Dernières notes
Loïc Boyer
Je suis l’auteur de textes courts qui furent publiés depuis mil neuf cent quatre-vingt-quinze dans des revues littéraires en France (Supérieur Inconnu, Supplément d’Ame, Nouvelle Donne, Le Bord de l’Eau, Pris de Peur, l’Art du Bref, Sol’Air, Gros Textes, Salmigondis, Verso, Décharge, Bulle, Filigranes, Diérèse, Martobre, Comme ça et Autrement, (Cahier d’) Ecritures, La Nef des Fous), en Belgique (Traversées, Ecrits Vains, L’Arbre à Plumes, Inédit Nouveau, Bleu d’Encre), au Canada (Les Saisons Littéraires) et en Italie (Les Cahiers du Ru).
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.
31 janvier 2015
De retour à l’Opéra de Rouen ce jeudi soir pour de la danse tout public, je m’apprête à observer les arrivant(e)s à mon habitude lorsqu’un autre abonné de ma connaissance m’aborde. Il veut m‘offrir un verre. « Depuis que je vous lis gratuitement, me dit-il, je vous dois bien ça. » Nous discutons un moment perchés sur les sièges pour table haute.
A l’ouverture de la salle, je me cale dans le fauteuil décentré de premier rang de corbeille qui m’est imparti. Une spectatrice que je connais de vue vient me saluer, ayant découvert mon Journal l’été dernier. Elle a entrepris de le lire depuis le début, ce qui est méritoire.
C’est est fini pour la sociabilité, je reporte mon attention sur les moutard(e) qui envahissent la salle (déjà l’après-midi à l’Ubi je côtoyais une classe entière venue prendre un cours d’art plastique avec la galeriste Marie-Andrée Malleville qui a une vocation rentrée d’enseignante). Ici, ces êtres humains de petite taille sont avec un ou deux de leurs parents et profitent d’une innovation d’importance : la possibilité de mettre un rehausseur sous leurs fesses comme au cinéma. Le pop-corn, c’est pour l’année prochaine.
La Compagnie Malka en résidence à Château-Rouge Annemasse dirigée par Bouba Landrille Tchouda, autodidacte venu de la scène hip hop, présente une chorégraphie modestement nommée Un Casse-Noisette sur la musique de Tchaïkovski augmentée de compositions originales d’Yvon Talbot.
C’est enlevé et coloré, de quoi me plaire assez, bien moins qu’à mes deux voisines. A la fin, elles crient « Bravo ! » et commentent « Quelle énergie ! Quelle souplesse ! » Elles ont gardé leur âme d’enfant, un accessoire dont je n’ai jamais été doté.
*
Pas une journée sans que France Culture ne se penche des heures durant sur des questions liées à la religion musulmane et à ses adeptes d’ici ou d’outre Méditerranée, me rendant son écoute insupportable.
Si chaque fois que sont prononcés à l’antenne les mots islam, mosquée, coran, imam, on entendait christianisme, église, bible, curé, cela protesterait de toute part, mais là il s’agit des nouveaux dominants, de ceux qui ont pris dans le domaine de ce qu’il convient de penser la place totalitaire que tenaient les marxistes avant la chute du mur de Berlin, nul ne moufte.
*
Et conséquemment, en France et dans d’autres pays d’Europe, se multiplient les actes d’autocensure : films déprogrammés, spectacles annulés, affiches non collées, expositions reportées ou supprimées, autant de faits à mettre sous la rubrique du titre du dernier Houellebecq : Soumission.
A l’ouverture de la salle, je me cale dans le fauteuil décentré de premier rang de corbeille qui m’est imparti. Une spectatrice que je connais de vue vient me saluer, ayant découvert mon Journal l’été dernier. Elle a entrepris de le lire depuis le début, ce qui est méritoire.
C’est est fini pour la sociabilité, je reporte mon attention sur les moutard(e) qui envahissent la salle (déjà l’après-midi à l’Ubi je côtoyais une classe entière venue prendre un cours d’art plastique avec la galeriste Marie-Andrée Malleville qui a une vocation rentrée d’enseignante). Ici, ces êtres humains de petite taille sont avec un ou deux de leurs parents et profitent d’une innovation d’importance : la possibilité de mettre un rehausseur sous leurs fesses comme au cinéma. Le pop-corn, c’est pour l’année prochaine.
La Compagnie Malka en résidence à Château-Rouge Annemasse dirigée par Bouba Landrille Tchouda, autodidacte venu de la scène hip hop, présente une chorégraphie modestement nommée Un Casse-Noisette sur la musique de Tchaïkovski augmentée de compositions originales d’Yvon Talbot.
C’est enlevé et coloré, de quoi me plaire assez, bien moins qu’à mes deux voisines. A la fin, elles crient « Bravo ! » et commentent « Quelle énergie ! Quelle souplesse ! » Elles ont gardé leur âme d’enfant, un accessoire dont je n’ai jamais été doté.
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Pas une journée sans que France Culture ne se penche des heures durant sur des questions liées à la religion musulmane et à ses adeptes d’ici ou d’outre Méditerranée, me rendant son écoute insupportable.
Si chaque fois que sont prononcés à l’antenne les mots islam, mosquée, coran, imam, on entendait christianisme, église, bible, curé, cela protesterait de toute part, mais là il s’agit des nouveaux dominants, de ceux qui ont pris dans le domaine de ce qu’il convient de penser la place totalitaire que tenaient les marxistes avant la chute du mur de Berlin, nul ne moufte.
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Et conséquemment, en France et dans d’autres pays d’Europe, se multiplient les actes d’autocensure : films déprogrammés, spectacles annulés, affiches non collées, expositions reportées ou supprimées, autant de faits à mettre sous la rubrique du titre du dernier Houellebecq : Soumission.
30 janvier 2015
Entré ce mercredi matin chez le marchand de journaux de la gare de Rouen pour m’y procurer un carnet de tickets de métro parisien, j’avise une pile du Charlie Hebdo dit des survivants. Il ne semble plus susciter la convoitise. J’achète donc enfin le mien et le lis en attendant le train de huit heures sept pour la capitale.
Il pleut, c’est par sous la terre que je rejoins le Book-Off de la Bastille. J’en ressors avec un nombre raisonnable de livres dont le pornographique Arétin français d’un Membre de l’Académie des Dames publié en mil neuf cent soixante-dix-neuf par les Editions Borderie (deux euros).
Je déjeune au Péhemmu chinois d’à côté, de rognons de bœuf accompagné de purée de la maison, près d’un duo constitué d’une mère et de son fils homo et de six ouvriers salis gentiment agressifs entre eux. Au comptoir, des habitués, parmi lesquels un vieil Arabe à sacoche Che Guevara, fantasment sur un gain de la veille : mille euros (de quoi perdre trois euros par jour pendant même pas un an).
Le métro m’emmène à Franklin-Roosevelt et mes pas jusqu’au bout de la rue de Ponthieu. Au numéro quatre, à côté de chez Christie’s, se trouve la Gagosian Gallery. Y est visible une exposition Balthus que je ne peux manquer. Un aimable vigile et un autoportrait de Balthasar Klossowski de Rola m’y accueillent.
J’en fais le tour, découvrant quelques tableaux peu connus datant de diverses époques (Portrait de Pierre Leyris, Jeune fille en costume d’amazone) ainsi que des dessins d’Italie ou d’ailleurs et une étude à l’huile sur carton pour Le jeu de cartes.
L’œuvre maîtresse est Jeune fille à la mandoline, tableau inachevé de presque deux mètres sur trois, peinture ultime aux couleurs vives interrompue par la mort de l’artiste au tournant du siècle. Il montre une jeune fille nue allongée travaillée par le désir, cependant que son chien debout sur les pattes arrière observe à la fenêtre ouverte qui vient.
L’autre point fort est la collection de polaroïds du peintre vieilli, pour partie arbres et paysages, pour partie demi nus de la fille de son médecin, Anna, ceux-là même qui furent il y a peu interdits d’exposition en Allemagne. D’autres sont montrés au deuxième étage en compagnie de quelques dessins.
Rien d’extraordinaire dans ces images qui rappellent les photos d’Hamilton. Floues et souvent bougées, Balthus y voyait mal, raison pour laquelle il prenait ces photos qui lui servaient de documents de travail, elles sont ici encadrées, mises au même plan que ses dessins ou ses tableaux, et à vendre quinze mille euros pièce.
Je repars sans une et à pied par le bas-côté de l’autoroute urbaine Champs-Elysées, frôle la Madeleine, emprunte le boulevard des Capucines, frôle l’Opéra, prends un café Chez Edmond et explore le deuxième Book-Off.
-Est-ce que vous avez After ? demande une quadragénaire à l’une des employées.
-Si on l’a, c’est rangé au rayon Erotisme, lui répond-elle.
La dame ne sait plus où se mettre.
-Oui, c’est comme Cinquante nuances de Grey, le genre romance érotique, précise l’employée. Le public visé, c’est la femme qui ne lit pas d’habitude.
Celle-ci repart sans livre, contrairement à moi qui n’ai jamais besoin d’aide.
*
Pas envie de feuilleter le Libération du jour dont la une, au prétexte d’étudier le parcours d’un terroriste, montre une photo du tueur de juifs du supermarché casher extraite du film fait par l’un de ses complices, le montrant en héros posant près de son arme, une obscénité susceptible de déclencher des vocations.
L’autre semaine, le site écolo Reporterre m’énervait encore plus avec son article sur l’« enfance misérable » des deux frères assassins à Charlie Hebdo.
*
Consterné, je le suis aussi par les juges zélés qui envoient en prison illico le moindre taré qui fait publiquement « l’apologie du terrorisme ».
Maître Eolas s’inquiète de cette situation en ces termes :
« L’autorité judiciaire, les juges, dont l’une des fonctions, et pas la moindre, est d’arrêter le bras de l’État et qui devraient s’assurer que ces consignes soient exécutées avec la mesure qu’impose la gravité réelle des faits, faillissent à leur mission en accompagnant cet excès dans la répression qui frappe à côté des véritables coupables. Nous envoyons en prison des mois, voire des années, des gens pour des mots qu’ils ont prononcés. Des mots stupides. Des mots bêtes. Des mots méchants. Mais des mots. Des mots qui ne méritaient guère plus qu’un haussement d’épaules méprisant. »
*
Eolas, à propos d’un de ces coupables d’apologie du terrorisme, commise sous l’effet de l’alcool :
« Il agonit d’injures les policiers en des termes les invitant à commettre l’inceste sur leur mère et imputant à celle-ci une activité professionnelle de pierreuse. »
*
Parmi ces apologues, après la branlotine de quatorze ans chopée dans le tramouais de Nantes, voici ce mercredi à Nice un moutard de huit ans traîné chez les policiers après avoir été dénoncé par son instituteur et le directeur de l’école.
Il pleut, c’est par sous la terre que je rejoins le Book-Off de la Bastille. J’en ressors avec un nombre raisonnable de livres dont le pornographique Arétin français d’un Membre de l’Académie des Dames publié en mil neuf cent soixante-dix-neuf par les Editions Borderie (deux euros).
Je déjeune au Péhemmu chinois d’à côté, de rognons de bœuf accompagné de purée de la maison, près d’un duo constitué d’une mère et de son fils homo et de six ouvriers salis gentiment agressifs entre eux. Au comptoir, des habitués, parmi lesquels un vieil Arabe à sacoche Che Guevara, fantasment sur un gain de la veille : mille euros (de quoi perdre trois euros par jour pendant même pas un an).
Le métro m’emmène à Franklin-Roosevelt et mes pas jusqu’au bout de la rue de Ponthieu. Au numéro quatre, à côté de chez Christie’s, se trouve la Gagosian Gallery. Y est visible une exposition Balthus que je ne peux manquer. Un aimable vigile et un autoportrait de Balthasar Klossowski de Rola m’y accueillent.
J’en fais le tour, découvrant quelques tableaux peu connus datant de diverses époques (Portrait de Pierre Leyris, Jeune fille en costume d’amazone) ainsi que des dessins d’Italie ou d’ailleurs et une étude à l’huile sur carton pour Le jeu de cartes.
L’œuvre maîtresse est Jeune fille à la mandoline, tableau inachevé de presque deux mètres sur trois, peinture ultime aux couleurs vives interrompue par la mort de l’artiste au tournant du siècle. Il montre une jeune fille nue allongée travaillée par le désir, cependant que son chien debout sur les pattes arrière observe à la fenêtre ouverte qui vient.
L’autre point fort est la collection de polaroïds du peintre vieilli, pour partie arbres et paysages, pour partie demi nus de la fille de son médecin, Anna, ceux-là même qui furent il y a peu interdits d’exposition en Allemagne. D’autres sont montrés au deuxième étage en compagnie de quelques dessins.
Rien d’extraordinaire dans ces images qui rappellent les photos d’Hamilton. Floues et souvent bougées, Balthus y voyait mal, raison pour laquelle il prenait ces photos qui lui servaient de documents de travail, elles sont ici encadrées, mises au même plan que ses dessins ou ses tableaux, et à vendre quinze mille euros pièce.
Je repars sans une et à pied par le bas-côté de l’autoroute urbaine Champs-Elysées, frôle la Madeleine, emprunte le boulevard des Capucines, frôle l’Opéra, prends un café Chez Edmond et explore le deuxième Book-Off.
-Est-ce que vous avez After ? demande une quadragénaire à l’une des employées.
-Si on l’a, c’est rangé au rayon Erotisme, lui répond-elle.
La dame ne sait plus où se mettre.
-Oui, c’est comme Cinquante nuances de Grey, le genre romance érotique, précise l’employée. Le public visé, c’est la femme qui ne lit pas d’habitude.
Celle-ci repart sans livre, contrairement à moi qui n’ai jamais besoin d’aide.
*
Pas envie de feuilleter le Libération du jour dont la une, au prétexte d’étudier le parcours d’un terroriste, montre une photo du tueur de juifs du supermarché casher extraite du film fait par l’un de ses complices, le montrant en héros posant près de son arme, une obscénité susceptible de déclencher des vocations.
L’autre semaine, le site écolo Reporterre m’énervait encore plus avec son article sur l’« enfance misérable » des deux frères assassins à Charlie Hebdo.
*
Consterné, je le suis aussi par les juges zélés qui envoient en prison illico le moindre taré qui fait publiquement « l’apologie du terrorisme ».
Maître Eolas s’inquiète de cette situation en ces termes :
« L’autorité judiciaire, les juges, dont l’une des fonctions, et pas la moindre, est d’arrêter le bras de l’État et qui devraient s’assurer que ces consignes soient exécutées avec la mesure qu’impose la gravité réelle des faits, faillissent à leur mission en accompagnant cet excès dans la répression qui frappe à côté des véritables coupables. Nous envoyons en prison des mois, voire des années, des gens pour des mots qu’ils ont prononcés. Des mots stupides. Des mots bêtes. Des mots méchants. Mais des mots. Des mots qui ne méritaient guère plus qu’un haussement d’épaules méprisant. »
*
Eolas, à propos d’un de ces coupables d’apologie du terrorisme, commise sous l’effet de l’alcool :
« Il agonit d’injures les policiers en des termes les invitant à commettre l’inceste sur leur mère et imputant à celle-ci une activité professionnelle de pierreuse. »
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Parmi ces apologues, après la branlotine de quatorze ans chopée dans le tramouais de Nantes, voici ce mercredi à Nice un moutard de huit ans traîné chez les policiers après avoir été dénoncé par son instituteur et le directeur de l’école.
29 janvier 2015
Salle comble pour l’Orchestre du Poème Harmonique ce mardi soir, m’a prévenu la guichetière quand je suis allé chercher mon billet à l’Opéra de Rouen. Le monde est déjà là quand j’arrive vers dix-neuf heures quinze et il veut manger, ayant jusqu’à cette heure travaillé à faire fonctionner la France. Deux files s’allongent devant les caisses. On en ouvre une troisième. Le choix est entre sandouiche à je ne sais quoi et couiche avec salade trop verte. Il n’y en aura pas pour tout le monde et le pire est après, quand il s’agit de trouver une table.
Bientôt me voici perché au deuxième balcon d’où l’on a vue plongeante sur la scène. Une chance sur mille trois cent cinquante que mon voisin soit l’homme sans chapeau et sans lunettes (perdues il y a huit mois). C’est pourtant lui que je vois arriver et s’asseoir à ma gauche. Nous devisons jusqu’à ce que se fasse entendre un chant lointain, le concert commençant par une procession dont profitent les privilégié(e)s du niveau zéro.
Vincent Dumestre dirige les vingt et un musicien(ne)s du Poème Harmonique et les vingt et une choristes de la Maîtrise du Conservatoire de Région de Paris. Sont donnés des musiques et chants napolitains du dix-huitième siècle, certains anonymes d’autres non, puis arrive le moment du Stabat Mater que composa Giovanni Battista Pergolesi peu de temps avant sa mort à vingt-six ans (« La postérité est inconsolable », note Luce Zurita dans le livret programme). Je trouve plaisir à ce baroque concert aux talentueux interprètes, notamment les solistes Hasnaa Bennani et Lucile Richardot.
Dès l’issue, mon voisin me salue et court vers une autre festivité, manquant le bis que nous offre Vincent Dumestre après que le public a suffisamment applaudi et fait ainsi savoir qu’il en prendrait bien encore une tranche (napolitaine).
*
C’est en terminé de l’anachronique bar orange Scopitone, bientôt remplacé par le blanc Milk up to date and gay friendly.
Bientôt me voici perché au deuxième balcon d’où l’on a vue plongeante sur la scène. Une chance sur mille trois cent cinquante que mon voisin soit l’homme sans chapeau et sans lunettes (perdues il y a huit mois). C’est pourtant lui que je vois arriver et s’asseoir à ma gauche. Nous devisons jusqu’à ce que se fasse entendre un chant lointain, le concert commençant par une procession dont profitent les privilégié(e)s du niveau zéro.
Vincent Dumestre dirige les vingt et un musicien(ne)s du Poème Harmonique et les vingt et une choristes de la Maîtrise du Conservatoire de Région de Paris. Sont donnés des musiques et chants napolitains du dix-huitième siècle, certains anonymes d’autres non, puis arrive le moment du Stabat Mater que composa Giovanni Battista Pergolesi peu de temps avant sa mort à vingt-six ans (« La postérité est inconsolable », note Luce Zurita dans le livret programme). Je trouve plaisir à ce baroque concert aux talentueux interprètes, notamment les solistes Hasnaa Bennani et Lucile Richardot.
Dès l’issue, mon voisin me salue et court vers une autre festivité, manquant le bis que nous offre Vincent Dumestre après que le public a suffisamment applaudi et fait ainsi savoir qu’il en prendrait bien encore une tranche (napolitaine).
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C’est en terminé de l’anachronique bar orange Scopitone, bientôt remplacé par le blanc Milk up to date and gay friendly.
27 janvier 2015
A l’approche des élections départementales, je vais voir de quoi parle sur son blog le Conseiller Général Socialiste Eric de Falco, pour qui j’ai voté au second tour la dernière fois, si je me souviens bien, ce qui ne se reproduira pas.
Je ne suis pas déçu du voyage. Sa page d’accueil affiche des problèmes techniques et ce message d’actualité : « L’été est enfin arrivé! Chacun va prendre un repos bien mérité durant cette période, chaque jour une photo nouvelle, la rentrée va être intense, bon été à tous! Rendez-vous le 18 août. » La première vidéo est celle de ses voeux pour deux mille douze.
Le plus étonnant est ailleurs : dans les textes qui eux sont d’actualité. Plutôt que de traiter ce qui est de son domaine de compétence, les petites affaires du canton, Eric de Falco y évoque les problèmes nationaux et internationaux.
Intrigué par le contenu et le style du dernier paru (vingt-six janvier), je le gougueulise et découvre qu’il s’agit du copié collé d’un article de Libération du onze janvier « Un rassemblement qui ne marche pas de soi », renommé « Discriminations, récupération politique, Dieudonné. » et tranquillement signé Eric de Falco. Le précédent texte de de Falco, daté du vingt-cinq janvier, porte pour titre « La fin de l’humanité », c’est le copié collé d’un article du Monde paru le trois décembre deux mille quatorze et intitulé « Hawking: « L'intelligence artificielle pourrait mettre fin à l'humanité » ». Je suppose que les autres textes sont eux aussi volés.
Eric de Falco (ou le sous-fifre qui s’occupe de son blog) ne manque pas de culot.
Je ne suis pas déçu du voyage. Sa page d’accueil affiche des problèmes techniques et ce message d’actualité : « L’été est enfin arrivé! Chacun va prendre un repos bien mérité durant cette période, chaque jour une photo nouvelle, la rentrée va être intense, bon été à tous! Rendez-vous le 18 août. » La première vidéo est celle de ses voeux pour deux mille douze.
Le plus étonnant est ailleurs : dans les textes qui eux sont d’actualité. Plutôt que de traiter ce qui est de son domaine de compétence, les petites affaires du canton, Eric de Falco y évoque les problèmes nationaux et internationaux.
Intrigué par le contenu et le style du dernier paru (vingt-six janvier), je le gougueulise et découvre qu’il s’agit du copié collé d’un article de Libération du onze janvier « Un rassemblement qui ne marche pas de soi », renommé « Discriminations, récupération politique, Dieudonné. » et tranquillement signé Eric de Falco. Le précédent texte de de Falco, daté du vingt-cinq janvier, porte pour titre « La fin de l’humanité », c’est le copié collé d’un article du Monde paru le trois décembre deux mille quatorze et intitulé « Hawking: « L'intelligence artificielle pourrait mettre fin à l'humanité » ». Je suppose que les autres textes sont eux aussi volés.
Eric de Falco (ou le sous-fifre qui s’occupe de son blog) ne manque pas de culot.
26 janvier 2015
Pour la vingtième fois les Amys du Vieux Dieppe organisent une vente de livres d’occasion et pour la première fois j’en entends parler, aussi suis-je occupé ce dimanche matin à gratter mon pare-brise avec une vieille carte téléphonique.
La salle Paul Eluard se trouve près de l’Hôtel de Ville. Elle s’ouvre à neuf heures. Une trentaine de vendeurs y sont installés, des particuliers, des associations et des professionnels. Parmi les visiteurs, je découvre deux bouquinistes de Rouen, l’un du Clos Saint-Marc et l’une ayant pignon sur rue. Je déchante vite, sur les tables beaucoup d’ouvrages régionalistes et de littérature de bas de gamme. J’ai beau faire trois fois le tour, je ne trouve pas le moindre ouvrage à mon goût.
A dix heures, je suis dehors et rejoins le port en passant près de l’église entourée de barrières. Elle menace ruine, ce qui doit inquiéter les Amys du Vieux Dieppe et le curé Geoffroy de la Tousche. Celui-ci est heureusement l’ami du maire communiste Sébastien Jumel avec qui il va en ouiquennede au Vatican. Une grue géante télescopique jaune est déjà sur place.
J’entre au Tout Va Bien et m’y réchauffe d’un café. A la table voisine s’installe un couple de trentenaires muni d’un bébé heureusement endormi. J’apprends vite qu’il s’agit de professeurs des écoles car en ce jour de repos au bord de la mer ils parlent du boulot, de la liaison entre les cycles.
-Abidjan, c’est bien en Egypte ? lui demande-t-elle un peu plus tard.
-C’est pas en Malgache ? lui répond-il.
-A Madagascar, tu veux dire ?
-Oui, c’est ça, je crois que c’est à Madagascar.
Le téléphone leur donne la bonne réponse. Je me demande dans quelles classes de quelle commune ils sévissent.
A midi, je déjeune sous la véranda ensoleillée du Nautic, avec vue sur le port à marée basse. Ce restaurant est tenu par un jeune couple dont c’est la première année d’exercice, lui en cuisine, elle au service, leur slogan : « simplement bon ». Ils promettent produits frais et plats faits maison mais diffusent une radio néfaste heureusement peu audible.
Je suis le seul à y manger en solitaire. Le reste de la clientèle est constitué de couples d’un certain âge, dont une madame Dubout et son petit mari. Chaque duo joue une variante de cette tragédie intime dont la caractéristique est l’absence de texte. Tout est dans les regards qui s’évitent et ne savent où se poser.
Je choisis les fruits de mer farcis, la marmite du pêcheur et le pain perdu au caramel salé. Avec un quart de chardonnay, cela fait vingt-quatre euros et c’est simplement bon.
*
Je n’ai guère écouté Le Pop Club de José Artur, mort ce samedi à l’âge de quatre-vingt-sept ans, émission dont il avait toujours l’air d’être l’invité principal, mais comment ne pas penser lors de l’annonce de cette nouvelle au coup de téléphone qu’il donna une nuit chez mes parents pour leur annoncer que mon frère Jacques, fugueur récidiviste au temps de son adolescence, était avec lui et qu’il se chargeait de le convaincre de rentrer.
*
Ce lundi matin, en vitrine du Rêve de l’Escalier, l’Anthologie de la photo de nu d’Olivier Louis. La couverture montre une jeune femme aux seins nus. Ces derniers ont été masqués par le bouquiniste à l’aide d’un rectangle rouge grossièrement fixé avec un adhésif. Chaque jour, la pudibonderie gagne du terrain.
La salle Paul Eluard se trouve près de l’Hôtel de Ville. Elle s’ouvre à neuf heures. Une trentaine de vendeurs y sont installés, des particuliers, des associations et des professionnels. Parmi les visiteurs, je découvre deux bouquinistes de Rouen, l’un du Clos Saint-Marc et l’une ayant pignon sur rue. Je déchante vite, sur les tables beaucoup d’ouvrages régionalistes et de littérature de bas de gamme. J’ai beau faire trois fois le tour, je ne trouve pas le moindre ouvrage à mon goût.
A dix heures, je suis dehors et rejoins le port en passant près de l’église entourée de barrières. Elle menace ruine, ce qui doit inquiéter les Amys du Vieux Dieppe et le curé Geoffroy de la Tousche. Celui-ci est heureusement l’ami du maire communiste Sébastien Jumel avec qui il va en ouiquennede au Vatican. Une grue géante télescopique jaune est déjà sur place.
J’entre au Tout Va Bien et m’y réchauffe d’un café. A la table voisine s’installe un couple de trentenaires muni d’un bébé heureusement endormi. J’apprends vite qu’il s’agit de professeurs des écoles car en ce jour de repos au bord de la mer ils parlent du boulot, de la liaison entre les cycles.
-Abidjan, c’est bien en Egypte ? lui demande-t-elle un peu plus tard.
-C’est pas en Malgache ? lui répond-il.
-A Madagascar, tu veux dire ?
-Oui, c’est ça, je crois que c’est à Madagascar.
Le téléphone leur donne la bonne réponse. Je me demande dans quelles classes de quelle commune ils sévissent.
A midi, je déjeune sous la véranda ensoleillée du Nautic, avec vue sur le port à marée basse. Ce restaurant est tenu par un jeune couple dont c’est la première année d’exercice, lui en cuisine, elle au service, leur slogan : « simplement bon ». Ils promettent produits frais et plats faits maison mais diffusent une radio néfaste heureusement peu audible.
Je suis le seul à y manger en solitaire. Le reste de la clientèle est constitué de couples d’un certain âge, dont une madame Dubout et son petit mari. Chaque duo joue une variante de cette tragédie intime dont la caractéristique est l’absence de texte. Tout est dans les regards qui s’évitent et ne savent où se poser.
Je choisis les fruits de mer farcis, la marmite du pêcheur et le pain perdu au caramel salé. Avec un quart de chardonnay, cela fait vingt-quatre euros et c’est simplement bon.
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Je n’ai guère écouté Le Pop Club de José Artur, mort ce samedi à l’âge de quatre-vingt-sept ans, émission dont il avait toujours l’air d’être l’invité principal, mais comment ne pas penser lors de l’annonce de cette nouvelle au coup de téléphone qu’il donna une nuit chez mes parents pour leur annoncer que mon frère Jacques, fugueur récidiviste au temps de son adolescence, était avec lui et qu’il se chargeait de le convaincre de rentrer.
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Ce lundi matin, en vitrine du Rêve de l’Escalier, l’Anthologie de la photo de nu d’Olivier Louis. La couverture montre une jeune femme aux seins nus. Ces derniers ont été masqués par le bouquiniste à l’aide d’un rectangle rouge grossièrement fixé avec un adhésif. Chaque jour, la pudibonderie gagne du terrain.
23 janvier 2015
Ce jeudi soir, c’est vernissage rue de la Chaîne à la galerie du Pôle Image (institution subventionnée par la Région et l’Etat) et pas question d’entrer avant l’heure officielle. Pendant qu’à l’intérieur Jean-Paul Berrenger classe ostensiblement des images, les premiers arrivés dont je suis se pèlent sur le trottoir.
Enfin la porte est ouverte et nous pouvons découvrir Tilt, double exposition, une moitié pour Didier Mouchel, le maître des lieux, qui présente sa collection personnelle, une moitié pour Jean-Paul Berrenger, l’invité, qui présente des photos achetées et secrètement retravaillées.
Le titre de la double expo est venu de Roland Barthes : « Par la marque de quelque chose, la photo n’est plus quelconque. Ce quelque chose a fait tilt, il a provoqué en moi un petit ébranlement. » Des décennies que je n’avais pas entendu ce « ça a fait tilt » qui polluait les conversations autrefois et signifiait « tout à coup j’ai compris kekchose », expression ayant pour synonyme « piger », qui date autant.
Que ce soit parmi les photos de la collection personnelle de Didier Mouchel ou parmi celles modifiées ou non de Jean-Paul Berrenger, je ne trouve pas de quoi ressentir un petit ébranlement et comme dans le nombreux public, nul ne dit quoi que ce soit sur ce qu’il voit, je n’ai rien à noter mentalement. Je reporte mon attention sur chaque tête, jouant au jeu du sosie. La pêche est maigre, un faux Daeninckx et un faux Mocky.
Une femme à cheveux courts prend la parole. Elle explique que cet évènement marque la fin de la galerie du Pôle Image sous cette forme. Didier Mouchel a fait valoir ses droits à la retraite. Son successeur sera « freelance ». Le malheureux, me dis-je.
Didier Mouchel rappelle qu’il n’est pas un artiste et explique que les photos qu’il montre sont celles qui lui ont été offertes ou qu’il a achetées.
Jean-Paul Berrenger se demande avec coquetterie s’il est lui un artiste. Du moins en a-t-il la tenue : combinaison de chantier noire à double fermeture Eclair remontant des pieds au cou et casquette où figurent ses initiales en miroir.
Il passe la parole à la batterie sur laquelle tape un certain René, sans doute l’instrument de musique que j’aie le moins envie d’entendre. Et comme il est pratiquement impossible d’approcher de la table où l’on peut obtenir un verre en plastique avec du vin dedans, je quitte l’endroit.
*
Tilt, ça me fait surtout penser au moment où le flipper secoué trop brutalement ne permet plus la poursuite du jeu, à une fin de partie.
Enfin la porte est ouverte et nous pouvons découvrir Tilt, double exposition, une moitié pour Didier Mouchel, le maître des lieux, qui présente sa collection personnelle, une moitié pour Jean-Paul Berrenger, l’invité, qui présente des photos achetées et secrètement retravaillées.
Le titre de la double expo est venu de Roland Barthes : « Par la marque de quelque chose, la photo n’est plus quelconque. Ce quelque chose a fait tilt, il a provoqué en moi un petit ébranlement. » Des décennies que je n’avais pas entendu ce « ça a fait tilt » qui polluait les conversations autrefois et signifiait « tout à coup j’ai compris kekchose », expression ayant pour synonyme « piger », qui date autant.
Que ce soit parmi les photos de la collection personnelle de Didier Mouchel ou parmi celles modifiées ou non de Jean-Paul Berrenger, je ne trouve pas de quoi ressentir un petit ébranlement et comme dans le nombreux public, nul ne dit quoi que ce soit sur ce qu’il voit, je n’ai rien à noter mentalement. Je reporte mon attention sur chaque tête, jouant au jeu du sosie. La pêche est maigre, un faux Daeninckx et un faux Mocky.
Une femme à cheveux courts prend la parole. Elle explique que cet évènement marque la fin de la galerie du Pôle Image sous cette forme. Didier Mouchel a fait valoir ses droits à la retraite. Son successeur sera « freelance ». Le malheureux, me dis-je.
Didier Mouchel rappelle qu’il n’est pas un artiste et explique que les photos qu’il montre sont celles qui lui ont été offertes ou qu’il a achetées.
Jean-Paul Berrenger se demande avec coquetterie s’il est lui un artiste. Du moins en a-t-il la tenue : combinaison de chantier noire à double fermeture Eclair remontant des pieds au cou et casquette où figurent ses initiales en miroir.
Il passe la parole à la batterie sur laquelle tape un certain René, sans doute l’instrument de musique que j’aie le moins envie d’entendre. Et comme il est pratiquement impossible d’approcher de la table où l’on peut obtenir un verre en plastique avec du vin dedans, je quitte l’endroit.
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Tilt, ça me fait surtout penser au moment où le flipper secoué trop brutalement ne permet plus la poursuite du jeu, à une fin de partie.
22 janvier 2015
Ce mercredi matin, arrivé à Paris, je rejoins pédestrement le quartier de l’Opéra et après un café Chez Edmond, entre chez Book-Off. J’en suis quasiment le seul client et y flâne à mon aise. Les employées s’y plaignent de ne pas avoir mangé assez de galettes cette année et envisagent d’en acheter encore une avant la fin du mois. C’est aussi pour cette raison que mon circuit habituel est modifié. A onze heures, je frappe à la porte de celle qui m’attend dans le dix-huitième arrondissement.
Son appartement est maintenant meublé à son goût et par la fenêtre, on a toujours une belle vue sur des façades et toits d’immeubles pas trop proches dominés aujourd’hui par le ciel bleu. Cela ne va hélas pas durer, le permis de construire est affiché, des échafaudages arrivés. Un immeuble de six étages va être planté dans la dent creuse. Il bouchera aussi la vue.
Nous sommes heureux de nous retrouver. Elle me montre le Charlie Hebdo des survivant(e)s qu’elle a réussi à acheter puis nous partageons le délicieux plat de sa confection, une cuisse de poulet rôtie accompagnée de pommes de terre au four et d’autres légumes dont j’oublie le nom, avec un bon vin, cela suivi du partage de la galette des rois d’un boulanger du quartier.
Lorsqu’il me faut la quitter, je rejoins le Père Lachaise, exactement l’endroit où j’étais avec les deux gendarmes mobiles le dimanche de la marche monumentale. Le graffiti rouge a été effacé. La circulation automobile a repris ses droits (comme on dit). Dans une petite rue voisine du carrefour se trouve une maison d’édition dont l’une des responsables m’a acheté un livre que je lui remets.
Je rejoins ensuite la Bastille à pied, descendant toute la rue du Chemin Vert, passant devant La Musardine sans avoir envie d’y entrer puis devant toutes les boutiques chinoises de vêtements chinois réservées à la clientèle de gros et demi-gros et arrive au boulevard Richard-Lenoir. A l’endroit où le policier a été tué est érigée une sorte d’autel couvert de fleurs et de bougies où certain(e)s font leurs dévotions.
En ce milieu d’après-midi, le Book-Off du faubourg Saint-Antoine est fort achalandé, difficile d’y circuler. Quand j’en ai assez, je prends le bus Vingt qui passe par la République où certain(e)s font leurs dévotions devant la statue, puis par les Grands Boulevards, celui des Italiens, l’Opéra et les Galeries Lafayette, jusqu’à son terminus, Saint-Lazare.
Un train sans histoire me reconduit à Rouen où les voyageurs sont accueillis en haut des marches par trois soldats en arme, le canon dirigé vers le sol mais le doigt sur la gâchette. A la sortie de la gare, une fille m’aborde pour me demander comment faire pour aller à Elbeuf.
-Eh bien, par le train, lui dis-je.
Elle m’apprend qu’elle a raté le dernier. Le train du Havre où elle est allée voir ses parents a eu du retard et elle a manqué la correspondance.
-Il y a des bus en journée, lui dis-je, mais à cette heure-là c’est terminé. Il va falloir que vous appeliez quelqu’un.
-Je n’ai que mon frère à Elbeuf, il n’a pas de voiture et nous n’y connaissons personne.
Pendant que nous descendons la rue de la Jeanne, cette demoiselle m’explique qu’elle vit chez ce frère depuis peu, ayant quitté Le Havre pour fuir de mauvaises fréquentations. Elle n’a pas d’argent pour aller à l’hôtel.
Je lui dis que j’ai une chambre libre chez moi et que je peux l’héberger pour la nuit. Evidemment, elle refuse.
-Vous n’allez tout de même pas passer la nuit dehors, c’est dangereux et vous allez mourir de froid.
Elle me dit qu’elle va faire du stop.
Convaincre cette fille perdue qu’elle serait plus en sécurité chez moi est mission impossible.
-Mon frère ne veut pas que j’aille chez des gens que je ne connais pas, me dit-elle.
-Le stop est aussi dangereux, lui dis-je.
-Je vais essayer de trouver une dame, me répond-elle.
Au carrefour avec la rue aux Juifs, nos chemins se séparent. Elle me souhaite une bonne soirée et je lui souhaite bonne chance, espérant ne pas avoir de ses nouvelles à la rubrique faits divers des sites d’information locale.
*
Si elle a trouvé une voiture avec une dame au volant, la conversation a dû être la suivante :
-Il y a un monsieur qui m’a proposé de m’héberger, il avait l’air gentil mais j’ai préféré refuser.
-Vous avez eu raison. Avec les hommes, on ne sait jamais.
Son appartement est maintenant meublé à son goût et par la fenêtre, on a toujours une belle vue sur des façades et toits d’immeubles pas trop proches dominés aujourd’hui par le ciel bleu. Cela ne va hélas pas durer, le permis de construire est affiché, des échafaudages arrivés. Un immeuble de six étages va être planté dans la dent creuse. Il bouchera aussi la vue.
Nous sommes heureux de nous retrouver. Elle me montre le Charlie Hebdo des survivant(e)s qu’elle a réussi à acheter puis nous partageons le délicieux plat de sa confection, une cuisse de poulet rôtie accompagnée de pommes de terre au four et d’autres légumes dont j’oublie le nom, avec un bon vin, cela suivi du partage de la galette des rois d’un boulanger du quartier.
Lorsqu’il me faut la quitter, je rejoins le Père Lachaise, exactement l’endroit où j’étais avec les deux gendarmes mobiles le dimanche de la marche monumentale. Le graffiti rouge a été effacé. La circulation automobile a repris ses droits (comme on dit). Dans une petite rue voisine du carrefour se trouve une maison d’édition dont l’une des responsables m’a acheté un livre que je lui remets.
Je rejoins ensuite la Bastille à pied, descendant toute la rue du Chemin Vert, passant devant La Musardine sans avoir envie d’y entrer puis devant toutes les boutiques chinoises de vêtements chinois réservées à la clientèle de gros et demi-gros et arrive au boulevard Richard-Lenoir. A l’endroit où le policier a été tué est érigée une sorte d’autel couvert de fleurs et de bougies où certain(e)s font leurs dévotions.
En ce milieu d’après-midi, le Book-Off du faubourg Saint-Antoine est fort achalandé, difficile d’y circuler. Quand j’en ai assez, je prends le bus Vingt qui passe par la République où certain(e)s font leurs dévotions devant la statue, puis par les Grands Boulevards, celui des Italiens, l’Opéra et les Galeries Lafayette, jusqu’à son terminus, Saint-Lazare.
Un train sans histoire me reconduit à Rouen où les voyageurs sont accueillis en haut des marches par trois soldats en arme, le canon dirigé vers le sol mais le doigt sur la gâchette. A la sortie de la gare, une fille m’aborde pour me demander comment faire pour aller à Elbeuf.
-Eh bien, par le train, lui dis-je.
Elle m’apprend qu’elle a raté le dernier. Le train du Havre où elle est allée voir ses parents a eu du retard et elle a manqué la correspondance.
-Il y a des bus en journée, lui dis-je, mais à cette heure-là c’est terminé. Il va falloir que vous appeliez quelqu’un.
-Je n’ai que mon frère à Elbeuf, il n’a pas de voiture et nous n’y connaissons personne.
Pendant que nous descendons la rue de la Jeanne, cette demoiselle m’explique qu’elle vit chez ce frère depuis peu, ayant quitté Le Havre pour fuir de mauvaises fréquentations. Elle n’a pas d’argent pour aller à l’hôtel.
Je lui dis que j’ai une chambre libre chez moi et que je peux l’héberger pour la nuit. Evidemment, elle refuse.
-Vous n’allez tout de même pas passer la nuit dehors, c’est dangereux et vous allez mourir de froid.
Elle me dit qu’elle va faire du stop.
Convaincre cette fille perdue qu’elle serait plus en sécurité chez moi est mission impossible.
-Mon frère ne veut pas que j’aille chez des gens que je ne connais pas, me dit-elle.
-Le stop est aussi dangereux, lui dis-je.
-Je vais essayer de trouver une dame, me répond-elle.
Au carrefour avec la rue aux Juifs, nos chemins se séparent. Elle me souhaite une bonne soirée et je lui souhaite bonne chance, espérant ne pas avoir de ses nouvelles à la rubrique faits divers des sites d’information locale.
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Si elle a trouvé une voiture avec une dame au volant, la conversation a dû être la suivante :
-Il y a un monsieur qui m’a proposé de m’héberger, il avait l’air gentil mais j’ai préféré refuser.
-Vous avez eu raison. Avec les hommes, on ne sait jamais.
21 janvier 2015
Dans la deuxième moitié des années soixante-dix, Scutenaire a entre soixante-neuf et soixante-quinze ans et est fort troublé par les jeunes filles hamiltoniennes, comme en témoignent ces inscriptions :
Au contraire de mes coutumes, je suis attiré aussi par une demoiselle sa voisine, de treize à quatorze ans, formée déjà, très court vêtue, parfois en uniforme bleu marine de lycéenne, aux creux de genoux qui m’éblouissent. Elle porte lunettes, ses cheveux sont noirs et tirés. Je la crois Turque ou à demi, car je l’ai vue en compagnie d’une forte femme visiblement, par l’habit, de nation ottomane.
L’aînée de ma boulangère a dix-sept ans, elle est une des plus belles filles que j’ai vues pour ce qui est du corps sinon pour le visage, qui pourtant n’a rien de laid. Pas coquette ou sûre d’elle, elle s’habille n’importe comment. Les jours de jupe très courte j’admire ses jambes et haut ses cuisses pleines, qu’elle croise sans prudence et, je crois, sans provocation.
Dans une auberge du Luberon, une adolescente au bon regard en robe pauvrette doucement jolie et tendrement courtoise. Voilà trois ans qu’on ne l‘a vue et elle n’a point disparu de mes songeries aussi pures que brûlantes.
Sachez, mademoiselle, qu’un bon priape doit avoir la largeur de l’index et du majeur réunis, la longueur, main ouverte, du bout du pouce jusqu’à l’extrémité du majeur.
Enseigner le plaisir, ils appellent ça dépraver.
Louis Scutenaire étant mort le quinze août mil neuf cent quatre-vingt-sept, il n’a pas connu l’époque où ses penchants deviendront suspects, voire même répréhensibles.
Au contraire de mes coutumes, je suis attiré aussi par une demoiselle sa voisine, de treize à quatorze ans, formée déjà, très court vêtue, parfois en uniforme bleu marine de lycéenne, aux creux de genoux qui m’éblouissent. Elle porte lunettes, ses cheveux sont noirs et tirés. Je la crois Turque ou à demi, car je l’ai vue en compagnie d’une forte femme visiblement, par l’habit, de nation ottomane.
L’aînée de ma boulangère a dix-sept ans, elle est une des plus belles filles que j’ai vues pour ce qui est du corps sinon pour le visage, qui pourtant n’a rien de laid. Pas coquette ou sûre d’elle, elle s’habille n’importe comment. Les jours de jupe très courte j’admire ses jambes et haut ses cuisses pleines, qu’elle croise sans prudence et, je crois, sans provocation.
Dans une auberge du Luberon, une adolescente au bon regard en robe pauvrette doucement jolie et tendrement courtoise. Voilà trois ans qu’on ne l‘a vue et elle n’a point disparu de mes songeries aussi pures que brûlantes.
Sachez, mademoiselle, qu’un bon priape doit avoir la largeur de l’index et du majeur réunis, la longueur, main ouverte, du bout du pouce jusqu’à l’extrémité du majeur.
Enseigner le plaisir, ils appellent ça dépraver.
Louis Scutenaire étant mort le quinze août mil neuf cent quatre-vingt-sept, il n’a pas connu l’époque où ses penchants deviendront suspects, voire même répréhensibles.
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