Dernières notes
Loïc Boyer
Je suis l’auteur de textes courts qui furent publiés depuis mil neuf cent quatre-vingt-quinze dans des revues littéraires en France (Supérieur Inconnu, Supplément d’Ame, Nouvelle Donne, Le Bord de l’Eau, Pris de Peur, l’Art du Bref, Sol’Air, Gros Textes, Salmigondis, Verso, Décharge, Bulle, Filigranes, Diérèse, Martobre, Comme ça et Autrement, (Cahier d’) Ecritures, La Nef des Fous), en Belgique (Traversées, Ecrits Vains, L’Arbre à Plumes, Inédit Nouveau, Bleu d’Encre), au Canada (Les Saisons Littéraires) et en Italie (Les Cahiers du Ru).
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.
12 août 2019
Ce dimanche, un peu avant huit heures, en attendant le bus Vingt-Trois qui va à Port-Blanc (commune de Baden), j’assiste aux préparatifs de départ du Ouibus pour Paris. Beaucoup de pauvres aux bagages bordéliques et quelques filles seules ou à deux s’agglutinent devant sa portière. Tous semblent craindre le chauffeur barbu de banlieue qui vérifie les billets et les bagages. Ils lui obéissent sans broncher.
Mon bus arrive avant que ce car Macron soit parti. Je suis le seul passager jusqu’à un autre arrêt en ville où montent trois femmes. Sur la droite, je découvre une montgolfière et la suis des yeux tant que c’est possible. Au bout d’une demi-heure de route, nous descendons à Port-Blanc, endroit connu pour posséder l’embarcadère le plus proche de l’île aux Moines. Elle est juste en face. Une navette partant toutes les demi-heures met cinq minutes pour l’atteindre, rien à voir avec mon voyage de l’autre jour depuis la Gare Maritime de Vannes.
Je ne suis pas venu là pour faire une nouvelle traversée moins onéreuse, mais pour me balader raisonnablement le long de la mer. Ce que je fais par un agréable sentier qui mène à Keriboul en passant par l’anse de Moustran. A ma droite, de l’eau et des bateaux. A ma gauche, de la campagne et des chevaux. Sur le bord du chemin, quelques arbres impressionnants.
Arrivé au but, je reviens sur mes pas et prends un café verre d’eau à deux euros sur la terrasse qui domine l’embarcadère du restaurant bistrononique Autour du Rocher. J’y suis seul pour lire le récit que fit Kafka de son voyage de Weimar à Jungborn, jusqu’à ce qu’arrive un sexagénaire qui demande un déjeuner. Il entend par là un grand café. « C’est une appellation locale ? » lui demande le serveur. « Non, tout le monde dit ça », répond-il.
Arrivé au bout du voyage de Kafka, je remonte la rue principale jusqu’au rond-point où se trouve le restaurant Le Ricochet. J’y réserve une table pour midi puis vais m’asseoir sur un banc mouillé (il a plu cette nuit) afin d’observer le mouvement des bateaux et le stress de ceux qui craignent de ne pas avoir de place dans la navette.
J’ai la table Sept à l’intérieur du Ricochet d’où je vois ceux qui ont choisi de s’amasser sous la terrasse couverte. Dans l’autre partie de la salle où je suis se regroupent des gars du pays dans les cinquante soixante ans. Ils en boivent un avant d’aller retrouver leur femme ou leur solitude pour le déjeuner.
Le menu du dimanche est à vingt euros et le quart de Luberon rouge à sept. Je choisis le moelleux de chèvre au lard fumé et à la crème ciboulette, l’échine de porc confite sauce cidre pommes persillées et la tatin mangue pommes caramel gingembre. Tout cela est apporté avec gentillesse par les différentes serveuses. Ce n’est que bon, loin d’être excellent comme ce le fut hier pour un euro de moins au Mor Braz de Saint-Gildas-de-Rhuys.
Après un café à un euro cinquante, je marche sur la côte en direction de Larmor Baden mais guère loin pour raison de fatigue. Je retourne m’asseoir sur mon banc et en attendant qu’il soit l’heure du bus de retour à Vannes, j’y prends le soleil comme un vieux.
*
Autant, quand j’étais dans le bassin d’Arcachon, nul(le) n’avait de difficulté pour comprendre et écrire mon patronyme quand je réservais une table dans un restaurant, autant dans le golfe du Morbihan, nul(le) ne le comprend ou l’écrit comme il faut. Parfois même, on renonce : « Je vous reconnaîtrai ».
*
Sur le quai de Port-Blanc, une femme avec son mari et son chien. C’est ce dernier qu’elle appelle mon chéri.
*
Invisible de Port-Blanc, cachée par l’île aux Moines, l’île d’Arz. De même qu’à Rouen, il convient de ne pas prononcer la dernière lettre de « la rue aux Ours », il convient ici de ne pas prononcer la dernière lettre de « l’île d’Arz ». Or, arz signifie ours. Etonnant, non ?
*
Sous ma fenêtre du quatrième étage, de l’autre côté de la rue, une boutique dans une maison en pierre. Son nom, Nude, et la petite lumière allumée toute la journée ont de quoi faire fantasmer. Il ne s’agit que d’un institut de maquillage permanent où je ne vois jamais entrer personne.
Mon bus arrive avant que ce car Macron soit parti. Je suis le seul passager jusqu’à un autre arrêt en ville où montent trois femmes. Sur la droite, je découvre une montgolfière et la suis des yeux tant que c’est possible. Au bout d’une demi-heure de route, nous descendons à Port-Blanc, endroit connu pour posséder l’embarcadère le plus proche de l’île aux Moines. Elle est juste en face. Une navette partant toutes les demi-heures met cinq minutes pour l’atteindre, rien à voir avec mon voyage de l’autre jour depuis la Gare Maritime de Vannes.
Je ne suis pas venu là pour faire une nouvelle traversée moins onéreuse, mais pour me balader raisonnablement le long de la mer. Ce que je fais par un agréable sentier qui mène à Keriboul en passant par l’anse de Moustran. A ma droite, de l’eau et des bateaux. A ma gauche, de la campagne et des chevaux. Sur le bord du chemin, quelques arbres impressionnants.
Arrivé au but, je reviens sur mes pas et prends un café verre d’eau à deux euros sur la terrasse qui domine l’embarcadère du restaurant bistrononique Autour du Rocher. J’y suis seul pour lire le récit que fit Kafka de son voyage de Weimar à Jungborn, jusqu’à ce qu’arrive un sexagénaire qui demande un déjeuner. Il entend par là un grand café. « C’est une appellation locale ? » lui demande le serveur. « Non, tout le monde dit ça », répond-il.
Arrivé au bout du voyage de Kafka, je remonte la rue principale jusqu’au rond-point où se trouve le restaurant Le Ricochet. J’y réserve une table pour midi puis vais m’asseoir sur un banc mouillé (il a plu cette nuit) afin d’observer le mouvement des bateaux et le stress de ceux qui craignent de ne pas avoir de place dans la navette.
J’ai la table Sept à l’intérieur du Ricochet d’où je vois ceux qui ont choisi de s’amasser sous la terrasse couverte. Dans l’autre partie de la salle où je suis se regroupent des gars du pays dans les cinquante soixante ans. Ils en boivent un avant d’aller retrouver leur femme ou leur solitude pour le déjeuner.
Le menu du dimanche est à vingt euros et le quart de Luberon rouge à sept. Je choisis le moelleux de chèvre au lard fumé et à la crème ciboulette, l’échine de porc confite sauce cidre pommes persillées et la tatin mangue pommes caramel gingembre. Tout cela est apporté avec gentillesse par les différentes serveuses. Ce n’est que bon, loin d’être excellent comme ce le fut hier pour un euro de moins au Mor Braz de Saint-Gildas-de-Rhuys.
Après un café à un euro cinquante, je marche sur la côte en direction de Larmor Baden mais guère loin pour raison de fatigue. Je retourne m’asseoir sur mon banc et en attendant qu’il soit l’heure du bus de retour à Vannes, j’y prends le soleil comme un vieux.
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Autant, quand j’étais dans le bassin d’Arcachon, nul(le) n’avait de difficulté pour comprendre et écrire mon patronyme quand je réservais une table dans un restaurant, autant dans le golfe du Morbihan, nul(le) ne le comprend ou l’écrit comme il faut. Parfois même, on renonce : « Je vous reconnaîtrai ».
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Sur le quai de Port-Blanc, une femme avec son mari et son chien. C’est ce dernier qu’elle appelle mon chéri.
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Invisible de Port-Blanc, cachée par l’île aux Moines, l’île d’Arz. De même qu’à Rouen, il convient de ne pas prononcer la dernière lettre de « la rue aux Ours », il convient ici de ne pas prononcer la dernière lettre de « l’île d’Arz ». Or, arz signifie ours. Etonnant, non ?
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Sous ma fenêtre du quatrième étage, de l’autre côté de la rue, une boutique dans une maison en pierre. Son nom, Nude, et la petite lumière allumée toute la journée ont de quoi faire fantasmer. Il ne s’agit que d’un institut de maquillage permanent où je ne vois jamais entrer personne.
11 août 2019
Après une nuit perturbée par le grand vent, me voici de retour ce samedi matin dans le bus Vingt-Quatre, d’où je descends à l’arrêt Pharmacie à Saint-Gildas-de-Rhuys. Pharmacie, il y a, et bien seule. Un panneau indique le bourg. Je marche vers celui-ci, n’y arrive qu’au bout d’un long moment, guidé par le clocher de l’église. Près d’elle sont installés des manèges forains. Demain, c’est la fête au village et hélas ces manèges tournent déjà, rendant pour moi impraticable le café proche.
Je continue donc vers où je crois être la mer, sans la trouver. Je me renseigne. Il faut encore marcher et marcher. Quand j’y suis, c’est à la hauteur d’une grande plage balayée par le vent. Elle n’a d’intérêt que pour les cervolistes et les planchistes. Un chemin de grande randonnée suit la côte. Je le prends mais il n’est constitué que de sable. J’en ai vite plein les chaussures et plein le dos.
A chaque fois que je pars en escapade, il y a une journée qui tourne mal. Cette fois, ce serait bien ce samedi. Une dame autochtone me laisse espérer un restaurant mais il est encore loin. J’avance comme je peux, pestant et désespérant, du sable jusque dans les cheveux, me demandant comment je vais pouvoir, sans carte détaillée, trouver un autre arrêt de bus, car il ne saurait être question de faire le chemin dans l’autre sens.
Enfin j’aperçois le restaurant. Il a nom Le Mor Braz. J’y entre à midi moins le quart. La jeune femme blonde qui m’accueille s’attend à une réservation mais je lui dis simplement « Je suis perdu ». Cela ne la déconcerte pas. Elle met en marche son smartphone et me montre où nous sommes, mais elle ne sait pas me renseigner pas sur ce que je dois faire. Elle me conseille d’aller demander au campigne un peu plus loin.
En attendant, je lui réserve une table pour midi et quart et vais m’asseoir sur une pierre abritée du vent où je médite sur mes déboires.
A l’heure dite, un jeune homme au louque de surfeur me donne une table qui a vue sur un Océan Atlantique toujours aussi moutonneux. Je choisis le menu à dix-neuf euros avec un quart de chardonnay à sept. Dès l’entrée, je suis conquis. Ces ravioles du Dauphiné au coulis de homard sont excellentes. Il en est de même de la sorte de chausson aux moules dont je n’ai pas le nom exact. Et pareillement pour la soupe d'abricot à la mousse de ricotta. J’ai finalement bien fait de m’égarer. Un café à deux euros et me voici de nouveau dans le vent.
Je vais au campigne. Son responsable est en pause, mais un jeune vacancier à vélo règle mon problème. Il me suffira de longer le golf du Kerver et arrivé à la voilerie je trouverai un arrêt de bus.
Ce que je fais, marchant le long d’un bois puis du golf, protégé du vent et du sable. J’arrive à la route départementale et vois l’abribus. Cet arrêt qui me sauve après tant de kilomètres s’appelle Le Net.
*
De retour à Vannes, je passe à une autre pharmacie. Celle située en face de mon logement temporaire. Il s’agit de renouveler les gouttes qui sont censées contrôler mon glaucome. Pas un jour sans que je pense à ce qui m’attend. Pas un jour sans que je ferme l’œil gauche et trouve que j’y vois flou avec le droit malgré les lunettes.
Je continue donc vers où je crois être la mer, sans la trouver. Je me renseigne. Il faut encore marcher et marcher. Quand j’y suis, c’est à la hauteur d’une grande plage balayée par le vent. Elle n’a d’intérêt que pour les cervolistes et les planchistes. Un chemin de grande randonnée suit la côte. Je le prends mais il n’est constitué que de sable. J’en ai vite plein les chaussures et plein le dos.
A chaque fois que je pars en escapade, il y a une journée qui tourne mal. Cette fois, ce serait bien ce samedi. Une dame autochtone me laisse espérer un restaurant mais il est encore loin. J’avance comme je peux, pestant et désespérant, du sable jusque dans les cheveux, me demandant comment je vais pouvoir, sans carte détaillée, trouver un autre arrêt de bus, car il ne saurait être question de faire le chemin dans l’autre sens.
Enfin j’aperçois le restaurant. Il a nom Le Mor Braz. J’y entre à midi moins le quart. La jeune femme blonde qui m’accueille s’attend à une réservation mais je lui dis simplement « Je suis perdu ». Cela ne la déconcerte pas. Elle met en marche son smartphone et me montre où nous sommes, mais elle ne sait pas me renseigner pas sur ce que je dois faire. Elle me conseille d’aller demander au campigne un peu plus loin.
En attendant, je lui réserve une table pour midi et quart et vais m’asseoir sur une pierre abritée du vent où je médite sur mes déboires.
A l’heure dite, un jeune homme au louque de surfeur me donne une table qui a vue sur un Océan Atlantique toujours aussi moutonneux. Je choisis le menu à dix-neuf euros avec un quart de chardonnay à sept. Dès l’entrée, je suis conquis. Ces ravioles du Dauphiné au coulis de homard sont excellentes. Il en est de même de la sorte de chausson aux moules dont je n’ai pas le nom exact. Et pareillement pour la soupe d'abricot à la mousse de ricotta. J’ai finalement bien fait de m’égarer. Un café à deux euros et me voici de nouveau dans le vent.
Je vais au campigne. Son responsable est en pause, mais un jeune vacancier à vélo règle mon problème. Il me suffira de longer le golf du Kerver et arrivé à la voilerie je trouverai un arrêt de bus.
Ce que je fais, marchant le long d’un bois puis du golf, protégé du vent et du sable. J’arrive à la route départementale et vois l’abribus. Cet arrêt qui me sauve après tant de kilomètres s’appelle Le Net.
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De retour à Vannes, je passe à une autre pharmacie. Celle située en face de mon logement temporaire. Il s’agit de renouveler les gouttes qui sont censées contrôler mon glaucome. Pas un jour sans que je pense à ce qui m’attend. Pas un jour sans que je ferme l’œil gauche et trouve que j’y vois flou avec le droit malgré les lunettes.
10 août 2019
Il ne sera pas dit que je m’aurai pas pris de car à Vannes. Me voici ce vendredi à la gare routière où je monte à neuf heures vingt dans le car Breizhgo qui pour deux euros vous emmène à Rochefort-en-Terre. Une femme blonde fait de même. Bientôt nous roulons sur d’étroites routes dans une verdoyante campagne. La femme descend à Sulniac, joli village à maisons de pierre. Je reste seul avec la conductrice. C’est ensuite La Vraie-Croix puis Questembert dont le marchand de lunettes n’a pas laissé passer l’occasion, il a appelé son magasin Optiquestembert. A dix heures vingt, nous sommes à Rochefort-en-Terre. Le car me laisse en dehors du centre de cette « Cité de caractère » qui a reçu en deux mille seize le titre de « Village préféré des Français ».
J’arrive par le côté du château et entre illico dans son parc déjà fréquenté par bien des familles. Des employés communaux s’activent à la préparation de la fête médiévale du quinze août qui fera de ce lieu un enfer. Je fais moult photos de ce château puis des maisons de la rue principale, m’ingéniant à éviter toute présence humaine. Combien de fois je pense : « Enlevez-moi ces deux cons », comme disait Jean-Pierre Mocky, mort hier à quatre-vingt-six ans, lorsque des intrus étaient dans son cadre.
Au passage, je retiens une table au Pélican. Arrivé à l’autre bout de la rue, je découvre la terrasse qu’il me faut, place Saint-Michel. L’endroit s’appelle Les Ardoisières. Le café y est à un euro trente, ce qui est une preuve de la générosité du patron.
Vers midi, le vent se met à souffler fort. Impossible de manger en terrasse, c’est la salle chic du Pélican qui m’accueille, ambiance feutrée, éclairage choisi, musique un brin sirupeuse en sourdine. Par la porte restée ouverte, j’ai vue sur la glycine bicentenaire de l’Hôtel de Ville et sur qui passe devant.
Celui que je pense être le patron et la serveuse sont des plus professionnels. J’opte pour le menu à dix-neuf euros avec en entrée le haddock émincé aux condiments et aromates et en plat le mignon de porc, jus de viande au lait. Pour accompagner le premier je commande un verre de muscadet et pour le second un verre d’Anjou, chacun à quatre euros cinquante.
Cela ne vaut pas mon repas d’hier. La nouvelle cuisine m’ennuie, surtout ses petits légumes fades, de même que ce personnel trop policé. Heureusement, le vent tourne à la tempête, des parasols s’envolent, la serveuse se précipite dehors, enfin de l’imprévu.
Je ne suis pas seul dans cet établissement mais les autres convives sont loin de moi, je n‘entends guère ce qu’ils disent. Le chef tape deux coups quand un plat est prêt. C’est une maison où l’on enlève les miettes de pain à l’aide d’un couteau. Le dessert me surprend car il est excellent : un onctueux au chocolat cœur crème vanille et sauce arabica.
-Est-ce qu’il vous faut une fiche pour passer dans vos frais ? me demande la serveuse qui peut-être m’estime incapable de fréquenter ce genre d’endroit pour mon loisir.
-Vous ferez attention, les marches sont hautes, me dit-elle quand je m’apprête à sortir.
La tempête a partiellement vidée les rues de Rochefort-en-Terre. Je me procure un plan à l’Office du Tourisme auprès d’une jolie brune longiligne. Il m’aide à trouver la chapelle Saint-Michel. Elle est fermée mais un judas (oui) permet de voir son intérieur. Je visite ensuite Notre-Dame-de-la-Tronchaye puis vais boire un café aux Ardoisières. Il est accompagné d’un carabreizh, l’original caramel au beurre salé.
A dix-sept heures dix, toujours par grand vent, je retrouve le car BreizhGo et sa conductrice dont je suis durant tout le trajet le seul passager. Par bonheur, il n’existe pas encore de loi interdisant à un homme d’être seul dans un car avec la femme qui le conduit.
*
Une affiche qui invite au Grand Pardon de Notre-Dame-de-la-Tronchaye le quinze août avec en caractères énormes : « Repas : Jambon à l’os »
*
A Rochefort-en-Terre, également : une boutique nommée L’Etang Moderne.
J’arrive par le côté du château et entre illico dans son parc déjà fréquenté par bien des familles. Des employés communaux s’activent à la préparation de la fête médiévale du quinze août qui fera de ce lieu un enfer. Je fais moult photos de ce château puis des maisons de la rue principale, m’ingéniant à éviter toute présence humaine. Combien de fois je pense : « Enlevez-moi ces deux cons », comme disait Jean-Pierre Mocky, mort hier à quatre-vingt-six ans, lorsque des intrus étaient dans son cadre.
Au passage, je retiens une table au Pélican. Arrivé à l’autre bout de la rue, je découvre la terrasse qu’il me faut, place Saint-Michel. L’endroit s’appelle Les Ardoisières. Le café y est à un euro trente, ce qui est une preuve de la générosité du patron.
Vers midi, le vent se met à souffler fort. Impossible de manger en terrasse, c’est la salle chic du Pélican qui m’accueille, ambiance feutrée, éclairage choisi, musique un brin sirupeuse en sourdine. Par la porte restée ouverte, j’ai vue sur la glycine bicentenaire de l’Hôtel de Ville et sur qui passe devant.
Celui que je pense être le patron et la serveuse sont des plus professionnels. J’opte pour le menu à dix-neuf euros avec en entrée le haddock émincé aux condiments et aromates et en plat le mignon de porc, jus de viande au lait. Pour accompagner le premier je commande un verre de muscadet et pour le second un verre d’Anjou, chacun à quatre euros cinquante.
Cela ne vaut pas mon repas d’hier. La nouvelle cuisine m’ennuie, surtout ses petits légumes fades, de même que ce personnel trop policé. Heureusement, le vent tourne à la tempête, des parasols s’envolent, la serveuse se précipite dehors, enfin de l’imprévu.
Je ne suis pas seul dans cet établissement mais les autres convives sont loin de moi, je n‘entends guère ce qu’ils disent. Le chef tape deux coups quand un plat est prêt. C’est une maison où l’on enlève les miettes de pain à l’aide d’un couteau. Le dessert me surprend car il est excellent : un onctueux au chocolat cœur crème vanille et sauce arabica.
-Est-ce qu’il vous faut une fiche pour passer dans vos frais ? me demande la serveuse qui peut-être m’estime incapable de fréquenter ce genre d’endroit pour mon loisir.
-Vous ferez attention, les marches sont hautes, me dit-elle quand je m’apprête à sortir.
La tempête a partiellement vidée les rues de Rochefort-en-Terre. Je me procure un plan à l’Office du Tourisme auprès d’une jolie brune longiligne. Il m’aide à trouver la chapelle Saint-Michel. Elle est fermée mais un judas (oui) permet de voir son intérieur. Je visite ensuite Notre-Dame-de-la-Tronchaye puis vais boire un café aux Ardoisières. Il est accompagné d’un carabreizh, l’original caramel au beurre salé.
A dix-sept heures dix, toujours par grand vent, je retrouve le car BreizhGo et sa conductrice dont je suis durant tout le trajet le seul passager. Par bonheur, il n’existe pas encore de loi interdisant à un homme d’être seul dans un car avec la femme qui le conduit.
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Une affiche qui invite au Grand Pardon de Notre-Dame-de-la-Tronchaye le quinze août avec en caractères énormes : « Repas : Jambon à l’os »
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A Rochefort-en-Terre, également : une boutique nommée L’Etang Moderne.
9 août 2019
Un temps prévu incertain ce jeudi mais je me lance, allant à la gare de Vannes à pied et grimpant vers huit heures dans un bus Vingt-Quatre en forme de car. Pour la modique somme d’un euro dix, il permet d’aller à Arzon, au bout de la presqu’île de Rhuys, en cinquante minutes. Nous sommes cinq au départ et peu montent en cours de route Après Sarzeau (où vécut Lesage à qui l’on doit Gil Blas et Le Diable boiteux), nous filons tout droit, laissant sur le côté Saint-Gildas-de-Rhuys (où Abélard fut prieur). Le trajet se termine à l’entrée d’Arzon, au port du Crouesty. Mille quatre cents bateaux de plaisance y sont amarrés.
Je ne m’y attarde pas. Je prends le chemin côtier qui longe l’Atlantique. Il me fait retrouver la Bretagne que j’aime, bruit des vagues, odeur de goémon, côte rocheuse découpée. Après une belle balade qui met un peu à mal mon pied gauche et mon genou droit, j’arrive à Port Navalo, plus authentique que son concurrent. Je passe aussi vite que je peux devant l’embarcadère où une foule de vacanciers et autres attendent les bateaux pour Locmariaquer (en face) et Belle-Ile (un peu plus loin). Arrivé sur le bord du port, je m’arrête au Vieux Puits, un bar tabac maison de la presse restaurant à terrasse donnant sur la mer. Le café n’y coûte qu’un euro quarante et m’est apporté avec un pichet d’eau par une jolie serveuse à nattes. C’est le lieu idéal pour terminer la lecture du voyage de Kafka à Paris.
Je mangerais bien ici, me dis-je quand j’arrive au bout. « On ne fait pas de réservation mais on vous trouvera une table », me dit la patronne. Je vais m’asseoir un peu plus loin sur un muret, près d’une petite plage où un quidam joue de la trompette. A ce moment-là, la pluie se met à tomber. Un arbre m’en protège un peu.
Vers midi cela s’aggrave, la patronne ne sait pas comment tenir sa promesse, une partie de la terrasse étant maintenant proscrite et l’autre occupée par des buveurs. Une voix me hèle du jardin situé derrière la salle de café :
-Vous êtes tout seul ? Venez par là.
C’est le patron. Il me montre une petite table ronde à l’abri sous une sorte de véranda où il était occupé à classer des papiers.
-On va vous mettre là, vous serez juste à côté de la cuisine, vous pourrez surveiller le chef par la lucarne.
Près de moi se trouve aussi le vieux puits qui donne son nom à l’établissement. On y entend un bruit de cascade. Une grille sur la margelle empêche d’y tomber. Que pouvais-je espérer de mieux que d’être ici. Pour fêter ça, je commande six huîtres avec un verre de muscadet pour huit euros et un tartare de bœuf au couteau à l’italienne avec pommes grenaille à quatorze euros avec un verre de Saint-Nicolas-de-Bourgueil à trois euros cinquante.
-Je vous fais faire des kilomètres, dis-je à la serveuse qui m’apporte les deux verres tandis que le patron est parti ouvrir mes huîtres.
-Elles sont de la rivière de Penerf, me dit-il en revenant. Quand vous aurez terminé, vous pourrez dire au chef de lancer le tartare.
Je préfère que ce soit l’une des serveuses qui s’en charge. De temps en temps, elles viennent fumer en s’excusant, c’est leur endroit pour ça. « Cela ne me dérange absolument pas, leur dis-je, je suis un privilégié d’être ici ». Sur le toit de la véranda la pluie redouble. Le jeune chef n’est pas optimiste pour la suite de l’après-midi, « avec la marée descendante ».
Son tartare qui repose sur une salade composée est excellent. Je l’en félicite et le signale au patron qui me dit en confidence qu’avant il travaillait à côté. « C’est quelqu’un qui aime son métier ». A côté, c’est le restaurant chic de l’endroit.
Ce patron m’est fort sympathique. Je lui trouve un faux air de Miossec. Il trimbale un tas de choses, dont une petite bouteille d’eau minérale, dans son pantalon multipoches et il est trempé d’avoir été dehors.
Je prends un café pour prolonger le plaisir. Il est au prix du bar : un euro quarante. Après avoir remercié le chef, je remercie les serveuses et la patronne. Le patron étant parti on ne sait où, je la charge de lui dire tout mon contentement.
Il ne pleut presque plus quand je retrouve le bord de mer, aussi poursuis-je le chemin côtier jusqu’à la pointe de Bilgroix puis celle de Monteno. Depuis elles deux, selon Le Guide du Routard, « on a sans doute le plus impressionnant point de vue sur le golfe de Morbihan ». Ce jeudi, évidemment, c’est un peu dans la brume.
Fatigué, je souhaite en rester là. Un couple m’aide à trouver le chemin qui ramène au bourg. C’est plus long que je pensais. Après être entré dans l’église, banale, je rejoins enfin le port du Crouesty.
Quel changement depuis le matin, un alignement de commerces bas de gamme et de restaurants vulgaires sont ouverts et emplies de familles. C’est à une table rose de la terrasse du Bar Glacé, abrité bien qu’il ne pleuve plus, que je bois un café à un euro cinquante en attendant l’heure du bus de retour. Celui-ci est davantage rempli qu’à l’aller et perd un peu de temps dans les embrouillages à l’entrée de Vannes.
*
Sur un panneau autorisant le passage sur un chemin privé, une affichette nationaliste : « E Brezhoneg En breton ! ».
*
Sur le chemin côtier, entre les deux ports, la « tombe du petit mousse », celle d’un privilégié qui est enterré seul, sous une dalle surmontée d’une croix et entourée de murets. Il s’agit d’un marin du dix-neuvième siècle âgé d’une trentaine d’années dont le cadavre retrouvé au bout de deux mois n’a pas pu être identifié. Son état a nécessité des obsèques sur place.
*
Une femme belge à son trois ans prénommé Bastien :
-Est-ce que papa, il a regardé les autres femmes ? S’il le fait, tu me le dis. S’il regarde les femmes, c’est comme s’il regardait un autre petit enfant. Y a que Bastien.
*
La rivière de Penerf est un fleuve qui se jette entre Damgan et Sarzeau, dans la rade de Penerf, à la limite nord de Mor braz, baie de l'Océan Atlantique dans le département du Morbihan, m’apprend Ouiquipédia.
Je ne m’y attarde pas. Je prends le chemin côtier qui longe l’Atlantique. Il me fait retrouver la Bretagne que j’aime, bruit des vagues, odeur de goémon, côte rocheuse découpée. Après une belle balade qui met un peu à mal mon pied gauche et mon genou droit, j’arrive à Port Navalo, plus authentique que son concurrent. Je passe aussi vite que je peux devant l’embarcadère où une foule de vacanciers et autres attendent les bateaux pour Locmariaquer (en face) et Belle-Ile (un peu plus loin). Arrivé sur le bord du port, je m’arrête au Vieux Puits, un bar tabac maison de la presse restaurant à terrasse donnant sur la mer. Le café n’y coûte qu’un euro quarante et m’est apporté avec un pichet d’eau par une jolie serveuse à nattes. C’est le lieu idéal pour terminer la lecture du voyage de Kafka à Paris.
Je mangerais bien ici, me dis-je quand j’arrive au bout. « On ne fait pas de réservation mais on vous trouvera une table », me dit la patronne. Je vais m’asseoir un peu plus loin sur un muret, près d’une petite plage où un quidam joue de la trompette. A ce moment-là, la pluie se met à tomber. Un arbre m’en protège un peu.
Vers midi cela s’aggrave, la patronne ne sait pas comment tenir sa promesse, une partie de la terrasse étant maintenant proscrite et l’autre occupée par des buveurs. Une voix me hèle du jardin situé derrière la salle de café :
-Vous êtes tout seul ? Venez par là.
C’est le patron. Il me montre une petite table ronde à l’abri sous une sorte de véranda où il était occupé à classer des papiers.
-On va vous mettre là, vous serez juste à côté de la cuisine, vous pourrez surveiller le chef par la lucarne.
Près de moi se trouve aussi le vieux puits qui donne son nom à l’établissement. On y entend un bruit de cascade. Une grille sur la margelle empêche d’y tomber. Que pouvais-je espérer de mieux que d’être ici. Pour fêter ça, je commande six huîtres avec un verre de muscadet pour huit euros et un tartare de bœuf au couteau à l’italienne avec pommes grenaille à quatorze euros avec un verre de Saint-Nicolas-de-Bourgueil à trois euros cinquante.
-Je vous fais faire des kilomètres, dis-je à la serveuse qui m’apporte les deux verres tandis que le patron est parti ouvrir mes huîtres.
-Elles sont de la rivière de Penerf, me dit-il en revenant. Quand vous aurez terminé, vous pourrez dire au chef de lancer le tartare.
Je préfère que ce soit l’une des serveuses qui s’en charge. De temps en temps, elles viennent fumer en s’excusant, c’est leur endroit pour ça. « Cela ne me dérange absolument pas, leur dis-je, je suis un privilégié d’être ici ». Sur le toit de la véranda la pluie redouble. Le jeune chef n’est pas optimiste pour la suite de l’après-midi, « avec la marée descendante ».
Son tartare qui repose sur une salade composée est excellent. Je l’en félicite et le signale au patron qui me dit en confidence qu’avant il travaillait à côté. « C’est quelqu’un qui aime son métier ». A côté, c’est le restaurant chic de l’endroit.
Ce patron m’est fort sympathique. Je lui trouve un faux air de Miossec. Il trimbale un tas de choses, dont une petite bouteille d’eau minérale, dans son pantalon multipoches et il est trempé d’avoir été dehors.
Je prends un café pour prolonger le plaisir. Il est au prix du bar : un euro quarante. Après avoir remercié le chef, je remercie les serveuses et la patronne. Le patron étant parti on ne sait où, je la charge de lui dire tout mon contentement.
Il ne pleut presque plus quand je retrouve le bord de mer, aussi poursuis-je le chemin côtier jusqu’à la pointe de Bilgroix puis celle de Monteno. Depuis elles deux, selon Le Guide du Routard, « on a sans doute le plus impressionnant point de vue sur le golfe de Morbihan ». Ce jeudi, évidemment, c’est un peu dans la brume.
Fatigué, je souhaite en rester là. Un couple m’aide à trouver le chemin qui ramène au bourg. C’est plus long que je pensais. Après être entré dans l’église, banale, je rejoins enfin le port du Crouesty.
Quel changement depuis le matin, un alignement de commerces bas de gamme et de restaurants vulgaires sont ouverts et emplies de familles. C’est à une table rose de la terrasse du Bar Glacé, abrité bien qu’il ne pleuve plus, que je bois un café à un euro cinquante en attendant l’heure du bus de retour. Celui-ci est davantage rempli qu’à l’aller et perd un peu de temps dans les embrouillages à l’entrée de Vannes.
*
Sur un panneau autorisant le passage sur un chemin privé, une affichette nationaliste : « E Brezhoneg En breton ! ».
*
Sur le chemin côtier, entre les deux ports, la « tombe du petit mousse », celle d’un privilégié qui est enterré seul, sous une dalle surmontée d’une croix et entourée de murets. Il s’agit d’un marin du dix-neuvième siècle âgé d’une trentaine d’années dont le cadavre retrouvé au bout de deux mois n’a pas pu être identifié. Son état a nécessité des obsèques sur place.
*
Une femme belge à son trois ans prénommé Bastien :
-Est-ce que papa, il a regardé les autres femmes ? S’il le fait, tu me le dis. S’il regarde les femmes, c’est comme s’il regardait un autre petit enfant. Y a que Bastien.
*
La rivière de Penerf est un fleuve qui se jette entre Damgan et Sarzeau, dans la rade de Penerf, à la limite nord de Mor braz, baie de l'Océan Atlantique dans le département du Morbihan, m’apprend Ouiquipédia.
8 août 2019
Le soleil étant de retour, je monte encore une fois dans le bus Trois et en descends à son terminus sur la presqu’île de Conleau. J’y vois arriver le Petit Passeur qui commence son service à neuf heures et demie, faisant ensuite une incessante navette entre cette presqu’île et l’extrémité de Séné (avec néanmoins une pause déjeuner).
Ce Petit Passeur est conduit par une petite passeuse, étudiante à l’accent étranger, dont je suis le premier client.
-Bonjour monsieur, vous voulez venir avec moi ? me demande-t-elle.
La traversée coûte trois euros, aller et retour, et ne dure que quelques minutes. C’est suffisant pour que la capitaine ait le temps de me montrer deux cormorans.
Arrivé sur l’autre rive, je me mets à la recherche du café restaurant qu’elle m’a signalé sur les hauteurs. Je le trouve assez rapidement. Il se nomme La Belle Vue, un établissement ancien qui sent la vieille cuisine. Vu qu’il n’a aucun concurrent, j’y réserve une table pour midi puis y bois un café à un euro trente pendant que Bernard Lavilliers chante On the Road again. Je suis ce conseil en descendant vers le bord de mer. J’arrive au lieu-dit Village de Langle qui est doté d’une petite plage fréquentée par des locaux. « Zone de plate réglementée », avertit un panneau. Près de là travaille un ostréiculteur, mais ça n’a rien à voir. Par le chemin côtier, je me rapproche de Port Anna que j’ai déjà vu plusieurs fois depuis le bateau et dont je me réserve la découverte pédestre pour après le repas.
Aussi, je m’assois sur un banc isolé à Porzh Gwenn, face à l’île privée de Boëdic sur laquelle se trouve la mignonne chapelle qui sert d’amer (c’est-à-dire de repère) aux navigateurs et lis un peu du récit de voyage à Paris qui prolonge le Journal de Franz Kafka. L’ambiance sonore mêle le tintement des mâts de voiliers au mouillage, le ronflement des moteurs de bateaux de tourisme en partance pour les îles et les piaillements des oiseaux de mer. Un agréable petit vent frais m’évite d’avoir trop chaud.
Une demi-heure plus tard, je reprends la marche jusqu’à être en face du château de Roguédas, bâtisse blanche du dix-septième siècle, sise à Arradon, de l’autre côté du chenal, puis je fais demi-tour et entre à La Belle Vue à midi pile.
Un homme, qui est peut-être le fils de celui qui tenait le bar quand j’ai réservé, me conduit dans la véranda à la décoration obsolète et me donne la table près du petit courant d’air avec belle vue sur le golfe. Le menu du jour est à entrée, plat et dessert obligés (salade de jambon cru, rôti de porc gratin de pommes de terre, tarte normande). Il n’est qu’à treize euros cinquante, mais le vin n’est servi qu’au verre et cher : quatre euros pour un vulgaire bordeaux. Ici, ce n’est pas complet. Outre moi-même sont là trois vieux habitués, un solitaire et un couple, ainsi qu’un vieux couple de passage (la femme explique au restaurateur que son mari a des problèmes d’estomac).
Sur la pelouse sont disposées trois tables blanches en plastique dont l’une n’est pas desservie des restes d’un petit-déjeuner. Entre elles, je vois apparaître un oiseau à aigrette comme on n’en voit pas en Normandie (la Bretagne, ce pays exotique).
Ce qui n’est pas davantage de Normandie, c’est la misérable tarte qui clôt mon repas. Après avoir payé sans contact (cette modernité étant arrivée en ce lieu reculé), je reprends le chemin côtier du matin et le poursuis. A un moment, je dois contourner la maison rose uniquement visible de la mer qui elle aussi sert d’amer puis j’arrive à Port Anna, ce qui me fait songer à l’une dont c’est le prénom. On y trouve trois bateaux de pêcheurs et quelques sinagots, petits bateaux à voiles ocre caractéristiques de Séné. Poursuivant, j’arrive au Goulet de Conleau et y trouve cachée dans les bosquets une croix devenue discrète puis je redescends vers l’embarcadère où justement la petite passeuse amarre le Petit Passeur. C’est avec une famille de quatre bicyclistes et un jeune couple à bébé posé sur le ventre nu de l’homme que je fais la traversée vers la presqu’île de Conleau. Un café bu au Corlazo et je prends le bus Trois du retour.
Dans les bus de Vannes, les chauffeurs attendent que les passagers soient assis avant de redémarrer. Dans les bus de Vannes, les passagers attendent que le bus soit arrêté avant de se lever pour descendre et disent « Merci, au revoir » au chauffeur quand il ouvre les portes. Je fais donc ainsi.
*
Couple de marcheurs, l’homme devant, la femme trente mètres derrière. Autre couple de marcheurs, le chien devant, son maître vingt mètres derrière Pluralité de marcheurs, les deux hommes devant suivis des deux chiens suivis des deux femmes. Couple motorisé, l’homme au volant, la femme derrière s’occupant de Génération Cinquante qui braille dans son landau.
*
A Conleau, le beauf de service porte un ticheurte « Oui j’ai une fille magnifique. Oui j’ai aussi un flingue. Oui j’ai un alibi ».
Ce Petit Passeur est conduit par une petite passeuse, étudiante à l’accent étranger, dont je suis le premier client.
-Bonjour monsieur, vous voulez venir avec moi ? me demande-t-elle.
La traversée coûte trois euros, aller et retour, et ne dure que quelques minutes. C’est suffisant pour que la capitaine ait le temps de me montrer deux cormorans.
Arrivé sur l’autre rive, je me mets à la recherche du café restaurant qu’elle m’a signalé sur les hauteurs. Je le trouve assez rapidement. Il se nomme La Belle Vue, un établissement ancien qui sent la vieille cuisine. Vu qu’il n’a aucun concurrent, j’y réserve une table pour midi puis y bois un café à un euro trente pendant que Bernard Lavilliers chante On the Road again. Je suis ce conseil en descendant vers le bord de mer. J’arrive au lieu-dit Village de Langle qui est doté d’une petite plage fréquentée par des locaux. « Zone de plate réglementée », avertit un panneau. Près de là travaille un ostréiculteur, mais ça n’a rien à voir. Par le chemin côtier, je me rapproche de Port Anna que j’ai déjà vu plusieurs fois depuis le bateau et dont je me réserve la découverte pédestre pour après le repas.
Aussi, je m’assois sur un banc isolé à Porzh Gwenn, face à l’île privée de Boëdic sur laquelle se trouve la mignonne chapelle qui sert d’amer (c’est-à-dire de repère) aux navigateurs et lis un peu du récit de voyage à Paris qui prolonge le Journal de Franz Kafka. L’ambiance sonore mêle le tintement des mâts de voiliers au mouillage, le ronflement des moteurs de bateaux de tourisme en partance pour les îles et les piaillements des oiseaux de mer. Un agréable petit vent frais m’évite d’avoir trop chaud.
Une demi-heure plus tard, je reprends la marche jusqu’à être en face du château de Roguédas, bâtisse blanche du dix-septième siècle, sise à Arradon, de l’autre côté du chenal, puis je fais demi-tour et entre à La Belle Vue à midi pile.
Un homme, qui est peut-être le fils de celui qui tenait le bar quand j’ai réservé, me conduit dans la véranda à la décoration obsolète et me donne la table près du petit courant d’air avec belle vue sur le golfe. Le menu du jour est à entrée, plat et dessert obligés (salade de jambon cru, rôti de porc gratin de pommes de terre, tarte normande). Il n’est qu’à treize euros cinquante, mais le vin n’est servi qu’au verre et cher : quatre euros pour un vulgaire bordeaux. Ici, ce n’est pas complet. Outre moi-même sont là trois vieux habitués, un solitaire et un couple, ainsi qu’un vieux couple de passage (la femme explique au restaurateur que son mari a des problèmes d’estomac).
Sur la pelouse sont disposées trois tables blanches en plastique dont l’une n’est pas desservie des restes d’un petit-déjeuner. Entre elles, je vois apparaître un oiseau à aigrette comme on n’en voit pas en Normandie (la Bretagne, ce pays exotique).
Ce qui n’est pas davantage de Normandie, c’est la misérable tarte qui clôt mon repas. Après avoir payé sans contact (cette modernité étant arrivée en ce lieu reculé), je reprends le chemin côtier du matin et le poursuis. A un moment, je dois contourner la maison rose uniquement visible de la mer qui elle aussi sert d’amer puis j’arrive à Port Anna, ce qui me fait songer à l’une dont c’est le prénom. On y trouve trois bateaux de pêcheurs et quelques sinagots, petits bateaux à voiles ocre caractéristiques de Séné. Poursuivant, j’arrive au Goulet de Conleau et y trouve cachée dans les bosquets une croix devenue discrète puis je redescends vers l’embarcadère où justement la petite passeuse amarre le Petit Passeur. C’est avec une famille de quatre bicyclistes et un jeune couple à bébé posé sur le ventre nu de l’homme que je fais la traversée vers la presqu’île de Conleau. Un café bu au Corlazo et je prends le bus Trois du retour.
Dans les bus de Vannes, les chauffeurs attendent que les passagers soient assis avant de redémarrer. Dans les bus de Vannes, les passagers attendent que le bus soit arrêté avant de se lever pour descendre et disent « Merci, au revoir » au chauffeur quand il ouvre les portes. Je fais donc ainsi.
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Couple de marcheurs, l’homme devant, la femme trente mètres derrière. Autre couple de marcheurs, le chien devant, son maître vingt mètres derrière Pluralité de marcheurs, les deux hommes devant suivis des deux chiens suivis des deux femmes. Couple motorisé, l’homme au volant, la femme derrière s’occupant de Génération Cinquante qui braille dans son landau.
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A Conleau, le beauf de service porte un ticheurte « Oui j’ai une fille magnifique. Oui j’ai aussi un flingue. Oui j’ai un alibi ».
7 août 2019
Oserai-je dire que ce mardi matin, là-haut, on a ouvert les vannes ? C’est un déluge qui s’abat sur mon parapluie tandis que j’attends le bus qui mène à la gare de Vannes (Morbihan) où je dois prendre le train de neuf heures cinquante-quatre pour Redon (Ille-et-Vilaine), cinq euros cinquante pour environ une demi-heure de trajet en BreizhGo. Cette pluie qui était annoncée est la raison de mon choix. Une journée sous l’eau se passe mieux en ville, même si celle-ci est modeste en taille, comme l’est Redon qui d’ailleurs s’en vante, son slogan : « petite ville, grand renom ».
Il pleut toujours très fort lorsque je rejoins le centre de ce bourg qui semble avoir été fabriqué pour les touristes, ici l’abbaye Saint-Sauveur, là la Grande Rue piétonnière et pavée aux maisons à pans de bois, puis le port, ses demeures d’armateurs et le canal de Nantes à Brest. La jeune étrangère employée par l’Office de Tourisme, que je laisse m’indiquer ces endroits à visiter bien que je les connaisse déjà, me conseille deux ou trois restaurants. Ne voulant pas ressembler aux cyclistes que je trouve réfugiés sous les voies ferrées, à peine partis et déjà rincés, je vais boire un café à un euro trente au Triskel dans la Grande Rue où la population locale se sèche également. Il y a forcément quelqu’un pour dire que ça va faire du bien aux jardins.
Quand ça s’améliore un peu, je vais jusqu'au port et assiste au passage des écluses d’un bateau de location. Il y a fort longtemps, quand j’étais chargé d’enfant, j’ai parcouru une petite partie de ce canal en bateau loué, avec pour coéquipier un ancien journaliste de L’Humanité devenu présentateur des infos de Radio Monte Carlo. Il ne m’avait pas dit que sa fille était totalement caractérielle. La mienne a fini par la pousser dans l’eau. L’aventure s’arrêta là.
A midi, faute de mieux, je choisis de déjeuner dans l’un des restaurants suggérés : Patates et Compagnie. On y écoute Radio Nostalgie. Sur la carte tous les plats avec pommes de terre ont le nom d’une chanson qui pourrait passer sur cette antenne. J’en choisis un dont je peux ne pas avoir honte Les brunes comptent pas pour des prunes. C’est une poêlée de rognons de veau à la bière brune bretonne de blé noir, patates vendéenne et parmentine, qui vaut dix-huit euros cinquante. Je commande en sus un quart de merlot à cinq euros quatre-vingts. Une petite terrine de poulet au paprika est offerte « pour faire patienter ».
Ici encore c’est vite complet. Dès midi trente, les serveuses déçoivent les mouillés qui pensaient avoir trouvé un abri confortable. Mon plat est acceptable mais il ne vaut pas son prix. Je n’en dis rien à la patronne à qui je paie mon dû vers treize heures alors qu’il ne pleut plus.
J’en profite pour aller jusqu’à la Croix des Marins puis reviens par le quai Duguay-Trouin où sont les maisons d’armateurs, certaines fort imposantes. Sur la barrière de l’une, moins flamboyante, une affichette demande « Qui a tué Steve ? ».
Pour lire un peu du Journal de Kafka, je m’installe à la terrasse du Nantais, en bas de la Grande Rue dont les nombreux magasins fermés témoignent des difficultés du commerce de centre-ville dans les petites communes. On y écoute Thiéfaine et Ferré. Mon café m’arrive accompagné d’un petit pain aux raisins et ne me coûte qu’un euro quarante.
Le train de seize heures quarante et une a dix-huit minutes de retard en raison du mauvais fonctionnement d’un passage à niveau mais c’est sous un soleil revenu que je l’attends.
*
Curieux spectacle que le passage du Tégévé et du BreizhGo juste à côté de l’abbaye Saint-Sauveur, dont le cloître est de toute beauté.
Cette abbaye est partiellement occupée par le Lycée Saint-Sauveur où Hervé Bazin fut élève.
*
Etrange d’entendre appeler pendant des jours et des jours le disparu de Nantes uniquement par son prénom. On n’a su son nom que lorsque son corps a été retrouvé. Et encore, depuis, des journalistes et des officiels, même policiers, persistent à dire Steve, alors qu’ils n’ont jamais appelé Rémi Fraisse par son prénom. C’est comme si les fêtards étaient des enfants.
Il pleut toujours très fort lorsque je rejoins le centre de ce bourg qui semble avoir été fabriqué pour les touristes, ici l’abbaye Saint-Sauveur, là la Grande Rue piétonnière et pavée aux maisons à pans de bois, puis le port, ses demeures d’armateurs et le canal de Nantes à Brest. La jeune étrangère employée par l’Office de Tourisme, que je laisse m’indiquer ces endroits à visiter bien que je les connaisse déjà, me conseille deux ou trois restaurants. Ne voulant pas ressembler aux cyclistes que je trouve réfugiés sous les voies ferrées, à peine partis et déjà rincés, je vais boire un café à un euro trente au Triskel dans la Grande Rue où la population locale se sèche également. Il y a forcément quelqu’un pour dire que ça va faire du bien aux jardins.
Quand ça s’améliore un peu, je vais jusqu'au port et assiste au passage des écluses d’un bateau de location. Il y a fort longtemps, quand j’étais chargé d’enfant, j’ai parcouru une petite partie de ce canal en bateau loué, avec pour coéquipier un ancien journaliste de L’Humanité devenu présentateur des infos de Radio Monte Carlo. Il ne m’avait pas dit que sa fille était totalement caractérielle. La mienne a fini par la pousser dans l’eau. L’aventure s’arrêta là.
A midi, faute de mieux, je choisis de déjeuner dans l’un des restaurants suggérés : Patates et Compagnie. On y écoute Radio Nostalgie. Sur la carte tous les plats avec pommes de terre ont le nom d’une chanson qui pourrait passer sur cette antenne. J’en choisis un dont je peux ne pas avoir honte Les brunes comptent pas pour des prunes. C’est une poêlée de rognons de veau à la bière brune bretonne de blé noir, patates vendéenne et parmentine, qui vaut dix-huit euros cinquante. Je commande en sus un quart de merlot à cinq euros quatre-vingts. Une petite terrine de poulet au paprika est offerte « pour faire patienter ».
Ici encore c’est vite complet. Dès midi trente, les serveuses déçoivent les mouillés qui pensaient avoir trouvé un abri confortable. Mon plat est acceptable mais il ne vaut pas son prix. Je n’en dis rien à la patronne à qui je paie mon dû vers treize heures alors qu’il ne pleut plus.
J’en profite pour aller jusqu’à la Croix des Marins puis reviens par le quai Duguay-Trouin où sont les maisons d’armateurs, certaines fort imposantes. Sur la barrière de l’une, moins flamboyante, une affichette demande « Qui a tué Steve ? ».
Pour lire un peu du Journal de Kafka, je m’installe à la terrasse du Nantais, en bas de la Grande Rue dont les nombreux magasins fermés témoignent des difficultés du commerce de centre-ville dans les petites communes. On y écoute Thiéfaine et Ferré. Mon café m’arrive accompagné d’un petit pain aux raisins et ne me coûte qu’un euro quarante.
Le train de seize heures quarante et une a dix-huit minutes de retard en raison du mauvais fonctionnement d’un passage à niveau mais c’est sous un soleil revenu que je l’attends.
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Curieux spectacle que le passage du Tégévé et du BreizhGo juste à côté de l’abbaye Saint-Sauveur, dont le cloître est de toute beauté.
Cette abbaye est partiellement occupée par le Lycée Saint-Sauveur où Hervé Bazin fut élève.
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Etrange d’entendre appeler pendant des jours et des jours le disparu de Nantes uniquement par son prénom. On n’a su son nom que lorsque son corps a été retrouvé. Et encore, depuis, des journalistes et des officiels, même policiers, persistent à dire Steve, alors qu’ils n’ont jamais appelé Rémi Fraisse par son prénom. C’est comme si les fêtards étaient des enfants.
6 août 2019
Un temps prévu ensoleillé il y a trois jours quand j’ai pris mon billet pour l’île aux Moines et un temps réel nuageux au moment où je monte dans le bus Trois et pluvieux quand j’en descends à la Gare Maritime. J’évite cette brouillasse sous l’abri, attendant qu’à neuf heures trente se présente Lady de Nantes. Ce bateau de la compagnie Vedettes du Golfe ne fait qu’un aller-retour par jour.
En ce lundi de mauvais temps, nous sommes peu à y monter, ce qui me réjouit. Quarante minutes plus tard, nous touchons au but quand s’arrête le crachin. « Retour à seize heures, même bateau, même équipage », nous dit par le truchement du haut-parleur la jeune matelote blonde avant de nous souhaiter une bonne journée. J’entre au petit Office de Tourisme où l’on me procure un plan de l’île en échange de mon code postal puis je me dirige vers le bourg. Beaucoup des maisons y sont typiquement iliennes et bretonnes, entourées de fleurs, pour certaines un peu décaties.
Soucieux d’éviter au déjeuner les endroits où se retrouvent les familles en séjour et celles de passage, je repère un minuscule restaurant nommé Le Maëmi et y réserve une table auprès du patron occupé à la cuisine puis je prends un café à un euro cinquante à la terrasse du bar tabac de la place du marché. J’entre ensuite dans la chapelle Notre-Dame de l’Espérance aux murs de laquelle sont accrochés des tableaux représentant des naufrages. Au détour d’un chemin, je croise un Gendarme et une Gendarme faisant leur ronde à pied. Elle n’a pas l’air d’avoir plus de seize ans.
Comme convenu, j’entre au Maëmi à midi et quart où m’accueille une jeune femme prénommée Maëva qui s’avère être la fille du cuisinier et de la cuisinière, lesquels sont aidés aux fourneaux par un jeune homme à casquette à l’envers. D’où je suis, j’ai vue sur la cuisine dont la porte reste ouverte et sur la salle bientôt entièrement occupée. La seule jeune enfant présente ne se fait pas remarquer. C’est donc détendu que je savoure, dans la formule à quatorze euros cinquante que j’ai choisie pour ne pas rester trop longtemps enfermé, d’abord la douzaine de bulots et leur aïoli puis le fish and chips, cela avec un quart de sauvignon à cinq euros. « C’était très bien », dis-je, au moment de payer, à l’efficace et sympathique Maëva qui, pendant les trois quarts d’heure qu’a duré mon repas, a bien dû répéter vingt fois « Désolée, nous sommes complets ».
Dehors, il pleut. Pour la première fois depuis mon arrivée en Bretagne, je dois ouvrir mon parapluie. Cela ne m’empêche pas de rejoindre la pointe du Trec’h par le sentier côtier puis de revenir vers le port par une route où l’on ne croise aucune voiture.
La pluie ayant enfin cessé, c’est au bout du quai, près de l’embarcadère, Chez Jeannette, que je prends un café verre d’eau à un euro soixante-dix en lisant Kafka. Une femme qui est en compagnie d’un jeune homme à l’une des tables voisines se tourne vers moi :
-Excusez-moi, je crois qu’on se connaît. Vous habitez Rouen. Votre prénom, c’est Michel.
-Ah oui, on se connaît d’où ?
-J’ai travaillé au Musée des Beaux-Arts, me répond-elle.
Elle me connaît mais je ne la connais pas. Le seul que j’aie connu dans cette institution, c’est-à-dire avec qui j’ai parlé, plusieurs fois, est son ancien Directeur, Laurent Salomé, actuellement Directeur du Musée National des Châteaux de Versailles et de Trianon.
Quand cette femme et celui qui l’accompagne se lèvent, elle me souhaite un bon séjour et je lui souhaite de bonnes vacances, puis je me dis que peut-être elle n’est pas ici en congé.
Peu après, je vais attendre Lady de Nantes. Le ballet des bateaux de voyageurs qui partent dans toutes les directions est impressionnant. La crainte de chacun sur le quai est de se tromper de bateau et une fois devant le bon, de ne pas y avoir de place. Ce n’est pas mon cas ce jour, la jeune matelote blonde est facilement repérable et nous ne sommes pas plus nombreux qu’à l’aller pour le retour à Vannes. Je profite du soleil revenu pour voyager à la proue du navire. J’ai le privilège d’y être seul.
*
A l’entrée de toutes les rues menant au centre du bourg, cette injonction : « Cyclistes, pied à terre ». Je ne suis pas mécontent de voir un peu admonestés ces pédaleurs.
*
Au mur du Maëmi, cette sentence d’un certain Buddha : « Ce que nous sommes est le résultat de ce que nous pensons. »
*
Parmi les voiliers croisés pendant le retour à Vannes, un nommé Houat Else.
En ce lundi de mauvais temps, nous sommes peu à y monter, ce qui me réjouit. Quarante minutes plus tard, nous touchons au but quand s’arrête le crachin. « Retour à seize heures, même bateau, même équipage », nous dit par le truchement du haut-parleur la jeune matelote blonde avant de nous souhaiter une bonne journée. J’entre au petit Office de Tourisme où l’on me procure un plan de l’île en échange de mon code postal puis je me dirige vers le bourg. Beaucoup des maisons y sont typiquement iliennes et bretonnes, entourées de fleurs, pour certaines un peu décaties.
Soucieux d’éviter au déjeuner les endroits où se retrouvent les familles en séjour et celles de passage, je repère un minuscule restaurant nommé Le Maëmi et y réserve une table auprès du patron occupé à la cuisine puis je prends un café à un euro cinquante à la terrasse du bar tabac de la place du marché. J’entre ensuite dans la chapelle Notre-Dame de l’Espérance aux murs de laquelle sont accrochés des tableaux représentant des naufrages. Au détour d’un chemin, je croise un Gendarme et une Gendarme faisant leur ronde à pied. Elle n’a pas l’air d’avoir plus de seize ans.
Comme convenu, j’entre au Maëmi à midi et quart où m’accueille une jeune femme prénommée Maëva qui s’avère être la fille du cuisinier et de la cuisinière, lesquels sont aidés aux fourneaux par un jeune homme à casquette à l’envers. D’où je suis, j’ai vue sur la cuisine dont la porte reste ouverte et sur la salle bientôt entièrement occupée. La seule jeune enfant présente ne se fait pas remarquer. C’est donc détendu que je savoure, dans la formule à quatorze euros cinquante que j’ai choisie pour ne pas rester trop longtemps enfermé, d’abord la douzaine de bulots et leur aïoli puis le fish and chips, cela avec un quart de sauvignon à cinq euros. « C’était très bien », dis-je, au moment de payer, à l’efficace et sympathique Maëva qui, pendant les trois quarts d’heure qu’a duré mon repas, a bien dû répéter vingt fois « Désolée, nous sommes complets ».
Dehors, il pleut. Pour la première fois depuis mon arrivée en Bretagne, je dois ouvrir mon parapluie. Cela ne m’empêche pas de rejoindre la pointe du Trec’h par le sentier côtier puis de revenir vers le port par une route où l’on ne croise aucune voiture.
La pluie ayant enfin cessé, c’est au bout du quai, près de l’embarcadère, Chez Jeannette, que je prends un café verre d’eau à un euro soixante-dix en lisant Kafka. Une femme qui est en compagnie d’un jeune homme à l’une des tables voisines se tourne vers moi :
-Excusez-moi, je crois qu’on se connaît. Vous habitez Rouen. Votre prénom, c’est Michel.
-Ah oui, on se connaît d’où ?
-J’ai travaillé au Musée des Beaux-Arts, me répond-elle.
Elle me connaît mais je ne la connais pas. Le seul que j’aie connu dans cette institution, c’est-à-dire avec qui j’ai parlé, plusieurs fois, est son ancien Directeur, Laurent Salomé, actuellement Directeur du Musée National des Châteaux de Versailles et de Trianon.
Quand cette femme et celui qui l’accompagne se lèvent, elle me souhaite un bon séjour et je lui souhaite de bonnes vacances, puis je me dis que peut-être elle n’est pas ici en congé.
Peu après, je vais attendre Lady de Nantes. Le ballet des bateaux de voyageurs qui partent dans toutes les directions est impressionnant. La crainte de chacun sur le quai est de se tromper de bateau et une fois devant le bon, de ne pas y avoir de place. Ce n’est pas mon cas ce jour, la jeune matelote blonde est facilement repérable et nous ne sommes pas plus nombreux qu’à l’aller pour le retour à Vannes. Je profite du soleil revenu pour voyager à la proue du navire. J’ai le privilège d’y être seul.
*
A l’entrée de toutes les rues menant au centre du bourg, cette injonction : « Cyclistes, pied à terre ». Je ne suis pas mécontent de voir un peu admonestés ces pédaleurs.
*
Au mur du Maëmi, cette sentence d’un certain Buddha : « Ce que nous sommes est le résultat de ce que nous pensons. »
*
Parmi les voiliers croisés pendant le retour à Vannes, un nommé Houat Else.
5 août 2019
Le dimanche matin permettant la visite d’un centre historique de Vannes non encore envahi par la foule, j’y descends à pied après avoir regardé en direct à la télévision ce grand fou de Franky Zapata traverser la Manche avec sa planche volante.
Je peux à mon aise photographier les maisons anciennes qui font la réputation de la ville puis grimper sur le seul petit bout de rempart accessible avant de longer tout le reste jusqu’au port.
J’évite cet endroit pour prendre un café, trouvant mon bonheur plus haut à la terrasse de Chez Fred, un petit bistrot tenu par un jeune couple, où le noir breuvage ne coûte qu’un euro cinquante. A ma gauche est un couple de garçons buvant également du café. « Il est raide », déclare l’un et je me demande de quoi il parle. A ma droite est un jeune couple à pénible fillette de trois ans. « La prochaine fois, on t’emmènera pas en vacances, lui dit sa mère, on te laissera chez Mamie ». « Non non, pas chez Mamie, je l’aime pas Mamie ». « On lui dira ». Eux partis, je reste ici à lire Kafka jusqu’à midi moins cinq puis me mets en quête d’un restaurant possible.
Je choisis Le Saint-Ex pour son emplacement. Sa terrasse donne sur la rue des Orfèvres où ne passent que des piétons et le petit train promène-touristes semblable à l’ancien de Rouen (le nouveau étant électrique comme il se doit). Le menu du jour est à prix dominical, dix-neuf euros cinquante. Il ne permet pas le choix, c’est aumônière, maquereau, crème brûlée. Je commande également un demi-pichet de chardonnay à sept euros cinquante.
Je crois bien n’avoir jamais mangé une aussi mauvaise aumônière. Elle est sèche, vide et froide. « Ça vous a plu ? » me demande l’une des serveuses. « Pas du tout ». Je lui explique pourquoi et constate qu’elle s’en fiche. Heureusement, le maquereau servi avec une épaisse purée est fort bon. A ma droite est une famille espagnole dont l’un des membres photographie une salade qui n’en vaut pas la peine et à ma gauche un couple de garçons avec la mère de l’un qu’elle appelle «Mon chéri ». Ma crème brûlée est minuscule et moitié froide moitié tiède. J’ajoute un café à un euro soixante-dix et paie sans un mot. « Ce n’est pas terrible, dis-je en partant à deux jeunes femmes qui consultent l’affichage, vous avez encore le temps d’aller ailleurs ». Elles suivent mon conseil et cette petite vengeance me console un peu.
Le temps est couvert lorsque je remonte vers l’étang au Duc dont je décide de faire le tour avant de rentrer au quatrième étage. Il y a quelques jours, des riverains l’ont trouvé vert et ont appelé les pompiers qui ont constaté que les poissons étaient toujours vivants. On attend le résultat des analyses.
*
Un coup d’œil dans la Cathédrale Saint-Pierre durant la messe me permet de savoir que celle-ci n’est occupée qu’à moitié et que le prêtre dispose des moyens de l’amplification sonore pour s’adresser à ses ouailles.
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Au détour des remparts, une statue de Saint Emilion, né à Vannes.
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Sur un panneau de l’étang du Duc, cette curieuse formulation : « Zone de pêche à la carpe de nuit autorisée ».
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Hors saison, l’entrée au Musée des Beaux-Arts de Vannes coûte quatre euros soixante et c’est gratuit le dimanche. En période estivale, l’entrée est obligatoirement jumelée avec celle du Musée d’Histoire et d’Archéologie pour six euros cinquante et pas de gratuité le dimanche. Monsieur le Maire ne recule devant rien pour capter l’argent des touristes, ce qui a pour effet de me transformer en abstentionniste.
Je peux à mon aise photographier les maisons anciennes qui font la réputation de la ville puis grimper sur le seul petit bout de rempart accessible avant de longer tout le reste jusqu’au port.
J’évite cet endroit pour prendre un café, trouvant mon bonheur plus haut à la terrasse de Chez Fred, un petit bistrot tenu par un jeune couple, où le noir breuvage ne coûte qu’un euro cinquante. A ma gauche est un couple de garçons buvant également du café. « Il est raide », déclare l’un et je me demande de quoi il parle. A ma droite est un jeune couple à pénible fillette de trois ans. « La prochaine fois, on t’emmènera pas en vacances, lui dit sa mère, on te laissera chez Mamie ». « Non non, pas chez Mamie, je l’aime pas Mamie ». « On lui dira ». Eux partis, je reste ici à lire Kafka jusqu’à midi moins cinq puis me mets en quête d’un restaurant possible.
Je choisis Le Saint-Ex pour son emplacement. Sa terrasse donne sur la rue des Orfèvres où ne passent que des piétons et le petit train promène-touristes semblable à l’ancien de Rouen (le nouveau étant électrique comme il se doit). Le menu du jour est à prix dominical, dix-neuf euros cinquante. Il ne permet pas le choix, c’est aumônière, maquereau, crème brûlée. Je commande également un demi-pichet de chardonnay à sept euros cinquante.
Je crois bien n’avoir jamais mangé une aussi mauvaise aumônière. Elle est sèche, vide et froide. « Ça vous a plu ? » me demande l’une des serveuses. « Pas du tout ». Je lui explique pourquoi et constate qu’elle s’en fiche. Heureusement, le maquereau servi avec une épaisse purée est fort bon. A ma droite est une famille espagnole dont l’un des membres photographie une salade qui n’en vaut pas la peine et à ma gauche un couple de garçons avec la mère de l’un qu’elle appelle «Mon chéri ». Ma crème brûlée est minuscule et moitié froide moitié tiède. J’ajoute un café à un euro soixante-dix et paie sans un mot. « Ce n’est pas terrible, dis-je en partant à deux jeunes femmes qui consultent l’affichage, vous avez encore le temps d’aller ailleurs ». Elles suivent mon conseil et cette petite vengeance me console un peu.
Le temps est couvert lorsque je remonte vers l’étang au Duc dont je décide de faire le tour avant de rentrer au quatrième étage. Il y a quelques jours, des riverains l’ont trouvé vert et ont appelé les pompiers qui ont constaté que les poissons étaient toujours vivants. On attend le résultat des analyses.
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Un coup d’œil dans la Cathédrale Saint-Pierre durant la messe me permet de savoir que celle-ci n’est occupée qu’à moitié et que le prêtre dispose des moyens de l’amplification sonore pour s’adresser à ses ouailles.
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Au détour des remparts, une statue de Saint Emilion, né à Vannes.
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Sur un panneau de l’étang du Duc, cette curieuse formulation : « Zone de pêche à la carpe de nuit autorisée ».
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Hors saison, l’entrée au Musée des Beaux-Arts de Vannes coûte quatre euros soixante et c’est gratuit le dimanche. En période estivale, l’entrée est obligatoirement jumelée avec celle du Musée d’Histoire et d’Archéologie pour six euros cinquante et pas de gratuité le dimanche. Monsieur le Maire ne recule devant rien pour capter l’argent des touristes, ce qui a pour effet de me transformer en abstentionniste.
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