Dernières notes
Loïc Boyer
Je suis l’auteur de textes courts qui furent publiés depuis mil neuf cent quatre-vingt-quinze dans des revues littéraires en France (Supérieur Inconnu, Supplément d’Ame, Nouvelle Donne, Le Bord de l’Eau, Pris de Peur, l’Art du Bref, Sol’Air, Gros Textes, Salmigondis, Verso, Décharge, Bulle, Filigranes, Diérèse, Martobre, Comme ça et Autrement, (Cahier d’) Ecritures, La Nef des Fous), en Belgique (Traversées, Ecrits Vains, L’Arbre à Plumes, Inédit Nouveau, Bleu d’Encre), au Canada (Les Saisons Littéraires) et en Italie (Les Cahiers du Ru).
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.
26 février 2018
Jeudi soir, dans le froid sec, une jeune fille, sans doute étudiante, me tend « le supplément Sortir du Paris Normandie » sur le parvis de l’Opéra de Rouen. Je le refuse. « C’est gratuit », me dit-elle croyant me convaincre. Que ferais-je de ce papier journal ?
J’ai une bonne place dans la corbeille dont la porte centrale est condamnée par un imposant dispositif technique. Celui-ci est nécessaire à la chorégraphie Solstice de Blanca Li que va interpréter sa compagnie.
A ma droite s’installent une jeune femme et sa neuf/dix ans dont les cheveux blonds ondulés descendent jusqu’au creux des genoux. Mère et fille ont la langue bien pendue. Leur proximité dénonce une absence d’homme à la maison. La lecture du livret programme m’apprend que Bianca Li, née à Grenade, ancienne gymnaste, élève de Martha Graham à New York, est aujourd’hui établie à Paris.
A l’ouverture de Solstice, je crains l’abus de la vidéo et des effets spéciaux mais suis vite rassuré. Les treize danseuses et danseurs et le musicien occupent le plateau sans temps mort, surmontés par une immense structure en tissu mobile qui devient vent, mer, terre. Il est question de la nature et des soucis climatiques. Quelques traits d’humour sont de mise. Cette chorégraphie me sied tout à fait et comme j’aime particulièrement la kora, je suis ravi de l’entendre ce soir.
C’est d’ailleurs le musicien qui, à l’issue, reçoit le plus fort volume d’applaudissements. « Oh comme il est musclé », s’émeut ma voisine à la vue du torse nu bien éclairé par les projecteurs.
*
Dire le supplément Sortir « du » Paris Normandie, c’est dire « le » Paris Normandie. Beaucoup disent « le journal ». Il n’y en a qu’un.
Et contrairement à ce que laisse croire son titre, ce quotidien ne parle que de la Normandie, précisément de sa moitié haute.
*
Le Nouvel Ordre Moral stigmatise les hommes qui fantasment sur le physique d’une artiste mais ne dit rien lorsqu’une femme mettant au second plan le talent d’un musicien s’excite à la vue du beau mâle.
J’ai une bonne place dans la corbeille dont la porte centrale est condamnée par un imposant dispositif technique. Celui-ci est nécessaire à la chorégraphie Solstice de Blanca Li que va interpréter sa compagnie.
A ma droite s’installent une jeune femme et sa neuf/dix ans dont les cheveux blonds ondulés descendent jusqu’au creux des genoux. Mère et fille ont la langue bien pendue. Leur proximité dénonce une absence d’homme à la maison. La lecture du livret programme m’apprend que Bianca Li, née à Grenade, ancienne gymnaste, élève de Martha Graham à New York, est aujourd’hui établie à Paris.
A l’ouverture de Solstice, je crains l’abus de la vidéo et des effets spéciaux mais suis vite rassuré. Les treize danseuses et danseurs et le musicien occupent le plateau sans temps mort, surmontés par une immense structure en tissu mobile qui devient vent, mer, terre. Il est question de la nature et des soucis climatiques. Quelques traits d’humour sont de mise. Cette chorégraphie me sied tout à fait et comme j’aime particulièrement la kora, je suis ravi de l’entendre ce soir.
C’est d’ailleurs le musicien qui, à l’issue, reçoit le plus fort volume d’applaudissements. « Oh comme il est musclé », s’émeut ma voisine à la vue du torse nu bien éclairé par les projecteurs.
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Dire le supplément Sortir « du » Paris Normandie, c’est dire « le » Paris Normandie. Beaucoup disent « le journal ». Il n’y en a qu’un.
Et contrairement à ce que laisse croire son titre, ce quotidien ne parle que de la Normandie, précisément de sa moitié haute.
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Le Nouvel Ordre Moral stigmatise les hommes qui fantasment sur le physique d’une artiste mais ne dit rien lorsqu’une femme mettant au second plan le talent d’un musicien s’excite à la vue du beau mâle.
24 février 2018
Je me doute que le retour à Rouen va être compliqué ce mercredi. Les deux trains précédant le dix-sept heures quarante-huit, pour lequel j’ai un billet, sont supprimés en raison du « service commercial réduit ».en vigueur depuis deux semaines. Trouver une place assise va être un exploit.
Avec d’autres, je me place au milieu du quai Vingt-Trois où devrait arriver le train convoité. Catastrophe, il est soudain annoncé avec un retard de cinquante minutes. Le suivant est à dix-huit heures trente et c’est un omnibus. Pour désengorger la salle des pas perdus, la Senecefe l’affiche dès dix-huit heures. Je passe par le couloir souterrain pour rejoindre le quai Dix-Huit où il stationne. Quand j’arrive toutes les places assises sont déjà occupées. Pas étonnant, il faut faire entrer dans ce train l’équivalent de plusieurs et, en plus, c’en est un à sièges colorés qui possède moins de sièges que les anciens de type bétaillère en raison des toilettes aux normes handicapés et de la possibilité donnée aux bicyclistes d’y ériger leur engin à la verticale.
Ici nul pédaleur, surtout des travailleurs tentant de rentrer à la maison. Je réussis à m’asseoir en haut des marches menant à l’étage. Certains font de même dans les couloirs mais se font sermonner par d’autres qui sont sur le quai et ne peuvent monter. Ils cèdent et la voiture se transforme en boîte de sardines. Il faut attendre une demi-heure dans ces conditions avant que le train parte. A l’heure.
Il ne tarde pas à se mettre en retard, s’arrêtant pour une raison inconnue et une durée de cinq minutes à Mantes-Station.
Sur la plate-forme, celles et ceux collés serrés font connaissance et tentent de se consoler par l’humour :
-J’ai compris, dit une femme, la ligne Paris Rouen, c’est le prolongement de la ligne Treize du métro.
Le meilleur moment est quand un homme se fraie à grand mal un passage dans l’agglomérat. Il veut aller aux toilettes, explique-t-il.
-Il y a déjà au moins trois personnes dans les toilettes, lui dit-on.
-Ben oui, dit une autre, c’est un train pour lequel il fait prévoir des couches.
En gare de Vernon, je réussis à trouver une place assise à l’étage, mais d’autres continuent à voyager debout. Pendant tout le trajet, le chef de bord fait le mort. La seule voix humaine est celle enregistrée qui annonce les arrêts. Au lieu d’être à la maison à dix-neuf heures quinze, j’y arrive à vingt heures trente.
*
Hervé Morin, Duc de Normandie, Centriste de Droite, trouve la situation inacceptable, mais, promet-il, tout ira bien en deux mille vingt quand la région normande gérera la ligne.
Quand on voit que sont toujours ouverts les portiques antifraude qu’il a fait installer avec l’argent public, portiques qui sont de plus un danger évident quand c’est le bazar à Saint-Lazare et que des foules courent en tous sens, c’est-à-dire le plus souvent, on attend la suite avec impatience.
*
Ce Morin s’est fait allumer l’autre semaine par France Info :
« Au mois de décembre, ces portiques ultra-modernes ont été inaugurés par un président de région Normandie tout sourire. Hervé Morin a déclaré la guerre aux fraudeurs et cette machine doit être une arme imparable » « Le Conseil régional a investi plus de deux millions d'euros afin d'équiper la gare Saint-Lazare » « Mais depuis qu'ils sont entrés en service, ils restent le plus souvent ouverts. Apparemment personne n'a encore osé mettre la machine en route en fin d'après-midi, quand des milliers de voyageurs affluent en courant vers les quais dans l'espoir de ne pas rater leur train. Aux heures de pointe, la cohue est telle que l'engorgement du hall serait inévitable. »
*
Morin ou comment jeter plus de deux millions d'euros d’argent public à la poubelle sans avoir à en rendre compte devant un tribunal (il devrait être condamné à rembourser sur sa fortune personnelle).
Avec d’autres, je me place au milieu du quai Vingt-Trois où devrait arriver le train convoité. Catastrophe, il est soudain annoncé avec un retard de cinquante minutes. Le suivant est à dix-huit heures trente et c’est un omnibus. Pour désengorger la salle des pas perdus, la Senecefe l’affiche dès dix-huit heures. Je passe par le couloir souterrain pour rejoindre le quai Dix-Huit où il stationne. Quand j’arrive toutes les places assises sont déjà occupées. Pas étonnant, il faut faire entrer dans ce train l’équivalent de plusieurs et, en plus, c’en est un à sièges colorés qui possède moins de sièges que les anciens de type bétaillère en raison des toilettes aux normes handicapés et de la possibilité donnée aux bicyclistes d’y ériger leur engin à la verticale.
Ici nul pédaleur, surtout des travailleurs tentant de rentrer à la maison. Je réussis à m’asseoir en haut des marches menant à l’étage. Certains font de même dans les couloirs mais se font sermonner par d’autres qui sont sur le quai et ne peuvent monter. Ils cèdent et la voiture se transforme en boîte de sardines. Il faut attendre une demi-heure dans ces conditions avant que le train parte. A l’heure.
Il ne tarde pas à se mettre en retard, s’arrêtant pour une raison inconnue et une durée de cinq minutes à Mantes-Station.
Sur la plate-forme, celles et ceux collés serrés font connaissance et tentent de se consoler par l’humour :
-J’ai compris, dit une femme, la ligne Paris Rouen, c’est le prolongement de la ligne Treize du métro.
Le meilleur moment est quand un homme se fraie à grand mal un passage dans l’agglomérat. Il veut aller aux toilettes, explique-t-il.
-Il y a déjà au moins trois personnes dans les toilettes, lui dit-on.
-Ben oui, dit une autre, c’est un train pour lequel il fait prévoir des couches.
En gare de Vernon, je réussis à trouver une place assise à l’étage, mais d’autres continuent à voyager debout. Pendant tout le trajet, le chef de bord fait le mort. La seule voix humaine est celle enregistrée qui annonce les arrêts. Au lieu d’être à la maison à dix-neuf heures quinze, j’y arrive à vingt heures trente.
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Hervé Morin, Duc de Normandie, Centriste de Droite, trouve la situation inacceptable, mais, promet-il, tout ira bien en deux mille vingt quand la région normande gérera la ligne.
Quand on voit que sont toujours ouverts les portiques antifraude qu’il a fait installer avec l’argent public, portiques qui sont de plus un danger évident quand c’est le bazar à Saint-Lazare et que des foules courent en tous sens, c’est-à-dire le plus souvent, on attend la suite avec impatience.
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Ce Morin s’est fait allumer l’autre semaine par France Info :
« Au mois de décembre, ces portiques ultra-modernes ont été inaugurés par un président de région Normandie tout sourire. Hervé Morin a déclaré la guerre aux fraudeurs et cette machine doit être une arme imparable » « Le Conseil régional a investi plus de deux millions d'euros afin d'équiper la gare Saint-Lazare » « Mais depuis qu'ils sont entrés en service, ils restent le plus souvent ouverts. Apparemment personne n'a encore osé mettre la machine en route en fin d'après-midi, quand des milliers de voyageurs affluent en courant vers les quais dans l'espoir de ne pas rater leur train. Aux heures de pointe, la cohue est telle que l'engorgement du hall serait inévitable. »
*
Morin ou comment jeter plus de deux millions d'euros d’argent public à la poubelle sans avoir à en rendre compte devant un tribunal (il devrait être condamné à rembourser sur sa fortune personnelle).
23 février 2018
La journée est bonne (quand même). Je passe d’abord chez Book-Off, puis réserve une table tranquille au Bistrot des Vosges, enfin l’attends au soleil rue Saint-Antoine près de Pierre Caron de Beaumarchais. Elle arrive à midi et demi comme convenu.
Il s’agit de fêter mon anniversaire (quand même) bien installés au fond de ce restaurant plus que centenaire du boulevard Beaumarchais spécialisé dans la cuisine aveyronnaise. Elle opte pour le chou farci pommes grenailles et je choisis la saucisse grillée aligot, dans l’optique de nous les partager. Pour les accompagner, une flûte de vin de Marcillac de la famille Laurens dont elle ne pourra boire qu’un verre en raison de son traitement médicamenteux.
Cela nous rappelle nos premières vacances là-bas alors qu’elle était si jeune. Elle se souvient mieux que moi d’un repas en ferme auberge avec un gros chou farci suivi d’une délicieuse pintade. Ici, ce n’est pas aussi rustique mais fort bon (quand même). Et nous sommes heureux de constater que nous sommes toujours bien ensemble.
En dessert, je prends la tarte à la myrtille et elle, un moelleux à la châtaigne. Un café, une noisette, il est déjà temps de se quitter. L’addition donne un chiffre tout rond que je règle au comptoir. Il est deux heures et quart. Le travail l’appelle et je prends le bus Vingt-Neuf jusqu’à Opéra Quatre-Septembre.
*
Avant le train de retour, je bois un café A la Ville d’Argentan près d’une journaliste anglaise et d’un journaliste irlandais travaillant tous deux pour France Vingt-Quatre. Un autre journaliste, d’origine africaine, au prénom biblique et vivant à Rouen, leur donne des conseils avant un prochain séjour au Nigeria où elle et lui doivent retrouver un fixeur. Ils veulent pouvoir suivre une étudiante jusque dans sa famille et filmer un repenti de Boko Haram. Méfiez-vous des gares routières, des marchés, des mosquées, leur dit-il. J’aime quand c’est le chaos, lui explique l’homme en partance, que je peux aller n’importe où et faire ce que veux, par exemple installer une caméra avec du gaffeur en haut d’un immeuble.
*
Rue de Charonne, un bar éphémère nommé Chez Ducon. Je préfère la connerie durable de celui du Havre.
Il s’agit de fêter mon anniversaire (quand même) bien installés au fond de ce restaurant plus que centenaire du boulevard Beaumarchais spécialisé dans la cuisine aveyronnaise. Elle opte pour le chou farci pommes grenailles et je choisis la saucisse grillée aligot, dans l’optique de nous les partager. Pour les accompagner, une flûte de vin de Marcillac de la famille Laurens dont elle ne pourra boire qu’un verre en raison de son traitement médicamenteux.
Cela nous rappelle nos premières vacances là-bas alors qu’elle était si jeune. Elle se souvient mieux que moi d’un repas en ferme auberge avec un gros chou farci suivi d’une délicieuse pintade. Ici, ce n’est pas aussi rustique mais fort bon (quand même). Et nous sommes heureux de constater que nous sommes toujours bien ensemble.
En dessert, je prends la tarte à la myrtille et elle, un moelleux à la châtaigne. Un café, une noisette, il est déjà temps de se quitter. L’addition donne un chiffre tout rond que je règle au comptoir. Il est deux heures et quart. Le travail l’appelle et je prends le bus Vingt-Neuf jusqu’à Opéra Quatre-Septembre.
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Avant le train de retour, je bois un café A la Ville d’Argentan près d’une journaliste anglaise et d’un journaliste irlandais travaillant tous deux pour France Vingt-Quatre. Un autre journaliste, d’origine africaine, au prénom biblique et vivant à Rouen, leur donne des conseils avant un prochain séjour au Nigeria où elle et lui doivent retrouver un fixeur. Ils veulent pouvoir suivre une étudiante jusque dans sa famille et filmer un repenti de Boko Haram. Méfiez-vous des gares routières, des marchés, des mosquées, leur dit-il. J’aime quand c’est le chaos, lui explique l’homme en partance, que je peux aller n’importe où et faire ce que veux, par exemple installer une caméra avec du gaffeur en haut d’un immeuble.
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Rue de Charonne, un bar éphémère nommé Chez Ducon. Je préfère la connerie durable de celui du Havre.
22 février 2018
« En raison de l’indisponibilité d’une partie de notre matériel roulant toujours en réparation dans nos centres de maintenance, nous sommes contraints d’assurer un service commercial réduit », mon train de sept heures cinquante-neuf pour Paris est donc encore supprimé ce mercredi. Je trouve place dans le précédent, partant à sept heures vingt-huit, la bétaillère, qui cette semaine n’est pas transformée en omnibus. Voilà qui me permettra de rejoindre Book-Off tranquillement en bus puis d’avoir le temps de choisir le restaurant où inviter celle avec qui j’ai rendez-vous à midi et demi au pied de la statue de Beaumarchais.
Las, notre train s’arrête brusquement dans la cambrousse avant Mantes-la-Jolie. Le chef de bord nous enjoint de ne pas ouvrir les portes sans en dire davantage. Le temps passe. A un moment, plus de lumière et plus de chauffage. Et pas davantage d’explication. Chacun soupire.
Enfin le chef de bord reprend la parole. Nous ne pouvons pas repartir, le conducteur fait son possible pour réparer. Chacun maugrée dans son coin. La lumière et le chauffage reviennent.
Vingt minutes plus tard, on nous annonce que « notre conducteur vient de demander du secours » puis arrive le message qui déchaîne un concert de « Putain !». Il nous apprend que le conducteur a demandé une machine de secours et qu’en moyenne ce genre d’opération dure deux heures et demie.
Je vois déjà mon rendez-vous de midi et demi annulé. Ma jeune voisine est accablée au téléphone. Il fallait qu’elle soit au tribunal ce matin et « c’est cramé ». Qu’a bien pu faire cette jolie fille ? A peine ai-je le temps de me poser la question que je comprends qu’elle est avocate.
Tout à coup, l’espoir renaît. Le chef de bord déclare que le conducteur est en train de réussir à réparer. S’il peut débloquer le signal d’alarme de la quatrième voiture, on repartira dans un quart d’heure.
C’est effectivement ce qui se passe. Nous constatons alors que la panne s’est produite juste avant l’entrée d’un tunnel.
Il nous faut encore subir plusieurs courts arrêts pour « régulation du trafic ». Le chef de bord passe s’enquérir des soucis de correspondance. Il fait réserver des places dans les Tégévés suivants pour ceux qui ont raté le leur et affréter des taxis aux frais de la Senecefe pour ceux qui rejoignent les aéroports.
Nous sommes à Saint-Lazare à dix heures. « Veuillez nous excuser pour la gêne occasionnée. »
Avec ma voisine nous nous souhaitons une « bonne journée quand même ». Sur le quai, des employés distribuent des formulaires de dédommagement. Inutile que j’en prenne un, mon billet était pour un autre train. Je refuse de même la boîte orange marquée « Assistance » distribuée par d’autres. Elle doit contenir des viennoiseries industrielles.
*
Les répugnantes toilettes de la bétaillère dans lesquelles aucune chasse d’eau ne fonctionne depuis des mois, encore un « service commercial réduit ».
Las, notre train s’arrête brusquement dans la cambrousse avant Mantes-la-Jolie. Le chef de bord nous enjoint de ne pas ouvrir les portes sans en dire davantage. Le temps passe. A un moment, plus de lumière et plus de chauffage. Et pas davantage d’explication. Chacun soupire.
Enfin le chef de bord reprend la parole. Nous ne pouvons pas repartir, le conducteur fait son possible pour réparer. Chacun maugrée dans son coin. La lumière et le chauffage reviennent.
Vingt minutes plus tard, on nous annonce que « notre conducteur vient de demander du secours » puis arrive le message qui déchaîne un concert de « Putain !». Il nous apprend que le conducteur a demandé une machine de secours et qu’en moyenne ce genre d’opération dure deux heures et demie.
Je vois déjà mon rendez-vous de midi et demi annulé. Ma jeune voisine est accablée au téléphone. Il fallait qu’elle soit au tribunal ce matin et « c’est cramé ». Qu’a bien pu faire cette jolie fille ? A peine ai-je le temps de me poser la question que je comprends qu’elle est avocate.
Tout à coup, l’espoir renaît. Le chef de bord déclare que le conducteur est en train de réussir à réparer. S’il peut débloquer le signal d’alarme de la quatrième voiture, on repartira dans un quart d’heure.
C’est effectivement ce qui se passe. Nous constatons alors que la panne s’est produite juste avant l’entrée d’un tunnel.
Il nous faut encore subir plusieurs courts arrêts pour « régulation du trafic ». Le chef de bord passe s’enquérir des soucis de correspondance. Il fait réserver des places dans les Tégévés suivants pour ceux qui ont raté le leur et affréter des taxis aux frais de la Senecefe pour ceux qui rejoignent les aéroports.
Nous sommes à Saint-Lazare à dix heures. « Veuillez nous excuser pour la gêne occasionnée. »
Avec ma voisine nous nous souhaitons une « bonne journée quand même ». Sur le quai, des employés distribuent des formulaires de dédommagement. Inutile que j’en prenne un, mon billet était pour un autre train. Je refuse de même la boîte orange marquée « Assistance » distribuée par d’autres. Elle doit contenir des viennoiseries industrielles.
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Les répugnantes toilettes de la bétaillère dans lesquelles aucune chasse d’eau ne fonctionne depuis des mois, encore un « service commercial réduit ».
21 février 2018
Parmi mes livres lus : Waugh part en campagne d’Auberon Waugh (Anatolia/Editions du Rocher), lequel, indique la quatrième de couverture, fut une « figure légendaire de Soho, génial polémiste et satiriste, bête noire des imbéciles de tous bords qu’il traqua sans relâche ». Ce recueil rassemble les textes qu’il écrivait chaque été pour les grands journaux londoniens lors de ses vacances en France à Montmaur (Aude) et en Angleterre dans le Kent ou le Somerset.
J’en ai tiré peu :
Jamais je n’aurais cru vivre assez vieux pour voir un Français verser du ketchup sur son bifteck.
Le capitalisme technologique a ses joies et notamment celle-ci : même s’il fait du bruit, sent mauvais, salit tout et s’accompagne de pollution morale, il n’oblige pas plus d’un tiers de nos concitoyens à travailler. Les deux tiers restants peuvent ainsi vivre fort agréablement du surplus produit, laissant le travail à ceux qui l’apprécient, ou à ceux qui veulent toujours en avoir plus que les autres, ou à ceux que leurs insuffisances émotionnelles poussent à faire la loi à leur prochain.
Les appartements de mes enfants sont situés à une bonne quarantaine de mètres de la pièce où j’écris et nous ne nous en portons que mieux, tous autant que nous sommes.
La nouvelle autoroute fera passer les vacanciers dangereusement près de la ville…
L’arrivée d’une équipe de tournage, venue réaliser un film dans le Somerset, a de tout temps signalé à la population locale que le moment était venu d’enfiler son tablier de cuir et de se tenir à la barrière de son jardin, occupé à boire du cidre en suçotant une paille.
*
Auberon Waugh, tout malin qu’il était, écrivit aussi ceci pendant ses vacances estivales :
Je n’ai jamais rien eu à reprocher à Picasso et très franchement je ne trouve pas ses peintures pires que celles que mes enfants gribouillent à l’école, chaque jour que Dieu fait, et que je suis censé accueillir avec des cris d’émerveillement et de stupeur. (…) … pas une seule voix n’a émis l’idée que Picasso est tout simplement, le plus grand fumiste de tous les temps : qu’il a pris pour cible le monde des gens dans le vent, des intellectuels et des artistes au grand complet et que depuis soixante-cinq ans, il se paie leur tête dans les grandes largeurs. Peut-être, quand il mourra, trouvera-t-on un document renfermant son ultime message à la planète. Six mots pourraient suffire, voire moins –l’équivalent espagnol, quel qu’il soit, de la phrase : Alors, je vous ai bien eus.
*
Autre lecture, celle-là complètement décevante, L’écrivain national de Serge Joncour (Flammarion). Bien qu’il soit écrit « roman » sur la couverture, je pensais, suite à un extrait entendu sur France Cul, qu’il s’agissait de la narration narquoise du déroulement de sa résidence d’écrivain en milieu rural. Pas du tout, Joncour a écrit une histoire dont il est le héros et dans laquelle il séduit l’héroïne du fait divers du coin, Rien de crédible dans cette complaisante autofiction, même ses gendarmes sont invraisemblables.
*
A treize ans –l’âge des premières amours– il fut déniaisé par une fille de Montmartre qui lui prit quarante francs et ses illusions en lui disant de faire vite. Madeleine Choisy a le goût du zeugme.
Son livre reportage Un mois chez les filles paru en mil neuf cent vingt-huit aux Editions Montaigne, réédité en deux mille quinze aux Editions Stock, écrit tout en phrases courtes, m’a bien plu.
Extrait :
Le Havre. Rue des Galions. C’est plus étroit qu’une vierge, moins étroit que la vertu. Ça sent la marée, la femme, la courtisane économe, le lit tourné et l’urine.
Mais, à l’intérieur, quelle paix ! Rien ne saurait donner une idée de la vie familiale d’un bordel de province. On cause. On rit. On coud. On s’amuse à de petits jeux innocents.
J’en ai tiré peu :
Jamais je n’aurais cru vivre assez vieux pour voir un Français verser du ketchup sur son bifteck.
Le capitalisme technologique a ses joies et notamment celle-ci : même s’il fait du bruit, sent mauvais, salit tout et s’accompagne de pollution morale, il n’oblige pas plus d’un tiers de nos concitoyens à travailler. Les deux tiers restants peuvent ainsi vivre fort agréablement du surplus produit, laissant le travail à ceux qui l’apprécient, ou à ceux qui veulent toujours en avoir plus que les autres, ou à ceux que leurs insuffisances émotionnelles poussent à faire la loi à leur prochain.
Les appartements de mes enfants sont situés à une bonne quarantaine de mètres de la pièce où j’écris et nous ne nous en portons que mieux, tous autant que nous sommes.
La nouvelle autoroute fera passer les vacanciers dangereusement près de la ville…
L’arrivée d’une équipe de tournage, venue réaliser un film dans le Somerset, a de tout temps signalé à la population locale que le moment était venu d’enfiler son tablier de cuir et de se tenir à la barrière de son jardin, occupé à boire du cidre en suçotant une paille.
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Auberon Waugh, tout malin qu’il était, écrivit aussi ceci pendant ses vacances estivales :
Je n’ai jamais rien eu à reprocher à Picasso et très franchement je ne trouve pas ses peintures pires que celles que mes enfants gribouillent à l’école, chaque jour que Dieu fait, et que je suis censé accueillir avec des cris d’émerveillement et de stupeur. (…) … pas une seule voix n’a émis l’idée que Picasso est tout simplement, le plus grand fumiste de tous les temps : qu’il a pris pour cible le monde des gens dans le vent, des intellectuels et des artistes au grand complet et que depuis soixante-cinq ans, il se paie leur tête dans les grandes largeurs. Peut-être, quand il mourra, trouvera-t-on un document renfermant son ultime message à la planète. Six mots pourraient suffire, voire moins –l’équivalent espagnol, quel qu’il soit, de la phrase : Alors, je vous ai bien eus.
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Autre lecture, celle-là complètement décevante, L’écrivain national de Serge Joncour (Flammarion). Bien qu’il soit écrit « roman » sur la couverture, je pensais, suite à un extrait entendu sur France Cul, qu’il s’agissait de la narration narquoise du déroulement de sa résidence d’écrivain en milieu rural. Pas du tout, Joncour a écrit une histoire dont il est le héros et dans laquelle il séduit l’héroïne du fait divers du coin, Rien de crédible dans cette complaisante autofiction, même ses gendarmes sont invraisemblables.
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A treize ans –l’âge des premières amours– il fut déniaisé par une fille de Montmartre qui lui prit quarante francs et ses illusions en lui disant de faire vite. Madeleine Choisy a le goût du zeugme.
Son livre reportage Un mois chez les filles paru en mil neuf cent vingt-huit aux Editions Montaigne, réédité en deux mille quinze aux Editions Stock, écrit tout en phrases courtes, m’a bien plu.
Extrait :
Le Havre. Rue des Galions. C’est plus étroit qu’une vierge, moins étroit que la vertu. Ça sent la marée, la femme, la courtisane économe, le lit tourné et l’urine.
Mais, à l’intérieur, quelle paix ! Rien ne saurait donner une idée de la vie familiale d’un bordel de province. On cause. On rit. On coud. On s’amuse à de petits jeux innocents.
20 février 2018
Vendredi seize, je prends un an supplémentaire. Après trois années en Pyrénées, me voici arrivé dans le Bas-Rhin, moitié dans la plaine d’Alsace, moitié dans les Vosges, une région où j’ai de meilleurs souvenirs que dans la précédente.
Ce jour d’anniversaire est un vendredi banal. Au moins il fait beau. Et le fait que ce soit aussi le Nouvel An des Chinois(e)s peut être vu comme la métaphore d’un nouveau départ. Cependant rien ne peut éviter que me taraude la coutumière question : sera-ce la dernière, cette année nouvelle ?
*
La bonne nouvelle de cette fin d’hiver : c’en est terminé des vêtements façon rôti de porc. Plus qu’un sur dix à Paris, Encore trois sur dix à Rouen.
*
Deux qui tentent un nouveau départ au Grand Saint Marc, elle quinqua, lui sexa. La rencontre sur le terrain, après hameçonnage sur Internet, se révèle infructueuse. Elle, adepte de l’euphémisme, en prend acte :
-J’suis quand même ronde et vous cherchez tous des grandes blondes.
Ce jour d’anniversaire est un vendredi banal. Au moins il fait beau. Et le fait que ce soit aussi le Nouvel An des Chinois(e)s peut être vu comme la métaphore d’un nouveau départ. Cependant rien ne peut éviter que me taraude la coutumière question : sera-ce la dernière, cette année nouvelle ?
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La bonne nouvelle de cette fin d’hiver : c’en est terminé des vêtements façon rôti de porc. Plus qu’un sur dix à Paris, Encore trois sur dix à Rouen.
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Deux qui tentent un nouveau départ au Grand Saint Marc, elle quinqua, lui sexa. La rencontre sur le terrain, après hameçonnage sur Internet, se révèle infructueuse. Elle, adepte de l’euphémisme, en prend acte :
-J’suis quand même ronde et vous cherchez tous des grandes blondes.
19 février 2018
Avant de partir à la conquête du Sultanat d’Oman, les musicien(ne)s de l’Opéra de Rouen se préparent, jeudi soir, à La Conquête de l’Ouest, un concert pour lequel j’ai une place au dernier rang de la corbeille.
Ce rang n’a que deux fauteuils, situés près des portes, un du côté impair, un du côté pair (où je suis). Loin d’être défavorisé, j’ai l’avantage d’être surélevé, d’avoir vue sur l’ensemble de la salle, de n’avoir aucun voisin et de bénéficier de la proximité des trois charmantes ouvreuses, dont l’une fut mon élève quand elle avait cinq ans.
Devant moi s’installe un couple de retraités des plus calmes. Devant eux ce sont des lycéen(ne)s tout aussi tranquilles, dont certaines filles qui ont fait un bel effort de toilette. On ne s’habille plus pour aller à l’Opéra. Ces jouvencelles font heureuse exception La soirée s’annonce paisible et riche d’intérêt.
A la baguette, c’est le jeune Jamie Phillips, déjà apprécié ici. Cela commence par Chaâbi du contemporain Tarik O’Regan, une très belle œuvre conforme à son titre et qui m’évoque aussi Philip Glass. Las, son écoute est troublée par un tousseur assis derrière le staff. Ce gêneur a la bonne idée de quitter la salle mais à ce moment arrive un groupe en retard qui s’installe dans deux loges avec le bruit inévitable qu’engendre ce genre d'opération.
Ce sont des handicapés mentaux (comme on disait autrefois) et leur assistance. L’un d’eux se met à gémir, mêlant au Chaâbi d’O’Regan une performance vocale non voulue par le compositeur.
Appalachian Spring d’Aaron Copland est dérangé par le cri répété d’un autre. Exprime-t-il sa joie ou sa douleur, c’est difficile à savoir, mais je plains celles et ceux qui sont assis juste devant lui en corbeille.
En sortant de la salle pour l’entracte, chacun(e) jette un regard en coin pour identifier l’origine des sons inopportuns. Nul(le) ne se hasarde à un commentaire. Ce ne serait pas correctement politique.
A la reprise, Jamie Phillips dit quelques mots en français afin d’évoquer George Butterworth, compositeur qui aurait pu, selon lui, devenir un des grands musiciens du vingtième siècle s’il n’était mort prématurément pendant la Bataille de la Somme. The Banks of Green Willow, l’une des trois seules œuvres de Butterworth, bien que courte, est troublée elle aussi par des psalmodies et des lamentations provenant des loges.
Pour finir, c’est la Symphonie numéro Cent Quatre en ré majeur dite de Londres de Joseph Haydn, son ultime mais pas la moindre, un peu moins perturbée par des sons intempestifs.
Le jeune maestro dynamique et les musicien(ne)s sont fort applaudis à l’issue de cette soirée qui fut tout sauf paisible.
*
L’après-midi, quand je suis allé retirer ma place à l’accueil de l’Opéra, le jeune homme à qui je demandais s’il y en avait une meilleure de disponible m’a proposé un fauteuil du balcon que j’ai refusé puis un autre en corbeille juste devant les loges J’aurais pu l’accepter mais son absence d’enthousiasme m’a alerté. J’ai gardé mon siège isolé. Et j’ai bien fait.
*
Jean Braunstein, son Vice-Président, n’a pas mis longtemps à répondre à la question que je me posais : « Les dix membres de l'association des publics de l'opéra de Rouen qui partent à Mascate le font entièrement à leur frais ! Pas de subvention de l'opéra de Rouen, pas d'invitation du sultan ! Et les participants au voyage paient aussi leur place à l'Opéra Royal de Mascate ! »
Il m’indique également qu’il ne s’agit pas que d’une opération de prestige : « Il me semble qu'il n'est pas scandaleux que l'Opéra de Rouen ait été choisi par la direction de celui de Mascate parmi tous les opéras possibles pour monter une coproduction inédite jusqu'alors : non pas la livraison d'un opéra clés en main, comme le ROHM le faisait jusqu'alors, mais une coproduction, élaborée en commun. L'opéra de Mascate y voit l'occasion de développer son propre savoir faire à l'aide de notre opéra. De ce fait, le déplacement à Mascate est financé par le Sultanat d'Oman. Ce type de coopération, où nous vendons notre savoir-faire en matière culturelle n'est pas à négliger aujourd'hui. »
Ce rang n’a que deux fauteuils, situés près des portes, un du côté impair, un du côté pair (où je suis). Loin d’être défavorisé, j’ai l’avantage d’être surélevé, d’avoir vue sur l’ensemble de la salle, de n’avoir aucun voisin et de bénéficier de la proximité des trois charmantes ouvreuses, dont l’une fut mon élève quand elle avait cinq ans.
Devant moi s’installe un couple de retraités des plus calmes. Devant eux ce sont des lycéen(ne)s tout aussi tranquilles, dont certaines filles qui ont fait un bel effort de toilette. On ne s’habille plus pour aller à l’Opéra. Ces jouvencelles font heureuse exception La soirée s’annonce paisible et riche d’intérêt.
A la baguette, c’est le jeune Jamie Phillips, déjà apprécié ici. Cela commence par Chaâbi du contemporain Tarik O’Regan, une très belle œuvre conforme à son titre et qui m’évoque aussi Philip Glass. Las, son écoute est troublée par un tousseur assis derrière le staff. Ce gêneur a la bonne idée de quitter la salle mais à ce moment arrive un groupe en retard qui s’installe dans deux loges avec le bruit inévitable qu’engendre ce genre d'opération.
Ce sont des handicapés mentaux (comme on disait autrefois) et leur assistance. L’un d’eux se met à gémir, mêlant au Chaâbi d’O’Regan une performance vocale non voulue par le compositeur.
Appalachian Spring d’Aaron Copland est dérangé par le cri répété d’un autre. Exprime-t-il sa joie ou sa douleur, c’est difficile à savoir, mais je plains celles et ceux qui sont assis juste devant lui en corbeille.
En sortant de la salle pour l’entracte, chacun(e) jette un regard en coin pour identifier l’origine des sons inopportuns. Nul(le) ne se hasarde à un commentaire. Ce ne serait pas correctement politique.
A la reprise, Jamie Phillips dit quelques mots en français afin d’évoquer George Butterworth, compositeur qui aurait pu, selon lui, devenir un des grands musiciens du vingtième siècle s’il n’était mort prématurément pendant la Bataille de la Somme. The Banks of Green Willow, l’une des trois seules œuvres de Butterworth, bien que courte, est troublée elle aussi par des psalmodies et des lamentations provenant des loges.
Pour finir, c’est la Symphonie numéro Cent Quatre en ré majeur dite de Londres de Joseph Haydn, son ultime mais pas la moindre, un peu moins perturbée par des sons intempestifs.
Le jeune maestro dynamique et les musicien(ne)s sont fort applaudis à l’issue de cette soirée qui fut tout sauf paisible.
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L’après-midi, quand je suis allé retirer ma place à l’accueil de l’Opéra, le jeune homme à qui je demandais s’il y en avait une meilleure de disponible m’a proposé un fauteuil du balcon que j’ai refusé puis un autre en corbeille juste devant les loges J’aurais pu l’accepter mais son absence d’enthousiasme m’a alerté. J’ai gardé mon siège isolé. Et j’ai bien fait.
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Jean Braunstein, son Vice-Président, n’a pas mis longtemps à répondre à la question que je me posais : « Les dix membres de l'association des publics de l'opéra de Rouen qui partent à Mascate le font entièrement à leur frais ! Pas de subvention de l'opéra de Rouen, pas d'invitation du sultan ! Et les participants au voyage paient aussi leur place à l'Opéra Royal de Mascate ! »
Il m’indique également qu’il ne s’agit pas que d’une opération de prestige : « Il me semble qu'il n'est pas scandaleux que l'Opéra de Rouen ait été choisi par la direction de celui de Mascate parmi tous les opéras possibles pour monter une coproduction inédite jusqu'alors : non pas la livraison d'un opéra clés en main, comme le ROHM le faisait jusqu'alors, mais une coproduction, élaborée en commun. L'opéra de Mascate y voit l'occasion de développer son propre savoir faire à l'aide de notre opéra. De ce fait, le déplacement à Mascate est financé par le Sultanat d'Oman. Ce type de coopération, où nous vendons notre savoir-faire en matière culturelle n'est pas à négliger aujourd'hui. »
16 février 2018
Le train de sept heures cinquante-neuf pour Paris est encore supprimé ce mercredi et il n’est pas le seul. Cette fois, c’est en conséquence de nombreuses voitures abîmées par l’épisode neigeux (vitres cassées, etc.). C’est du moins l’explication officielle. Pas question que je me fasse rembourser. Je prends le précédent, la bétaillère à étage qui part une demi-heure plus tôt, mais comme pour la même raison, elle est transformée en omnibus, je n’arrive au Café du Faubourg que dix minutes plus tôt.
Après avoir bookoffié sans grand succès, je me risque au marché d’Aligre malgré le froid et n’y trouve rien, pas davantage chez Emmaüs. Dépité, je rejoins l’avenue Parmentier à pied afin de déjeuner au Palais de Pékin.
Il est tôt. Où se mettre à l’abri du vent glacé ? Je me garde bien de retourner dans certaine bouquinerie infâme mais entre dans l’église Saint-Ambroise. Elle est aussi vaste que peu remarquable. Quelques miséreux y ont trouvé refuge dont l’un a carrément installé une chaise au-dessus d’une bouche de chaleur. Il s’y tient prostré « Mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? » La Police est espérée, non pour expulser ces malheureux, mais pour prier à l’invitation du Clergé « Policier, viens parler de ton métier avec des collègues à la lumière de l’Evangile ».
Aucun couple d’amoureux n’a choisi le Palais de Pékin pour la Saint-Valentin. La femme et l’homme présents n’en sont pas, comme me l’apprend son propos à lui :
-Guillaume Dustan, j’ai tout lu pendant ma dépression. C’est un de mes amants qui me l’a fait découvrir.
Deux vieilles amies commandent une Tsingtao. Cette bière ne m’est plus inconnue depuis qu’une élégante Chinoise m’a expliqué qu’elle est fabriquée à Qingdao, sa ville natale. Elle vient de la rejoindre afin d’y fêter, avec sa nombreuse famille, le Nouvel An, lequel a lieu cette année, et pour la troisième fois depuis ma naissance, le jour de mon anniversaire (on trouve à Qingdao une Cathédrale Saint-Michel).
Après avoir terminé d’énormes moules un peu coriaces, je remonte la rue du Chemin-Vert jusqu’à la Petite Rockette. Je n’y vois aucun livre intéressant. Le seul que je feuillette est un journal autoédité qui bénéficie d’une inscription manuscrite de l’auteure : « A mon docteur, afin qu’il me connaisse mieux ».
D’un coup de métro, je rejoins le second Book-Off où je trouve quand même cinq livres à acheter. Il fait toujours aussi froid quand j’en ressors. Près de la station de métro Quatre-Septembre, un semi clochard est en grande conversation téléphonique avec je ne sais qui. Johnny, Laetitia, Laura, David, la famille dont il parle n’est pas la sienne et plus déshérité que les deux derniers il est.
*
Comment presque rater son voyage de retour :
S’installer comme d’habitude, avant que le tableau d’affichage ne l’autorise, dans la bétaillère du quai Dix-Neuf. Découvrir au dernier moment qu’elle ne va qu’à Oissel. Chercher l’autre bétaillère. La trouver quai Vingt-Trois. Y grimper deux minutes avant le départ. Comme elle est, elle aussi, transformée en omnibus et donc blindée, n’y avoir pour s’asseoir que l’emplacement des bagages. Etre transporté comme un colis jusqu’à Vernon. Là, trouver enfin une vraie place assise.
*
Seul livre inattendu rapporté de Paris ce mercredi : Dessins de François Caradec (Les Ateliers du Tayrac). Je ne le savais pas dessinateur. Son talent dans ce domaine est relatif.
*
Trouvé dans un autre livre : un petit recueil de pensées et maximes d’Oscar Wilde qui était offert aux voyageurs de l’Eurostar en mil neuf cent quatre-vingt-seize. Extrait d’actualité en ce jour de froide Saint-Valentin : Personne n’est parfait : même moi, je suis particulièrement sensible aux courants d’air.
*
« Et ne me parlez pas de l’église Saint-Ambroise. Quand je la croise, j’ai honte pour Dieu. » (Pierre Desproges, dont ce sera le trentième anniversaire de la mort le dix-huit avril)
Après avoir bookoffié sans grand succès, je me risque au marché d’Aligre malgré le froid et n’y trouve rien, pas davantage chez Emmaüs. Dépité, je rejoins l’avenue Parmentier à pied afin de déjeuner au Palais de Pékin.
Il est tôt. Où se mettre à l’abri du vent glacé ? Je me garde bien de retourner dans certaine bouquinerie infâme mais entre dans l’église Saint-Ambroise. Elle est aussi vaste que peu remarquable. Quelques miséreux y ont trouvé refuge dont l’un a carrément installé une chaise au-dessus d’une bouche de chaleur. Il s’y tient prostré « Mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? » La Police est espérée, non pour expulser ces malheureux, mais pour prier à l’invitation du Clergé « Policier, viens parler de ton métier avec des collègues à la lumière de l’Evangile ».
Aucun couple d’amoureux n’a choisi le Palais de Pékin pour la Saint-Valentin. La femme et l’homme présents n’en sont pas, comme me l’apprend son propos à lui :
-Guillaume Dustan, j’ai tout lu pendant ma dépression. C’est un de mes amants qui me l’a fait découvrir.
Deux vieilles amies commandent une Tsingtao. Cette bière ne m’est plus inconnue depuis qu’une élégante Chinoise m’a expliqué qu’elle est fabriquée à Qingdao, sa ville natale. Elle vient de la rejoindre afin d’y fêter, avec sa nombreuse famille, le Nouvel An, lequel a lieu cette année, et pour la troisième fois depuis ma naissance, le jour de mon anniversaire (on trouve à Qingdao une Cathédrale Saint-Michel).
Après avoir terminé d’énormes moules un peu coriaces, je remonte la rue du Chemin-Vert jusqu’à la Petite Rockette. Je n’y vois aucun livre intéressant. Le seul que je feuillette est un journal autoédité qui bénéficie d’une inscription manuscrite de l’auteure : « A mon docteur, afin qu’il me connaisse mieux ».
D’un coup de métro, je rejoins le second Book-Off où je trouve quand même cinq livres à acheter. Il fait toujours aussi froid quand j’en ressors. Près de la station de métro Quatre-Septembre, un semi clochard est en grande conversation téléphonique avec je ne sais qui. Johnny, Laetitia, Laura, David, la famille dont il parle n’est pas la sienne et plus déshérité que les deux derniers il est.
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Comment presque rater son voyage de retour :
S’installer comme d’habitude, avant que le tableau d’affichage ne l’autorise, dans la bétaillère du quai Dix-Neuf. Découvrir au dernier moment qu’elle ne va qu’à Oissel. Chercher l’autre bétaillère. La trouver quai Vingt-Trois. Y grimper deux minutes avant le départ. Comme elle est, elle aussi, transformée en omnibus et donc blindée, n’y avoir pour s’asseoir que l’emplacement des bagages. Etre transporté comme un colis jusqu’à Vernon. Là, trouver enfin une vraie place assise.
*
Seul livre inattendu rapporté de Paris ce mercredi : Dessins de François Caradec (Les Ateliers du Tayrac). Je ne le savais pas dessinateur. Son talent dans ce domaine est relatif.
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Trouvé dans un autre livre : un petit recueil de pensées et maximes d’Oscar Wilde qui était offert aux voyageurs de l’Eurostar en mil neuf cent quatre-vingt-seize. Extrait d’actualité en ce jour de froide Saint-Valentin : Personne n’est parfait : même moi, je suis particulièrement sensible aux courants d’air.
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« Et ne me parlez pas de l’église Saint-Ambroise. Quand je la croise, j’ai honte pour Dieu. » (Pierre Desproges, dont ce sera le trentième anniversaire de la mort le dix-huit avril)
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