Dernières notes
Loïc Boyer
Je suis l’auteur de textes courts qui furent publiés depuis mil neuf cent quatre-vingt-quinze dans des revues littéraires en France (Supérieur Inconnu, Supplément d’Ame, Nouvelle Donne, Le Bord de l’Eau, Pris de Peur, l’Art du Bref, Sol’Air, Gros Textes, Salmigondis, Verso, Décharge, Bulle, Filigranes, Diérèse, Martobre, Comme ça et Autrement, (Cahier d’) Ecritures, La Nef des Fous), en Belgique (Traversées, Ecrits Vains, L’Arbre à Plumes, Inédit Nouveau, Bleu d’Encre), au Canada (Les Saisons Littéraires) et en Italie (Les Cahiers du Ru).
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.
22 janvier 2018
Quand même, il faut bien sortir de chez soi en ce samedi pluvieux, alors pourquoi pas aller à la Bibliothèque des Capucins, sise dans l’ancienne grande chapelle du Couvent des Ursulines, où pour l’opération Nuit de la Lecture sont données à dix-huit heures (il fait nuit) des Lectures intimes par des élèves du Conservatoire de Rouen.
J’y arrive un peu tôt en même temps que deux dames. Il pleut dru. Un employé, de sortie, nous dit qu’on peut entrer par la petite porte latérale. On n’est pas du même avis à l’intérieur. Les deux dames ressortent docilement mais je m’incruste, assistant donc à la fin des répétitions.
Où sont les garçons ? me dis-je. Seules les apprenties comédiennes sont requises pour cette soirée bâtie autour des Nuits d’une demoiselle de Colette Renard. Que ne connaît-on ici Les Nuits d’un damoiseau de Robeurt Féneck.
La porte est ouverte à l’heure officielle et entre un public assez semblable à celui que l’on trouve dans les cinémas pour les films recommandés par Télérama : majoritairement âgé et féminin, des isolé(e)s et quelques couples. Des petites bougies fausses sont chargées de mettre dans l’ambiance mais l’éclairage intense de la bibliothèque leur est nuisible.
Il faut s’asseoir en divers endroits afin de faire cercle intime avec une lectrice. J’ai aussi peu envie de me rapprocher de ces gens qu’eux de moi. Néanmoins je me case dans un groupe où certain(e)s se donnent une contenance en feuilletant un livre attrapé sur les rayonnages.
Les lectrices passent de groupe en groupe. Avoir une bonne oreille est indispensable pour entendre ce que lit la sienne dans le brouhaha généré par les autres, d’autant que ces demoiselles sont peu assurées. Cependant l’une joue du saxophone avec talent. S’il est toujours question de sexe dans les textes, ceux-ci ne sont pas tous chargés d’érotisme.
Cette soirée nocturne organisée par la bibliothèque ne saurait être que participative. A un moment le public est invité à poursuivre les lectures. L’apprentie comédienne présente à ce moment dans notre groupe demande un(e) volontaire avec si peu de conviction qu’elle n’en obtient pas. D’autres s'y prennent mieux. Ce sont majoritairement des hommes qui s’y collent, lisant plus ou moins bien des textes plus ou moins intéressants.
A l’issue la cheffe bibliothécaire invite à se regrouper pour boire un verre autour d’une petite table où sont disposées une fontaine de chocolat et des friandises. N’ayant pas envie de jouer des coudes, je m’éclipse sans consommer. Après avoir récupéré mon parapluie, je salue le vigile qui était chargé d’éviter tout débordement.
*
Parmi les textes non érotiques lus : une lettre grivoise de Gustave Flaubert à Louis Bouilhet, écrite lors de son voyage avec Maxime Du Camp en Orient. Il y raconte ses séjours aux bains parmi les bardaches (comme il dit). Il ne pratique pas. Le jour où il s’y décide, le jeune garçon qu’il a réservé est providentiellement absent. Gustave n’est audacieux qu’en parole. Le montre également un autre passage de cette lettre datée du quinze janvier mil huit cent cinquante (non lu par la demoiselle) :
Max s’est fait polluer l’autre jour dans des quartiers déserts sous des décombres et a beaucoup joui.
Dans cette même lettre et pas lu non plus :
J’ai vu il y a huit jours un singe dans la rue se précipiter sur un âne et vouloir le branler de force. L’âne gueulait et foutait des ruades, le maître du singe criait, le singe grinçait. À part deux ou trois enfants qui riaient et moi que ça amusait beaucoup, personne n’y faisait guère attention. Comme je racontais ce fait-là à M. Belin, le chancelier du consulat, il m’a dit, lui, avoir vu une autruche vouloir violer un âne.
J’y arrive un peu tôt en même temps que deux dames. Il pleut dru. Un employé, de sortie, nous dit qu’on peut entrer par la petite porte latérale. On n’est pas du même avis à l’intérieur. Les deux dames ressortent docilement mais je m’incruste, assistant donc à la fin des répétitions.
Où sont les garçons ? me dis-je. Seules les apprenties comédiennes sont requises pour cette soirée bâtie autour des Nuits d’une demoiselle de Colette Renard. Que ne connaît-on ici Les Nuits d’un damoiseau de Robeurt Féneck.
La porte est ouverte à l’heure officielle et entre un public assez semblable à celui que l’on trouve dans les cinémas pour les films recommandés par Télérama : majoritairement âgé et féminin, des isolé(e)s et quelques couples. Des petites bougies fausses sont chargées de mettre dans l’ambiance mais l’éclairage intense de la bibliothèque leur est nuisible.
Il faut s’asseoir en divers endroits afin de faire cercle intime avec une lectrice. J’ai aussi peu envie de me rapprocher de ces gens qu’eux de moi. Néanmoins je me case dans un groupe où certain(e)s se donnent une contenance en feuilletant un livre attrapé sur les rayonnages.
Les lectrices passent de groupe en groupe. Avoir une bonne oreille est indispensable pour entendre ce que lit la sienne dans le brouhaha généré par les autres, d’autant que ces demoiselles sont peu assurées. Cependant l’une joue du saxophone avec talent. S’il est toujours question de sexe dans les textes, ceux-ci ne sont pas tous chargés d’érotisme.
Cette soirée nocturne organisée par la bibliothèque ne saurait être que participative. A un moment le public est invité à poursuivre les lectures. L’apprentie comédienne présente à ce moment dans notre groupe demande un(e) volontaire avec si peu de conviction qu’elle n’en obtient pas. D’autres s'y prennent mieux. Ce sont majoritairement des hommes qui s’y collent, lisant plus ou moins bien des textes plus ou moins intéressants.
A l’issue la cheffe bibliothécaire invite à se regrouper pour boire un verre autour d’une petite table où sont disposées une fontaine de chocolat et des friandises. N’ayant pas envie de jouer des coudes, je m’éclipse sans consommer. Après avoir récupéré mon parapluie, je salue le vigile qui était chargé d’éviter tout débordement.
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Parmi les textes non érotiques lus : une lettre grivoise de Gustave Flaubert à Louis Bouilhet, écrite lors de son voyage avec Maxime Du Camp en Orient. Il y raconte ses séjours aux bains parmi les bardaches (comme il dit). Il ne pratique pas. Le jour où il s’y décide, le jeune garçon qu’il a réservé est providentiellement absent. Gustave n’est audacieux qu’en parole. Le montre également un autre passage de cette lettre datée du quinze janvier mil huit cent cinquante (non lu par la demoiselle) :
Max s’est fait polluer l’autre jour dans des quartiers déserts sous des décombres et a beaucoup joui.
Dans cette même lettre et pas lu non plus :
J’ai vu il y a huit jours un singe dans la rue se précipiter sur un âne et vouloir le branler de force. L’âne gueulait et foutait des ruades, le maître du singe criait, le singe grinçait. À part deux ou trois enfants qui riaient et moi que ça amusait beaucoup, personne n’y faisait guère attention. Comme je racontais ce fait-là à M. Belin, le chancelier du consulat, il m’a dit, lui, avoir vu une autruche vouloir violer un âne.
19 janvier 2018
Quoi faire à Rouen en cette saison où il pleut tous les jours ? Quand donc cette ville sera-t-elle capable d’organiser un évènement culturel d’envergure nationale, comme Le Havre le fait ce ouiquennede avec son festival littéraire Le Goût des Autres ?
Au programme havrais : Les littératures new-yorkaises; pour invité(e)s : Paul Auster, Siri Hustvedt, R.J. Ellory, Christophe, Enki Bilal, Maylis de Kerangal, Patrick Bouchain, Keren Ann, Geneviève Fraisse, Olivia Rosenthal, Irène Jacob, Emmanuel Noblet et bien d’autres.
France Culture sera sur place, et quoi faire d’autre à Rouen quand il pleut que d’écouter ce qui se passe ailleurs.
*
Parmi les causes de l’absence de dynamisme de la ville de Rouen : un Maire vieillissant, une Métropole dirigée par un Président aux projets purement virtuels (Rouen capitale européenne de la culture, Rouen ville de la mobilité du futur) et un Duc de Normandie gouvernant la Région depuis Caen.
L’ancienne capitale de la Haute-Normandie est en passe de ressembler de plus en plus à Evreux.
Appelons ce phénomène : l’ébroïcisation de la ville de Rouen.
*
Vu à la télé : Hervé Morin, Duc de Normandie, souriant aux caméras pendant qu’il utilise l’un des coûteux portillons anti-fraude qu’il a fait installer à la gare Saint-Lazare.
Il doit être le seul à en avoir fait l’usage. A chacun de mes passages, ils sont grand ouverts.
Au programme havrais : Les littératures new-yorkaises; pour invité(e)s : Paul Auster, Siri Hustvedt, R.J. Ellory, Christophe, Enki Bilal, Maylis de Kerangal, Patrick Bouchain, Keren Ann, Geneviève Fraisse, Olivia Rosenthal, Irène Jacob, Emmanuel Noblet et bien d’autres.
France Culture sera sur place, et quoi faire d’autre à Rouen quand il pleut que d’écouter ce qui se passe ailleurs.
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Parmi les causes de l’absence de dynamisme de la ville de Rouen : un Maire vieillissant, une Métropole dirigée par un Président aux projets purement virtuels (Rouen capitale européenne de la culture, Rouen ville de la mobilité du futur) et un Duc de Normandie gouvernant la Région depuis Caen.
L’ancienne capitale de la Haute-Normandie est en passe de ressembler de plus en plus à Evreux.
Appelons ce phénomène : l’ébroïcisation de la ville de Rouen.
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Vu à la télé : Hervé Morin, Duc de Normandie, souriant aux caméras pendant qu’il utilise l’un des coûteux portillons anti-fraude qu’il a fait installer à la gare Saint-Lazare.
Il doit être le seul à en avoir fait l’usage. A chacun de mes passages, ils sont grand ouverts.
18 janvier 2018
C’est dans une voiture à compartiments que je trouve place mercredi à sept heures cinquante-neuf pour un voyage intime avec quatre femmes et un homme jusqu’à Paris. Lorsque le train avance au ralenti, on a l’impression d’être dans une diligence. Le but n’est atteint qu’avec dix minutes de retard. Je suis donc à l’heure pour l’ouverture du Book-Off de la rue du Faubourg Saint-Antoine. Le ciel est bleu à mon étonnement.
Je trouve de quoi alourdir mon sac puis, pour rejoindre le marché d’Aligre, passe près de l’une des rares stations du nouveau Vélib’, rue Ledru-Rollin. Elle est saturée. Des vélos sont abandonnés sans être reliés aux bornes. Une jeune femme est à l’arrêt, ne sachant quoi faire de l’engin vert qui l’a conduit jusqu’ici.
Peu de vendeurs ont déballé au marché et pas un livre en vue, hormis un énorme Stanton de chez Taschen For the man who knows his place. Je n’en demande pas le prix.
A midi, je retrouve le Péhemmu chinois dont la gentille serveuse me souhaite une bonne année avant de me servir l’habituel confit de canard pommes sautées salade quart de côtes-du-rhône.
Pédestrement, je rejoins le Rivolux. A peine suis-je assis à ma table qu’arrive celle avec qui j’ai rendez-vous. Je l’interroge sur son état de santé puis nous évoquons de nombreux sujets. Sur le mur, à côté de nous, est inscrite cette injonction : « Lis Kundera et tu comprendras ».
-As-tu commencé à lire le lot de Kundera que j’ai acheté pour toi à Saint-Valéry-en-Caux, lui demandé-je. Pas encore, elle est actuellement dans un roman japonais dont elle n’a pas retenu le nom de l’auteur.
Après l’avoir accompagnée jusqu’au pied de l’immeuble où elle travaille, je monte dans le bus Vingt-Neuf et en descends à Opéra Quatre Septembre. Chez Edmond, mon voisin de comptoir demande à la gérante qui fait le service si elle a du mal à trouver du personnel. « Non, mais du personnel compétent oui. Entre ceux qui ont la compétence mais ne veulent pas bosser et ceux qui veulent bosser mais n’ont pas la compétence… »
Au second Book-Off, j’ai beau chercher, je ne trouve pas un seul livre à acheter. Je crois que c’est la première fois que je repose un panier vide.
Le retour est semblable à celui de la semaine dernière : la bétaillère de dix-sept heures quarante-huit mise à quai tardivement puis, après l’annonce d’un départ immédiat, pas le moindre mouvement pour cause de problème technique sur la motrice.
Quand c’est réglé, le retard est de vingt minutes. Il s’accroît en chemin. Conséquence de ce départ tardif, nous circulons derrière un omnibus.
Cela n’empêche pas un escadron de contrôleurs extrêmement motivés de vérifier les billets et les cartes de réduction. Une forte tête (un lecteur du Canard enchaîné) déclare avoir son billet mais ne pas vouloir le montrer en protestation contre les retards incessants. « Vous allez voir ce qui va vous arriver quand nous serons à Rouen », lui rétorque l’uniforme.
Celui-ci revient voir le récalcitrant avant de passer dans la voiture suivante :
-Je vous donne une dernière chance de me présenter votre titre de transport.
L’homme s’exécute. « Sous la menace », commente-t-il.
Arrivé à Rouen, je constate qu’il y a plu.
*
Un bon livre m’est indispensable pour voyager sur ces lignes normandes totalement dégradées. Cette fois, c’est Mon père et moi de J. R. Ackerley (Salvy). Extrait ne concernant ni le père ni le fils mais la mère : Je me souviens aussi d’une époque où, au moment de se coucher, elle déposait son argent liquide et ses bagues sur une chaise, devant la porte de la chambre, avec un mot destiné aux cambrioleurs : « Prenez l’argent, mais épargnez notre vie. »
Je trouve de quoi alourdir mon sac puis, pour rejoindre le marché d’Aligre, passe près de l’une des rares stations du nouveau Vélib’, rue Ledru-Rollin. Elle est saturée. Des vélos sont abandonnés sans être reliés aux bornes. Une jeune femme est à l’arrêt, ne sachant quoi faire de l’engin vert qui l’a conduit jusqu’ici.
Peu de vendeurs ont déballé au marché et pas un livre en vue, hormis un énorme Stanton de chez Taschen For the man who knows his place. Je n’en demande pas le prix.
A midi, je retrouve le Péhemmu chinois dont la gentille serveuse me souhaite une bonne année avant de me servir l’habituel confit de canard pommes sautées salade quart de côtes-du-rhône.
Pédestrement, je rejoins le Rivolux. A peine suis-je assis à ma table qu’arrive celle avec qui j’ai rendez-vous. Je l’interroge sur son état de santé puis nous évoquons de nombreux sujets. Sur le mur, à côté de nous, est inscrite cette injonction : « Lis Kundera et tu comprendras ».
-As-tu commencé à lire le lot de Kundera que j’ai acheté pour toi à Saint-Valéry-en-Caux, lui demandé-je. Pas encore, elle est actuellement dans un roman japonais dont elle n’a pas retenu le nom de l’auteur.
Après l’avoir accompagnée jusqu’au pied de l’immeuble où elle travaille, je monte dans le bus Vingt-Neuf et en descends à Opéra Quatre Septembre. Chez Edmond, mon voisin de comptoir demande à la gérante qui fait le service si elle a du mal à trouver du personnel. « Non, mais du personnel compétent oui. Entre ceux qui ont la compétence mais ne veulent pas bosser et ceux qui veulent bosser mais n’ont pas la compétence… »
Au second Book-Off, j’ai beau chercher, je ne trouve pas un seul livre à acheter. Je crois que c’est la première fois que je repose un panier vide.
Le retour est semblable à celui de la semaine dernière : la bétaillère de dix-sept heures quarante-huit mise à quai tardivement puis, après l’annonce d’un départ immédiat, pas le moindre mouvement pour cause de problème technique sur la motrice.
Quand c’est réglé, le retard est de vingt minutes. Il s’accroît en chemin. Conséquence de ce départ tardif, nous circulons derrière un omnibus.
Cela n’empêche pas un escadron de contrôleurs extrêmement motivés de vérifier les billets et les cartes de réduction. Une forte tête (un lecteur du Canard enchaîné) déclare avoir son billet mais ne pas vouloir le montrer en protestation contre les retards incessants. « Vous allez voir ce qui va vous arriver quand nous serons à Rouen », lui rétorque l’uniforme.
Celui-ci revient voir le récalcitrant avant de passer dans la voiture suivante :
-Je vous donne une dernière chance de me présenter votre titre de transport.
L’homme s’exécute. « Sous la menace », commente-t-il.
Arrivé à Rouen, je constate qu’il y a plu.
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Un bon livre m’est indispensable pour voyager sur ces lignes normandes totalement dégradées. Cette fois, c’est Mon père et moi de J. R. Ackerley (Salvy). Extrait ne concernant ni le père ni le fils mais la mère : Je me souviens aussi d’une époque où, au moment de se coucher, elle déposait son argent liquide et ses bagues sur une chaise, devant la porte de la chambre, avec un mot destiné aux cambrioleurs : « Prenez l’argent, mais épargnez notre vie. »
16 janvier 2018
Huit heures vingt-cinq, c’est l’heure de mon retour à la maison ce lundi matin après ma visite annuelle chez l’ophtalmologue dont le cabinet est à cinq minutes à pied. J’ai en main l’ordonnance pour les gouttes qui sont censées prévenir le risque de glaucome. S’agissant de la tension mesurée par l’envoi d’un jet d’air comprimé dans chaque œil, c’est plutôt mieux que l’année dernière, m’a-t-elle dit évasivement. Je ne lui ai pas demandé de précision. Pas envie d’en savoir plus sur quelque chose que je ne peux maîtriser.
Si je suis rentré si tôt, c’est que je n’ai pas eu à subir l’examen de champ visuel qui se passait ordinairement à droite au fond du couloir sous la responsabilité de la secrétaire. L’antique machine destinée à vérifier ma capacité à déceler les petites lumières en haut, en bas, à gauche, à droite, sans oublier les diagonales, doit être hors d’usage et trop chère à remplacer.
Cela me vaut une deuxième ordonnance pour aller subir à la Clinique Mathilde cette épreuve qui met à mal ma capacité de ne pas laisser errer mon esprit, mes bonnes réponses devant plus au hasard qu’à mes aptitudes visuelles, j’en ai peur.
*
Lemaire et son lait. Une trentaine de bébés malades en France et un en Espagne, des dizaines de milliers d’autres ayant bu le même lait contaminé de chez Lactalis sans le moindre souci de santé. Il en fait du bruit Bruno Lemaire (Ministre de l’Economie) pour cet événement sans gravité. Je le soupçonne de faire son beurre. Longue conservation (jusqu’à la prochaine Présidentielle).
*
Morin et sa monnaie. Notre Duc de Normandie est occupé à créer son viking ou drakkar avec lequel il sera loisible de payer dans toute la province. Achetez normand, consommez normand, on connaît la chanson. Quatre cent mille euros sont dépensés à cette fin nombriliste.
*
Cette fille a du courage. écrivais-je de Tristane Banon le vingt et un septembre deux mille onze après l’avoir regardée sur Canal Plus évoquer l’agression sexuelle dont elle avait été victime de la part de Dominique Strauss-Kahn.
«Qu’est-ce que j’aurais aimé, moi, en 2011, qu’il y ait des hashtags #MeToo en soutien ! Et elles étaient là, toutes ces femmes. La preuve, c’est qu’elles sont là aujourd’hui.» déclare-t-elle au Figaro.
Si je suis rentré si tôt, c’est que je n’ai pas eu à subir l’examen de champ visuel qui se passait ordinairement à droite au fond du couloir sous la responsabilité de la secrétaire. L’antique machine destinée à vérifier ma capacité à déceler les petites lumières en haut, en bas, à gauche, à droite, sans oublier les diagonales, doit être hors d’usage et trop chère à remplacer.
Cela me vaut une deuxième ordonnance pour aller subir à la Clinique Mathilde cette épreuve qui met à mal ma capacité de ne pas laisser errer mon esprit, mes bonnes réponses devant plus au hasard qu’à mes aptitudes visuelles, j’en ai peur.
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Lemaire et son lait. Une trentaine de bébés malades en France et un en Espagne, des dizaines de milliers d’autres ayant bu le même lait contaminé de chez Lactalis sans le moindre souci de santé. Il en fait du bruit Bruno Lemaire (Ministre de l’Economie) pour cet événement sans gravité. Je le soupçonne de faire son beurre. Longue conservation (jusqu’à la prochaine Présidentielle).
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Morin et sa monnaie. Notre Duc de Normandie est occupé à créer son viking ou drakkar avec lequel il sera loisible de payer dans toute la province. Achetez normand, consommez normand, on connaît la chanson. Quatre cent mille euros sont dépensés à cette fin nombriliste.
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Cette fille a du courage. écrivais-je de Tristane Banon le vingt et un septembre deux mille onze après l’avoir regardée sur Canal Plus évoquer l’agression sexuelle dont elle avait été victime de la part de Dominique Strauss-Kahn.
«Qu’est-ce que j’aurais aimé, moi, en 2011, qu’il y ait des hashtags #MeToo en soutien ! Et elles étaient là, toutes ces femmes. La preuve, c’est qu’elles sont là aujourd’hui.» déclare-t-elle au Figaro.
15 janvier 2018
Je suis de retour à l’Opéra de Rouen ce dimanche après-midi pour un concert de musique de chambre américaine. Tandis que je me chauffe au soleil contre mon pilier préféré, des sexagénaires parlent cinéma :
-Vas-y, dis-nous le speech, comme ils disent maintenant, dit l’une à une autre.
-Le pitch, pas le speech, corrige une troisième.
Quand approchent seize heures je suis étonné de voir une telle affluence pour ce premier concert de l’année, pas une place de libre en orchestre et en corbeille, le deuxième balcon partiellement occupé.
Pour ma part, j’ai une bonne place au premier rang de corbeille avec vue sur le piano près de deux dames qui parlent d’un homme à la retraite. Ne pouvant vivre sans travailler, il s’est inscrit via Internet pour vendre des maisons. « Il paie deux cents euros par mois pour ça et il n’en a vendu qu’une en un an. Les maisons dans l’Orne, ça ne se vend pas. » Au bout de la rangée est un de ces malheureux dont l’abonnement allait de janvier à janvier. L’en voici privé par la volonté du nouveau Directeur, Loïc Lachenal. « On nous fait une fleur, on a droit à un demi-tarif sur les spectacles du reste de la saison. »
C’est d’abord la Sonate pour clarinette et piano de Leonard Bernstein pour laquelle entrent en scène Christian Erbslöh et Naoko Yoshimura. « Elle est mignonne », déclare un homme derrière moi, qui n’est pas informé qu’on ne dit plus ça. C’est surtout une très bonne musicienne et le duo est applaudi comme il le mérite.
Suit le bien connu Adagio pour quatuor à cordes de Samuel Barber « qui fut joué aussi bien aux obsèques du Président Roosevelt et de bien des têtes couronnées qu’en hommage aux victimes de l’attentat contre le journal Charlie Hebdo », indique le livret programme. Au moment précis où il s’achève, un téléphone sonne.
Le Sextuor pour clarinette, piano et cordes d’Aaron Copland termine cette première partie.
A l’entracte, je demande à l’homme au chapeau s’il sera présent à la fin du mois pour le Fantasio d’Offenbach, un compositeur qui le rebute. « Tu le supportes toi ? », me demande-t il. « Plus que ça, j’aime Offenbach. », lui réponds-je. « C’est ton côté pervers. », conclut-il.
L’obscurité revenue dans la salle, une femme consulte le programme à l’aide de cette lampe de poche qu’est son smartphone. Cela ne plaît pas à une autre qui lui intime à voix forte l'ordre de l’éteindre. Un léger brouhaha de voisinage condamne cette exigence.
La Sonate pour violoncelle seul de George Crumb ramène le calme. Il est rare de voir et entendre un(e) musicien(ne) en solo sur scène (hormis les pianistes). Jacques Perez a donc toute l’attention de la salle pour lui. Il sort de l’épreuve sous des applaudissements copieux.
La femme au smartphone récidive. La mécontente aussi. « Il faut regarder le programme à l’entracte », claironne-t-elle. La première répond vertement à la seconde. Quelques autres l’applaudissent. Un ou deux allument leur propre téléphone. « C’est de la provocation », se plaint la seconde. J’ai rarement vu la salle autant nerveuse.
Le Quatuor à cordes numéro douze d’Antonin Dvořák, composé en juin mil huit cent quatre-vingt-treize à Spillville dans l’Iowa, ramène le calme. Sa superbe envolée finale suscite bien des applaudissements.
*
Bien que je ne proteste pas à voix haute, je suis dans la camp de ceux qui préfèreraient que les smartphones ne s’allument pas dans le noir. Comme beaucoup de vieux, j’ai les yeux heurtés par les lumières vives. Ma visite annuelle chez l’ophtalmologue me dira demain matin où j’en suis.
-Vas-y, dis-nous le speech, comme ils disent maintenant, dit l’une à une autre.
-Le pitch, pas le speech, corrige une troisième.
Quand approchent seize heures je suis étonné de voir une telle affluence pour ce premier concert de l’année, pas une place de libre en orchestre et en corbeille, le deuxième balcon partiellement occupé.
Pour ma part, j’ai une bonne place au premier rang de corbeille avec vue sur le piano près de deux dames qui parlent d’un homme à la retraite. Ne pouvant vivre sans travailler, il s’est inscrit via Internet pour vendre des maisons. « Il paie deux cents euros par mois pour ça et il n’en a vendu qu’une en un an. Les maisons dans l’Orne, ça ne se vend pas. » Au bout de la rangée est un de ces malheureux dont l’abonnement allait de janvier à janvier. L’en voici privé par la volonté du nouveau Directeur, Loïc Lachenal. « On nous fait une fleur, on a droit à un demi-tarif sur les spectacles du reste de la saison. »
C’est d’abord la Sonate pour clarinette et piano de Leonard Bernstein pour laquelle entrent en scène Christian Erbslöh et Naoko Yoshimura. « Elle est mignonne », déclare un homme derrière moi, qui n’est pas informé qu’on ne dit plus ça. C’est surtout une très bonne musicienne et le duo est applaudi comme il le mérite.
Suit le bien connu Adagio pour quatuor à cordes de Samuel Barber « qui fut joué aussi bien aux obsèques du Président Roosevelt et de bien des têtes couronnées qu’en hommage aux victimes de l’attentat contre le journal Charlie Hebdo », indique le livret programme. Au moment précis où il s’achève, un téléphone sonne.
Le Sextuor pour clarinette, piano et cordes d’Aaron Copland termine cette première partie.
A l’entracte, je demande à l’homme au chapeau s’il sera présent à la fin du mois pour le Fantasio d’Offenbach, un compositeur qui le rebute. « Tu le supportes toi ? », me demande-t il. « Plus que ça, j’aime Offenbach. », lui réponds-je. « C’est ton côté pervers. », conclut-il.
L’obscurité revenue dans la salle, une femme consulte le programme à l’aide de cette lampe de poche qu’est son smartphone. Cela ne plaît pas à une autre qui lui intime à voix forte l'ordre de l’éteindre. Un léger brouhaha de voisinage condamne cette exigence.
La Sonate pour violoncelle seul de George Crumb ramène le calme. Il est rare de voir et entendre un(e) musicien(ne) en solo sur scène (hormis les pianistes). Jacques Perez a donc toute l’attention de la salle pour lui. Il sort de l’épreuve sous des applaudissements copieux.
La femme au smartphone récidive. La mécontente aussi. « Il faut regarder le programme à l’entracte », claironne-t-elle. La première répond vertement à la seconde. Quelques autres l’applaudissent. Un ou deux allument leur propre téléphone. « C’est de la provocation », se plaint la seconde. J’ai rarement vu la salle autant nerveuse.
Le Quatuor à cordes numéro douze d’Antonin Dvořák, composé en juin mil huit cent quatre-vingt-treize à Spillville dans l’Iowa, ramène le calme. Sa superbe envolée finale suscite bien des applaudissements.
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Bien que je ne proteste pas à voix haute, je suis dans la camp de ceux qui préfèreraient que les smartphones ne s’allument pas dans le noir. Comme beaucoup de vieux, j’ai les yeux heurtés par les lumières vives. Ma visite annuelle chez l’ophtalmologue me dira demain matin où j’en suis.
13 janvier 2018
Délesté de sept euros et de mon sac à dos à La maison rouge, je pousse le rideau sur lequel est projeté en boucle un extrait du film Le Dernier des hommes de Murnau, une installation due à Christian Boltanski et réalisée pour l’exposition Etranger résident (la collection Marin Karmitz) que propose Antoine de Galbert.
La collection de cet ancien maoïste devenu homme d’affaires dans le cinéma est surtout constituée de photographies en noir et blanc qui sont autant de témoignages sur les tourments du vingtième siècle. La première est East River, New York d’André Kertész.
Un long couloir, une série de chambres, des images dues à des artistes connus ou inconnus de moi dont la liste serait trop longue, tiens Samuel Beckett à Tanger du sulfureux François-Marie Banier, tout cela est plongé dans une semi pénombre.
« Il y avait des kibboutz en Europe de l’Est ? » s’étonne une femme à cheveux blancs devant la série tirée de l’ouvrage du photographe lithuanien MoïVer. Elle a pourtant connu Hitler de son vivant.
La plupart de ces photos m’intéressent mais je suis davantage retenu par d’autres œuvres : L’Inconnue de la Seine de Man Ray, Chêne (étude d’un arbre) d’Otto Dix, Orgie de George Grosz, Personnage de Miro (un mini masque fiché dans une bite), les dessins de Stéphane Mandelbaum et de Tadeusz Kantor, La Mante religieuse de Germaine Richier, j’en passe.
Dans les salles du sous-sol, l’exposition se termine par de grandes installations : Les Spectres des couturières d’Annette Messager, Aminatas blanc de Christian Boltanski, et l’inquiétant Sleepers d’Abbas Kiarostami
Remonté, je récupère mon sac et d’un coup de bus Vingt-Neuf vais voir s’il y a des livres pour moi au second Book-Off.
*
Un train de dix-sept heures quarante-huit « mis en place tardivement », c’est-à-dire vingt minutes après l’heure où il aurait dû partir, puis restant sur place bien que par deux fois le chef de bord ait annoncé son « départ imminent », pour cause de problème technique sur la locomotive, cela finit par faire quarante-cinq minutes de retard au départ de Paris comme à l’arrivée à Rouen où des employés de la Senecefe distribuent des attestations donnant droit à un remboursement d’un quart du billet, sous forme de bon d’achat, à envoyer par courrier dont l’affranchissement est à la charge de l’usager.
*
Un quart de neuf euros, en ce qui me concerne. Cela fait deux euros vingt-cinq, pas de quoi ruiner la Senecefe. D’autant qu’une petite note précise que la compensation n’est versée que si son montant est supérieur ou égal à quatre euros.
*
Un seul prêt à craquer dans ce train qui fait Paris Rouen en deux heures, celui qui en plus doit enquêter au téléphone sur la disparition d’un colis qui devait lui être livré par Mondial Relay. Après une journée de travail, c’est beaucoup.
*
Hervé Morin, Duc de Normandie, au sujet des problèmes ferroviaires : « Les lignes normandes, c’est le Moyen Age ».
C’est insulter le Moyen Age et oublier que pendant cinq ans il fut soutien et ministre de Sarkozy, lequel a travaillé à la dégradation (tout comme son successeur Hollande).
La collection de cet ancien maoïste devenu homme d’affaires dans le cinéma est surtout constituée de photographies en noir et blanc qui sont autant de témoignages sur les tourments du vingtième siècle. La première est East River, New York d’André Kertész.
Un long couloir, une série de chambres, des images dues à des artistes connus ou inconnus de moi dont la liste serait trop longue, tiens Samuel Beckett à Tanger du sulfureux François-Marie Banier, tout cela est plongé dans une semi pénombre.
« Il y avait des kibboutz en Europe de l’Est ? » s’étonne une femme à cheveux blancs devant la série tirée de l’ouvrage du photographe lithuanien MoïVer. Elle a pourtant connu Hitler de son vivant.
La plupart de ces photos m’intéressent mais je suis davantage retenu par d’autres œuvres : L’Inconnue de la Seine de Man Ray, Chêne (étude d’un arbre) d’Otto Dix, Orgie de George Grosz, Personnage de Miro (un mini masque fiché dans une bite), les dessins de Stéphane Mandelbaum et de Tadeusz Kantor, La Mante religieuse de Germaine Richier, j’en passe.
Dans les salles du sous-sol, l’exposition se termine par de grandes installations : Les Spectres des couturières d’Annette Messager, Aminatas blanc de Christian Boltanski, et l’inquiétant Sleepers d’Abbas Kiarostami
Remonté, je récupère mon sac et d’un coup de bus Vingt-Neuf vais voir s’il y a des livres pour moi au second Book-Off.
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Un train de dix-sept heures quarante-huit « mis en place tardivement », c’est-à-dire vingt minutes après l’heure où il aurait dû partir, puis restant sur place bien que par deux fois le chef de bord ait annoncé son « départ imminent », pour cause de problème technique sur la locomotive, cela finit par faire quarante-cinq minutes de retard au départ de Paris comme à l’arrivée à Rouen où des employés de la Senecefe distribuent des attestations donnant droit à un remboursement d’un quart du billet, sous forme de bon d’achat, à envoyer par courrier dont l’affranchissement est à la charge de l’usager.
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Un quart de neuf euros, en ce qui me concerne. Cela fait deux euros vingt-cinq, pas de quoi ruiner la Senecefe. D’autant qu’une petite note précise que la compensation n’est versée que si son montant est supérieur ou égal à quatre euros.
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Un seul prêt à craquer dans ce train qui fait Paris Rouen en deux heures, celui qui en plus doit enquêter au téléphone sur la disparition d’un colis qui devait lui être livré par Mondial Relay. Après une journée de travail, c’est beaucoup.
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Hervé Morin, Duc de Normandie, au sujet des problèmes ferroviaires : « Les lignes normandes, c’est le Moyen Age ».
C’est insulter le Moyen Age et oublier que pendant cinq ans il fut soutien et ministre de Sarkozy, lequel a travaillé à la dégradation (tout comme son successeur Hollande).
12 janvier 2018
« Le placement numéroté est suspendu jusqu’en février pour cause de repositionnement des voitures de première classe dans les trains », annonce une voix masculine peu de temps avant l’arrivée du sept heures cinquante-neuf pour Paris. Voilà une sage décision. Je m’étais déjà inquiété de savoir les plus aisés installés à l’avant des trains alors qu’en cas d’accident le danger de mort y est pire que dans les voitures centrales. La Senecefe va y mettre bon ordre et des pauvres ou des modestes.
Je m’installe au milieu du train, voiture Quatorze, et y lis Autoportrait d’Edouard Levé que publia Paul Otchakovsky-Laurens, lequel est mort en début du mois à Marie-Galante dans un accident de voiture. Je n’aime pas le son d’une famille dans le train, écrivait Levé. Pas de souci de cet ordre ce mercredi matin. Ma voisine la plus proche a aussi un livre en main, couvert de papier vert, ou bien qu’elle soit particulièrement soigneuse, ou bien qu’elle ne veuille pas montrer quoi.
La pluie vient de cesser lorsque je sors de la station de métro Ledru-Rollin. Le Café du Faubourg vient de rebaptiser sa partie restaurant du bobo nom de cantine (brasserie cela sent trop la sueur). J’y lis dans Le Parisien la relation de l’incendie volontaire à Créteil d’une épicerie casher déjà marquée de croix gammées dont le gérant est musulman, un triste évènement peu évoqué par les radios et les télés. Le café bu, je suis devant le rideau de Book-Off quand celui-ci se lève.
Ressorti avec quelques livres, je passe au marché d’Aligre. Les deux principaux vendeurs de livres n’y sont pas, découragés par la pluie annoncée, mais chez un autre j’achète pour deux euros les Œuvres complètes de Louis Pergaud dans l’édition qu’en fit le Club Diderot en mil neuf cent soixante-dix.
Je rejoins la Bastille et entre un peu avant midi au Rempart, rue Saint-Antoine. Velouté poireaux courgettes, bourguignon pommes vapeur et verre de vin italien un peu jeune, cela fait seize euros cinquante. L’addition réglée, je n’ai pas loin à marcher pour rejoindre La maison rouge, boulevard de la Bastille.
*
Normandie nue sur le flanc des bus parisiens. L’annonce de ce film de Philippe Le Guay est aussi sur les écrans de la gare de Rouen. On y voit neuf quinquagénaires habillés campagnard (huit hommes et une femme) « prêts à tout pour sauver leur village ». Ils se tiennent debout dans un champ où doivent pousser les navets.
*
Dans le métro, une jeune femme lit le posthume de Jean d’Ormesson Et moi, je vis toujours (Gallimard).
A la radio, j’ai capté une émission où une femme pleine d’esprit racontait des anecdotes désuètes, ce n’est que lorsque l’interviewer a nommé son interlocuteur que j’ai compris qu’il s’agissait de Jean d’Ormesson. a écrit Edouard Levé dans son Autoportrait.
*
Parmi les livres achetés un euro chez Book-Off : Mon année Salinger de Joanna Smith Rakoff (Albin Michel), L’indiscrétion des frères Goncourt de Roger Kempf (Grasset) et la première édition française d’Animal Farm de George Orwell par Gallimard sous le titre La République des Animaux, « fable traduite de l’anglais » (par qui ? ce n’est pas écrit ; on ne faisait aucun cas du traducteur en mil neuf cent soixante-quatre).
Je m’installe au milieu du train, voiture Quatorze, et y lis Autoportrait d’Edouard Levé que publia Paul Otchakovsky-Laurens, lequel est mort en début du mois à Marie-Galante dans un accident de voiture. Je n’aime pas le son d’une famille dans le train, écrivait Levé. Pas de souci de cet ordre ce mercredi matin. Ma voisine la plus proche a aussi un livre en main, couvert de papier vert, ou bien qu’elle soit particulièrement soigneuse, ou bien qu’elle ne veuille pas montrer quoi.
La pluie vient de cesser lorsque je sors de la station de métro Ledru-Rollin. Le Café du Faubourg vient de rebaptiser sa partie restaurant du bobo nom de cantine (brasserie cela sent trop la sueur). J’y lis dans Le Parisien la relation de l’incendie volontaire à Créteil d’une épicerie casher déjà marquée de croix gammées dont le gérant est musulman, un triste évènement peu évoqué par les radios et les télés. Le café bu, je suis devant le rideau de Book-Off quand celui-ci se lève.
Ressorti avec quelques livres, je passe au marché d’Aligre. Les deux principaux vendeurs de livres n’y sont pas, découragés par la pluie annoncée, mais chez un autre j’achète pour deux euros les Œuvres complètes de Louis Pergaud dans l’édition qu’en fit le Club Diderot en mil neuf cent soixante-dix.
Je rejoins la Bastille et entre un peu avant midi au Rempart, rue Saint-Antoine. Velouté poireaux courgettes, bourguignon pommes vapeur et verre de vin italien un peu jeune, cela fait seize euros cinquante. L’addition réglée, je n’ai pas loin à marcher pour rejoindre La maison rouge, boulevard de la Bastille.
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Normandie nue sur le flanc des bus parisiens. L’annonce de ce film de Philippe Le Guay est aussi sur les écrans de la gare de Rouen. On y voit neuf quinquagénaires habillés campagnard (huit hommes et une femme) « prêts à tout pour sauver leur village ». Ils se tiennent debout dans un champ où doivent pousser les navets.
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Dans le métro, une jeune femme lit le posthume de Jean d’Ormesson Et moi, je vis toujours (Gallimard).
A la radio, j’ai capté une émission où une femme pleine d’esprit racontait des anecdotes désuètes, ce n’est que lorsque l’interviewer a nommé son interlocuteur que j’ai compris qu’il s’agissait de Jean d’Ormesson. a écrit Edouard Levé dans son Autoportrait.
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Parmi les livres achetés un euro chez Book-Off : Mon année Salinger de Joanna Smith Rakoff (Albin Michel), L’indiscrétion des frères Goncourt de Roger Kempf (Grasset) et la première édition française d’Animal Farm de George Orwell par Gallimard sous le titre La République des Animaux, « fable traduite de l’anglais » (par qui ? ce n’est pas écrit ; on ne faisait aucun cas du traducteur en mil neuf cent soixante-quatre).
11 janvier 2018
Grimpé sur un tabouret, je prends des risques ce mardi matin en changeant l’ampoule électrique de mon escalier, laquelle est située au-dessus de cinq ou six mètres de vide. Plus de dix-huit ans que je vis dans cet appartement mais c’est la première fois que je dois me livrer à cette opération. Celle que j’enlève est une vieille comme on n’en fait plus, couverte de peinture, datant d’un temps où l’obsolescence n’était pas programmée. Celle que j’installe promet des économies d’énergie.
Heureux de me tirer indemne de cette action risquée, je décide de m’offrir un déjeuner à l’extérieur. Lors de la tempête Eleanor, l’étiquette demandant d’exempter ma boîte à lettres de publicités s’est à moitié décollée. Une main humaine a achevé de la ruiner. Avant d’avoir pris le temps d’en remettre une, j’ai été destinataire d’une liasse de publicités, parmi lesquelles Rouen Magazine, l’organe officiel de la municipalité, et le dépliant d’un restaurant japonais nommé Sushi appartenant à la chaîne Sushi Tong installé place de la République. Sans cette pub, je n’aurais pas connu son existence avant un moment. Je ne passe guère souvent par cet endroit depuis que je n’ai plus de voiture.
C’est donc là que je me rends ce mardi midi. Le lieu a bien changé. Je l’ai connu nommé L’Agriculture, brasserie bien de chez nous, un peu décatie, puis restaurant chinois d’apparence encore plus miséreuse. Tout a été refait. La responsable me mène à une table d’où j’ai vue sur le quai haut et j’étudie la carte. Un menu à volonté est proposé contre la modique somme de douze euros quatre-vingts. Point de buffet ici, il faut cocher les petites cases sur des fiches puis attendre d’être servi. Pour faire patienter, un coquetèle de bienvenue est offert par la maison.
D’autres arrivent qui ont lu la publicité, dont des très vieux. L’un deux pousse une chaise roulante dans laquelle est un homme qui n’est pas forcément son fils. Je l’ai déjà vu me semble-t-il dans un concert au Kalif ou ailleurs. Le duo est rejoint par un quinquagénaire hirsute qui a le profil de l’amateur de rock et lit Télérama.
C’est leur première fois à tous trois. Ils s’inquiètent des baguettes et trouvent compliqué le choix à faire. Dès l’arrivée de leurs soupes miso, c’est la catastrophe. L’homme hirsute renverse la sienne, moitié sur la table, moitié sur lui-même. Il se lève d’un bond, sauve son smartphone et son Télérama. La responsable éponge avec flegme et efficacité.
A côté d’eux, face à moi, mange un homme seul dont la volonté est énorme (ou faible). Je suis sidéré du nombre de brochettes qu’il enfourne. Sur sa table l’attendent les trois desserts qu’il a commandés, c'est-à-dire tout ce que propose la carte.
On me reverra chez Sushi dont l’ouverture arrive à point, les nouveaux responsables du Sushi Tokyo de la rue Verte ayant fait de ce restaurant un lieu où je n’ai plus envie d’aller.
*
Devant la vitrine de la boucherie charcuterie de la Croix de Pierre un homme se signe plusieurs fois au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit. S’agit-il d’un fervent animaliste ou d’un échappé de l’asile ? Je penche pour la seconde hypothèse.
*
Organisé par le Comité Commercial Saint-Marc et pompeusement nommé Foire à Tout de Rouen, un vide grenier devait avoir lieu ce dimanche quatorze janvier. Cette audacieuse initiative n’a pas résisté au principe de réalité, il est reporté au vingt et un mai. Un vide grenier en plein hiver, j’aurais bien voulu voir ça.
Heureux de me tirer indemne de cette action risquée, je décide de m’offrir un déjeuner à l’extérieur. Lors de la tempête Eleanor, l’étiquette demandant d’exempter ma boîte à lettres de publicités s’est à moitié décollée. Une main humaine a achevé de la ruiner. Avant d’avoir pris le temps d’en remettre une, j’ai été destinataire d’une liasse de publicités, parmi lesquelles Rouen Magazine, l’organe officiel de la municipalité, et le dépliant d’un restaurant japonais nommé Sushi appartenant à la chaîne Sushi Tong installé place de la République. Sans cette pub, je n’aurais pas connu son existence avant un moment. Je ne passe guère souvent par cet endroit depuis que je n’ai plus de voiture.
C’est donc là que je me rends ce mardi midi. Le lieu a bien changé. Je l’ai connu nommé L’Agriculture, brasserie bien de chez nous, un peu décatie, puis restaurant chinois d’apparence encore plus miséreuse. Tout a été refait. La responsable me mène à une table d’où j’ai vue sur le quai haut et j’étudie la carte. Un menu à volonté est proposé contre la modique somme de douze euros quatre-vingts. Point de buffet ici, il faut cocher les petites cases sur des fiches puis attendre d’être servi. Pour faire patienter, un coquetèle de bienvenue est offert par la maison.
D’autres arrivent qui ont lu la publicité, dont des très vieux. L’un deux pousse une chaise roulante dans laquelle est un homme qui n’est pas forcément son fils. Je l’ai déjà vu me semble-t-il dans un concert au Kalif ou ailleurs. Le duo est rejoint par un quinquagénaire hirsute qui a le profil de l’amateur de rock et lit Télérama.
C’est leur première fois à tous trois. Ils s’inquiètent des baguettes et trouvent compliqué le choix à faire. Dès l’arrivée de leurs soupes miso, c’est la catastrophe. L’homme hirsute renverse la sienne, moitié sur la table, moitié sur lui-même. Il se lève d’un bond, sauve son smartphone et son Télérama. La responsable éponge avec flegme et efficacité.
A côté d’eux, face à moi, mange un homme seul dont la volonté est énorme (ou faible). Je suis sidéré du nombre de brochettes qu’il enfourne. Sur sa table l’attendent les trois desserts qu’il a commandés, c'est-à-dire tout ce que propose la carte.
On me reverra chez Sushi dont l’ouverture arrive à point, les nouveaux responsables du Sushi Tokyo de la rue Verte ayant fait de ce restaurant un lieu où je n’ai plus envie d’aller.
*
Devant la vitrine de la boucherie charcuterie de la Croix de Pierre un homme se signe plusieurs fois au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit. S’agit-il d’un fervent animaliste ou d’un échappé de l’asile ? Je penche pour la seconde hypothèse.
*
Organisé par le Comité Commercial Saint-Marc et pompeusement nommé Foire à Tout de Rouen, un vide grenier devait avoir lieu ce dimanche quatorze janvier. Cette audacieuse initiative n’a pas résisté au principe de réalité, il est reporté au vingt et un mai. Un vide grenier en plein hiver, j’aurais bien voulu voir ça.
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