Le Journal de Michel Perdrial

Le Journal de Michel Perdrial




Loïc Boyer
Je suis l’auteur de textes courts qui furent publiés depuis mil neuf cent quatre-vingt-quinze dans des revues littéraires en France (Supérieur Inconnu, Supplément d’Ame, Nouvelle Donne, Le Bord de l’Eau, Pris de Peur, l’Art du Bref, Sol’Air, Gros Textes, Salmigondis, Verso, Décharge, Bulle, Filigranes, Diérèse, Martobre, Comme ça et Autrement, (Cahier d’) Ecritures, La Nef des Fous), en Belgique (Traversées, Ecrits Vains, L’Arbre à Plumes, Inédit Nouveau, Bleu d’Encre), au Canada (Les Saisons Littéraires) et en Italie (Les Cahiers du Ru).
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.







Rss

3 novembre 2023


Il est minuit et demi ce jeudi quand la tempête Ciarán commence à se faire entendre. Ce bruit est pénible mais ne m’empêche pas complètement de dormir. Mon sommeil est haché, mais il l’est tous les jours. Il est bien venu que le gros pansement de plastique qui entourait le bas de la flèche de la Cathédrale n’y soit plus. Son claquement aurait aggravé les choses.
En début de matinée le vent reprend de plus belle. Prudemment, j’ai acheté hier du pain pour deux jours. Je n’ai donc pas à me risquer dehors. Cette journée, où mon emploi du temps est contraint par un évènement extérieur, me rappelle les fâcheux confinements.
Quand même, au milieu d’après-midi, je suis tiré de mon ennui par un trio dont l’un des membres frappe et sonne à ma porte, côté jardin, des Policiers Municipaux. Depuis un moment, ils rodaient dehors. Ils ont vu de la lumière chez moi et se sont dit « Allons voir celui-là ».
Deux restent en arrière. Le troisième me demande si j’ai des problèmes de voisinage. Pas en ce moment, lui dis-je. J’ai souffert du bruit excessif d’un ex voisin mais celle qui lui a succédé n’en fait pas. Il ne me dit pas pourquoi ils sont là, qui les a appelés et pour se plaindre de qui. C’est comme s’ils passaient par hasard.
Ma porte refermée, ils restent encore un moment sous le porche puis disparaissent.
 

1er novembre 2023


Toussaint oblige, c’est mardi au lieu de mercredi que je rejoins Paris avec le train Nomad de sept heures vingt-quatre. Dans la voiture Trois, je lis Notre lâcheté d’Alain Berthier (Le Dilettante) cependant qu’un enfançon vagit, qu’un homme ronfle et qu’un autre homme se mouche bruyamment. A l’arrivée dans la capitale, je monte dans le bus Vingt-Neuf et en descends à Bastille Beaumarchais.
De là je marche jusqu’au Marché d’Aligre. Les deux principaux vendeurs de livres sont présents mais n’ont sur leurs tables que des vieilleries. Je prends un café au comptoir du Camélia puis arrive devant le rideau baissé du Book-Off de Ledru-Rollin quelques minutes avant dix heures.
Ce rideau ne se lève pas à l’heure prévue. Un autre qui attend s’en étonne avec moi. A l’intérieur, il y a de la lumière mais personne n’est visible. Nous demandons au commerçant voisin de  regarder l’heure d’ouverture  sur son smartphone. C’est ainsi que nous apprenons que désormais, ici comme dans les deux autres boutiques, on ouvre à onze heures. Que faire ? Je retourne boire un café au Camélia.
A onze heures, il y a foule chez Book-Off. A l’ouverture tardive s’ajoutent les vacances scolaires qui amènent ici nombre de profs et de familles. L’employé qui a ouvert est seul pour faire face, jusqu’à l’arrivée de deux autres à onze heures et demie. « Il n’y a plus personne sur Facebook », me répond de façon peu aimable l’une d’elles lorsque je lui demande pourquoi ce changement d’horaire n’a pas été annoncé sur le réseau social, ce qui m’aurait permis de ne pas en être victime.
Enervé et bredouille, je quitte la boutique à midi moins dix. J’entre, pas loin, au Péhemmu chinois. Je commande un confit de canard pommes sautées salade à treize euros cinquante. Ici mangent aussi ce mardi des ouvriers buveurs de pintes. Une vieille demande à la serveuse, prénommée Marine, si elle peut manger. « Si vous respectez la procédure », lui répond-elle. Cette femme a déjà déjeuné ici sans avoir l’argent pour payer, plusieurs fois. Elle n’en admet qu’une. « Je suis désolée d’être désagréable, lui dit Marine, mais je veux voir l’argent. » La vieille le montre puis maugrée. « Je dois perdre la tête, dit-elle, je me rappelle pas ce qu’on me reproche. »
Après le café, je rejoins Châtelet dans un métro où l’on est serré comme sardines, une conséquence de la fermeture de la ligne Quatorze.
Au Book-Off de Saint-Martin l’ambiance est plus agréable et la foule absente. Malheureusement, parmi les livres qui m’intéressent, il n’y en a aucun que je n’aie déjà.
Je rejoins le Book-Off de Quatre Septembre par une voie détournée faute de métro Quatorze. S’y trouve la foule des profs et des familles. S’ajoutent plusieurs jeunes couples. Elles cherchent un livre. Eux s’en fichent totalement et encombrent les allées. Ce trop de monde m’empêche d’explorer les rayonnages comme je le voudrais. Pour la troisième fois je sors sans achat.
Dans le train de seize heures quarante, je trouve place dans la voiture Cinq, celles des navetteurs. Le contrôleur leur demande s’ils travaillent jeudi. La plupart répondent par la négative. « Bon choix », leur dit-il. La circulation des trains normands sera totalement interrompue au moins  jusqu’à seize heures à cause de la tempête Ciarán.
                                                                        *
S’il n’y a plus personne sur Effe Bé, pourquoi donc Book-Off y racole-t-il pour vendre ses importations japonaises.de mangas ?
                                                                        *
Book-Off est sur la pente descendante, ne trouvant plus le personnel suffisant, celui présent n’y restant pas.
 

30 octobre 2023


Il ne pleut pas ce dimanche de passage à l’heure d’hiver quand au matin je me dirige vers un énième vide grenier Grand Pont Champmeslé. Dans ces deux rues parallèles ont pris place une trentaine de vendeurs dont une majorité de professionnel(le)s. Il y a là quelques livres mais sans le moindre intérêt pour moi. En cette fin octobre règne sur l’évènement une ambiance tristounette que je retrouve au marché du Clos Saint-Marc. Côté brocante, la seule à qui parfois j’achète des livres est absente. Côté victuailles, je me contente d’un neufchâtel et d’une part de couscous.
La veille, j’ai eu plus de chance sur ce marché en trouvant parmi les livres d’un vendeur sympathique qui a le défaut de souvent déballer tard Journal intime d’un mélancolique 1762-1769 de James Boswell (Hachette), un exemplaire un peu fatigué pour lequel j’ai déboursé deux euros.
                                                                      *
« Non mais franchement, regarde, on dirait des fausses maisons. Franchement. » Non mais franchement, les touristes dans la ruelle, ils sont toujours aussi bêtes. Franchement.
 

28 octobre 2023


La grippe est annoncée comme chaque année et le Covid court toujours (l’un de me connaissance ayant à peu près mon âge qui ne l’avait jamais eu vient de le choper avant d’avoir eu le nouveau rappel), aussi ce vendredi matin je remonte la rue de la Jeanne jusqu’à la Pharmacie de la Gare et du Donjon.
Elevant la voix pour dominer le bruit que fait la femme de ménage en passant l’aspirateur, j’expose au pharmacien mon désir d’être vacciné contre la grippe et le Covid en même temps et si possible maintenant.
C’est possible. Il me demande ma Carte Vitale, fait les manipulations informatiques nécessaires et me dit d’attendre le temps qu’il prépare la dose de vaccin anti Covid  Je le suis ensuite dans l’arrière-boutique. Celle-ci est assez vaste et dispose d’une salle dédiée.
« Ce sera une piqûre dans chaque bras », me dit-il. Je choisis le gauche pour la vaccination contre le Covid. L’homme de l’art commence par celui-là. Il enchaîne avec la vaccination contre la grippe en haut du bras droit. C’est fait sans douleur et il a les mains chaudes.
Je remercie l’aimable pharmacien et il me donne les papiers prouvant ma double vaccination. Voilà une affaire rondement menée.
                                                              *
Un café au Sacre, profitant d’un court moment de soleil, en terrasse, ou du moins ce qu’il en reste. Des canalisations ont encore été changées en bas de la rue Cauchoise. Les tranchées sont rebouchées mais, m’explique le serveur, ils n’ont plus assez de pavés pour remettre en état initial. Donc ça reste comme ça. Toute la partie de terrasse sous l’auvent est rendue inaccessible par des barrières.
En face, le local du Rêve de l’Escalier est toujours à louer. Manifestement, il ne fait pas rêver. Il y a encore des personnes pour venir se casser le nez sur la porte close de la bouquinerie. Le voisin, un réparateur d’ordinateurs qui ressemble à l’un des Freak Brothers, leur donne la raison de la fermeture.
                                                              *
De passage au marché de la drouille du Clos Saint-Marc, où les livres sont rares ce vendredi, j’ai l’œil attiré par un, exposé sur la table d’un vendeur plutôt sympathique qui est d’abord un bouquiniste même s’il propose aussi quelques bibelots : Humour : une biographie de James Joyce de Frédéric Pajak et Yves Tenret (Presses Universitaires de France) qui neuf valait trente-neuf euros. Ce vendeur, après m’avoir demandé pourquoi on ne me voyait plus depuis un moment, me le propose à dix euros. Je prends.
Rentré, je constate qu’il est indisponible sur les sites de vente, que ce soit en neuf ou en occasion.
 

26 octobre 2023


Après une dernière nuit dans le petit studio Air Bibi au sixième étage de l’immeuble bourgeois du début de la rue Sommeiller (où j’ai apprécié l’absence de bruit de voisinage, on n’y entend que les clés qui tournent dans les serrures), je prends un dernier café allongé pain au chocolat (deux euros quatre-vingt-quinze) à La Panière puis y achète à emporter un sandouiche rond et un moelleux au chocolat (neuf euros quarante).
Vers neuf heures, je laisse la clé dans la boîte à lettres de ma logeuse puis traverse la rue alors qu’il se remet à pleuvoir et me voici à la Gare. Mon Tégévé pour Paris est celui de neuf heures vingt-neuf. Il est mis en place au moment où j’arrive.
Je suis assis hélas près d’un carré famille. Il est occupé par un quatuor (mère père trois ans nourrisson) qui m’amène vite à me dire « Putain de famille ». « Pourquoi ça démarre pas ? », ne cesse de demander le moutard. Ça démarre quand il est l’heure. Christelle est notre conductrice. Constant est notre chef de bord.
Le moutard : « On est où là ? »  On est à Chambéry où il pleut bien. Juste après, j’ai une dernière vision de la montagne et du Lac du Bourget  Nous nous arrêtons une dernière fois à Macon Tégévé puis nous filons à trois cents à l’heure. Il est midi, je déjeune en regardant le plat paysage dans la brume. Le moutard : « C’est où Mamie Marie ? » La campagne est toujours aussi déprimante quand elle n’est pas ensoleillée. Elle est même lugubre dans le brouillard. Le moutard : « Pourquoi on n’est pas arrivé à Paris ? »  Peu avant d’y être on passe près des tours de Créteil. Dans l’une dormira ce cher bambin dans le lit de papa quand il était petit.
La ligne Quatorze du métro étant à l’arrêt pendant les vacances de la Toussaint, je dois emprunter les lignes Une et Douze pour rejoindre Saint-Lazare. Cette ligne Une est difficile à trouver. Une aimable vendeuse de sandouiches vient à mon aide. Ce métro Un est évidemment bondé. Il est automatisé mais n’en fonctionne pas mieux car la voix nous annonce qu’à la suite d’un problème technique il n’ira pas plus loin que la prochaine station. J’ai de la chance, c’est la mienne, Concorde. Tout le monde descend. Les étrangers ne comprenant pas le français sont complètement perdus. Aucun souci avec la ligne Douze, j’ai le temps de prendre un café au comptoir de L’Atlantique (un euro quarante). Il pleut à Paris.
Mon train Nomad pour Rouen est celui de quatorze heures quarante. Délaissant ma place réservée, j’en trouve une dans la voiture Cinq où ne s’épanouit aucune famille et arrive à mon logis juste avant une belle averse.
 

25 octobre 2023


De foutues draches se succèdent pour ma dernière journée à Annecy. Pas annoncées hier par la météo en qui on ne peut avoir confiance qu’un jour sur deux.
J’abandonne mon projet de marcher une nouvelle fois de Chavoires à Annecy avec passage devant l’Impérial Palace. Je ne reverrai pas le lac et ses montagnes à l’endroit où ces dernières sont les plus belles, là où se succèdent les professionnel(le)s de la photo.
Vers dix heures, j’affronte la pluie et, m’abritant le plus possible sous les arcades, vais sur l’île du Palais où je fais deux photos du Café des Arts fermé avec les peintures servant de volets, puis longeant le Thiou, j’arrive au Café des Ducs.
Installé sous l’auvent sur une chaise haute, je commande un café verre d’eau et termine ma lecture du troisième volume Folio des Mémoires de Saint-Simon. Des hommes et des femmes participent à un rallye emballés dans du plastique. « On serait pas mieux là ? », dit l’une en passant devant le café. Je demande au serveur qui s’occupe en nettoyant les vitres ce que sont les tas de planches posés sur le sol de l’autre rive. « Dans pas longtemps, on va avoir les chalets », me dit-il. « Pour Noël ? » « Oui, si ça continue ils les mettront en septembre. »
Vers onze heures et demie, je suis au Centre Bonlieu où se cache Culture Trock, une sorte de Book-Off de province, sans les prix bas. La patronne est peu aimable et l’employée éteinte. Au rayon Littérature, je trouve Ceux qui s’aiment se laissent partir de Lisa Balavoine (Gallimard). J’en lis un peu mais ne l’achète pas. Il est à onze euros quatre-vingt-dix au lieu de seize euros cinquante. C’est trop. Lisa, avec qui je suis ami sur le réseau social Effe Bé et aussi un peu dans la vraie vie, ne m’en voudra pas. Ou plutôt, elle ne le saura pas car elle ne me lit pas.
A midi, je déjeune à l’étage au Bistrot du Pâquier. L’entrée du moment est une tourte aux poireaux et la grillade du jour une pluma de porc frites salade. Je demande à la serveuse ce que c’est. « C’est là », me dit-elle en posant la main sous son sein. Ne surtout pas demander si on peut tâter pour voir si c’est tendre. Le penser, c’est tout.  Ces deux plats sont excellents. Avec mon verre de vin rouge habituel, j’en ai pour vingt et un euros cinquante.
Il pleut toujours terriblement quand je vais boire un café pas loin, à la terrasse du Regann, avec vue sur le vieux carrousel immobile et sur la vendeuse longiligne du petit magasin de vêtements nommé sœur qui s’ennuie faute de clientèle.
C’est toujours la même pluie quand je vais photographier des endroits remarquables de la ville en me disant que j’aurais dû le faire plus tôt.
                                                                           *
Ces averses me rappellent l’orage évité de peu quand je campais ici avec celle qui travaille à Paris du temps où elle me tenait la main. On avait plié la tente tôt le matin juste avant qu’il se déchaîne. En ville, les cafetiers se réjouissaient que cette pluie ait chassé des rues ceux qui avaient trop bu pendant la Fête de la Musique.
Rien de bien à cette Fête de la Musique d’Annecy, sauf un garçon et une fille. Je me souviens d’elle, de son « Bonjour, je m’appelle Cindy et j’aime les dauphins ». Elle le faisait très bien.
                                                                           *
Les ivrognes ne sont pas les seuls à disparaître les jours de forte pluie. Il y a aussi les bicyclistes, les familles et les coureurs à pied. Les chiens et leurs propriétaires sont toujours là, on sait pourquoi.
                                                                           *
Le plat savoyard que je n’ai pu manger : la fondue, classique ou aux cèpes. Il faut être au minimum deux pour la demander. Interdite à qui marche seul.
                                                                           *
La pluma de porc, ce n’est pas du tout là, apprends-je une fois rentré, c’est dans le dos.
 

24 octobre 2023


Il pleut ce lundi pendant que je petit-déjeune à La Panière. Un responsable de cette chaîne régionale est de passage et participe à la vente. Pour l’occasion, l’employé qui fabrique les sandouiches a enfilé des gants en plastique, lui qui d’ordinaire manipule la nourriture sans en mettre.
La météo annonce une amélioration à partir de huit heures. Je lui fais confiance et monte dans le bus Cinquante terminus Duingt de huit heures dix. J’en descends à l’entrée de Sevrier, arrêt Regina. Il ne pleut plus.
De là, il est possible de regagner Annecy pédestrement au plus près du lac en passant par le quartier des Marquisats. Une fois de plus, le paysage se révèle très photogénique et je suis seul sur le chemin. A un moment, un monument en forme de menhir signale qu’« Au large de ce lieu, la milice de Vichy immergea le corps de Raymond François, 35 ans, Résistant, mort sous la torture le 14 février 1944 ».
Quand j’arrive au panneau qui annonce l’entrée d’Annecy, je vois que cette ville est jumelée avec Bayreuth. Cela me fait penser à l’ami de Stockholm qui vient de m’envoyer un mail où il me parle entre autres de sa présence l’été dernier (avec compagne et enfants) au Festival de cette ville où était notamment donné Tannhäuser. Il y a si longtemps qu’il ne m’avait écrit que j’en étais à me demander s’il le referait un jour.
Arrivé au centre d’Annecy, je bifurque à angle droit pour longer le Thiou et découvre un gros nuage noir au-dessus du Château et des églises. J’ai à peine le temps de faire quelques photos de la terrasse inoccupée du Café des Arts qui sera fermé demain et de m’y asseoir qu’il se remet à pleuvoir.
« Bonjour, tu vas bien ? » me dit Maïwenn en m’apportant un café verre d’eau. Un peu plus tard, elle me dit qu’elle n’a pas encore lu ce que j’écris, qu’elle ne veut pas faire ça dans la précipitation, qu’elle a besoin de temps. Je lui demande si elle-même écrit. Non, son domaine, c’est la photo. Elle en publie sur Instagram.
C’est le début des vacances de la Toussaint. Dans une salle annexe du Palais de l’Ile, des moutards, pris en charge par une animatrice, fabriquent des déguisements pour Allo Ouine. A une table de la terrasse arrivent une mère et sa cinq ans qui ronchonne. « Si on faisait le jeu du jour où on ne dit pas non, on est en vacances, tranquilles », suggère la génitrice complètement stressée. Le froid les fait migrer vers l’intérieur, ce qui ne me désole pas. Elles sont remplacées par une apprentie comédienne de dix-huit ans et un metteur en scène local à qui elle demande des conseils pour s’inscrire dans une école de théâtre. Cette fille qui paraît moins que son âge a un an d’avance dans ses études et fait preuve d’une maturité étonnante. Ce qui m’étonne encore plus, c’est qu’elle commande une tisane, n’importe laquelle. Ce sera une verveine.
Dans Saint-Simon, j’en suis où il détaille, avec la précision d’un entomologiste,  l’emploi du temps quotidien de Louis le Quatorzième. De savoir quand le roi mettoit un chapeau et quand il n’en mettoit pas, je m’en tape.
A midi, je déjeune sans incident au Bistrot du Pâquier, sauté de porc aux champignons de Paris et pâtes, tarte au citron et verre de vin rouge, dix-neuf euros. Après être sorti de ce restaurant, je bois le café au Café des Arts, servi par Maïwenn. Margot ne travaille pas cette journée. Elle passe cependant sans se soucier de qui que ce soit, requise par un rendez-vous au Bloomer.
Du passage de l’Ile surgissent des familles qui semblent se croire dans un parc d’attraction, parfois aussi hagardes que si elles étaient dans un labyrinthe dont elles ne trouvaient pas la sortie. Cela énerve mon voisin aux cheveux blancs de devant, arrivé là avec quatre ou cinq quotidiens à lire et qui envoie paître deux moutardes trop curieuses.
Vers quinze heures, je dis au revoir à Maïwenn qui me souhaite une bonne vie. Le peu qu’il m’en reste, ne lui dis-je pas. Elle m’a dit qu’elle était timide. Je le suis aussi. Elle me dit qu’elle m’écrira un message quand elle aura lu. « Peut-être t’enverrai-je une lettre ici », lui dis-je.
 

23 octobre 2023


Une fidèle lectrice ayant habité Annecy me propose une quinzaine de tickets de bus qu’elle vient de retrouver dans son portefeuille. C’est gentil, mais trop tard. Avec la journée bus gratuits d’hier, je ne vais même pas pouvoir utiliser complètement ma troisième carte dix voyages.
Le dimanche, le premier bus Soixante pour Talloires part à huit heures trente de la Gare Routière. Cette fois, j’en descends à l’arrêt Talloires Angon après l’arrêt Talloires Ecoles. Angon est un hameau de bord du lac situé au-delà du bourg de Talloires. Plusieurs campignes y sont présents dont certains vont jusqu’au lac, empêchant de le longer.
Dès que c’est possible, je marche le long de ce lac jusqu’au bourg déjà vu deux fois, bénéficiant d’un paysage que je ne sais qualifier que par le mot magnifique. Je repasse par la plage, dois contourner des écoles de voile et d’autres activités nautiques pour rejoindre le port. Ma dernière photo à Talloires est un autoportrait à la maison boudeuse. Il s’ajoute à ma collection de photos de mon ombre.
Au centre du bourg, Café Gisèle est ouvert, avec aux commandes deux Gigi qui ne sont pas les mêmes que la dernière fois. La terrasse est au soleil. Il y fait presque chaud. J’y bois un café entouré de locaux français et anglais.
Un quadragénaire m’a précédé à l’arrêt de bus Ecoles. Il confond les bus au départ d’Annecy avec ceux au départ de Talloires. Je dois lui expliquer comment lire l’horaire sur papier que lui a donné sa copine. Quand il a compris, une voiture s’arrête. Ce sont des amis à lui. Ils lui proposent de l’emmener. Voilà une leçon de perdue.
Le car de retour est à dix heures cinquante-cinq. J’en descends à la Gare Routière d’où je rejoins la rue du Pâquier. Presque tous ses restaurants sont fermés le dimanche. La Cuisine des Amis propose du déjà vu. Je tente le menu savoyard de la Brasserie du Théâtre, le premier restaurant de la rue, avec vue sur le Centre Bonlieu et la montagne au loin.
Ce menu savoyard se compose d’un croustillant de tome des Bauges en salade, d’une tartiflette et d’une faisselle au coulis de fruits rouges. Je m’installe à une table haute sous les arcades, éloigné des familles. Le croustillant de tome des Bauges en salade devrait s’appeler salade avec tout petit croustillant de tome des Bauges. La tartiflette est bonne (il fallait bien que j’en mange une avant de quitter la région). Le dessert est passable. Le service ne lambine pas. Bien que je ne mange pas vite, à treize heures j’ai terminé. Avec mon verre d’Apremont Vieille Vigne, j’en ai pour vingt-cinq euros.
Je réussis à avoir une table au Café des Arts, ce qui n’est pas facile le dimanche. Dans un premier temps, il me semble que Margot et Maïwenn me battent froid, puis, longtemps après mon arrivée, la première me dit : « Ça va ? Tu es triste de nous quitter, bien sûr. », et la seconde, encore plus tard, me signale d’un pouce levé qu’elle a aimé ce qu’elle a lu.
Le nombre de personnes sur qui j’ai écrit d’une façon que je jugeais positive et qui l’ont mal pris. Ce pourquoi, sauf en réponse à une question précise sur le sujet, je ne parle pas, à qui est évoqué dans mes écritures, de cette activité quasi quotidienne.
                                                                      *
Le  genre de plaisanterie que l’on doit entendre ce dimanche à Thorens Glières. « Ah, te voilà, on voit bien que c’est la Fête de la Courge. »
 

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