Le Journal de Michel Perdrial

Le Journal de Michel Perdrial




Loïc Boyer
Je suis l’auteur de textes courts qui furent publiés depuis mil neuf cent quatre-vingt-quinze dans des revues littéraires en France (Supérieur Inconnu, Supplément d’Ame, Nouvelle Donne, Le Bord de l’Eau, Pris de Peur, l’Art du Bref, Sol’Air, Gros Textes, Salmigondis, Verso, Décharge, Bulle, Filigranes, Diérèse, Martobre, Comme ça et Autrement, (Cahier d’) Ecritures, La Nef des Fous), en Belgique (Traversées, Ecrits Vains, L’Arbre à Plumes, Inédit Nouveau, Bleu d’Encre), au Canada (Les Saisons Littéraires) et en Italie (Les Cahiers du Ru).
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.







Rss

2 décembre 2014


Horaire inhabituel, dix-huit heures, et musique inhabituelle, jazz cubain, à l’Opéra de Rouen ce dimanche, Frédéric Roels, maître des lieux, a confié les clés à Michel Jules, tête de Rouen Jazz Action. Celui-ci est applaudi par son fane-cleube avant même d’avoir dit un mot au micro. Il se lance dans une longue série de remerciements, se félicite de ce premier concert ici, un autre suivra, et présente rapidement Omara Portuondo et Roberto Fonseca, la première bien connue depuis le film de Wim Wenders Buena Vista Social Club et son duo Silencio avec Ibrahim Ferrer, le second pour avoir été le pianiste du même.
La salle est comble et si une partie du public est également inhabituelle, cela ne modifie pas la moyenne d’âge, bien élevée. J’ai place au premier balcon d’où je vois les choses de haut. Outre Roberto Fonseca sont sur scène un batteur, un percussionniste et un contrebassiste.
Après un morceau instrumental, le pianiste va chercher la chanteuse. Elle arrive à petits pas, accrochée à son bras, quatre-vingt-quatre ans, vêtue d’une robe rouge en lamé, un turban sur la tête, très diva, et va s’asseoir pour sa première chanson. Elle se lève ensuite et esquisse quelques mouvements dans la deuxième, va jusqu’au piano pour les suivantes. Sa voix est intacte et capable de faire passer bien des émotions.
Roberto Fonseca la reconduit en coulisses. Les quatre musiciens laissent parler leurs instruments dont ils savent faire merveille mais, comme toujours dans le jazz, ce côté « tu as vu ce que je sais faire » m’irrite un peu.
Omara Portuondo revient pour la fin et a droit à une première ovation debout (ce qui pour une fois est justifié), donne quelques standards, Guantanamera, Besame Mucho, fait monter sur scène un spectateur du premier rang pour un pas de danse, est de nouveau applaudie debout avant de se diriger comme à regret vers la coulisse. Chacun de ses concerts peut être le dernier.
Tout le monde est très content d’avoir assisté à l’un des quatre donnés en France (deux autres furent pour Paris et le premier à Courbevoie). Je redescends derrière deux femmes lentes, qui ont pour excuse d’être elles aussi nées dans les années trente, songeant à celle qui, alors toute jeune, m’avait fait découvrir le film de Wenders lors de sa sortie et dont je n’ai pas de lettre depuis trois mois.
                                                                *
Public élargi donc pour ce concert de l’Opéra de Rouen, ce qui demande davantage d’interventions des placeuses et placeurs avant l’ouverture des portes, afin notamment d’empêcher certain(e)s de prendre l’escalier :
-Les étages ne sont pas encore ouverts.
-Ah bon, c’est en construction ? demande une novice, croyant être drôle.
                                                                *
Envie réelle d’ouvrir l’Opéra de Rouen à une musique dite populaire ou manque de moyens pour présenter suffisamment de musique dite classique, je ne sais.
 

1er décembre 2014


Retour à l’Opéra de Rouen ce vendredi soir, un lieu que je ne peux fréquenter sans penser à celle qui y était souvent avec moi, d’autant plus quand y revient celui qu’elle appelait le leprechaun, Antony Hermus, chef d’orchestre.
Celui-ci semble ignorer l’entrée des artistes. Sortant de l’ascenseur, casquette et sac à dos, il se dirige franco sur la salle mais comme il ouvre la porte d’une loge ne peut aller loin. Il ressort, trouve la bonne porte, se fait arrêter par une ouvreuse qui lui demande si elle peut le renseigner.
-Renseigner ? répète-t-il avec un regard d’incompréhension totale.
Elle passe à l’anglais.
-I am the conductor, lui apprend-il.
-Oh, pardon.
Une demi-heure plus tard, il réapparaît sur scène dans sa tenue de fonction, survolté, content d’en découdre avec Wolfgang Amadeus Mozart dont il mène à la baguette l’Ouverture de la Clémence de Titus.
Vient le moment de la création mondiale du Concerto pour violoncelle écrit pour la virtuose Emmanuelle Bertrand par le renommé Thierry Escaich suite à leur rencontre ici-même lors d’un précédent concert. Ce concerto obtient un beau succès. Thierry Escaich monte sur scène recevoir sa part d’applaudissements puis en bis est redonnée la fin.
Après l’entracte, Antony Hermus revient sans partition pour diriger la Symphonie numéro trois en la mineur, dite Ecossaise de Felix Mendelssohn, une œuvre qu’il possède à fond et qui semble le posséder, que je découvre et qui me plaît fort. Le triomphe est au bout des quatre mouvements. Le Maestro fait de nombreux allers et retours entre la coulisse et la scène, le ventre en avant, plus leprechaun que jamais.
                                                              *
Pour rentrer je dois contourner le marché de Noël encore illuminé sur lequel veillent les vigiles. Nous sommes en novembre mais c’est déjà décembre bien qu’il fasse doux comme en septembre. « Si ça continue, on n’aura pas d’hiver », entends-je au moins une fois par jour.
                                                              *
Parmi les décorations de Noël rouennaises, le pseudo sapin posé devant la gothique église Saint-Maclou. Constitué d’une haute pyramide métallique maintenue au sol par des blocs de béton et entourée par des barrières de chantier, il est du plus bel effet.
 

29 novembre 2014


Etant à Paris ce mercredi j’ai raté Laure Adler à Rouen venue honorer de sa présence blonde le vernissage de la troisième édition du Temps des Collections au Musée des Beaux-Arts dont elle est la marraine ou l’organisatrice (va savoir) après Christian Lacroix et Olivia Putman. Il en résulte six mini expositions soutenues par la Matmut, ce « Grand Mécène ». La plupart sont consacrées à des artistes rouennais. L’une montre des œuvres de Vladimír Škoda parmi les ferronneries du Musée Le Secq des Tournelles.
En parallèle, une installation de cet artiste, complétée par des dessins, est présentée à la MAM Galerie, sise à l’Ubi. Au fil des après-midi passées à écrire ce Journal, j’ai assisté à sa mise en place qui fut une épreuve pour les petites mains invisibles chargées de transporter dans des seaux les deux cent mille billes d’acier huilées. Ces deux tonnes de métal sont devenues tapis, sous le nom d’Entropia Grande.
Ce jeudi, un peu avant dix-huit heures, j’arrive à l’Ubi pour le vernissage, en avance comme à mon habitude, mais pas assez pour voir avec mes yeux un vieil élève des cours du soir de l’Ecole des Beaux-Arts marcher sur l’installation et en détruire l’harmonie. L’incident vient de se produire. Tandis que Marie-Andrée Malleville s’emploie à garder son calme et à réparer les dégâts, le fautif reste planté là l’air penaud. Sa femme tente de l’excuser d’un « Il n’est pas très dégourdi. » Je fais le tour des dessins dans lesquels les billes deviennent constellations, l’artiste étant familier de ces contrées où ne m’emmènent même pas mes rêves.
Le tapis de billes serrées les unes contre les autres n’a pas tout à fait repris son aspect initial quand arrive Vladimír Škoda. Grand, costaud, muni d’une barbe blanche, il correspond tout à fait à l’idée que l’on se fait d’un travailleur du métal (il fut tourneur fraiseur avant de quitter Prague en mil neuf cent soixante-huit). Il ne s’insurge pas du mauvais sort fait à son œuvre, laquelle est bientôt réparée. Je bois un verre de vin blanc accompagné de chips au wasabi en observant les allées et venues, puis un autre en devisant avec qui je connais.
C’est quand je m’apprête à quitter les lieux qu’un jeune homme met à son tour le pied sur l’installation dont les billes roulent en tous sens. Lui aussi est fort marri, mais il réagit en tentant de réparer sa bêtise.
                                                          *
Un résidant de l’Ubi voyant les petites mains invisibles fléchir sous le poids des seaux de billes huilées :
-J’ai bien fait de choisir la musique.
                                                         *
Une après-midi ordinaire à l’Ubi, passe un homme qui demande si l’on y accepte les œuvres d’art : « parce que moi j’ai fait une péniche en maquette. »
 

28 novembre 2014


Un objectif, ce mercredi à Paris, visiter Jeff Koons La Rétrospective le premier jour afin de précéder la foule qui ne manquera pas de s’y ruer suite aux reportages des télévisions, des radios et des journaux de toute nature. Ce pourquoi, après un tour au Book-Off de la Bastille, je déjeune dès onze heures chez Délices Traiteur d’un menu vapeur. A la table voisine s’affaire un contrôleur de l’Urssaf dont les conclusions sont les suivantes : pas grand-chose à vous reprocher mais vous aurez quand même un redressement sur deux années pour avoir déclaré au forfait ce qui devait l’être au tarif horaire et puis comme votre convention collective est celle de la restauration rapide, il faudra remplacer vos assiettes et vos verres par des jetables en carton ou en plastique, enfin pour le défibrillateur cardiaque, ce n’est pas obligatoire, mais si vous en prenez un, il faut qu’il y ait une personne formée à son utilisation.
-De toute façon, ajoute-t-il, vous ne devez pas avoir beaucoup de personnes âgées dans votre clientèle.
Ce quinquagénaire ignore qu’il est pile dans le bon créneau pour la crise cardiaque.
A pied, je rejoins le Centre Pompidou où manifestement on attend du monde. Du personnel est à l’extérieur pour accueillir les visiteurs, peu occupé. Au sixième étage, des cordons sont en place pour les canaliser, pour l’instant inutiles. Marcel Duchamp, dont l’expo de peinture voisine est si peu fréquentée, aura de quoi être jaloux mais, ce premier jour, il n’y a aucune attente à l’entrée de Jeff Koons La Rétrospective.
J’y suis accueilli par les Infatables, jouets gonflables colorés trouvés à Manhattan posés sur miroirs. Suit la collection d’aspirateurs. L’exposition est chronologique. On passe aux œuvres bien connues, que de couleur, que de brillant, que de rondeur, vive le néo Pop Art. La plupart des présent(e)s déambulent l’appareil en main. On photographie son reflet dans l’immense Balloon Dog. « Tu sais pas si c’est froid, chaud, dur, mou », entends-je. « Je suis emballée mais je suis quand même un peu déçue », ajoute une autre. Une femme en chaise roulante se lève, comme quoi l’Art peut faire des miracles, rejoint trois amis, et tous quatre bras dessus bras dessous se font photographier devant le cœur baudruche géant. Un homme se recoiffe à l’aide d’un des miroirs en forme de tête d’animal. Une femme permanentée photographie le caniche frisé de ses rêves. On s’amuse comme à la fête foraine, d’autant qu’innovation hardie des capteurs de plafond détectent celles et ceux qui s’approchent trop près des peintures. Des sonneries indignées se déclenchent régulièrement. L’un des gardiens commente la nouveauté : « Putain, si ça sonne comme ça toute la journée, je vais devenir dingue. »
Quelques aspects non lisses quand même chez Jeff Koons, sa Liberty Bell fissurée et, bien sûr, ses photos pornos géantes et quelques sculptures annexes, du temps où il était avec la Cicciolina. Celles-ci sont dans une salle « strictement interdite aux moins de dix-huit ans » sous la surveillance d’une gardienne qui n’y laisse entrer que peu de monde à la fois.
Louche, la porcelaine représentant Michael Jackson avec son jeune singe sur les genoux l’est, c’est sûr, mais surtout au regard de ce qu’on sait maintenant de la vie du chanteur (elle date de mil neuf cent quatre-vingt-huit).
Toutes les productions récentes sont inoffensives, de quoi confirmer le propos écrit sur le mur : « Koons semble souligner ici l’inéluctable devenir décoratif des œuvres d’art. ». Je dirais même plus, il y contribue allègrement.
Après un tour dans les librairies du Quartier Latin et au Book-Off de l’Opéra, je rentre par le train de dix-huit heures trente, le direct de dix-huit heures vingt-cinq pour lequel j’ai un billet étant supprimé « pour raison de maintenance ». Le contrôleur m’en fait presque le reproche. J’y lis Alain, ouvrage de Catherine Robbe-Grillet consacré à son défunt mari (Editions Fayard) dont il y a peu à retenir, ceci quand même : ... et des colliers de chien dont j’ai porté, un temps, un petit modèle élégant, discret qui m’a valu un beau matin la réflexion d’une coiffeuse : « Vous avez perdu une petite chienne que vous aimiez beaucoup ? ». Je n’ai pas eu le courage de lui dire que la petite chienne aimée, c’était moi.
                                                     *
Sur une porte des toilettes du Centre Pompidou : « Hey, G. Pompidou, nobody clean this shit toilete ? ».
Si pourtant, des femmes dont il n’est pas utile de préciser la couleur de peau.
                                                     *
Un jour nous prendrons des trains qui n’existent pas (pour faire plaisir au contrôleur).
 

27 novembre 2014


Il y a foule des grands jours ce mardi soir à l’Opéra de Rouen où, sous la bannière du moribond festival Automne en Normandie, le Bayerisches Staatsballett (Ballet d’Etat de Bavière) propose Unitxt de Richard Segal et BIPED de Merce Cunningham. Certain(e)s venu(e)s aussi ici pour dîner ne savent où poser leur assiette. Derrière ces mangeuses et mangeurs, une maison de pain d’épice en plastique coloré annonce l’opéra participatif (comme ils disent) qui fera de ce lieu un endroit où je ne mettrai pas l’oreille en décembre.
J’ai place dans la partie supérieure du premier balcon, au fond et décentré. La demoiselle placeuse me donne une paire de bouchons d’oreilles en mettant en garde contre la musique très forte de la deuxième partie. Mes voisines appellent cela des boules Quies. Des affiches sur les portes répètent l’avertissement. A la fermeture de celles-ci, je trouve refuge dans un meilleur fauteuil, plus bas et centré.
Les bouchons d’oreilles ne serviront à personne car il appert que l’Opéra ne savait pas que la musique forte c’était en première partie, pour Unitxt, la chorégraphie de Richard Segal datant de deux mille treize, dont l’electro puissante mais pas assourdissante est due à Carsten Nicolai et Alva Noto. Elle engendre une danse tonique qui à l’issue est fort applaudie et fait pousser des cris à la jeunesse amenée là par ses professeur(e)s.
Après l’entracte, la musique tranquille et répétitive de Gavin Bryars est jouée en direct dans la fosse tandis que sur scène les danseuses et danseurs se mêlent à leurs doubles virtuels. BIPED de Merce Cunningham date de mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf et a déjà un petit côté patrimonial, de quoi générer de forts applaudissements mais cela ne soulève pas l’enthousiasme bruyant des lycéen(ne)s. Une femme dans l’escalier de la sortie trouve que cette seconde pièce était psychédélique, révélant ainsi son âge.
                                                         *
J’ai souvenir de Merce Cunningham himself se faisant applaudir sur la scène de l’Opéra de Rouen. Comme je n’en trouve pas trace dans mon Journal, ce devait être avant novembre deux mille six.
 

26 novembre 2014


Le 29 juillet 1982, Europe 1. « Radio libre à la discothèque de Léo Malet ». Trois heures d’émission. (Ce que l’on a appelé plus tard l’émission « tragique », parce qu’au milieu de l’émission je me suis cassé la gueule dans les couloirs de la station et que pendant une heure et demie j’ai continué à « assurer le service » en pissant le sang de tout mon visage.) note Léo Malet le jeudi quatorze avril mil neuf cent quatre-vingt-trois dans son Journal secret, ce qui me rappelle l’époque où je n’écoutais pas uniquement France Culture.
Cette émission, Radio libre, était une initiative d’Europe Un pour tenter de contrer la perte de ses auditeurs captés par ce qu’on appelait les radios libres, récemment autorisées par le Mythe Errant. Assez vite, on ne ferait plus la différence entre radios libres et radios périphériques, toutes appelées radios privées, des robinets à publicité et à musique vulgaire, et il ne sera plus question pour Europe Un d’inviter pendant trois heures un écrivain à présenter sa discothèque.
                                                           *
Évreux. Discussion dans deux collèges sur Brouillard et Fièvre au Marais. Intéressante et amusante expérience, mais tout cela est bien fatigant. Les profs organisateurs me reconduisent à Châtillon à 2 heures du matin. écrit-il le vendredi vingt-sept mai mil neuf cent quatre-vingt-trois.
Que deux profs d’Evreux aient réussi à convaincre le vieux Malet de se livrer à cette expérience m’ébahit.
                                                          *
Il existe, ai-je appris par cette lecture, un quarante-cinq tours illustré par Tardi, édité en mil neuf cent quatre-vingt-deux dans la collection Minuit moins une comprenant deux chansons de Léo Malet mises en musique par Gérard Dôle, dont Chanson de banlieue chantée par Malet lui-même. Gougueule n’a aucune information à ce sujet.
                                                          *
Léo Malet, l’ancien surréaliste, n’avait pas que des côtés sympathiques. Abonné à Minute, il se revendiquait « raciste de banlieue ouvrière », une espèce qui a proliféré après sa mort. En témoigne le Une vie, une œuvre que lui a consacré France Culture. On peut aussi le voir sur le site de Libération, à la date du huit mars mil neuf cent quatre-vingt-seize, où sont repris des extraits d’un entretien publié dans le journal le onze juin mil neuf cent quatre-vingt-cinq:
« Alors, écoutez, je vais vous dire une chose: les Arabes m'emmerdent et je ne les aime pas! Et je les tiens tous pour des cons! »
« Alors là, je dis que les gitans commencent à me faire chier, parce que, eux, ils sont drôlement racistes! On se demande ce qu'on a reproché à Hitler! »
Bah oui.
 

25 novembre 2014


Un moment que je voulais trouver le Journal secret de Léo Malet, précisément depuis que je connaissais son existence par les Mémoires de Francis Lacassin qui en signe la préface. Que celle qui était avec moi à Conches-en-Ouche, le jour de la Foire aux Livres, mette la main sur un exemplaire à vingt centimes de cet ouvrage publié au Fleuve Noir m’a fait bien plaisir.
Sa lecture aussi, qui montre un Malet vieillissant, déprimé, suicidaire, souffrant d’impuissance sexuelle avec son amie Christiane suite à la mort de sa femme Paulette qu’il s’accuse d’avoir tuée ayant fait l’amour avec elle la veille de sa crise cardiaque. Sans les nichons et le cul de la femme qu’on aime, à quoi peut-il servir de vivre ? On sait bien pourquoi se sont suicidés Hemingway, Romain Gary et quelques autres. écrit-il le mardi dix août mil neuf cent quatre-vingt-deux.
Christiane était la fille de sa voisine, connue alors qu’elle descendait l’escalier sur la rampe jupe relevée, retrouvée bien plus tard :
Je ne suis pas prêt de te rebaiser… Quel âge avais-tu ? Vingt-deux ans ? Ah nom de Dieu ! le vieux loup a envie de mordre.
Vingt-cinq ans de différence, je me répète ça comme un poème. (samedi quatre septembre mil neuf cent quatre-vingt-deux)
Je l’ai branlée deux fois. Deux ou trois fois, je lui ai bouffé le cul, j’ai fourragé avec ma langue dans son con adoré. Et à un moment, alors que mon doigt s’activait, elle s’est ouverte, mouillant comme pas une. Tout son vagin s’ouvrait, appelant le membre viril. Mais hélas ! je ne bandais pas. J’aurais peut-être bandé suffisamment pour la baiser, si elle avait consenti à me sucer la queue, mais elle s’y est refusée. Ah non, ce n’est pas une putain… et pourtant, je n’ai jamais rencontré une fille qui possède un « air baiseur » comme elle. « On m’a toujours dit que j’étais une statue, me dit-elle. Une statue froide comme celles du jardin du Luxembourg. » (vendredi vingt-deux avril mil neuf cent quatre-vingt-trois)
D’autres passages ont fait également ma joie :
Passé à la poste, retirer du fric. La jeune et jolie guichetière (l’aguichante du guichet), après avoir regardé ma carte d’identité : « Vous êtes l’auteur de romans policiers ? »… C’est flatteur, ça me fait plaisir, mais ça ne me rend pas ma santé d’il y a encore deux ans et ma virilité. (vendredi quinze avril mil neuf cent quatre-vingt-trois)
Fin d’après-midi. Le couloir est vraiment trop poussiéreux. Je demande conseils de nettoyage à Mme Piétri. Elle s’offre pour faire le boulot. Ça devient gênant. Je le répète : j’ai rarement rencontré quelqu’un d’aussi serviable. Elle est du parti socialiste. Ce sont des gens comme ça, des types généreux, gentils et serviables qui forment, en gros, la base de la gauche… et tout se termine ensuite dans la misère et le sang… (samedi seize avril mil neuf cent quatre-vingt-trois)
Chaque jour, à mon réveil, je me découvre de plus en plus misanthrope et hypocondriaque. Et cyclothymique, avec ça. J’ai tout pour plaire. (lundi six juin mil neuf cent quatre-vingt-trois)
Je rentre en métro. Collection de têtes de cons habituelles. (mardi quatorze juin mil neuf cent quatre-vingt-trois)
« Apostrophes ». Alain Duglan (le bien nommé. Et par lui-même) présente son bouquin paru chez Lattès. Quand je pense que ce type, qui ne jurait que par moi, m’a fait connaître les Editions des Autres… Je me rappelle notre première entrevue, à la maison. La conversation vient sur les enfants. Yeux écarquillés du gars, faciès émerveillé. « Je suis papa depuis trois jours ! » Quel con ! (vendredi dix-huit juin mil neuf cent quatre-vingt-trois)
Dans l’après-midi, en prenant un bain, je me branle, quoique mon sexe ne soit pas en érection. Impression pénible. Vraiment … ne pourrais-je plus jamais ?... Il faudra que je me résolve à sauter le pas. Quand on demeure au neuvième étage, ça devrait être facile. (mardi vingt-huit février mil neuf cent quatre-vingt-quatre)
Léo Malet mourra une nuit devant sa télé, trouvé au matin par monsieur Piétri, son voisin.
 

24 novembre 2014


J’ai place en loge ce vendredi soir à l’Opéra de Rouen. Schubert et Mendelssohn sont au programme. Pour le second, The Purcell Singers ont fait le voyage. Grâce au Réseau ACT qui développe des projets culturels dans l’euro-région, nous annonce Laurent Bondi au micro. Ce réseau a également permis la présence d’étudiant(e)s anglais(e)s ayant réalisé un journal à la gloire de l’imprimerie, lequel est à disposition gratuitement.
Le Maestro, lui, est japonais et vit à Berlin. Il s’agit de Kazuki Yamada. L’« un des chefs les plus en vue de sa génération » (né en soixante-dix-neuf), explique le livret programme exceptionnellement bilingue. Les hommes de l’Orchestre sont de nouveau en cravate rouge. Le timbalier est exilé côté cour pour laisser place aux choristes.
Kazuki Yamada dirige d’abord la Symphonie numéro deux en si bémol majeur de Franz Schubert et est jugé favorablement à l’entracte pendant lequel beaucoup retrouvent des connaissances, abordées souvent d’un « Toujours les mêmes » et parfois d’un « C’est rare de vous voir ici, ma chère ».
A la reprise, The Purcell Singers, « l’un des chœurs de chambre londoniens les plus en vue », prend place derrière les musicien(ne)s pour la Symphonie numéro deux « Lobgesang » (version avec chœur et trois solistes) de Felix Mendelssohn. Un des étudiants anglais, deux rangées devant, filme la performance qui à l’issue est applaudie longuement. Kazuki Yamada congratule les solistes : Elodie Kimmel (soprano), Majdouline Zerari (mezzo-soprano), Szabolcs Brickner (ténor), la chef d’attaque des premiers violons : Liana Gourdjia et le chef de chœur : Mark Ford, lequel est aussi avocat international basé à Dehli et administrateur d’une organisation caritative promouvant le théâtre auprès de la jeunesse d’Angleterre.
Avant de quitter les lieux, j’attrape l’un des journaux à la gloire de l’imprimerie. C’est pour offrir.
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Glissé dans le livret programme, un tract signé des organisations d’employeurs et d’employés du domaine culturel : « Pour que vivent les orchestres symphoniques et lyriques, les chœurs et les théâtres d’opéra ». On s’y inquiète de la disparition de nombreux orchestres en Europe et dans le monde (Etats-Unis, Argentine). Ainsi en est-il à l’Opéra de Rome où les cent quatre-vingt-deux musiciens et choristes ont été licenciés brutalement.
 

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