Dernières notes
Loïc Boyer
Je suis l’auteur de textes courts qui furent publiés depuis mil neuf cent quatre-vingt-quinze dans des revues littéraires en France (Supérieur Inconnu, Supplément d’Ame, Nouvelle Donne, Le Bord de l’Eau, Pris de Peur, l’Art du Bref, Sol’Air, Gros Textes, Salmigondis, Verso, Décharge, Bulle, Filigranes, Diérèse, Martobre, Comme ça et Autrement, (Cahier d’) Ecritures, La Nef des Fous), en Belgique (Traversées, Ecrits Vains, L’Arbre à Plumes, Inédit Nouveau, Bleu d’Encre), au Canada (Les Saisons Littéraires) et en Italie (Les Cahiers du Ru).
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.
18 juin 2015
Ce mardi, à treize heures j’attends l’ami Philippe Dumez devant une Mairie du Dix-Huitième couverte de slogans et de drapeaux syndicaux, ce sont les postiers qui ne sont pas contents. Quand il arrive, je lui suggère un restaurant que j’ai repéré mais il a mieux à me proposer, une brasserie ouverte depuis mil neuf cent trente-quatre, nommée Le Bon Coin, à deux pas de là où je passe mes nuits.
Cet endroit mérite son nom. Il offre une cuisine à base de plats du Massif Central et un accueil chaleureux. Nous y déjeunons excellemment, pour un prix des plus raisonnables, tout en parlant (entre autres) de nos expériences d’écriture et de notre fréquentation assidue des vide greniers. La tarte pomme rhubarbe est somptueuse en qualité et en quantité, nous aurions eu tort de nous priver de dessert. Il est presque quinze heures quand nous nous séparons devant la dent creuse où les ouvriers forent toujours.
Un peu plus tard, je prends à nouveau le bus Soixante et en descends au canal de l’Ourcq au long duquel je marche un moment puis je m’assois au bord du bassin de la Villette où voguent les bateaux sans permis et commence à lire la correspondance entre Maxime Gorki et Anton Tchekhov publiée aux Cahiers Rouges chez Grasset sous le titre « Merci, Dr Tchekhov ». J’y trouve ceci à propos de l’écriture sous la plume de Tchekhov, qui n’est pas sans me faire songer à notre conversation méridienne : L’unique défaut, c’est l’intempérance, le manque de grâce. Lorsque pour un effet déterminé, on met en jeu le minimum de gestes, cela s’appelle la grâce.
Au retour, je descends à Pont-Cardinet afin de voir à quoi ressemble ce Ground Control dont m’a parlé Philippe Dumez, un lieu éphémère installé dans d’anciens locaux de la Senecefe rue Ordener, immense endroit où se côtoient bars, restaurants, boulodrome, expositions, concerts, poulailler et friches à jardiner, mais bizarrement il est fermé.
*
Pas de prise de courant dans la salle de bains. Je vais rentrer à Rouen membre de la tribu des néo barbus.
Cet endroit mérite son nom. Il offre une cuisine à base de plats du Massif Central et un accueil chaleureux. Nous y déjeunons excellemment, pour un prix des plus raisonnables, tout en parlant (entre autres) de nos expériences d’écriture et de notre fréquentation assidue des vide greniers. La tarte pomme rhubarbe est somptueuse en qualité et en quantité, nous aurions eu tort de nous priver de dessert. Il est presque quinze heures quand nous nous séparons devant la dent creuse où les ouvriers forent toujours.
Un peu plus tard, je prends à nouveau le bus Soixante et en descends au canal de l’Ourcq au long duquel je marche un moment puis je m’assois au bord du bassin de la Villette où voguent les bateaux sans permis et commence à lire la correspondance entre Maxime Gorki et Anton Tchekhov publiée aux Cahiers Rouges chez Grasset sous le titre « Merci, Dr Tchekhov ». J’y trouve ceci à propos de l’écriture sous la plume de Tchekhov, qui n’est pas sans me faire songer à notre conversation méridienne : L’unique défaut, c’est l’intempérance, le manque de grâce. Lorsque pour un effet déterminé, on met en jeu le minimum de gestes, cela s’appelle la grâce.
Au retour, je descends à Pont-Cardinet afin de voir à quoi ressemble ce Ground Control dont m’a parlé Philippe Dumez, un lieu éphémère installé dans d’anciens locaux de la Senecefe rue Ordener, immense endroit où se côtoient bars, restaurants, boulodrome, expositions, concerts, poulailler et friches à jardiner, mais bizarrement il est fermé.
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Pas de prise de courant dans la salle de bains. Je vais rentrer à Rouen membre de la tribu des néo barbus.
17 juin 2015
Peu de bus au cœur du Dix-Huitième, la faute à la butte Montmartre. Ce lundi matin, je prends l’un des deux passant rue Ordener, le Soixante, direction Gambetta, une façon économique de visiter Paris. C’est ainsi que je passe au carrefour de la rue Pajol où il y a peu la Police s’en prenait violemment aux refugiés d’Erythrée et d’ailleurs, puis enjambe le canal de l’Ourcq, frôle les Buttes-Chaumont et arrive à un endroit qui m’est familier depuis les vide greniers du ouiquennede.
De ces hauteurs je n’ai plus qu’à me laisser descendre à pied par l’avenue Gambetta qui longe le Père-Lachaise et la rue du Chemin-Vert, tourner à gauche avenue Parmentier puis à droite rue de Charonne pour aboutir à midi pile au restaurant Chez Céleste et m’y installer en terrasse. J’y déjeune d’un confit de canard pas aussi bon que celui du Péhemmu chinois de la rue du Faubourg-Saint-Antoine en bénéficiant de la conversation de deux hommes actifs dans le domaine de l’urbanisme :
-C’est là que tu te rends compte que les intellectuels, c’est hyper réac, ils sont anti architecture, ils veulent toujours conserver l’existant.
Jean-Paul Raynaud est ensuite l’objet de leur critique : « arrogant » « agressif », « mais il est vrai que dès que l’on met un mec derrière une tribune… »
Au point où j’en suis, je n’ai plus qu’à aller chez Book-Off. Auparavant je passe boire le café à la Brasserie du Faubourg à l’angle de Ledru-Rollin où l’on s’étonne de la présence d’un nouveau personnel. La jeune femme blonde des pays de l’Est qui avait remplacé le bougon de Nasbinals n’est plus là. L’une demande qui est le nouveau gérant.
-C’est moi depuis ce matin, répond le remuant jeune homme derrière le comptoir, vous m’avez pris pour le barman ?
Il explique que sa gérance est aléatoire, tout l’immeuble est vendu et doit être cassé puis refait. Il ne sait pas pour combien de temps il est là mais ça peut durer car il y a les locataires au-dessus qui ne veulent pas partir. En attendant, il ne peut pas faire grand-chose, simplement changer la carte, qui ne lui plaît pas, et donner un coup de propre.
*
Mœurs des cafetiers entourant la Mairie du Dix-Huitième : plus de boissons chaudes en terrasse après seize heures et on est tenu de renouveler sa consommation toutes des quarante minutes.
*
Femme s’asseyant au bout de la terrasse. Au barman venu prendre sa commande :
-Non non, c’est juste pour téléphoner.
De ces hauteurs je n’ai plus qu’à me laisser descendre à pied par l’avenue Gambetta qui longe le Père-Lachaise et la rue du Chemin-Vert, tourner à gauche avenue Parmentier puis à droite rue de Charonne pour aboutir à midi pile au restaurant Chez Céleste et m’y installer en terrasse. J’y déjeune d’un confit de canard pas aussi bon que celui du Péhemmu chinois de la rue du Faubourg-Saint-Antoine en bénéficiant de la conversation de deux hommes actifs dans le domaine de l’urbanisme :
-C’est là que tu te rends compte que les intellectuels, c’est hyper réac, ils sont anti architecture, ils veulent toujours conserver l’existant.
Jean-Paul Raynaud est ensuite l’objet de leur critique : « arrogant » « agressif », « mais il est vrai que dès que l’on met un mec derrière une tribune… »
Au point où j’en suis, je n’ai plus qu’à aller chez Book-Off. Auparavant je passe boire le café à la Brasserie du Faubourg à l’angle de Ledru-Rollin où l’on s’étonne de la présence d’un nouveau personnel. La jeune femme blonde des pays de l’Est qui avait remplacé le bougon de Nasbinals n’est plus là. L’une demande qui est le nouveau gérant.
-C’est moi depuis ce matin, répond le remuant jeune homme derrière le comptoir, vous m’avez pris pour le barman ?
Il explique que sa gérance est aléatoire, tout l’immeuble est vendu et doit être cassé puis refait. Il ne sait pas pour combien de temps il est là mais ça peut durer car il y a les locataires au-dessus qui ne veulent pas partir. En attendant, il ne peut pas faire grand-chose, simplement changer la carte, qui ne lui plaît pas, et donner un coup de propre.
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Mœurs des cafetiers entourant la Mairie du Dix-Huitième : plus de boissons chaudes en terrasse après seize heures et on est tenu de renouveler sa consommation toutes des quarante minutes.
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Femme s’asseyant au bout de la terrasse. Au barman venu prendre sa commande :
-Non non, c’est juste pour téléphoner.
16 juin 2015
Ce dimanche est l’un des mieux fournis de la saison en vide greniers à Paris et c’est donc de fort bon matin que je traverse la capitale en direction de la Butte aux Cailles dans le Treizième, un lieu autrefois parcouru en même circonstance avec celle chez qui je dors (nous y avions fait un bon repas en terrasse). Ce quartier de boboïtude affirmée est toujours soumis aux dessins bébêtes de Miss Tic. Certaines rues anciennes à pavés y échappent, pas celles où l’on déballe. Beaucoup de livres ici et là parmi lesquels je trouve L’autre fille d’Annie Ernaux, ouvrage de peu d’épaisseur consacré à sa sœur morte avant sa propre naissance (NiL Editions). Pendant que je le paie (cinquante centimes), un quidam s’adresse au vendeur de livres d’à côté pour lui demander le numéro de téléphone d’un autre : « Je lui ai acheté un coffret de dix petits livres de poésie pour dix euros, or j’ai vu à la maison qu’ils sont numérotés. J’ai regardé sur Internet et ils valent soixante-dix euros. Si j’arrive à les vendre, j’aimerais lui filer un petit billet. » Comme on est vertueux ici, ce n’est pas à moi que viendrait une telle idée.
Je rejoins ensuite la place de la Nation pour aller à Charonne, l’un des deux plus importants vide greniers du jour, dont je parcours les allées rectilignes en regardant des deux côtés à la fois. Parmi les vendeurs, je découvre l’homme aux livres d’Algérie d’hier à qui je souhaite une journée fructueuse. Là aussi, je trouve des livres dont, m’attendant en évidence sur le trottoir, le Pascin de Gaston Diehl (Flammarion). Un peu défraîchi, il devient mien pour deux euros.
L’autre plus important vide grenier du dimanche est celui de la rue des Pyrénées et adjacentes et que vois-je m’attendant sur le trottoir ? Pascin, le magicien du réel, le copieux catalogue de l’exposition ayant eu lieu au Musée Maillol en deux mille sept. En excellent état, il me coûte le même prix que l’autre.
Je déjeune sur place, à la terrasse de la brasserie Les Rigoles d’un steak tartare, frites, salade et câpres avec un quart de côtes-du-rhône (dix-sept euros vingt). J’ai bonne vue sur l’extrémité du déballage, regardant qui passe et écoutant le jeune couple de la table voisine. Ils en sont au moment où l’amour ne se suffit plus à lui-même, parlent d’aménagements dans la maison qu’ils vont acheter. Je ne la sens pas motivée par cette histoire d’escalier à refaire et lui envoie des ondes mentales : « Tire-toi pendant qu’il en est encore temps ».
Mon erreur du jour est d’aller par plusieurs métros à Montholon dans le Neuvième où le « grand vide grenier » annoncé n’occupe que deux côtés du square et une courte rue. Je n’y trouve rien et peux enfin faire usage de mon mauvais esprit à l’égard de l’association de charité qui l’organise : « Vous appelez ça un grand vide grenier ? L’an prochain, annoncez un petit vide grenier, on peut être honnête même si on est du Secours Populaire ». Les deux darnes haussent les sourcils sans me répliquer quoi que ce soit.
Après une pause en mon logis, je repars à pied jusqu’à l’arrondissement voisin pour un ultime vide grenier, celui de l’avenue de Saint-Ouen, dont je n’attends pas merveille et cela se confirme. Peu de livres hormis toute une table sans grand intérêt que le vendeur propose à dix euros pièce.
*
Conseil d’une vendeuse à un curieux :
-Si vous ne savez pas ce que c’est, il vaut mieux ne pas l’acheter car vous ne saurez pas vous en servir.
*
Un vendeur à propos d’un téléphone :
-C’est à la grand-mère. Il est encore fonctionnel et il est collector.
*
Encore une journée où j’aurai réussi à ne pas acheter un billet de tombola aux pompiers.
Je rejoins ensuite la place de la Nation pour aller à Charonne, l’un des deux plus importants vide greniers du jour, dont je parcours les allées rectilignes en regardant des deux côtés à la fois. Parmi les vendeurs, je découvre l’homme aux livres d’Algérie d’hier à qui je souhaite une journée fructueuse. Là aussi, je trouve des livres dont, m’attendant en évidence sur le trottoir, le Pascin de Gaston Diehl (Flammarion). Un peu défraîchi, il devient mien pour deux euros.
L’autre plus important vide grenier du dimanche est celui de la rue des Pyrénées et adjacentes et que vois-je m’attendant sur le trottoir ? Pascin, le magicien du réel, le copieux catalogue de l’exposition ayant eu lieu au Musée Maillol en deux mille sept. En excellent état, il me coûte le même prix que l’autre.
Je déjeune sur place, à la terrasse de la brasserie Les Rigoles d’un steak tartare, frites, salade et câpres avec un quart de côtes-du-rhône (dix-sept euros vingt). J’ai bonne vue sur l’extrémité du déballage, regardant qui passe et écoutant le jeune couple de la table voisine. Ils en sont au moment où l’amour ne se suffit plus à lui-même, parlent d’aménagements dans la maison qu’ils vont acheter. Je ne la sens pas motivée par cette histoire d’escalier à refaire et lui envoie des ondes mentales : « Tire-toi pendant qu’il en est encore temps ».
Mon erreur du jour est d’aller par plusieurs métros à Montholon dans le Neuvième où le « grand vide grenier » annoncé n’occupe que deux côtés du square et une courte rue. Je n’y trouve rien et peux enfin faire usage de mon mauvais esprit à l’égard de l’association de charité qui l’organise : « Vous appelez ça un grand vide grenier ? L’an prochain, annoncez un petit vide grenier, on peut être honnête même si on est du Secours Populaire ». Les deux darnes haussent les sourcils sans me répliquer quoi que ce soit.
Après une pause en mon logis, je repars à pied jusqu’à l’arrondissement voisin pour un ultime vide grenier, celui de l’avenue de Saint-Ouen, dont je n’attends pas merveille et cela se confirme. Peu de livres hormis toute une table sans grand intérêt que le vendeur propose à dix euros pièce.
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Conseil d’une vendeuse à un curieux :
-Si vous ne savez pas ce que c’est, il vaut mieux ne pas l’acheter car vous ne saurez pas vous en servir.
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Un vendeur à propos d’un téléphone :
-C’est à la grand-mère. Il est encore fonctionnel et il est collector.
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Encore une journée où j’aurai réussi à ne pas acheter un billet de tombola aux pompiers.
15 juin 2015
C’est lorsque qu’on veut aller d’un arrondissement du bord à un autre qu’on se rend compte qu’il manque des lignes de métro à Paris, me dis-je une nouvelle fois, ce samedi matin désireux d’aller du Dix-Huitième au Vingtième où c’est vide grenier à Saint-Blaise. J’y arrive quand même et découvre les nombreux exposants installés dans les rues du quartier, dont Vitruve où vécut Barbara au numéro cinquante, une plaque en témoigne, de mil neuf cent quarante-six à cinquante-neuf, dans un immeuble à l’aspect modeste dont je fais des photos.
C’est un cédé de Christophe, Paradis retrouvé, que je convoite. L’aimable vendeuse me le laisse à deux euros au lieu de trois. Nous échangeons nos souvenirs de concert dudit puis je continue ma tournée découvrant quelques livres à mon goût et discutant avec un homme qui en cherche sur son pays d’origine, l’Algérie. L’ambiance est détendue dans ce vaste vide grenier parisien sauf à sa fin où est déballé à même le sol ce que des migrants ont trouvé dans les poubelles. Une vendeuse chinoise est prête à se battre avec son client d’origine arabe.
J’en ai fait le tour quand je m’entends appeler. C’est l’homme aux livres d’Algérie qui me fait savoir que la paroisse d’à côté organise une vente de livres dans les sous-sols près de l’église. Nous y allons ensemble. Le premier livre sur lequel je tombe (comme on dit) en est un de Boualem Sansal que je lui donne, à son contentement. En revanche, je ne trouve rien pour moi et il le regrette.
Par un autre métro indirect et bondé je rejoins la rue Petit dans le Dix-Neuvième. Ce vide grenier est moins étendu qu’annoncé mais j’y trouve quand même de quoi me plaire auprès d’une association dont les vendeurs sont des enfants issus de la diversité (comme disent certains). Après avoir refusé les billets de tombola des pompiers, je déjeune en terrasse d’un couscous brochette et d’un quart de brouilly pour vingt-deux euros à la brasserie Le Gymnase au coin de la rue Laumière. Le gymnase pour les sportifs est de l’autre côté de l’avenue Jean-Jaurès, un beau bâtiment à verrière et à campanile.
Ensuite je fais l’erreur d’aller au vide grenier des Halles, déployé le long de l’église Saint-Séverin. On y vend plus cher qu’aux deux autres et souvent dans un esprit proche de celui qui règne au centre commercial, toujours en rénovation.
Je rentre dans mon appartement temporaire et m’y repose un peu avant de repartir à pied jusqu’à la courte rue Budin où les parents d’élèves de l’école du même nom organisent la braderie. On y trouve beaucoup de gâteaux et de quoi satisfaire plus d’un acheteur mais pas moi. J’aurais pourtant aimé trouver un bon livre parmi ceux que me vantait la jolie jeune fille aux traits asiatiques.
*
Ici, quand on cherche son chemin, plutôt que demander le vide grenier, dire la braderie ou la brocante.
« Ah, tu fais la braderie ! » (deux nymphettes d’un même collège se croisant à celle de Saint-Blaise, chacune jaugeant l’habillement de sa semblable).
C’est un cédé de Christophe, Paradis retrouvé, que je convoite. L’aimable vendeuse me le laisse à deux euros au lieu de trois. Nous échangeons nos souvenirs de concert dudit puis je continue ma tournée découvrant quelques livres à mon goût et discutant avec un homme qui en cherche sur son pays d’origine, l’Algérie. L’ambiance est détendue dans ce vaste vide grenier parisien sauf à sa fin où est déballé à même le sol ce que des migrants ont trouvé dans les poubelles. Une vendeuse chinoise est prête à se battre avec son client d’origine arabe.
J’en ai fait le tour quand je m’entends appeler. C’est l’homme aux livres d’Algérie qui me fait savoir que la paroisse d’à côté organise une vente de livres dans les sous-sols près de l’église. Nous y allons ensemble. Le premier livre sur lequel je tombe (comme on dit) en est un de Boualem Sansal que je lui donne, à son contentement. En revanche, je ne trouve rien pour moi et il le regrette.
Par un autre métro indirect et bondé je rejoins la rue Petit dans le Dix-Neuvième. Ce vide grenier est moins étendu qu’annoncé mais j’y trouve quand même de quoi me plaire auprès d’une association dont les vendeurs sont des enfants issus de la diversité (comme disent certains). Après avoir refusé les billets de tombola des pompiers, je déjeune en terrasse d’un couscous brochette et d’un quart de brouilly pour vingt-deux euros à la brasserie Le Gymnase au coin de la rue Laumière. Le gymnase pour les sportifs est de l’autre côté de l’avenue Jean-Jaurès, un beau bâtiment à verrière et à campanile.
Ensuite je fais l’erreur d’aller au vide grenier des Halles, déployé le long de l’église Saint-Séverin. On y vend plus cher qu’aux deux autres et souvent dans un esprit proche de celui qui règne au centre commercial, toujours en rénovation.
Je rentre dans mon appartement temporaire et m’y repose un peu avant de repartir à pied jusqu’à la courte rue Budin où les parents d’élèves de l’école du même nom organisent la braderie. On y trouve beaucoup de gâteaux et de quoi satisfaire plus d’un acheteur mais pas moi. J’aurais pourtant aimé trouver un bon livre parmi ceux que me vantait la jolie jeune fille aux traits asiatiques.
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Ici, quand on cherche son chemin, plutôt que demander le vide grenier, dire la braderie ou la brocante.
« Ah, tu fais la braderie ! » (deux nymphettes d’un même collège se croisant à celle de Saint-Blaise, chacune jaugeant l’habillement de sa semblable).
13 juin 2015
Beau temps lourd ce vendredi, dès que je suis lassé d’entendre le bruit de la roulette dans la dent creuse d’en face (deux ouvriers y forent avec de grosses fraises en prévision des fondations de l’immeuble qui va y pousser, un Blanc avec casque sur les oreilles, un Noir sans), je rejoins à pied la station Simplon et d’un coup de métro arrive à Saint-Michel où je fais le tour des librairies mais n’achetant rien car je me réserve pour les vide greniers du ouiquennede.
A midi, je déjeune en terrasse, rue de la Harpe, à la pizzeria Sarno d’une honnête pizza napolitaine accompagnée d’un quart de vin blanc, cela fait quinze euros, puis à pied je passe rive droite où je vais au gré de mon inspiration faisant une pause place des Vosges où beaucoup se prélassent sur les pelouses ou bien se prémunissent du soleil ardent sous les arbres.
Pas loin se trouve, rue Saint-Gilles, la Polka Galerie qui expose les photos de jeunes Italiennes en maillot de bain de Claude Nori. J’en fais le tour assez vite, les ayant pour partie déjà vues à la Maison Européenne de la Photographie et dans des livres que je possède. Un second local, sis dans une cour privée, montre des photos de Marc Riboud, certaines vues jadis dans Libération, les plus récentes ont pour sujet la Chine.
*
Sirène hurlante, portière ouverte, pistolet mitrailleur dirigé vers la chaussée, passe la Police, boulevard Saint-Michel.
*
Sur le banc, à côté de moi, au jardin de Cluny, une fille et un garçon entretiennent une conversation conflictuelle au sujet de leurs prochaines vacances en Irlande (peut-être les dernières).
*
-Non mais, de toute façon, Aurélien, il est pas validé, c’est un bâtard. (Une fille énervée au téléphone)
*
Le point commun entre le Seizième et le Dix-Huitième, c’est qu’on y trouve aux carrefours de beaux et jeunes pompiers tentant de vendre des billets de tombola « pour le bal ».
A midi, je déjeune en terrasse, rue de la Harpe, à la pizzeria Sarno d’une honnête pizza napolitaine accompagnée d’un quart de vin blanc, cela fait quinze euros, puis à pied je passe rive droite où je vais au gré de mon inspiration faisant une pause place des Vosges où beaucoup se prélassent sur les pelouses ou bien se prémunissent du soleil ardent sous les arbres.
Pas loin se trouve, rue Saint-Gilles, la Polka Galerie qui expose les photos de jeunes Italiennes en maillot de bain de Claude Nori. J’en fais le tour assez vite, les ayant pour partie déjà vues à la Maison Européenne de la Photographie et dans des livres que je possède. Un second local, sis dans une cour privée, montre des photos de Marc Riboud, certaines vues jadis dans Libération, les plus récentes ont pour sujet la Chine.
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Sirène hurlante, portière ouverte, pistolet mitrailleur dirigé vers la chaussée, passe la Police, boulevard Saint-Michel.
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Sur le banc, à côté de moi, au jardin de Cluny, une fille et un garçon entretiennent une conversation conflictuelle au sujet de leurs prochaines vacances en Irlande (peut-être les dernières).
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-Non mais, de toute façon, Aurélien, il est pas validé, c’est un bâtard. (Une fille énervée au téléphone)
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Le point commun entre le Seizième et le Dix-Huitième, c’est qu’on y trouve aux carrefours de beaux et jeunes pompiers tentant de vendre des billets de tombola « pour le bal ».
12 juin 2015
La nuit fut bonne et le beau temps étant assuré je décide d’aller ce jeudi à la découverte de la Fondation Louis Vuitton jouxtant le Jardin d’Acclimatation, l’entrée à la première donne droit au deuxième.
Pour m’en approcher, je passe par le seizième arrondissement où je me balade un moment y découvrant une piscine Henry de Montherlant. Place Victor-Hugo, je bois un café au Victor Hugo puis déjeune à onze heures moins le quart au Mac Do de l’avenue Victor-Hugo, y côtoyant des élèves de Janson de Sailly et le staff réuni pour une inspection par un supérieur bedonnant qui donne des conseils pour optimiser.
Pas facile de rejoindre la Fondation Louis Vuitton, où Bernard Arnault montre une parte de sa collection, car il faut trouver comment traverser le terriphérique. Après avoir frôlé une prostituée en camionnette et des branlotins jouant au foute enfermés dans de grosses boules en plastique je réussis à passer de l’autre côté et, suivant mon intuition, arrive au pied de l’époustouflant bâtiment à midi. Au bout de la file d’attente, une demoiselle distribue des parasols blancs pour s’abriter du chaud soleil. Je ne juge pas nécessaire de me ridiculiser.
L’attente est courte. Allégé de mon sac à dos je descends au niveau moins un où, dans les galeries un et deux, est montrée une exposition temporaire au titre passe-partout Les Clefs d’une passion (celle de collectionneur) qui donne à voir des chefs-d’œuvre de l’art moderne n’appartenant pas à Bernard Arnault dans de vastes salles blanches bien éclairées et climatisées : la première version du Cri de Munch, le Portrait de la danseuse Anita Berber d’Otto Dix, deux grands Nymphéas de Monet, L'homme qui marche de Giacometti, L’été un si grand Bonnard qu’il ne put entrer dans la demeure de son commanditaire et aussi Bacon, Brancusi, Delaunay, Malevitch, Mondrian, Rothko, une belle série de Picabia ; il n’y a que les Kandinsky qui ne soient pas des meilleurs. Ma découverte, ce sont les autoportraits de la Finlandaise Helene Schjerfbeck. Tout cela est surveillé par des gardiens habillés comme les musiciens de l’Opéra de Rouen : costume noir, chaussures noires, cravate rouge.
Je monte au premier pour redescendre par l’auditorium et atteindre le plan d’eau alimenté par une longue cascade venteuse d’où l’on a belle vue sous les jupes du bâtiment puis, au fil des autres galeries disséminées dans le bâtiment, découvre d’autres œuvres moult intéressantes dont l’immense triptyque de Gilbert & George Class War, Militant, Gateway, ou l’installation collée au plafond Speech bubbles (black) de Philippe Parreno
Arrivé sur les terrasses, j’y admire la charpente mi-bois mi-métal, la Défense d’un côté, la Tour Eiffel de l’autre, et croise une visite guidée. « Frank Gehry n’est pas vraiment un adepte de la ligne droite » croit bon de préciser la guide.
Il me reste à trouver les galeries cinq six et sept au premier étage, si bien cachées que je suis seul dans la sept consacrée aux autoportraits d’Andy Warhol dont il me semble être un intime depuis que je suis dans la lecture de son Journal. Le plus impressionnant est celui, spectral, réalisé en mil neuf cent quatre-vingt-six, un an avant sa mort. Après être passé chez Lavier, je retrouve Andy avec l’un des portraits sur commande peints à partir des photos faites avec son Polaroïd Big Shot et sa série des Dix portraits de juifs du vingtième siècle dont il est beaucoup question dans son Journal. Il est en bonne compagnie : celle de Basquiat dont est montré l’impressionnant Grillo.
Il est quinze heures quand je quitte la Fondation Louis Vuitton avec une dernière pensée pour celle qui s’y est épuisée avant l’ouverture et dont le rythme de travail est heureusement moindre en Chine. La sortie s’effectue par le Jardin d’Acclimatation où s’ébattent de nombreuses classes maternelles. Je regarde quelques bêtes, fais des photos de la Fondation puis rejoins Neuilly à pied d’où je rentre en métro.
*
Une plaque à son nom en informe le visiteur. Marc-Antoine Jamet est président-directeur général du Jardin d’Acclimatation. Maire de Val-de-Reuil, il est le chaînon entre la Fabiusie et la Vuittonerie.
Pour m’en approcher, je passe par le seizième arrondissement où je me balade un moment y découvrant une piscine Henry de Montherlant. Place Victor-Hugo, je bois un café au Victor Hugo puis déjeune à onze heures moins le quart au Mac Do de l’avenue Victor-Hugo, y côtoyant des élèves de Janson de Sailly et le staff réuni pour une inspection par un supérieur bedonnant qui donne des conseils pour optimiser.
Pas facile de rejoindre la Fondation Louis Vuitton, où Bernard Arnault montre une parte de sa collection, car il faut trouver comment traverser le terriphérique. Après avoir frôlé une prostituée en camionnette et des branlotins jouant au foute enfermés dans de grosses boules en plastique je réussis à passer de l’autre côté et, suivant mon intuition, arrive au pied de l’époustouflant bâtiment à midi. Au bout de la file d’attente, une demoiselle distribue des parasols blancs pour s’abriter du chaud soleil. Je ne juge pas nécessaire de me ridiculiser.
L’attente est courte. Allégé de mon sac à dos je descends au niveau moins un où, dans les galeries un et deux, est montrée une exposition temporaire au titre passe-partout Les Clefs d’une passion (celle de collectionneur) qui donne à voir des chefs-d’œuvre de l’art moderne n’appartenant pas à Bernard Arnault dans de vastes salles blanches bien éclairées et climatisées : la première version du Cri de Munch, le Portrait de la danseuse Anita Berber d’Otto Dix, deux grands Nymphéas de Monet, L'homme qui marche de Giacometti, L’été un si grand Bonnard qu’il ne put entrer dans la demeure de son commanditaire et aussi Bacon, Brancusi, Delaunay, Malevitch, Mondrian, Rothko, une belle série de Picabia ; il n’y a que les Kandinsky qui ne soient pas des meilleurs. Ma découverte, ce sont les autoportraits de la Finlandaise Helene Schjerfbeck. Tout cela est surveillé par des gardiens habillés comme les musiciens de l’Opéra de Rouen : costume noir, chaussures noires, cravate rouge.
Je monte au premier pour redescendre par l’auditorium et atteindre le plan d’eau alimenté par une longue cascade venteuse d’où l’on a belle vue sous les jupes du bâtiment puis, au fil des autres galeries disséminées dans le bâtiment, découvre d’autres œuvres moult intéressantes dont l’immense triptyque de Gilbert & George Class War, Militant, Gateway, ou l’installation collée au plafond Speech bubbles (black) de Philippe Parreno
Arrivé sur les terrasses, j’y admire la charpente mi-bois mi-métal, la Défense d’un côté, la Tour Eiffel de l’autre, et croise une visite guidée. « Frank Gehry n’est pas vraiment un adepte de la ligne droite » croit bon de préciser la guide.
Il me reste à trouver les galeries cinq six et sept au premier étage, si bien cachées que je suis seul dans la sept consacrée aux autoportraits d’Andy Warhol dont il me semble être un intime depuis que je suis dans la lecture de son Journal. Le plus impressionnant est celui, spectral, réalisé en mil neuf cent quatre-vingt-six, un an avant sa mort. Après être passé chez Lavier, je retrouve Andy avec l’un des portraits sur commande peints à partir des photos faites avec son Polaroïd Big Shot et sa série des Dix portraits de juifs du vingtième siècle dont il est beaucoup question dans son Journal. Il est en bonne compagnie : celle de Basquiat dont est montré l’impressionnant Grillo.
Il est quinze heures quand je quitte la Fondation Louis Vuitton avec une dernière pensée pour celle qui s’y est épuisée avant l’ouverture et dont le rythme de travail est heureusement moindre en Chine. La sortie s’effectue par le Jardin d’Acclimatation où s’ébattent de nombreuses classes maternelles. Je regarde quelques bêtes, fais des photos de la Fondation puis rejoins Neuilly à pied d’où je rentre en métro.
*
Une plaque à son nom en informe le visiteur. Marc-Antoine Jamet est président-directeur général du Jardin d’Acclimatation. Maire de Val-de-Reuil, il est le chaînon entre la Fabiusie et la Vuittonerie.
11 juin 2015
Ce lundi, sur France Culture, l’émission Un nouveau jour est possible commence fort opportunément une série sur la vie culturelle chinoise, le jour où celle à qui je pense s’envole pour Pékin afin de faire bénéficier les Chinois de ses lumières (au propre et au figuré).
Mardi soir (heure de Rouen), elle me téléphone pour me dire d’une voix d’antipode que tout va bien là-bas.
Mercredi matin, je pousse la porte de son appartement parisien et y retrouve ses deux petites bestioles dont je m’occuperai au mieux bien que la plus grosse me fasse peur. Mes bagages posés, je grimpe à Montmartre à pied et redescends de l’autre côté, passant devant le Théâtre de l’Atelier qui me fait songer à Sartre, à Simone et à leurs groupies élèves de Dullin.
En bas de la rue des Martyrs, je prends un café à La Fourmi (un lieu dans lequel je fus autrefois bien accompagné). Ma table en contrebas du trottoir me permet de profiter au mieux des belles jambes qui passent. Près de moi deux hommes dans le genre artiste parlent du « scandale avec Valls » qui a pris l’avion de la République pour aller voir un match de foute avec ses enfants à Berlin en faisant croire qu’il avait une réunion là-bas. Ils évoquent cela avec le mélange d’indignation et d’admiration qui caractérise bon nombre de citoyens d’aujourd’hui.
A midi, je déjeune à Pigalle au Bistrot du 9éme, place Gabriel Kaspereit, en terrasse et au soleil, face à l’avenue Frochot voie privée, d’une pizza quatre fromages accompagnée d’un verre de vin rouge (douze euros quatre-vingt-dix). Près de moi des filles dans le genre artiste cherchent des idées pour une photo. Elles sont remplacées par un mélange de garçons et de filles qui parlent d’une autre :
-Elle est jeune ?
-Oui, trente ans, mais elle est grosse.
-Tu peux pas dire de quelqu’un qu’elle est grosse.
-Moi je le dis, les gens disent aussi que je suis grosse et je l’assume. En mil neuf cent, j’aurais été un canon.
L’après-midi, je suis au Jeu de Paume où l’on entre sans la moindre attente pour les expositions Germaine Krull Un destin de photographe et Valérie Jouve Corps en résistance.
La première souffre de son époque, ses tirages sont de petit format, pas plus grands que la page d’un livre. Ces sujets sont les nus féminins parfois lesbiens, les monuments métalliques, les lieux industriels, des scènes de la vie quotidiennes, quelques portraits (Malraux, Cocteau). Elle eut une vie bien remplie : révolutionnaire bavaroise, prisonnière de la Loubianka, beaucoup d’amants, un mariage blanc avec Joris Ivens, résistante, convertie au bouddhisme, directrice d’un hôtel de luxe à Bangkok et ruinée.
La seconde, contemporaine, s’exprime en grand format et en couleur. Elle interroge « la capacité des corps à résister face à la normalisation sociale et urbaine », ne précisant volontairement pas la localisation de ses photos. J’aime particulièrement sa série de sorties de bureau sur fond neutre et celle montrant les occupants de voitures bloquées dans un embouteillage en pleine chaleur sous un pont que l’on devine être en Palestine.
*
Pigalle, peu savent qu’il se prénommait Jean-Baptiste et qu’il était sculpteur. Son nom est définitivement associé au sexe marchand. Grâce à quoi il est non seulement sauvé de l’oubli mais connu dans le monde entier.
*
Citation de circonstance :
Ceintures, porte-monnaies, foulards, sacs à main, sacs de voyage, etc. Les Chinois ont toujours au moins un accessoire Louis Vuitton. La révolution culturelle de Mao a trouvé son achèvement place Vendôme. (Gauz Debout-payé, l’auteur et l’éditeur Le Nouvel Attila ignorant que porte-monnaie est invariable)
Mardi soir (heure de Rouen), elle me téléphone pour me dire d’une voix d’antipode que tout va bien là-bas.
Mercredi matin, je pousse la porte de son appartement parisien et y retrouve ses deux petites bestioles dont je m’occuperai au mieux bien que la plus grosse me fasse peur. Mes bagages posés, je grimpe à Montmartre à pied et redescends de l’autre côté, passant devant le Théâtre de l’Atelier qui me fait songer à Sartre, à Simone et à leurs groupies élèves de Dullin.
En bas de la rue des Martyrs, je prends un café à La Fourmi (un lieu dans lequel je fus autrefois bien accompagné). Ma table en contrebas du trottoir me permet de profiter au mieux des belles jambes qui passent. Près de moi deux hommes dans le genre artiste parlent du « scandale avec Valls » qui a pris l’avion de la République pour aller voir un match de foute avec ses enfants à Berlin en faisant croire qu’il avait une réunion là-bas. Ils évoquent cela avec le mélange d’indignation et d’admiration qui caractérise bon nombre de citoyens d’aujourd’hui.
A midi, je déjeune à Pigalle au Bistrot du 9éme, place Gabriel Kaspereit, en terrasse et au soleil, face à l’avenue Frochot voie privée, d’une pizza quatre fromages accompagnée d’un verre de vin rouge (douze euros quatre-vingt-dix). Près de moi des filles dans le genre artiste cherchent des idées pour une photo. Elles sont remplacées par un mélange de garçons et de filles qui parlent d’une autre :
-Elle est jeune ?
-Oui, trente ans, mais elle est grosse.
-Tu peux pas dire de quelqu’un qu’elle est grosse.
-Moi je le dis, les gens disent aussi que je suis grosse et je l’assume. En mil neuf cent, j’aurais été un canon.
L’après-midi, je suis au Jeu de Paume où l’on entre sans la moindre attente pour les expositions Germaine Krull Un destin de photographe et Valérie Jouve Corps en résistance.
La première souffre de son époque, ses tirages sont de petit format, pas plus grands que la page d’un livre. Ces sujets sont les nus féminins parfois lesbiens, les monuments métalliques, les lieux industriels, des scènes de la vie quotidiennes, quelques portraits (Malraux, Cocteau). Elle eut une vie bien remplie : révolutionnaire bavaroise, prisonnière de la Loubianka, beaucoup d’amants, un mariage blanc avec Joris Ivens, résistante, convertie au bouddhisme, directrice d’un hôtel de luxe à Bangkok et ruinée.
La seconde, contemporaine, s’exprime en grand format et en couleur. Elle interroge « la capacité des corps à résister face à la normalisation sociale et urbaine », ne précisant volontairement pas la localisation de ses photos. J’aime particulièrement sa série de sorties de bureau sur fond neutre et celle montrant les occupants de voitures bloquées dans un embouteillage en pleine chaleur sous un pont que l’on devine être en Palestine.
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Pigalle, peu savent qu’il se prénommait Jean-Baptiste et qu’il était sculpteur. Son nom est définitivement associé au sexe marchand. Grâce à quoi il est non seulement sauvé de l’oubli mais connu dans le monde entier.
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Citation de circonstance :
Ceintures, porte-monnaies, foulards, sacs à main, sacs de voyage, etc. Les Chinois ont toujours au moins un accessoire Louis Vuitton. La révolution culturelle de Mao a trouvé son achèvement place Vendôme. (Gauz Debout-payé, l’auteur et l’éditeur Le Nouvel Attila ignorant que porte-monnaie est invariable)
10 juin 2015
C’est l’ultime série de pépites notées lors de ma lecture du volume deux des Lettres à Sartre (1940-1963) de Simone de Beauvoir publié chez Gallimard :
Dès la douane j’ai retrouvé l’atmosphère crasseusement paresseuse et louche des pays méditerranéens –les douaniers ricanaient et caressaient leurs fines moustaches noires sans toucher aux valises. (…) Trois escrocs, dont le titre officiel est d’être agents touristiques, se sont rués sur nous et l’un d’eux nous a accompagnés en taxi jusqu’à l’hôtel pour nous offrir des services d’un coût exorbitant. (jeudi vingt-sept mil neuf cent quarante-huit, à Mexico)
J’ai eu une grande lettre de V. Leduc, toujours dans le même ton ; elle est à Montjean près de La Pouèze, pas trop enchantée ; elle se félicite de n’être pas jalouse de toutes les femmes qui en ce moment m’admirent et m’adulent sur les plages américaines. Un ouvrier a voulu la violer au bord de la Loire, mais elle s’est sauvée. (vendredi quatre août mil neuf cent cinquante)
Il y a aussi aux environs une certaine Joyce, richissime et adulée par un ridicule petit mari, qui pleure et se raconte tout le jour parce qu’elle voulait tant être un grand écrivain et qu’elle a juste produit un livre illustré de quinze pages sur un chat… (mardi huit août mil neuf cent cinquante)
Je suis infiniment plus heureuse près de vous –et je ne sais pas dans quelle mesure ma présence a un sens pour Algren. De temps en temps cette absurdité devient un regret accablant. J’ai l’impression d’être attachée ici par de vieux désirs alors que la nouveauté et le romanesque et le bonheur de ma vie sont avec vous, mon petit compagnon de 20 ans. (même date)
Enfin elle n’a pas dormi de huit jours, elle s’est rendue malade en mangeant l’infâme tambouille mexicaine dans des bistros de dernier ordre, elle s’est tapée quarante heures de train, sans couchette, et elle s’est quand même amenée, fraîche comme la rose. (jeudi vingt-quatre août mil neuf cent cinquante, elle parle de Sorokine)
J’ai été étonnée à l’arrivée, on ne m’a posé à peu près aucune question ni sur mes idées politiques ou mes ressources financières ; on aurait cru entrer dans un pays libre. (en septembre mil neuf cent cinquante et un, aux Etats-Unis où elle retrouve Nelson Algren pour la dernière fois)
Au passage de la frontière le douanier a tiqué sur votre nom et il m’a regardée avec soupçon : « Jean-Paul Sartre. Et comme ça, il vous prête sa voiture ? » « Eh oui ! » j’ai dit. (un vendredi de juin mil neuf cent cinquante-trois, revenant de Suisse)
Séance sinistre au salon de Mai avec ma sœur et de Roulet. Il s’agissait de me prouver que les autres peintres de son âge sont aussi mauvais qu’elle – c’est presque vrai. Par-dessus le marché, j’ai rencontré Laure Garcin, qui a réussi à se rendre méconnaissable, mais sans profit. (un vendredi matin de fin mai mil neuf cent cinquante-quatre)
Nous sommes donc entrés en Espagne par Barcelone ; nous avons croisé devant le musée –plein de beaux primitifs catalans– Marguerite Duras et les V. qui se sont beaucoup retournés sur moi, mais on ne s’est pas salués. (un vendredi de juillet mil neuf cent cinquante-cinq)
Saviez-vous que Hemingway est antisémite d’une manière infecte ? Le soleil se lève aussi, amusant à lire à Pampelune, est de ce point de vue entres autres une saloperie. (vendredi vingt-deux juillet mil neuf cent cinquante-cinq)
Dès la douane j’ai retrouvé l’atmosphère crasseusement paresseuse et louche des pays méditerranéens –les douaniers ricanaient et caressaient leurs fines moustaches noires sans toucher aux valises. (…) Trois escrocs, dont le titre officiel est d’être agents touristiques, se sont rués sur nous et l’un d’eux nous a accompagnés en taxi jusqu’à l’hôtel pour nous offrir des services d’un coût exorbitant. (jeudi vingt-sept mil neuf cent quarante-huit, à Mexico)
J’ai eu une grande lettre de V. Leduc, toujours dans le même ton ; elle est à Montjean près de La Pouèze, pas trop enchantée ; elle se félicite de n’être pas jalouse de toutes les femmes qui en ce moment m’admirent et m’adulent sur les plages américaines. Un ouvrier a voulu la violer au bord de la Loire, mais elle s’est sauvée. (vendredi quatre août mil neuf cent cinquante)
Il y a aussi aux environs une certaine Joyce, richissime et adulée par un ridicule petit mari, qui pleure et se raconte tout le jour parce qu’elle voulait tant être un grand écrivain et qu’elle a juste produit un livre illustré de quinze pages sur un chat… (mardi huit août mil neuf cent cinquante)
Je suis infiniment plus heureuse près de vous –et je ne sais pas dans quelle mesure ma présence a un sens pour Algren. De temps en temps cette absurdité devient un regret accablant. J’ai l’impression d’être attachée ici par de vieux désirs alors que la nouveauté et le romanesque et le bonheur de ma vie sont avec vous, mon petit compagnon de 20 ans. (même date)
Enfin elle n’a pas dormi de huit jours, elle s’est rendue malade en mangeant l’infâme tambouille mexicaine dans des bistros de dernier ordre, elle s’est tapée quarante heures de train, sans couchette, et elle s’est quand même amenée, fraîche comme la rose. (jeudi vingt-quatre août mil neuf cent cinquante, elle parle de Sorokine)
J’ai été étonnée à l’arrivée, on ne m’a posé à peu près aucune question ni sur mes idées politiques ou mes ressources financières ; on aurait cru entrer dans un pays libre. (en septembre mil neuf cent cinquante et un, aux Etats-Unis où elle retrouve Nelson Algren pour la dernière fois)
Au passage de la frontière le douanier a tiqué sur votre nom et il m’a regardée avec soupçon : « Jean-Paul Sartre. Et comme ça, il vous prête sa voiture ? » « Eh oui ! » j’ai dit. (un vendredi de juin mil neuf cent cinquante-trois, revenant de Suisse)
Séance sinistre au salon de Mai avec ma sœur et de Roulet. Il s’agissait de me prouver que les autres peintres de son âge sont aussi mauvais qu’elle – c’est presque vrai. Par-dessus le marché, j’ai rencontré Laure Garcin, qui a réussi à se rendre méconnaissable, mais sans profit. (un vendredi matin de fin mai mil neuf cent cinquante-quatre)
Nous sommes donc entrés en Espagne par Barcelone ; nous avons croisé devant le musée –plein de beaux primitifs catalans– Marguerite Duras et les V. qui se sont beaucoup retournés sur moi, mais on ne s’est pas salués. (un vendredi de juillet mil neuf cent cinquante-cinq)
Saviez-vous que Hemingway est antisémite d’une manière infecte ? Le soleil se lève aussi, amusant à lire à Pampelune, est de ce point de vue entres autres une saloperie. (vendredi vingt-deux juillet mil neuf cent cinquante-cinq)
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