Dernières notes
Loïc Boyer
Je suis l’auteur de textes courts qui furent publiés depuis mil neuf cent quatre-vingt-quinze dans des revues littéraires en France (Supérieur Inconnu, Supplément d’Ame, Nouvelle Donne, Le Bord de l’Eau, Pris de Peur, l’Art du Bref, Sol’Air, Gros Textes, Salmigondis, Verso, Décharge, Bulle, Filigranes, Diérèse, Martobre, Comme ça et Autrement, (Cahier d’) Ecritures, La Nef des Fous), en Belgique (Traversées, Ecrits Vains, L’Arbre à Plumes, Inédit Nouveau, Bleu d’Encre), au Canada (Les Saisons Littéraires) et en Italie (Les Cahiers du Ru).
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.
12 octobre 2015
Ce vendredi soir je pousse la porte de la librairie/bouquinerie rouennaise Les Mondes Magiques, rue Beauvoisine, où Hélios Azoulay est invité à présenter son nouveau livre coécrit avec Pierre-Emmanuel Dauzat L’enfer aussi a son orchestre (La musique dans les camps) que publie La librairie Vuibert et vais le saluer.
-Cela fait longtemps, me dit-il, me rappelant que j’ai manqué les deux derniers concerts du Huit Mai qu’il consacre à cette musique écrite par les déporté(e)s des camps nazis.
-Sans mot d’excuse en plus, lui dis-je, mais cette fois je suis là et je vais même acheter le livre sans attendre de le trouver d’occasion à Paris comme j’ai fait pour les deux précédents.
Il m’annonce qu’il est dans l’incertitude pour le prochain concert du Huit Mai, la Mairie de Rouen envisageant de vendre la salle Sainte-Croix-des-Pelletiers, puis nous parlons du sujet qui lui tient à cœur et qui m’intéresse fort, de la situation qui ne s’est pas arrangée depuis deux ans. Je lui apprends que les cinq mille exemplaires de la réédition des Décombres de Rebatet chez Bouquins ont été vendus en une journée, cela le consterne et je sens bien que s’il n’avait tenu qu’à lui ce livre n’aurait pas reparu.
Nous sommes bientôt une douzaine assis sur les chaises du café de la librairie. Elise, la jeune libraire, présente l’invité et la soirée. Hélios, avec sa faconde habituelle, parle du contenu du livre comportant trois parties. La première est rédigée par lui-même, la deuxième par Pierre-Emmanuel Dauzat, la troisième étant la traduction en français du livret d’un opéra consacré à la vie de Jeanne d’Arc écrit par Viktor Ullmann au camp de Theresienstadt. Le musicien n’a eu le temps que d’écrire deux pages de la musique. Il a, lui Hélios, le projet de poursuive selon son style à lui l’écriture de cette musique et de monter l’opéra à Rouen. Il évoque ensuite l’œuvre et le sort d’autres musicien(ne)s. Le propos est ponctué d’extraits du cédé qui accompagne le livre …même à Auschwitz dans lequel ces musiques des camps sont jouées par l’Ensemble de Musique Incidentale, que dirige Hélios Azoulay, et d’échappées drolatiques :
-J’ai écrit ce livre avec à ma gauche les livres de Groucho Marx et à ma droite la Bible de l’humour juif dans lesquels je me plongeais quand ça devenait trop dur.
A l’issue, après quelques questions réponses, nous partageons un verre de vin bon et un gâteau salé à la grecque. Des livres sont achetés et dédicacés, dont le mien.
-J’espère ne pas le retrouver chez un bouquiniste, me dit Hélios à qui Elise offre un ouvrage consacré à Bedřich Fritta, dessinateur tchèque mort à Auschwitz, dont un dessin illustre L’enfer aussi a son orchestre.
Hélios nous explique le mur administratif auquel s’est heurté son éditeur quand il a cherché à obtenir le droit de reproduire ce dessin. « J’ai fini par appeler directement le petit-fils du dessinateur à Berlin, il m’a immédiatement dit oui ».
-Faire les choses soi-même, c’est ça la leçon, conclut-il.
*
Première fois que j’achetais un livre à la librairie/bouquinerie Les Mondes Magiques tenue par le réservé Robin et la souriante Elise, mais j’y vends des livres de temps à autre ce qui est aussi une façon de participer à la pérennité du lieu (comme je le fais remarquer à cette dernière).
L’autre semaine, à une Japonaise qui voulait savoir si les livres étaient à vendre ou à emprunter, elle a répondu qu’ils étaient à vendre mais qu’elle pouvait aussi les lire sur place. J’ai bien aimé cette réponse.
*
Que l’on réédite Les Décombres de Lucien Rebatet (avec un appareil critique alibi) ne me gêne pas. Ce que je trouve inquiétant, c’est que les cinq mille exemplaires trouvent preneurs le jour de la mise en vente. Cette hâte fait soupçonner une grosse majorité de lecteurs antisémites.
-Cela fait longtemps, me dit-il, me rappelant que j’ai manqué les deux derniers concerts du Huit Mai qu’il consacre à cette musique écrite par les déporté(e)s des camps nazis.
-Sans mot d’excuse en plus, lui dis-je, mais cette fois je suis là et je vais même acheter le livre sans attendre de le trouver d’occasion à Paris comme j’ai fait pour les deux précédents.
Il m’annonce qu’il est dans l’incertitude pour le prochain concert du Huit Mai, la Mairie de Rouen envisageant de vendre la salle Sainte-Croix-des-Pelletiers, puis nous parlons du sujet qui lui tient à cœur et qui m’intéresse fort, de la situation qui ne s’est pas arrangée depuis deux ans. Je lui apprends que les cinq mille exemplaires de la réédition des Décombres de Rebatet chez Bouquins ont été vendus en une journée, cela le consterne et je sens bien que s’il n’avait tenu qu’à lui ce livre n’aurait pas reparu.
Nous sommes bientôt une douzaine assis sur les chaises du café de la librairie. Elise, la jeune libraire, présente l’invité et la soirée. Hélios, avec sa faconde habituelle, parle du contenu du livre comportant trois parties. La première est rédigée par lui-même, la deuxième par Pierre-Emmanuel Dauzat, la troisième étant la traduction en français du livret d’un opéra consacré à la vie de Jeanne d’Arc écrit par Viktor Ullmann au camp de Theresienstadt. Le musicien n’a eu le temps que d’écrire deux pages de la musique. Il a, lui Hélios, le projet de poursuive selon son style à lui l’écriture de cette musique et de monter l’opéra à Rouen. Il évoque ensuite l’œuvre et le sort d’autres musicien(ne)s. Le propos est ponctué d’extraits du cédé qui accompagne le livre …même à Auschwitz dans lequel ces musiques des camps sont jouées par l’Ensemble de Musique Incidentale, que dirige Hélios Azoulay, et d’échappées drolatiques :
-J’ai écrit ce livre avec à ma gauche les livres de Groucho Marx et à ma droite la Bible de l’humour juif dans lesquels je me plongeais quand ça devenait trop dur.
A l’issue, après quelques questions réponses, nous partageons un verre de vin bon et un gâteau salé à la grecque. Des livres sont achetés et dédicacés, dont le mien.
-J’espère ne pas le retrouver chez un bouquiniste, me dit Hélios à qui Elise offre un ouvrage consacré à Bedřich Fritta, dessinateur tchèque mort à Auschwitz, dont un dessin illustre L’enfer aussi a son orchestre.
Hélios nous explique le mur administratif auquel s’est heurté son éditeur quand il a cherché à obtenir le droit de reproduire ce dessin. « J’ai fini par appeler directement le petit-fils du dessinateur à Berlin, il m’a immédiatement dit oui ».
-Faire les choses soi-même, c’est ça la leçon, conclut-il.
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Première fois que j’achetais un livre à la librairie/bouquinerie Les Mondes Magiques tenue par le réservé Robin et la souriante Elise, mais j’y vends des livres de temps à autre ce qui est aussi une façon de participer à la pérennité du lieu (comme je le fais remarquer à cette dernière).
L’autre semaine, à une Japonaise qui voulait savoir si les livres étaient à vendre ou à emprunter, elle a répondu qu’ils étaient à vendre mais qu’elle pouvait aussi les lire sur place. J’ai bien aimé cette réponse.
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Que l’on réédite Les Décombres de Lucien Rebatet (avec un appareil critique alibi) ne me gêne pas. Ce que je trouve inquiétant, c’est que les cinq mille exemplaires trouvent preneurs le jour de la mise en vente. Cette hâte fait soupçonner une grosse majorité de lecteurs antisémites.
10 octobre 2015
Je suis le troisième à la porte de la Halle aux Toiles ce vendredi matin pour la vente de livres d’occasion de Terre des Hommes. Devant moi sont deux hommes à cheveux blancs. L’un a des livres à offrir dans son sac et lorsqu’une dame de charité passe à proximité le lui signale. Elle lui répond qu’on verra tout à l’heure. S’il espérait se servir de ça pour entrer avant les autres, c’est raté. L’autre transforme en le dépliant son sac à dos en chariot à roulettes, un cadeau de sa femme. Je ne donne pas un grand avenir à ces roulettes s’il le remplit de livres. Adji, l’ancien bouquiniste de la rue Bouvreuil, est le quatrième, avec qui j’ai toujours plaisir à parler. Derrière sont des têtes habituelles et des inconnues.
A dix heures, chacun se précipite et est déçu, vieux stock et tout venant.
Je fais comme les autres, je mets dans mon sac ce qui pourrait peut-être m’intéresser, puis quand j’ai bien fait le tour repose tout ça sur une table afin de savoir si je garde ou non. Je remets en place presque tout, ne gardant qu’un livre : l’édition Flammarion de Ma philosophie de A à B et vice versa d’Andy Warhol. Celle à qui je paie me l’annonce à un euro bien qu’il soit marqué deux.
*
Sur l’affichette de trottoir de Paris Normandie : « Foire Saint Romain, des caravanes mais pas de manèges ». En effet, les forains ont fait de l’esplanade Saint-Gervais (presqu’île de Waddington) un parquigne pour leurs caravanes (qui devraient être garées ailleurs). Leurs manèges sont en périphérie de Rouen. Ils veulent toujours aller les installer sur les quais bas rive gauche rendus impraticables par la Mairie, mais pas impossible qu’on les retrouve ailleurs, sur les quais bas rive droite où, il y a plusieurs semaines, ils sont venus prendre des mesures (au sens propre). Cela risque de chauffer à Rouen prochainement.
*
La triste nouvelle du jour : la mort de Leny Escudero qui vivait à Giverny et dont les chansonnettes ont accompagné ma préadolescence. Je l’ai vu plus tard lors d’un concert assez ennuyeux à la Salle des Fêtes de Louviers dans les années soixante-dix. A cette époque, il interprétait des chansons engagées (comme on disait) et ne voulait plus entendre parler de ses succès des années soixante. Il les rechantera bien plus tard lors de la consternante tournée « Age tendre et tête de bois ».
Leny Escudero était fils de réfugiés politiques espagnols, ayant vu à quatre ans sa mère tuer à coups de fusil les deux soldats franquistes qui s’étaient introduits dans la maison familiale.
A dix heures, chacun se précipite et est déçu, vieux stock et tout venant.
Je fais comme les autres, je mets dans mon sac ce qui pourrait peut-être m’intéresser, puis quand j’ai bien fait le tour repose tout ça sur une table afin de savoir si je garde ou non. Je remets en place presque tout, ne gardant qu’un livre : l’édition Flammarion de Ma philosophie de A à B et vice versa d’Andy Warhol. Celle à qui je paie me l’annonce à un euro bien qu’il soit marqué deux.
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Sur l’affichette de trottoir de Paris Normandie : « Foire Saint Romain, des caravanes mais pas de manèges ». En effet, les forains ont fait de l’esplanade Saint-Gervais (presqu’île de Waddington) un parquigne pour leurs caravanes (qui devraient être garées ailleurs). Leurs manèges sont en périphérie de Rouen. Ils veulent toujours aller les installer sur les quais bas rive gauche rendus impraticables par la Mairie, mais pas impossible qu’on les retrouve ailleurs, sur les quais bas rive droite où, il y a plusieurs semaines, ils sont venus prendre des mesures (au sens propre). Cela risque de chauffer à Rouen prochainement.
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La triste nouvelle du jour : la mort de Leny Escudero qui vivait à Giverny et dont les chansonnettes ont accompagné ma préadolescence. Je l’ai vu plus tard lors d’un concert assez ennuyeux à la Salle des Fêtes de Louviers dans les années soixante-dix. A cette époque, il interprétait des chansons engagées (comme on disait) et ne voulait plus entendre parler de ses succès des années soixante. Il les rechantera bien plus tard lors de la consternante tournée « Age tendre et tête de bois ».
Leny Escudero était fils de réfugiés politiques espagnols, ayant vu à quatre ans sa mère tuer à coups de fusil les deux soldats franquistes qui s’étaient introduits dans la maison familiale.
9 octobre 2015
Le train qui m’emmène à Paris ce mercredi est le sept heures vingt-huit, une bétaillère à étage utilisée en majorité par celles et ceux qui travaillent dans la capitale. Peu avant Saint-Lazare je consulte mon plan de métro afin de me rapprocher de l’expo Warhol. Ma voisine de droite me dit qu’elle doit se rendre rue de Lübeck et qu’on lui a dit qu’elle devait prendre la Neuf et descendre à Iéna. « C’est aussi ce que je vais faire » lui dis-je. Un sourire illumine son visage (comme disent certains romanciers), Elle n’est jamais venue à Paris autrement qu’en voiture conduite par son mari, n’a pas de plan, pas de téléphone, ne sait pas comment prendre le métro. Est-ce que je peux l’accompagner jusque là-bas où elle doit être à neuf heures pour consulter un spécialiste. J’accepte et lui apprends qu’on ne pourra pas être sur place à l’heure dite, d’autant qu’elle n’a pas de ticket. Je n’en ai qu’un. Ma voisine de gauche s’offre à lui en vendre un. Elle aussi prend la Neuf, jusqu’à Franklin-Roosevelt. Une femme de devant lui explique comment trouver la rue de Lübeck.
-C’est plus simple quand je viens à Paris avec mon mari mais il faut bien que j’apprenne à me débrouiller toute seule, dit-elle alors que nous sommes trois à la chaperonner.
L’escalier mécanique est embouteillé, les couloirs encombrés, le colimaçon de la Quatorze congestionné. Lorsque nous arrivons au métro Neuf la première rame est tant pleine qu’on ne peut y monter. Des employés à gilet orange y poussent les derniers entrés (plus doucement qu’au Japon) et ferment les portes manuellement. Cette néophyte a choisi le bon moment pour se faire du métro de Paris le souvenir le plus noir. « J’y serais jamais arrivée toute seule. », convient-elle.
A l’arrivée à Iéna il est neuf heures et quart. Je lui demande si elle se souvient de l’explication pour trouver la rue de Lübeck. Elle l’a oubliée. « Je vais me renseigner », dit-elle en me remerciant et filant.
Je viens d’épuiser ma réserve de sociabilité de tout le mois d’octobre, ce qui me rend mal aimable auprès d’une femme qui semble ne pas voir où se situent les barrières matérialisant la file d’attente de l’expo Warhol Unlimited.
Sorti du Musée d’Art Moderne, je prends le métro jusqu’à la Bastille et ne suis pas surpris d’arriver à midi pile Chez Céleste. Le temps me permet d’y déjeuner en terrasse : accras de morue, mafé de bœuf, quart de vin rouge, prix habituel. A l’heure où je paie décolle un avion pour le Japon.
Chez Book-Off, la clientèle de l’après-midi est sur les nerfs. Plusieurs disputes ont lieu entre voisins de rayonnage convoitant le même genre de livres.
-Je suis handicapé, crie l’un à un autre lui ayant demandé brutalement de se pousser. Si vous voulez, vous pouvez me frapper, ajoute-t-il en gémissant.
Cette répartie a pour effet de culpabiliser l’énervé qui se répand en excuses. Bientôt ces deux-là sont bons amis.
Je quitte les lieux avec moins de livres que lorsque j’y suis plus tôt, mais me rattrape en fin d’après-midi au deuxième magasin.
Mon dernier café est Chez Léon, où coïncidence se trouve une journaliste japonaise en reportage.
-On est un authentique bistrot à la française, lui explique le patron.
Elle reviendra prochainement pour faire des photos, dont l’une de la vieille mère toujours là à essuyer les verres et qui n’est pas d’accord.
Au comptoir, on se demande pourquoi elles sont en grève les poubelles. Les trottoirs des rues du quartier sont encombrés. Conteneurs débordants et montagnes de sacs plastiques font rempart devant les terrasses de la concurrence.
*
Eboueurs : une des professions qui dans le langage courant prend pour nom l’objet qui motive son existence.
-C’est plus simple quand je viens à Paris avec mon mari mais il faut bien que j’apprenne à me débrouiller toute seule, dit-elle alors que nous sommes trois à la chaperonner.
L’escalier mécanique est embouteillé, les couloirs encombrés, le colimaçon de la Quatorze congestionné. Lorsque nous arrivons au métro Neuf la première rame est tant pleine qu’on ne peut y monter. Des employés à gilet orange y poussent les derniers entrés (plus doucement qu’au Japon) et ferment les portes manuellement. Cette néophyte a choisi le bon moment pour se faire du métro de Paris le souvenir le plus noir. « J’y serais jamais arrivée toute seule. », convient-elle.
A l’arrivée à Iéna il est neuf heures et quart. Je lui demande si elle se souvient de l’explication pour trouver la rue de Lübeck. Elle l’a oubliée. « Je vais me renseigner », dit-elle en me remerciant et filant.
Je viens d’épuiser ma réserve de sociabilité de tout le mois d’octobre, ce qui me rend mal aimable auprès d’une femme qui semble ne pas voir où se situent les barrières matérialisant la file d’attente de l’expo Warhol Unlimited.
Sorti du Musée d’Art Moderne, je prends le métro jusqu’à la Bastille et ne suis pas surpris d’arriver à midi pile Chez Céleste. Le temps me permet d’y déjeuner en terrasse : accras de morue, mafé de bœuf, quart de vin rouge, prix habituel. A l’heure où je paie décolle un avion pour le Japon.
Chez Book-Off, la clientèle de l’après-midi est sur les nerfs. Plusieurs disputes ont lieu entre voisins de rayonnage convoitant le même genre de livres.
-Je suis handicapé, crie l’un à un autre lui ayant demandé brutalement de se pousser. Si vous voulez, vous pouvez me frapper, ajoute-t-il en gémissant.
Cette répartie a pour effet de culpabiliser l’énervé qui se répand en excuses. Bientôt ces deux-là sont bons amis.
Je quitte les lieux avec moins de livres que lorsque j’y suis plus tôt, mais me rattrape en fin d’après-midi au deuxième magasin.
Mon dernier café est Chez Léon, où coïncidence se trouve une journaliste japonaise en reportage.
-On est un authentique bistrot à la française, lui explique le patron.
Elle reviendra prochainement pour faire des photos, dont l’une de la vieille mère toujours là à essuyer les verres et qui n’est pas d’accord.
Au comptoir, on se demande pourquoi elles sont en grève les poubelles. Les trottoirs des rues du quartier sont encombrés. Conteneurs débordants et montagnes de sacs plastiques font rempart devant les terrasses de la concurrence.
*
Eboueurs : une des professions qui dans le langage courant prend pour nom l’objet qui motive son existence.
8 octobre 2015
Dix minutes seul (avec les trois gardiens assis sur leur chaise) dans l’immense salle en angle droit courbe (si je puis dire) où sont accrochées l’une contre l’autre les cent deux parties de Shadows, l’œuvre « hors norme » d’Andy Warhol « jamais montrée en Europe dans son intégralité », c’est le privilège que je m’offre ce mercredi matin, trois ans après ma visite de The Andy Warhol Museum de Pittsburgh (sa ville natale) en compagnie de celle à qui je pense fort car elle s’envole ce même jour pour Tokyo afin d’éclairer l’exposition du grand architecte américain.
Pour ce faire, j’ai laissé dans les premières salles de l’exposition Warhol Unlimited celles et ceux entrés en même temps que moi au Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris, à dix heures passées, après que France Inter qui y faisait émission et visite privée a eu replié ses calicots et remballé ses dernières caisses de limonade.
Cette promenade dans l’univers coloré et répétitif d’Andy est des plus agréables. Quand me rejoignent d’autres, je rebrousse et vais de série en série : soupes fleurs autoportraits chaises électriques vaches Jackie Mao, choses connues présentées en quantité limitées. Une salle est consacrée aux Screen Tests, ces films courts offrant des célébrités à la vénération, parmi lesquelles Marcel Duchamp. On y voit aussi le pornographique Mario Banana devant lequel passent, sans y voir autre chose qu’une anodine gourmandise, des moutards et une institutrice stressée « Chut chut, qu’est-ce qu’on a dit » cornaqués par un guide à tête d’artiste. Une autre classe erre plus loin. Warhol serait-il un artiste pour enfant ? Beaucoup d’aspects de son œuvre prouvant le contraire ne sont pas montrés ici.
L’aventure avec le Velvet Underground est évoquée dans un couloir par des fac-similés, des photos et quelques citations de la critique d’alors : « C’est un spectacle vulgaire et de mauvais goût qui n’aurait jamais dû voir le jour. » (Hotline, mai soixante-six), « Le Velvet Underground devrait retourner sous terre et répéter. » (The Beat, même date). A quoi Warhol répondait dans le Detroit Magazine de janvier soixante-sept : « S’ils supportent dix minutes, on joue quinze. Notre politique, c’est qu’ils n’en redemandent jamais. »
Peu prennent le temps de lire ça. La plupart ne s’intéressent qu’aux images colorées.
-Je trouve ça joli moi, je connaissais pas du tout, déclare un quinquagénaire à la femme qui l’accompagne.
Je repasse par la salle Shadows, maintenant partagée avec beaucoup mais pas trop, puis franchis le rideau de sortie, suivi du guide à tête d’artiste ayant terminé sa prestation. « Le zoo », dit-il à un employé du Musée qu’il croise.
Une heure m’a suffi pour tout voir et revoir. Il manque là de nombreux aspects du travail d’Andy Warhol, notamment les portraits de personnes connues, ou inconnues mais riches, qu’il faisait dans les années quatre-vingt afin de faire face aux besoins financiers de sa ruche. En revanche, à la sortie, on peut se faire tirer le portrait « à la manière de » moyennant argent glissé dans une fente. Un certain nombre de quidams s’y laissent prendre.
Pour ce faire, j’ai laissé dans les premières salles de l’exposition Warhol Unlimited celles et ceux entrés en même temps que moi au Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris, à dix heures passées, après que France Inter qui y faisait émission et visite privée a eu replié ses calicots et remballé ses dernières caisses de limonade.
Cette promenade dans l’univers coloré et répétitif d’Andy est des plus agréables. Quand me rejoignent d’autres, je rebrousse et vais de série en série : soupes fleurs autoportraits chaises électriques vaches Jackie Mao, choses connues présentées en quantité limitées. Une salle est consacrée aux Screen Tests, ces films courts offrant des célébrités à la vénération, parmi lesquelles Marcel Duchamp. On y voit aussi le pornographique Mario Banana devant lequel passent, sans y voir autre chose qu’une anodine gourmandise, des moutards et une institutrice stressée « Chut chut, qu’est-ce qu’on a dit » cornaqués par un guide à tête d’artiste. Une autre classe erre plus loin. Warhol serait-il un artiste pour enfant ? Beaucoup d’aspects de son œuvre prouvant le contraire ne sont pas montrés ici.
L’aventure avec le Velvet Underground est évoquée dans un couloir par des fac-similés, des photos et quelques citations de la critique d’alors : « C’est un spectacle vulgaire et de mauvais goût qui n’aurait jamais dû voir le jour. » (Hotline, mai soixante-six), « Le Velvet Underground devrait retourner sous terre et répéter. » (The Beat, même date). A quoi Warhol répondait dans le Detroit Magazine de janvier soixante-sept : « S’ils supportent dix minutes, on joue quinze. Notre politique, c’est qu’ils n’en redemandent jamais. »
Peu prennent le temps de lire ça. La plupart ne s’intéressent qu’aux images colorées.
-Je trouve ça joli moi, je connaissais pas du tout, déclare un quinquagénaire à la femme qui l’accompagne.
Je repasse par la salle Shadows, maintenant partagée avec beaucoup mais pas trop, puis franchis le rideau de sortie, suivi du guide à tête d’artiste ayant terminé sa prestation. « Le zoo », dit-il à un employé du Musée qu’il croise.
Une heure m’a suffi pour tout voir et revoir. Il manque là de nombreux aspects du travail d’Andy Warhol, notamment les portraits de personnes connues, ou inconnues mais riches, qu’il faisait dans les années quatre-vingt afin de faire face aux besoins financiers de sa ruche. En revanche, à la sortie, on peut se faire tirer le portrait « à la manière de » moyennant argent glissé dans une fente. Un certain nombre de quidams s’y laissent prendre.
7 octobre 2015
En raison de la tacite reconduction de mon abonnement Entrée Plus à l’Opéra de Rouen (ouvrant droit pour vingt-sept euros par mois à la totalité des spectacles donnés au Théâtre des Arts ou ailleurs, sauf à ceux de la Chapelle Corneille), m’y voici de retour ce dimanche à seize heures cherchant comment faire avec mes genoux, coincé que je suis au dernier rang de l’orchestre entre un type à tics et une femme à toux.
J’oublie assez vite ces désagréments grâce à la musique de Donizetti dont on donne Lucia di Lammermoor, l’opéra grâce auquel, dans le roman de Flaubert, Emma Bovary, accompagnée de son stupide mari, rencontre son futur amant Léon, au Théâtre des Arts d’alors, au temps où l’on francisait le titre des opéras étrangers et le nom des personnages.
Le rôle titre est confié à Venera Gimadieva, talentueuse soprano russe, un total plaisir pour les oreilles et pour les yeux. A ses côtés, dans le rôle d’Edgardo, le ténor kosovar Rame Lahaj est très bien. Les autres solistes tiennent leur rang. Certes, les choristes sont un peu ternes et statiques, le décor se résume à une sorte de forteresse pivotante et à des voilages, la mise en scène est davantage une mise en espace, les costumes semblent avoir été trouvés dans les réserves, mais qu’importe, Venera Gimadieva est souvent en scène et je peux bovaryser à mon aise.
-Ça chante bien, entends-je à l’entracte.
Des branlotin(e)s en groupe, surveillé(e)s par quelques bourgeois de la ville, ont droit à une orangeade dans un recoin, derrière une plante verte. Je suspecte une organisation de scoutisme.
Au troisième acte, je retrouve avec joie Venera Gimadieva, parfaite pendant l’air de la folie dans sa robe blanche ensanglantée.
Elle a droit à un triomphe à l’issue. C’est un beau succès pour Rame Lahaj. Les autres solistes ainsi que le Chœur sont bien applaudis. Le Maestro Antonello Allemandi n’est pas oublié, ni l’Orchestre. Je ne regrette pas ma tacite reconduction.
*
La salle commençait à se remplir, on tirait les lorgnettes de leurs étuis, et les abonnés, s’apercevant de loin, se faisaient des salutations. Ils venaient se délasser dans les beaux-arts des inquiétudes de la vente ; mais, n’oubliant point les affaires, ils causaient encore cotons, trois-six ou indigo. On voyait là des têtes de vieux, inexpressives et pacifiques, et qui, blanchâtres de chevelure et de teint, ressemblaient à des médailles d’argent ternies par une vapeur de plomb. Les jeunes beaux se pavanaient au parquet, étalant, dans l’ouverture de leur gilet, leur cravate rose ou vert pomme ; et madame Bovary les admirait d’en haut, appuyant sur des badines à pomme d’or la paume tendue de leurs gants jaunes. (Gustave Flaubert Madame Bovary)
*
Malgré les explications d’Emma, dès le duo récitatif où Gilbert expose à son maître Ashton ses abominables manœuvres, Charles, en voyant le faux anneau de fiançailles qui doit abuser Lucie, crut que c’était un souvenir d’amour envoyé par Edgar. Il avouait, du reste, ne pas comprendre l’histoire, – à cause de la musique – qui nuisait beaucoup aux paroles.
-Qu’importe ? dit Emma ; tais-toi ! (idem)
J’oublie assez vite ces désagréments grâce à la musique de Donizetti dont on donne Lucia di Lammermoor, l’opéra grâce auquel, dans le roman de Flaubert, Emma Bovary, accompagnée de son stupide mari, rencontre son futur amant Léon, au Théâtre des Arts d’alors, au temps où l’on francisait le titre des opéras étrangers et le nom des personnages.
Le rôle titre est confié à Venera Gimadieva, talentueuse soprano russe, un total plaisir pour les oreilles et pour les yeux. A ses côtés, dans le rôle d’Edgardo, le ténor kosovar Rame Lahaj est très bien. Les autres solistes tiennent leur rang. Certes, les choristes sont un peu ternes et statiques, le décor se résume à une sorte de forteresse pivotante et à des voilages, la mise en scène est davantage une mise en espace, les costumes semblent avoir été trouvés dans les réserves, mais qu’importe, Venera Gimadieva est souvent en scène et je peux bovaryser à mon aise.
-Ça chante bien, entends-je à l’entracte.
Des branlotin(e)s en groupe, surveillé(e)s par quelques bourgeois de la ville, ont droit à une orangeade dans un recoin, derrière une plante verte. Je suspecte une organisation de scoutisme.
Au troisième acte, je retrouve avec joie Venera Gimadieva, parfaite pendant l’air de la folie dans sa robe blanche ensanglantée.
Elle a droit à un triomphe à l’issue. C’est un beau succès pour Rame Lahaj. Les autres solistes ainsi que le Chœur sont bien applaudis. Le Maestro Antonello Allemandi n’est pas oublié, ni l’Orchestre. Je ne regrette pas ma tacite reconduction.
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La salle commençait à se remplir, on tirait les lorgnettes de leurs étuis, et les abonnés, s’apercevant de loin, se faisaient des salutations. Ils venaient se délasser dans les beaux-arts des inquiétudes de la vente ; mais, n’oubliant point les affaires, ils causaient encore cotons, trois-six ou indigo. On voyait là des têtes de vieux, inexpressives et pacifiques, et qui, blanchâtres de chevelure et de teint, ressemblaient à des médailles d’argent ternies par une vapeur de plomb. Les jeunes beaux se pavanaient au parquet, étalant, dans l’ouverture de leur gilet, leur cravate rose ou vert pomme ; et madame Bovary les admirait d’en haut, appuyant sur des badines à pomme d’or la paume tendue de leurs gants jaunes. (Gustave Flaubert Madame Bovary)
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Malgré les explications d’Emma, dès le duo récitatif où Gilbert expose à son maître Ashton ses abominables manœuvres, Charles, en voyant le faux anneau de fiançailles qui doit abuser Lucie, crut que c’était un souvenir d’amour envoyé par Edgar. Il avouait, du reste, ne pas comprendre l’histoire, – à cause de la musique – qui nuisait beaucoup aux paroles.
-Qu’importe ? dit Emma ; tais-toi ! (idem)
6 octobre 2015
C’est dans un brouillard automnal cachant le haut de l’Abbatiale Saint-Ouen que se lève le jour à Rouen ce dimanche. Place de la Rougemare, on s’affaire à l’installation du vide grenier annuel. L’exiguïté du lieu entraîne l’énervement de certains vendeurs, dont un qui reste le pouce bloqué sur le claque-son de sa voiture. Une certaine fébrilité règne également chez ceux qui s’appellent entre eux des chineurs car l’année avance ; c’est bientôt la fin des vide greniers où ils pratiquent concurremment la chine (comme ils disent).
Ici je vois des livres chez une majorité de vendeurs et vendeuses, en achète quelques-uns dont une édition que j’ignorais d’Au Bon Beurre de Jean Dutourd. Cette évocation de la vie assez peu glorieuse des Français(e)s sous l’Occupation est illustrée par Philippe Dumas et parue à L’Ecole des Loisirs.
Sur le rabat de la couverture Philippe Dumas explique qu’Au Bon Beurre est le premier livre pour adulte qu’il ait lu, à l âge de quatorze ans. « Ses pages ne racontaient pas d’histoires, elles racontaient mon histoire, celle que j’avais vécue à ma modeste place d’enfant. ». Ses images datent de deux mille huit, le texte de mil neuf cent cinquante-deux. Je doute que le jeune homme qui le vend l’ait lu. Le prix neuf (vingt-deux euros) est caché par une gommette rouge. Je suppute un cadeau de grand-mère. « Trois euros », me dit-il. J’essaie deux mais il se braque. Je m’exécute.
Je repasse en début d’après-midi, trouve à nouveau de quoi me plaire : Catharsis, le livre exutoire de Luz, dessinateur à Charlie Hebdo. L’ouvrage publié chez Futuropolis en mai deux mille quinze est orné d’une étiquette marquée sept euros, moitié du prix neuf. Une aimable dame me le laisse pour six euros, précisant qu’elle ne peut pas le faire à moins, ce n’est pas le sien.
*
« Chineur », « chiner », « la chine », mots que jamais je ne dis, ni n’écris. Je déteste le jargon de tribu.
*
Ce temps frais et humide fait ressortir les vestes et manteaux en rôti de porc (ou pneus cousus, c’est comme on veut). Cette mode semble prête à faire une deuxième saison. Voilà qui va réjouir les Pompiers et les Policiers de la Brigade Fluviale de Paris. Récemment, dans un documentaire diffusé sur France Culture, l’un d’eux expliquait que ces vêtements font office de gilets de sauvetage quand quelqu’un(e) tombe dans la Seine volontairement ou non. Grâce à ça, certain(e)s s’en tirent.
Lors de cette émission, j’ai aussi appris qu’un corps flotte plus ou moins quand il y a encore de l’air dans les poumons. Quand ceux-ci se remplissent d’eau, il tombe au fond comme une pierre. Dix jours plus tard, commençant à se décomposer, des poches de gaz s’y forment. Il remonte alors à la surface. Plus qu’à le repêcher.
Ici je vois des livres chez une majorité de vendeurs et vendeuses, en achète quelques-uns dont une édition que j’ignorais d’Au Bon Beurre de Jean Dutourd. Cette évocation de la vie assez peu glorieuse des Français(e)s sous l’Occupation est illustrée par Philippe Dumas et parue à L’Ecole des Loisirs.
Sur le rabat de la couverture Philippe Dumas explique qu’Au Bon Beurre est le premier livre pour adulte qu’il ait lu, à l âge de quatorze ans. « Ses pages ne racontaient pas d’histoires, elles racontaient mon histoire, celle que j’avais vécue à ma modeste place d’enfant. ». Ses images datent de deux mille huit, le texte de mil neuf cent cinquante-deux. Je doute que le jeune homme qui le vend l’ait lu. Le prix neuf (vingt-deux euros) est caché par une gommette rouge. Je suppute un cadeau de grand-mère. « Trois euros », me dit-il. J’essaie deux mais il se braque. Je m’exécute.
Je repasse en début d’après-midi, trouve à nouveau de quoi me plaire : Catharsis, le livre exutoire de Luz, dessinateur à Charlie Hebdo. L’ouvrage publié chez Futuropolis en mai deux mille quinze est orné d’une étiquette marquée sept euros, moitié du prix neuf. Une aimable dame me le laisse pour six euros, précisant qu’elle ne peut pas le faire à moins, ce n’est pas le sien.
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« Chineur », « chiner », « la chine », mots que jamais je ne dis, ni n’écris. Je déteste le jargon de tribu.
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Ce temps frais et humide fait ressortir les vestes et manteaux en rôti de porc (ou pneus cousus, c’est comme on veut). Cette mode semble prête à faire une deuxième saison. Voilà qui va réjouir les Pompiers et les Policiers de la Brigade Fluviale de Paris. Récemment, dans un documentaire diffusé sur France Culture, l’un d’eux expliquait que ces vêtements font office de gilets de sauvetage quand quelqu’un(e) tombe dans la Seine volontairement ou non. Grâce à ça, certain(e)s s’en tirent.
Lors de cette émission, j’ai aussi appris qu’un corps flotte plus ou moins quand il y a encore de l’air dans les poumons. Quand ceux-ci se remplissent d’eau, il tombe au fond comme une pierre. Dix jours plus tard, commençant à se décomposer, des poches de gaz s’y forment. Il remonte alors à la surface. Plus qu’à le repêcher.
5 octobre 2015
Jabran Productions, association sise à l’Ubi, aide des jeunes gens à faire leurs débuts dans le cinéma. Trois courts-métrages issus de cette pépinière sont présentés gratuitement ce samedi en fin d’après-midi à l’Omnia et j’y suis assis au milieu du dernier rang de la salle numéro trois (treize rangées de treize fauteuils déglingués et couinants). Il y a pas mal de monde.
Jonathan Slimak présente sobrement la réalisatrice et les deux réalisateurs avec qui il sera loisible de parler après la séance lors d’un coquetèle à l’Ubi « juste à côté ».
Une vieille dont la maison est meublée avec les rebuts d’Emmaüs est atteinte de la maladie d’Alzheimer. Sa fille et son gendre s’inquiètent. La situation est convenue et les personnages caricaturaux, mais le plus grave, c’est l’absence d’écriture cinématographique. Les cadrages sont basiques, les plans se suivent sans invention, cela en absence de rythme. On se croirait dans un téléfilm des années quatre-vingt. Ce film assis servira à introduire un débat sur le sujet à la Maison des Aînés, j’en ai peur.
Un vieux vit solitaire et triste. Sa fille passe rapidement et à contrecœur chaque semaine lui remplir le réfrigérateur. La situation est on ne peut plus conventionnelle. Les propos que tient la fille à son père en témoignent. Le jeu des acteurs est épais, sans la moindre nuance. Celui qui fait le vieux, fringant et vif quand il fait le faux grand-père du voisin à la demande de ce dernier, joue forcément voûté avec l’air déprimé quand il redevient l’homme seul vivant avec son chat. Là aussi le décor est gratiné. Au moins il y a une histoire, peu plausible certes. Elle aurait pu être traitée d’une façon moins inoffensive, avec du nerf, de meilleurs enchaînements, et un peu de style.
Quelques étudiant(e)s peu crédibles font face à un prof de psycho étrange dans un vieil amphithéâtre, lequel prof s’avère être un malade mental testé par on ne sait quelle institution. Là aussi, c’est filmé à l’ancienne. Les effets sont appuyés, les mimiques des étudiant(e)s grossières. L’intérêt de l’histoire m’échappe.
Je n’applaudis pas ce jeune cinéma besogneux, qui ne remet rien en cause, ni dans le fond, ni dans la forme. Comment peut-on débuter cinquante ans après Jules et Jim, Pierrot le Fou et Ma nuit chez Maud en faisant des films si poussiéreux, c’est la question que je me pose en me levant. Qu’en pensent les autres, qui la plupart ont applaudi, je ne sais, nul ne s’exprime dans mon voisinage.
Je me rends à l’Ubi comme une partie des spectatrices et spectateurs.
-On va les faire boire, me dit Jonathan, comme ça ils vont dire du bien des films.
-Il va falloir me faire boire beaucoup, lui dis-je.
Je lui dis que j’ai détesté le premier et pas aimé les deux autres, ce qui ne lui fait pas plaisir même s’il ne le montre pas. Je n’aime pas cette situation, j’aurais dû ne pas y aller, mais j’étais loin de m’attendre à ça. Mon verre de vin blanc bu et ma verrine thon avocat dégustée, je ne reste pas davantage.
*
Pas envie qu’en tapant chez Gougueule le nom de la réalisatrice et des réalisateurs, on tombe sur ce que je pense de leur premier court-métrage, pas envie de leur nuire, ce pourquoi je ne les nomme pas, ni les titres des films.
*
Le Boléro de Maurice Ravel serait répétitif parce que le compositeur aurait été atteint de la maladie d’Alzheimer. Première fois que j’entends ça. C’est dans le premier film. Le gendre faisant tourner ce vinyle pour tester la belle-mère.
Recherche faite, un obscur psychiatre anglais aurait émis cette théorie fumeuse en mil neuf cent quatre-vingt-dix-sept. Il ne semble pas s’être penché sur les cas de Philip Glass et de Steve Reich.
Jonathan Slimak présente sobrement la réalisatrice et les deux réalisateurs avec qui il sera loisible de parler après la séance lors d’un coquetèle à l’Ubi « juste à côté ».
Une vieille dont la maison est meublée avec les rebuts d’Emmaüs est atteinte de la maladie d’Alzheimer. Sa fille et son gendre s’inquiètent. La situation est convenue et les personnages caricaturaux, mais le plus grave, c’est l’absence d’écriture cinématographique. Les cadrages sont basiques, les plans se suivent sans invention, cela en absence de rythme. On se croirait dans un téléfilm des années quatre-vingt. Ce film assis servira à introduire un débat sur le sujet à la Maison des Aînés, j’en ai peur.
Un vieux vit solitaire et triste. Sa fille passe rapidement et à contrecœur chaque semaine lui remplir le réfrigérateur. La situation est on ne peut plus conventionnelle. Les propos que tient la fille à son père en témoignent. Le jeu des acteurs est épais, sans la moindre nuance. Celui qui fait le vieux, fringant et vif quand il fait le faux grand-père du voisin à la demande de ce dernier, joue forcément voûté avec l’air déprimé quand il redevient l’homme seul vivant avec son chat. Là aussi le décor est gratiné. Au moins il y a une histoire, peu plausible certes. Elle aurait pu être traitée d’une façon moins inoffensive, avec du nerf, de meilleurs enchaînements, et un peu de style.
Quelques étudiant(e)s peu crédibles font face à un prof de psycho étrange dans un vieil amphithéâtre, lequel prof s’avère être un malade mental testé par on ne sait quelle institution. Là aussi, c’est filmé à l’ancienne. Les effets sont appuyés, les mimiques des étudiant(e)s grossières. L’intérêt de l’histoire m’échappe.
Je n’applaudis pas ce jeune cinéma besogneux, qui ne remet rien en cause, ni dans le fond, ni dans la forme. Comment peut-on débuter cinquante ans après Jules et Jim, Pierrot le Fou et Ma nuit chez Maud en faisant des films si poussiéreux, c’est la question que je me pose en me levant. Qu’en pensent les autres, qui la plupart ont applaudi, je ne sais, nul ne s’exprime dans mon voisinage.
Je me rends à l’Ubi comme une partie des spectatrices et spectateurs.
-On va les faire boire, me dit Jonathan, comme ça ils vont dire du bien des films.
-Il va falloir me faire boire beaucoup, lui dis-je.
Je lui dis que j’ai détesté le premier et pas aimé les deux autres, ce qui ne lui fait pas plaisir même s’il ne le montre pas. Je n’aime pas cette situation, j’aurais dû ne pas y aller, mais j’étais loin de m’attendre à ça. Mon verre de vin blanc bu et ma verrine thon avocat dégustée, je ne reste pas davantage.
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Pas envie qu’en tapant chez Gougueule le nom de la réalisatrice et des réalisateurs, on tombe sur ce que je pense de leur premier court-métrage, pas envie de leur nuire, ce pourquoi je ne les nomme pas, ni les titres des films.
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Le Boléro de Maurice Ravel serait répétitif parce que le compositeur aurait été atteint de la maladie d’Alzheimer. Première fois que j’entends ça. C’est dans le premier film. Le gendre faisant tourner ce vinyle pour tester la belle-mère.
Recherche faite, un obscur psychiatre anglais aurait émis cette théorie fumeuse en mil neuf cent quatre-vingt-dix-sept. Il ne semble pas s’être penché sur les cas de Philip Glass et de Steve Reich.
3 octobre 2015
Le Kalif (école de musique, salles de répétitions et de concerts), situé à la frontière entre Rouen et Darnétal, fête Jean-Pierre Turmel et son label Sordide Sentimental par une exposition dont c’est le vernissage ce vendredi soir, lequel sera suivi de concerts (Grrzz, Steeple Remove, Valeskja Vaclav et Paul Grémare).
J’en prends donc le chemin en fin d’après-midi et m’arrête au passage à la Conjuration des Fourneaux. La porte automatique est cassée. Je l’ouvre manuellement comme il est indiqué sur l’affiche et ne trouve personne à l’intérieur. On s’agite à l’étage en cuisine mais je me garde d’aller déranger. J’attends un peu et arrivent deux jeunes hommes. J’achète à l’un cinq tickets de la tombola qu’organise Le Diable au Corps afin de financer l’ouverture d’un local comprenant bibliothèque idéale, massage shiatsu, collectif de santé mentale, enregistrement d’émissions de radio, atelier d’impression, etc. Le tirage est à dix-huit heures mais je n’attends pas et poursuis mon chemin.
Contournant la clinique Saint-Hilaire, je rejoins le sentier des Petites Eaux du Robec. Devant le numéro quatorze, en contrebas dans un pré, se déroule le Petit Evènement Bucolique organisé par je ne sais qui (lectures de textes, concerts divers). J’y aperçois une jeune femme lisant devant un maigre auditoire et n’ai pas envie de m’approcher.
J’avance donc, passe devant l’Auberge de Jeunesse (ancienne teinturerie Auvray), puis l’ancien moulin des Dames de Saint-Amand dont la roue tourne, le magasin Lideule où autrefois je venais faire pédestrement des courses et m’assois sur le banc près du four à pain de la Pannevert observant une jeune femme qui joue avec son chien.
Quinze minutes avant l’heure officielle du vernissage, je rejoins la route, frôle l’entrée du tunnel de la Grand-Mare et arrive au Kalif que j’ai fréquenté une année pour ses concerts gratuits mensuels (plus eu envie ensuite). L’un des groupes de la soirée y règle sa balance. Le son est tellement fort qu’il me repousse sur le parquigne. Bientôt, je vois arriver Jean-Pierre. Il se gare dans le sens du départ.
Après m’avoir dit bonjour, il va s’entretenir avec les gens de la maison. Quand la musique cesse je fais le tour de l’exposition. Elle est chronologique, du One Shot du début des années soixante-dix consacré à la science-fiction, que je lui avais acheté après être entré en contact avec lui par lettre, au numéro hors série du journal Paraître de l’Ecole des Beaux-Arts de Rouen « conçu par Rainier Lericolais en collaboration avec Jean-Pierre Turmel » à la suite d’une exposition du plasticien et musicien pour laquelle j’avais aidé à la mise en relation des deux hommes en deux mille dix.
Entre les deux sont montrés des documents relatifs aux productions du label fondé en soixante-dix-huit et qui édita Throbbing Gristle (Genesis P-Orridge, Cosey Fanni Tutti), Joy Division (Ian Curtis), Billy Synth (& Half Japanese), The Bizarros (Nick Nicholis), Ptose, Durutti Column (Vini Reilly), Tuxedomoon (Steven Brown), Blameless Act, Monte Cazazza, Ludus (Linder), Savage Republic, Psychic TV, Problemist, Digital Sex (Steve Sheehan), Davie Allan & The Arrows, Sin City Disciples, Yan Vagh Weinmann, Martyn Bates (Eyeless In Gaza), UNACD, Private Circus (Scott Macleay), Rosa Crux (Olivier Tarabo), Krackhouse, Circle X, Quattrophage, Steeple Remove, Grrzzz, The Red Krayola (Mayo Thompson), Bruce Licher, Tempsion (Frédéric Temps), Jean-François Jamoul et Thee Majesty (Breyer P-Orridge).
Me retiennent les dessins de Loulou Picasso et les textes d’accompagnement d’où je tire ceci : « Mayo Thompson est à mes yeux un adepte de la déception pure considérée en tant que pédagogie. »
Je m’offre un verre de vin blanc et vais le boire sur la terrasse d’où j’ai belle vue sur les maisons de la colline d’en face (dont un parallélépipède rouge) avec en fond sonore la musique simplette et les cris de la cheftaine du cleube de fitness d’à côté, cependant que le soleil décline.
Rentré, je trouve parmi les présents quelques connaissances à qui je montre, cachée dans une liasse suspendue à une ficelle, la photo d’un Jean-Pierre Turmel à cheveux longs. C’était en soixante-treize. « Ah oui ! », me disent-ils.
N’ayant pas envie des concerts, je rejoins la route de Darnétal. C’est toujours plus long au retour.
*
Sur un mur de ciment gris, près du Kalif, en écriture cursive : « Je ne pourrai dire qu’une fois sans mentir « je meurs » Edouard Levé ».
Je me demande si Edouard Levé a pensé à ça et l’a dit le lundi quinze octobre deux mille sept quand il s’est suicidé.
J’en prends donc le chemin en fin d’après-midi et m’arrête au passage à la Conjuration des Fourneaux. La porte automatique est cassée. Je l’ouvre manuellement comme il est indiqué sur l’affiche et ne trouve personne à l’intérieur. On s’agite à l’étage en cuisine mais je me garde d’aller déranger. J’attends un peu et arrivent deux jeunes hommes. J’achète à l’un cinq tickets de la tombola qu’organise Le Diable au Corps afin de financer l’ouverture d’un local comprenant bibliothèque idéale, massage shiatsu, collectif de santé mentale, enregistrement d’émissions de radio, atelier d’impression, etc. Le tirage est à dix-huit heures mais je n’attends pas et poursuis mon chemin.
Contournant la clinique Saint-Hilaire, je rejoins le sentier des Petites Eaux du Robec. Devant le numéro quatorze, en contrebas dans un pré, se déroule le Petit Evènement Bucolique organisé par je ne sais qui (lectures de textes, concerts divers). J’y aperçois une jeune femme lisant devant un maigre auditoire et n’ai pas envie de m’approcher.
J’avance donc, passe devant l’Auberge de Jeunesse (ancienne teinturerie Auvray), puis l’ancien moulin des Dames de Saint-Amand dont la roue tourne, le magasin Lideule où autrefois je venais faire pédestrement des courses et m’assois sur le banc près du four à pain de la Pannevert observant une jeune femme qui joue avec son chien.
Quinze minutes avant l’heure officielle du vernissage, je rejoins la route, frôle l’entrée du tunnel de la Grand-Mare et arrive au Kalif que j’ai fréquenté une année pour ses concerts gratuits mensuels (plus eu envie ensuite). L’un des groupes de la soirée y règle sa balance. Le son est tellement fort qu’il me repousse sur le parquigne. Bientôt, je vois arriver Jean-Pierre. Il se gare dans le sens du départ.
Après m’avoir dit bonjour, il va s’entretenir avec les gens de la maison. Quand la musique cesse je fais le tour de l’exposition. Elle est chronologique, du One Shot du début des années soixante-dix consacré à la science-fiction, que je lui avais acheté après être entré en contact avec lui par lettre, au numéro hors série du journal Paraître de l’Ecole des Beaux-Arts de Rouen « conçu par Rainier Lericolais en collaboration avec Jean-Pierre Turmel » à la suite d’une exposition du plasticien et musicien pour laquelle j’avais aidé à la mise en relation des deux hommes en deux mille dix.
Entre les deux sont montrés des documents relatifs aux productions du label fondé en soixante-dix-huit et qui édita Throbbing Gristle (Genesis P-Orridge, Cosey Fanni Tutti), Joy Division (Ian Curtis), Billy Synth (& Half Japanese), The Bizarros (Nick Nicholis), Ptose, Durutti Column (Vini Reilly), Tuxedomoon (Steven Brown), Blameless Act, Monte Cazazza, Ludus (Linder), Savage Republic, Psychic TV, Problemist, Digital Sex (Steve Sheehan), Davie Allan & The Arrows, Sin City Disciples, Yan Vagh Weinmann, Martyn Bates (Eyeless In Gaza), UNACD, Private Circus (Scott Macleay), Rosa Crux (Olivier Tarabo), Krackhouse, Circle X, Quattrophage, Steeple Remove, Grrzzz, The Red Krayola (Mayo Thompson), Bruce Licher, Tempsion (Frédéric Temps), Jean-François Jamoul et Thee Majesty (Breyer P-Orridge).
Me retiennent les dessins de Loulou Picasso et les textes d’accompagnement d’où je tire ceci : « Mayo Thompson est à mes yeux un adepte de la déception pure considérée en tant que pédagogie. »
Je m’offre un verre de vin blanc et vais le boire sur la terrasse d’où j’ai belle vue sur les maisons de la colline d’en face (dont un parallélépipède rouge) avec en fond sonore la musique simplette et les cris de la cheftaine du cleube de fitness d’à côté, cependant que le soleil décline.
Rentré, je trouve parmi les présents quelques connaissances à qui je montre, cachée dans une liasse suspendue à une ficelle, la photo d’un Jean-Pierre Turmel à cheveux longs. C’était en soixante-treize. « Ah oui ! », me disent-ils.
N’ayant pas envie des concerts, je rejoins la route de Darnétal. C’est toujours plus long au retour.
*
Sur un mur de ciment gris, près du Kalif, en écriture cursive : « Je ne pourrai dire qu’une fois sans mentir « je meurs » Edouard Levé ».
Je me demande si Edouard Levé a pensé à ça et l’a dit le lundi quinze octobre deux mille sept quand il s’est suicidé.
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