il est sept heures et demie. La boulangerie Paul est ouverte. J’achète croissant, pain au chocolat et café allongé pour trois euros vingt et petit-déjeune au soleil en terrasse, d’où j’ai vue sur la plage, peu vaste, et le début du Port de Plaisance, vaste.
Je longe ensuite celui-ci par une large promenade, décidé à me rapprocher par ce moyen du lointain Port de Commerce.
L’Armée en décide autrement. Je me heurte à une barrière grillagée placée en travers du chemin. « Village Mondial de la Voile Militaire », est-il affiché, « Ouvert à tout public » et en petit « de 10h00 à 18h00 ».
C’est bien les militaires, infoutus de se bouger avant le milieu de la matinée. Il y en a quand même un de levé, dans une petite guérite, chargé de surveiller la barrière. Il sort la tête quand il me voit photographier la pancarte.
-Ça ouvre à dix heures, me dit-il.
-J’ai compris. Je fais une photo pour montrer que là où il y a des militaires, il y a des barrières.
-Il faut vous plaindre au Maire, me dit-il.
-Mieux, au Ministre de la Défense.
-Aussi.
Je fais demi-tour et m’assois sur un banc pour commencer la lecture de Mémoires intimes de Georges Simenon, ce qui me rappellera La Rochelle, une relecture précisément, d’un livre dont j’ai tout oublié, hormis le lien ambiguë qu’avait sa fille suicidée avec lui. C’est une édition Presses Pocket, le plus épais livre de poche que je connaisse, mille deux cent cinquante pages.
A dix heures, horaire militaire, ouvrent les cafés restaurants, dont celui d’Olivier de Kersauson, Le Tour du Monde, situé à l’étage au-dessus de l’Amicale des Plaisanciers. Il dispose d’une grande terrasse avec une magnifique vue sur le port et Plougastel en face. Paradoxalement, le café n’y coûte qu’un euro cinquante.
Je suis si bien là avec Simenon que je demande à garder ma table pour le déjeuner. La restauration proposée est succincte et peu chère. J’opte pour les moules marinières à douze euros, avec un verre de sauvignon à deux euros quatre-vingts. Ce ne sont certes pas les frites de Tara Inn et si les moules sont petites au moins sont-elles nombreuses.
Il est treize heures quand j’attends le Bibus du retour. Sur la plage, la marée basse donne à voir les algues vertes sur lesquelles marchaient les baigneurs du matin. Ayant rejoint Recouvrance, je constate que ma ouifi est toujours en carafe et retraverse le Pont avec mon ordinateur pour un café à un euro soixante-dix chez Offside Bay.
Ce n’est pas le message de la conciergerie qui me permettra de régler mon problème d’Internet. On me conseille de vérifier les branchements de la boxe. J’y aurais pensé tout seul mais rien ne ressemble à une boxe dans l’appartement.
Avant de rentrer, je m’installe sur un banc proche de la Penfield et reprends mon gros livre, à ma gauche le Château, en face le Pont, à ma droite le Téléphérique. C’est la première fois que je le vois fonctionner. D’où je suis, ses cabines semblent bien petites et drôlement hautes.
                                                            *
Dans le Port de Plaisance du Moulin Blanc, cet avertissement : « Tout quillard le long du quai doit être maintenu obligatoirement par une cravate ».
                                                            *
Pendant ma longue station chez Kersauson se succèdent à la table voisine quatre enseignant(e)s surveillant de loin leurs élèves qui font de la voile avec des moniteurs puis trois infirmières en pause méridienne. Leur point commun : des histoires avec les collègues.
                                                            *
On s’inquiète à la télé bretonne du manque d’eau d’une part et de blé noir d’autre part, les crêperies sont aux abois.
 

3 juin 2022


Comme je le craignais ma connexion Internet est toujours inopérante au petit matin de ce jeudi, de quoi compliquer la vie au vacancier que je suis.
Celui-ci, après un bol de thé, utilise pour la première fois sa carte dix voyages du réseau Bibus en montant dans le Deux à Recouvrance, direction Technopôle.
J’en descends à l’arrêt Plage Sainte-Anne, commune de Plouzané. Cette plage minuscule borde une anse qui sert de port à flot à de petits bateaux. Un mignon petit Hôtel des Bois la jouxte. Je le contourne et me trouve face à un escalier tant monumental qu’étroit. J’en monte prudemment les étroites marches de béton en reprenant mon souffle plusieurs fois et me voici sur le fameux Géherre Trente-Quatre qui fait le tour de la Bretagne.
De ce chemin, j’ai une vue magnifique sur le Goulet de Brest dans lequel circulent de nombreux bateaux. En face, si proche, est la Presqu’île de Crozon, l’un de ses trois doigts, celui du haut. Bientôt, l’allée caillouteuse se transforme en véritable sentier de randonnée et à cette heure matutinale, je l’ai pour moi seul.
Au bout d’un moment, j’arrive à la Pointe du Diable d’où j’aperçois un autre petit port à flot dans lequel les bateaux sont bien rangés. Le sentier m’y mène. Il s’agit du Port du Petit Dellec où une stèle rappelle qu’en mil neuf cent quarante-quatre trois enfants moururent d’un accident. Puis me voici au Fort du Dellec, qui n’est plus militaire mais culturel parfois. Dans son enceinte le sentier passe dans un tunnel qui débouche sur un belvédère où je grimpe, quelle belle vue sur le large ! C’est l’objet de ma dernière photo, car ensuite, s’il y a le Phare du Minou et la Plage du Petit Minou, c’est un peu loin et escarpé pour mon âge.
Aussi je reviens au Port du Petit Dellec et m’assois sur son unique banc pour lire Le Diable en France de Lion Feuchtwanger, bien chauffé par le soleil, tandis que quelques pêcheurs rejoignent leur bateau à l’aide d’un canot en plastique coloré, à la godille.
Vers dix heures, je reprends le sentier pour retourner à la plage Sainte-Anne. Il faut que je me gare plus d’une fois pour laisser passer sportifs et sportives. Quand je descends prudemment le vertigineux escalier aux marches en béton, deux attendent en bas que j’en aie terminé.
Cette dernière prise de risque mérite récompense sous forme d’un café lecture à la paisible terrasse de l’Hôtel des Bois. Je n’y suis dérangé par personne. Quand je paie mon euro soixante-dix à la patronne, je lui demande le prix des chambres. Soixante-dix euros, ce qui n’est pas exagéré, là où il se trouve.
Un Bibus numéro Deux me ramène à Brest, avec lequel je passe le Pont de Recouvrance. J’en descends peu après à l’arrêt Rampe. Celle-ci descend vers le Port de Commerce et le Tara Inn, où je déjeune pour le même prix qu’hier d’un Cottage Pie (« On va dire que c’est un Parmentier de bœuf à la Guinness, pour faire simple », me dit le serveur, et c’est fort bon), avec un quart de vin rouge et un tiramisu. Le café, c’est à la terrasse du Café des Mouettes, un euro quarante seulement, où je termine Le Diable en France.
Il fait chaud et lourd quand je rentre à mon logis temporaire. La ouifi n’y est pas revenue. Je dois retourner à Brest même, avec mon ordinateur. En bas de la rue de Siam, je trouve à me connecter au Offside Bay, un bar à bières dont le patron est bien serviable.
                                                                  *
Au Tara Inn, Fest Noz tous les lundis soirs et Fest Deiz le premier dimanche du mois.
                                                                  *
Dans un grand hangar portuaire est logé Le Fourneau, Centre National des Arts de la Rue.
 

2 juin 2022


Ce mercredi, après un allongé à un euro soixante-dix au Bistrot de P’tit Louis près de la Gare Routière, je trouve le quai d’où part le car BreizhGo numéro Onze de sept heures cinquante-cinq pour Le Conquet.
Nous ne sommes pas nombreux à faire le voyage. Sorti de la banlieue, le car emprunte des rues étroites dans la campagne où c’est difficile de croiser la moindre voiture et parfois longe la mer. Des passagers le quittent peu à peu. Je suis le seul à bord lors de la forte descente qui précède le terminus, station Embarcadère. Plusieurs dizaines d’humains y attendent le bateau BreizhGo pour Molène et Ouessant.
Pour ma part, je longe le bras de mer qui sert de port de pêche et de plaisance par un sentier jouxtant de belles demeures en pierre. Au loin une passerelle invite à passer sur l’autre rive où j’aurais envie de poursuivre la balade, mais hélas, celle-ci franchie, je découvre qu’en face des propriétés privées sont à contourner par la route.
Je rebrousse donc et m’arrête à la seule terrasse disponible, celle du Relais du Vieux Port, dont le menu est à trente-deux euros. J’en suis le seul client et le café n’y est qu’à un euro soixante-dix. Celui-ci bu, je poursuis la lecture du Diable en France de Lion Feuchtwanger tandis qu’entre la mer et moi passent des chiens promenant leur propriétaire.
Vers onze heures, je lève le camp et rejoins l’arrêt Embarcadère. Assis sur un banc au soleil, je regarde rentrer les bateaux de pêche. A onze heures trente arrive le car BreizhGo que j’attendais. Je suis le seul à y monter. Il grimpe le raidillon, prend quelques voyageurs de-ci de-là et arrive à Brest à midi trente-cinq.
Dans le Port de Commerce, je choisis de déjeuner en terrasse au Tara Inn, un peube irlandais dont la clientèle préfère manger à l’intérieur, lumière tamisée et musique de là-bas. L’aimable serveuse qui s’occupe de moi en a l’accent. J’ai une vue imprenable sur l’énorme obélisque érigé par l’American Battle Monuments. Parmi les plats du jour à dix euros, je choisis la saucisse fumée de Bretagne et ses frites maison (excellentes), avec un quart de vin rouge à trois euros et en dessert une coupe glacée irlandaise à quatre euros cinquante. Le café, c’est au Quatre Vents avec Lion Feuchtwanger.
                                                                  *
Au matin, j’ai pu redémarrer Effe Bé. Cependant, en rentrant, je découvre  un message m’enjoignant d’augmenter la sécurité de mon compte (ce que je ne peux faire, n’ayant pas de téléphone portatif). Le seize juin, on m’en avertit, je serai bloqué.
De plus, le soir venu, la connexion Esse Effe Air de mon logement Air Bibi cesse de fonctionner.
Toute cette technologie me saoule.
 

1er juin 2022


Après une première nuit on ne peut plus tranquille à Recouvrance, je passe le pont au bout duquel se trouve L’arbre empathique d’Enric Ruiz Geli (mi métal, mi végétal) et me voici de bon matin à Brest même, comme on dit ici. Je remonte la rue de Siam où roule le tram puis tourne à gauche vers les Halles où j’achète croissant et pain au chocolat à la Maison du Boulanger, pas donnés, deux euros trente-cinq, mais bons, comme je le constate, peu après, à la terrasse du bar tabac Le Central où je bois un café allongé à un euro quatre-vingts, pas donné. En face est l’église Saint-Louis, loin de valoir celle du Havre. Brest est globalement laide, trop vite reconstruite, mais je l’aime quand même.
Je me dirige ensuite vers la Gare Routière afin d’y acheter des tickets de car BreizhGo. Pour ce faire, je passe devant l’Hôtel Abalys où je résidais lors de mon passage de deux mille quinze. Aujourd’hui, la moindre de ses chambres est à soixante-dix euros, bien au-delà de mes moyens. Ça ne l’empêche pas d’afficher complet.
A dix heures, je suis le premier à entrer à l’Office de Tourisme où une jeune femme répond à mes demandes sans chercher à me vendre quoi que ce soit. « Vous êtes de quel département ? »
De là, je descends au Port de Commerce où je retrouve mon café préféré de deux mille quinze : Les Quatre Vents. Le noir breuvage y est raisonnablement à un euro cinquante. Je lis là avec beaucoup de plaisir et d’intérêt Le Diable en France de Lion Feuchtwanger jusqu’à l’heure du déjeuner.
C’est une nouvelle fois L’Arche de la Presqu’île qui est l’objet de mon choix, un menu à seize euros (avocat crevettes, blanquette de porc, moelleux au chocolat) et un quart de vin rouge. Un ouvrier y mangeant avec un autre se lève et prend une serviette sur la table voisine. Il s’en sert pour se moucher.
Après un nouveau café lecture à la terrasse du Quatre Vents, je cherche et trouve, rue de Siam, une pharmacie et un Carrefour City, de quoi assurer ma survie.
Au retour à mon logis provisoire, l’occasion de pester m’est offerte par Effe Bé. Impossible de m’y connecter. « Nous avons remarqué une connexion depuis un lieu inhabituel » « Nous devons confirmer qu’il s’agit bien de vous ». C’est surtout à moi de le confirmer. Oui mais aucun des moyens pour le faire ne fonctionne. Tout mouline dans le vide. Me voilà dans l’impossibilité de me connecter pour je ne sais combien de temps.
Le plus ennuyeux est que c’est par le biais de Effe Bé que je rejoins Air Bibi et je n’ai aucun moyen alternatif de le faire, vu que je n’ai pas de téléphone portatif.
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A Brest, des voitures partout. Pas dans les rues, garées. Des parquignes, encore et encore.
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Près de L’Arche de la Presqu’île, un autre restaurant : Le Crabe Marteau. Tu dois fracasser le premier avec le second. Si j’avais envie de ce crustacé, ce folklore me ferait fuir.
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Tout autour des bassins du port d’inesthétiques barrières métalliques. Elles donnent à penser qu’ici le soir, après avoir bien bu, on avait tendance à tomber dans l’eau.
 

31 mai 2022


Tirant ma valise à roulettes, muni de mes deux vieux guides Bretagne Nord, celui du Routard et celui de GéoGuide, je me rends ce lundi matin à la Gare de Rouen où la circulation est redevenue normale après un ouiquennede d’Ascension sinistré (j’en connais une qui pour un Paris Rouen samedi a dû payer cinquante-trois euros à un enfoiré d’autocariste qui profitait de l’arrêt des trains pour faire exploser son tarif).
Je grimpe dans le premier train Nomad pour Paris, celui de six heures quinze. Il avance bien, jusqu’à l’approche de la capitale où il s’arrête inopinément suite à une alerte radio. « Il aurait été étonnant qu’une nouvelle semaine commence sans encombre », déclare notre chef de bord. A l’arrivée, cela fait dix minutes de retard, mais j’ai de la marge.  
Ayant rejoint la Gare Montparnasse d’un coup de métro Treize, j’attends le Tégévé de neuf heures cinquante-huit pour Brest, ma nouvelle destination. Manifestement, les voyages scolaires ont repris. Heureusement, celui de la voiture Sept est à l’étage. En bas tout est calme. Ma voisine étudie le chemin de Compostelle entre Le Puy en Velay et Cahors. Elle lit aussi Ouest France donc elle ne s’est pas trompée de train.
Nous arrivons à la Gare de Brest à treize heures vingt-cinq, comme prévu. Sur le parvis, j’interroge une autochtone de mon âge. Elle me conseille de déjeuner au Port de Commerce d’où je pourrai rejoindre mon logement Air Bibi à Recouvrance, cela montera mais pas trop.
Mon dernier séjour à Brest date de deux mille quinze, une semaine ensoleillée à la Toussaint (mon Journal est là pour m’en rappeler le détail). Je reconnais certains lieux près du Port. Quand j’y arrive, Je demande au restaurant L’Arche de la Presqu’île si on peut encore me servir, bien qu’il soit presque quatorze heures. La réponse est positive. Je déjeune en terrasse de beignets de calamars et d’un couscous avec un quart de vin rouge, cela pour dix-neuf euros quarante. L’addition réglée, le patron m’explique comment rejoindre le Château d’où je verrai le pont de Recouvrance.
Celui-ci traversé, un jeune homme m’indique comment rejoindre la rue de mon logement provisoire. « Bonne chance », me dit-il. Je comprends quand je vois la côte qu’il faut grimper et qui me rappelle celle de mon séjour à Quimper, en moins longue.
Essoufflé, je réussis à ouvrir la boîte à clé. Me voici à l'intérieur d'un petit appartement au rez-de-chaussée dans une rue résidentielle qui semble calme.
                                                                    *
Il fait plutôt beau à Recouvrance mais résonne encore en moi la chanson d’Anne Vanderlove :
À Recouvrance il pleut
Grande-Rivière c'est une porte à l'Arsenal
Et ce matin, il pleut
Qui te dira c' que tu fais là ?
Qui te dira c' que tu fais là ?
Tu t'agites et tu cours sans savoir où tu vas
Ce monde à contre-jour ne te ressemble pas
 

29 mai 2022


Je suis là, ce samedi, en terrasse au Sacre, à lire quand une jeune femme fonce directement sur ma table, attrape la chaise qui me fait face puis s’arrête avec un « Ah je suis désolée, vous ressemblez trop à mon oncle, j’allais m’asseoir avec vous, je suis désolée. » Elle file avant que je puisse lui dire de s’asseoir quand même.
En face, ou presque, c’est la boutique de cébédé où parfois le jeune gérant met la musique à fond. Moins tu as de clients, plus tu pousses le son. Sa marchandise ne semble intéresser personne. Les seul(e)s qui entrent chez lui viennent chercher un colis Mondial Relay (cinquante centimes par colis pour le cébédiste).
Je ne vois pas davantage entrer quiconque chez le réparateur d’informatique qui ressemble à l’un des Freak Brothers de Shelton. Je ne dirai rien de la boutique qui se situe entre le marchand de cébédé et le réparateur d’informatique. Je me demande comment font ces commerçants pour vivre.
La jeune serveuse que j’aime bien porte un ticheurte « Le Sacre c’est sacré ». Du côté du bûcher se font entendre les joyeusetés qui commémorent le martyre de la Jeanne.
-C’est quoi ? demande un moutard qui passe avec ses parents.
-Des trucs médiévals, lui répond son père.
-Des trucs médiévaux, reprend la mère.
Ça rime avec veaux, me dis-je.
Trois jeunes comédiens moyenâgeux s’assoient à la table voisine.
-Ce matin, dit l’un, j’ai pris un café avec Stéphane Bern.
-Ah bien, le félicite un des deux autres, il ne t’a pas mis la main au derrière ?
                                                                    *
A cette terrasse je termine Sur les traces d’Enayat Zayyat, récit d’Iman Mersal, traduit de l’arabe par Richard Jacquemond, paru chez Sindbad Actes Sud en deux mille vingt et un, dans lequel l’écrivaine égypto-canadienne enquête sur la vie et le suicide de celle qui n’a pas réussi à être publiée avant sa mort. Extrait :
Autour de moi il y a des êtres vivants qui dorment, se réveillent, mangent, se bagarrent et se multiplient : spectacle sordide et douloureux, qu’il est préférable de ne pas voir, mais qui est en même temps une preuve de la volonté de vivre.
                                                                    *
La veille, rentrant du Sacre, j’ai découvert un Guide du Routard Bretagne Nord dans la boîte à livres du Vieux Marché, un deux mille huit (deux ans plus récent que celui que j’avais). Deux jours plus tôt dans celle de la Cathédrale se trouvait un GéoGuide Bretagne Nord deux mille sept deux mille huit.
 

27 mai 2022


Il est six heures quarante ce jeudi d’Ascension lorsque je descends sur le quai de la station Palais de Justice du métro rouennais. C’est pour apprendre que la prochaine rame en direction du Grand-Quevilly est dans vingt-cinq minutes. J’attends donc, seul dans ce souterrain inhospitalier.
Lorsque enfin j’arrive à l’arrêt Provinces du Grand-Cul je n’ai qu’une centaine de mètres à pied pour atteindre le début du vide grenier organisé par la ville et donc bien organisé (on n’y oublie pas les obstacles anti attentat aux extrémités de l’avenue des Provinces). Tout le monde est déjà installé et l’affluence est dans les allées parallèles et sur les placettes  que je parcours les unes après les autres.
Il y eut des années où je trouvais de quoi me plaire ici mais cette fois je dois me contenter de peu pour pas cher : cinq livres contre deux euros cinquante (Stanley Kubrick, Dada, Yves Klein, Claude Lévêque, Suzanne Lafont) qu’après avoir parcourus je revendrai, ce qui me remboursera mon excursion dans cette banlieue dont la population a au moins deux qualités : le calme et la courtoisie.
                                                                *
De retour à Rouen, je traverse en diagonale le parvis de la Cathédrale. On y installe divers barnums qui serviront pour les « Nouvelles Fêtes Jeanne d’Arc » dont Stéphane Bern est l’invité d’honneur. Plusieurs personnages et créatures médiévales animeront les rues de la ville. Il y aura aussi une parade, des danses médiévales, des fanfares, des contes et fables en musique, une enquête fantastique grandeur nature, un concours du plus beau costume médiéval et des déambulations de cosplay. Tout cela « dans un esprit résolument festif, ludique et familial ».
Combien elle aurait été étonnée la Jeanne si on lui avait dit au moment où elle brûlait dans d’atroces souffrances que quelques siècles plus tard son martyre serait commémoré par une accumulation de bouffonneries.
                                                               *
Entendre sur France Trois Normandie l’adjoint aux manifestations publiques de la ville de Rouen lors de sa présentation de ces festivités parler du tombeau de Jeanne d’Arc place du Vieux-Marché.
 

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