Dernières notes
Loïc Boyer
Je suis l’auteur de textes courts qui furent publiés depuis mil neuf cent quatre-vingt-quinze dans des revues littéraires en France (Supérieur Inconnu, Supplément d’Ame, Nouvelle Donne, Le Bord de l’Eau, Pris de Peur, l’Art du Bref, Sol’Air, Gros Textes, Salmigondis, Verso, Décharge, Bulle, Filigranes, Diérèse, Martobre, Comme ça et Autrement, (Cahier d’) Ecritures, La Nef des Fous), en Belgique (Traversées, Ecrits Vains, L’Arbre à Plumes, Inédit Nouveau, Bleu d’Encre), au Canada (Les Saisons Littéraires) et en Italie (Les Cahiers du Ru).
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.
7 octobre 2020
Ce mardi matin, le jour pas levé, j’attends le BreizhGo Paimpol Saint-Brieuc sur le banc de l’arrêt du Casino. La même collégienne que l’autre jour vient s’asseoir à côté de moi et cette fois me dit bonjour.
En route, le chauffeur doit faire fonctionner ses essuie-glaces plusieurs fois mais quand je descends à l’arrêt Les Champs, ce sont les dernières gouttes. J’achète un croissant et un pain au chocolat à la boulangerie conseillée et vais les manger avec un café au bar La Cigogne, cette fois à l’intérieur, tout au fond, le plus loin possible d’autrui.
Je descends ensuite par une route qui n’est pas la plus courte vers la vallée du Gouët et finis par arriver au port du Légué où ont eu lieu de sévères inondations pendant l’épisode Alex. Il n’en reste aucune trace. Ce port de plaisance stocke des voiliers dont la plupart ne bougent jamais. Il n’est remarquable que par le viaduc qui le surplombe, sur lequel le BreizhGo est passé tout à l’heure.
Pour remonter, après avoir longé le Carré Rosengart, réhabilitation (restaurant, salles de conférence, de co-travail, etc.) du plus grand espace industriel de Saint-Brieuc (furent ici l’usine Rosengart, où l’on mit au point le moteur de hors-bord, et la bien connue Chaffoteaux et Maury), je traverse le parc pentu de Rohannec’h qui entoure la villa du même nom, d’inspiration italienne, sur les fenêtres de laquelle en capitales est écrit « Maison Atelier ». A la sortie de ce parc, j’enjambe les quatre voies de la Nationale Douze puis prends le boulevard en face qui mène tout droit au quartier Saint-Michel. Au carrefour avec la rue Lavoisier, je prends à gauche afin d’aller voir, au numéro treize, la maison de Louis Guilloux.
Devant une bâtisse classique est un bâtiment parallélépipédique blanc avec toit terrasse où est apposé une plaque sur laquelle il est écrit que Guilloux fit construire cette maison en mil neuf cent trente-deux. Son bureau était dans la soupente d’où il avait vue d’un côté sur la ville et de l’autre sur la baie. Cette maison était visitable mais ne l’est plus. Le corps de l’écrivain est enterré au cimetière Saint-Michel où je n’ai pas envie d’aller.
Je reprends mon chemin vers le centre et fais un détour par l’église Saint-Michel où le Maréchal Foch (qui a une rue dans le quartier) épousa sa Briochine. L’architecture de cette église étant aussi lourde que celle d’une caserne, il n’a pas dû être dépaysé.
Revenu dans le centre historique, je m’installe au soleil près de la Cathédrale et de la Halle Georges Brassens à la terrasse de La Grange pour un café d’abord puis pour un déjeuner entrée (tarte merguez ratatouille) plat (rôti de bœuf sauce au vin échalotes écrasé de pommes de terre) sans le mauvais vin. Ce repas raccourci me permet de rentrer à Saint-Quay par le BreizhGo de treize heures dix-sept.
*
Sous la Halle, pendant mon café, une interviou filmée de je ne sais qui par je ne sais qui. « Soyez naturel » « Vous avez peut-être trop préparé » « Ne bloquez pas sur votre texte » « « Par contre faut pas bouger » « On respire » « On arrête de bouger ».
*
Je ne crois pas être arrivé au bout du Sang noir de Louis Guilloux et n’ai jamais eu envie de lire autre chose de lui.
En route, le chauffeur doit faire fonctionner ses essuie-glaces plusieurs fois mais quand je descends à l’arrêt Les Champs, ce sont les dernières gouttes. J’achète un croissant et un pain au chocolat à la boulangerie conseillée et vais les manger avec un café au bar La Cigogne, cette fois à l’intérieur, tout au fond, le plus loin possible d’autrui.
Je descends ensuite par une route qui n’est pas la plus courte vers la vallée du Gouët et finis par arriver au port du Légué où ont eu lieu de sévères inondations pendant l’épisode Alex. Il n’en reste aucune trace. Ce port de plaisance stocke des voiliers dont la plupart ne bougent jamais. Il n’est remarquable que par le viaduc qui le surplombe, sur lequel le BreizhGo est passé tout à l’heure.
Pour remonter, après avoir longé le Carré Rosengart, réhabilitation (restaurant, salles de conférence, de co-travail, etc.) du plus grand espace industriel de Saint-Brieuc (furent ici l’usine Rosengart, où l’on mit au point le moteur de hors-bord, et la bien connue Chaffoteaux et Maury), je traverse le parc pentu de Rohannec’h qui entoure la villa du même nom, d’inspiration italienne, sur les fenêtres de laquelle en capitales est écrit « Maison Atelier ». A la sortie de ce parc, j’enjambe les quatre voies de la Nationale Douze puis prends le boulevard en face qui mène tout droit au quartier Saint-Michel. Au carrefour avec la rue Lavoisier, je prends à gauche afin d’aller voir, au numéro treize, la maison de Louis Guilloux.
Devant une bâtisse classique est un bâtiment parallélépipédique blanc avec toit terrasse où est apposé une plaque sur laquelle il est écrit que Guilloux fit construire cette maison en mil neuf cent trente-deux. Son bureau était dans la soupente d’où il avait vue d’un côté sur la ville et de l’autre sur la baie. Cette maison était visitable mais ne l’est plus. Le corps de l’écrivain est enterré au cimetière Saint-Michel où je n’ai pas envie d’aller.
Je reprends mon chemin vers le centre et fais un détour par l’église Saint-Michel où le Maréchal Foch (qui a une rue dans le quartier) épousa sa Briochine. L’architecture de cette église étant aussi lourde que celle d’une caserne, il n’a pas dû être dépaysé.
Revenu dans le centre historique, je m’installe au soleil près de la Cathédrale et de la Halle Georges Brassens à la terrasse de La Grange pour un café d’abord puis pour un déjeuner entrée (tarte merguez ratatouille) plat (rôti de bœuf sauce au vin échalotes écrasé de pommes de terre) sans le mauvais vin. Ce repas raccourci me permet de rentrer à Saint-Quay par le BreizhGo de treize heures dix-sept.
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Sous la Halle, pendant mon café, une interviou filmée de je ne sais qui par je ne sais qui. « Soyez naturel » « Vous avez peut-être trop préparé » « Ne bloquez pas sur votre texte » « « Par contre faut pas bouger » « On respire » « On arrête de bouger ».
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Je ne crois pas être arrivé au bout du Sang noir de Louis Guilloux et n’ai jamais eu envie de lire autre chose de lui.
6 octobre 2020
Je me garde d’envisager d’aller ailleurs avec le car Paimpol Saint-Brieuc ce lundi matin, le craignant empli d’internes à valise. Par ailleurs, comme je le découvre en allant à la boulangerie, il pleut davantage qu’annoncé.
Après avoir acheté trois crêpes au Fournil du Casino, je rentre petit-déjeuner puis, ressors, armé de mon parapluie, décidé à marcher droit, tel un Don Quichotte, sur un moulin à vent que j’ai aperçu hier sur les hauteurs de la ville.
Quand j’y arrive, je le découvre en majesté, grand, restauré, et même en état de marche, mais pas en activité ce jour. Il a pour nom le moulin Saint Michel car sur la butte où il est érigé se tenait autrefois une chapelle consacrée à l’archange.
Je réussis à en faire une photo sous le parapluie puis en redescendant vers le centre je trouve une flèche indiquant le lavoir du Merle. Je me mets à sa recherche. Il se trouve logiquement rue du Merle et est des plus discrets, quelques marches au bord d’un ruisselet. Oui mais les jours d’Alex, ce ruisselet a fait des siennes, il s’est répandu. Un employé municipal est là qui enlève des boudins placés devant les portes d’entrée des habitations les plus proches, deux maisons contigües occupées par une vieille femme pour l’une et un vieil homme pour l’autre.
-On n’est pas les plus malheureux, déclare ce dernier à l’employé, quand on voit ce qui se passe dans le sud, les maisons écroulées et les morts.
J’ai quelques scrupules à sortir mon appareil dans ces conditions mais je fais quand même une photo de ce petit lavoir, puis, consultant mon plan, trouve le chemin le plus court vers le port. A l’arrivée, je suis bien content de découvrir Le Poisson Rouge ouvert.
Installé à sa terrasse, je peux lire un peu des lettres de Léautaud. J’ai pour voisines des femmes qui sortent de la bâtisse d’à côté où est installée une ressourcerie par échanges (tu apportes quelque chose et tu repars avec autre chose). Il y a aussi un groupe composé de pratiquant(e)s de la gymnastique et de leur moniteur. Ils ont renoncé au cours du jour sur la plage. « A la place de lever la jambe, on lève le coude », constate l’une.
Quand la mer commence à descendre, il pleut toujours autant. Ce n’est pas aujourd’hui que ça va se lever à la renverse.
Il est onze heures quand je quitte les lieux pour aller boire un autre café aux Plaisanciers, à l’intérieur cette fois. J’y réserve une table pour le déjeuner. Dès midi moins le quart, la patronne me dit que je peux y aller.
Je suis cette fois dans une salle où déjeunent surtout des ouvriers. Je profite une nouvelle fois de l’imposant buffet d’entrées puis choisis la poitrine de porc et son écrasé de pommes de terre et un gâteau au chocolat.
La pluie, une sorte de mouillasse, perdure, ne me laissant pas d’autre choix que de rentrer par les rues intérieures, là où mon parapluie ne risque pas d’être retourné par une bourrasque.
*
Ces ouvriers qui arrivent masqués, comme ils sont, je suppose, sur leur lieu de travail, les voici qui passent une heure démasqués à la même table de restaurant, à vingt centimètres l’un de l’autre. Logiquement, chacun devrait manger seul à une table. Evidemment, ce ne serait pas une affaire pour les restaurateurs.
*
Ni Météo France, ni La Chaîne Météo, ni La Météo Agricole, ne savent prévoir le temps des Côtes d’Armor. Le Télégramme, parcouru aux Plaisanciers, annonce du mieux jusqu’à samedi. Je vais voir s’il est plus fiable.
*
Voici Paris en rouge écarlate et ses bars fermés. Donc plus moyen pour les touristes et les gens de passage d’aller aux toilettes ailleurs que dans les publiques, le plus souvent répugnantes.
*
De quelle couleur sera Rouen quand j’y rentrerai ? Rouge tomate ? Rouge pivoine ?
Après avoir acheté trois crêpes au Fournil du Casino, je rentre petit-déjeuner puis, ressors, armé de mon parapluie, décidé à marcher droit, tel un Don Quichotte, sur un moulin à vent que j’ai aperçu hier sur les hauteurs de la ville.
Quand j’y arrive, je le découvre en majesté, grand, restauré, et même en état de marche, mais pas en activité ce jour. Il a pour nom le moulin Saint Michel car sur la butte où il est érigé se tenait autrefois une chapelle consacrée à l’archange.
Je réussis à en faire une photo sous le parapluie puis en redescendant vers le centre je trouve une flèche indiquant le lavoir du Merle. Je me mets à sa recherche. Il se trouve logiquement rue du Merle et est des plus discrets, quelques marches au bord d’un ruisselet. Oui mais les jours d’Alex, ce ruisselet a fait des siennes, il s’est répandu. Un employé municipal est là qui enlève des boudins placés devant les portes d’entrée des habitations les plus proches, deux maisons contigües occupées par une vieille femme pour l’une et un vieil homme pour l’autre.
-On n’est pas les plus malheureux, déclare ce dernier à l’employé, quand on voit ce qui se passe dans le sud, les maisons écroulées et les morts.
J’ai quelques scrupules à sortir mon appareil dans ces conditions mais je fais quand même une photo de ce petit lavoir, puis, consultant mon plan, trouve le chemin le plus court vers le port. A l’arrivée, je suis bien content de découvrir Le Poisson Rouge ouvert.
Installé à sa terrasse, je peux lire un peu des lettres de Léautaud. J’ai pour voisines des femmes qui sortent de la bâtisse d’à côté où est installée une ressourcerie par échanges (tu apportes quelque chose et tu repars avec autre chose). Il y a aussi un groupe composé de pratiquant(e)s de la gymnastique et de leur moniteur. Ils ont renoncé au cours du jour sur la plage. « A la place de lever la jambe, on lève le coude », constate l’une.
Quand la mer commence à descendre, il pleut toujours autant. Ce n’est pas aujourd’hui que ça va se lever à la renverse.
Il est onze heures quand je quitte les lieux pour aller boire un autre café aux Plaisanciers, à l’intérieur cette fois. J’y réserve une table pour le déjeuner. Dès midi moins le quart, la patronne me dit que je peux y aller.
Je suis cette fois dans une salle où déjeunent surtout des ouvriers. Je profite une nouvelle fois de l’imposant buffet d’entrées puis choisis la poitrine de porc et son écrasé de pommes de terre et un gâteau au chocolat.
La pluie, une sorte de mouillasse, perdure, ne me laissant pas d’autre choix que de rentrer par les rues intérieures, là où mon parapluie ne risque pas d’être retourné par une bourrasque.
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Ces ouvriers qui arrivent masqués, comme ils sont, je suppose, sur leur lieu de travail, les voici qui passent une heure démasqués à la même table de restaurant, à vingt centimètres l’un de l’autre. Logiquement, chacun devrait manger seul à une table. Evidemment, ce ne serait pas une affaire pour les restaurateurs.
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Ni Météo France, ni La Chaîne Météo, ni La Météo Agricole, ne savent prévoir le temps des Côtes d’Armor. Le Télégramme, parcouru aux Plaisanciers, annonce du mieux jusqu’à samedi. Je vais voir s’il est plus fiable.
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Voici Paris en rouge écarlate et ses bars fermés. Donc plus moyen pour les touristes et les gens de passage d’aller aux toilettes ailleurs que dans les publiques, le plus souvent répugnantes.
*
De quelle couleur sera Rouen quand j’y rentrerai ? Rouge tomate ? Rouge pivoine ?
5 octobre 2020
Ce dimanche matin un arc-en-ciel enserre Saint-Quay. Il est la preuve qu’il pleut encore quelque part mais qu’il y a aussi du soleil. Celui-ci gagne du terrain et comme il n’y a plus de vent, je m’engage sur le chemin côtier en direction des ports. La marée est bien haute et la mer encore agitée. La piscine de mer est totalement sous les eaux. N’est visible que son plongeoir. En arrivant à proximité du sémaphore, je trouve une barrière en travers du sentier. Une affichette indique qu’un éboulement a eu lieu suite aux pluies abondantes. Je dois contourner le bâtiment militaire par la rue. Un peu plus loin, le chemin retrouvé, une énorme masse de terre brune menace de choir sur celui-ci. Elle n’est retenue que par un grillage abimé. Je passe vite devant, conscient de faire une imprudence.
Mauvaise surprise en arrivant au port d’échouage : Le Poisson Rouge qui était ouvert l’autre dimanche, est fermé. Je me rabats sur L’Ecume pour boire un café, surtout pas à l’intérieur, à sa terrasse entourée de panneaux vitrés.
Comme il y fait doux, je m’attarde à lire les lettres de Léautaud, puis je me mets à la recherche de la chapelle Sainte Anne. Je la découvre blanche. Je photographie également des demeures du quartier pour mon dossier « Maisons de Saint-Quay ».
Ne pouvant réitérer mon déjeuner dominical huîtres et crêpes au Poisson Rouge, je me rabats sur Les Terrasses du Port, restaurant situé au-dessus des Plaisanciers, dont la salle est en forme de proue. A bâbord, port d’Armor. A tribord, le port du Portrieux. Devant, le grand large. A peine y suis-je assis que s’abat une drache.
J’opte pour de la crêperie : galette chèvre jambon miel et crêpe pommes caramélisées. Si la première est décevante, au moins la seconde est-elle bonne. La salle étant petite et le nombre d’arrivants augmentant, je ne m’attarde pas dans cette auberge où je paie quinze euros tout rond. Peu de nourriture, peu de cuisine, la crêperie est quand même une bonne grosse arnaque.
Je rentre par les rues intérieures désertes sous une moitié de ciel bleu et m’arrête cette fois devant le cinéma Arletty, à l’architecture balnéaire, puis devant la plus étrange habitation de la ville, plate à tourelle rose. Saint-Quay n’en finit pas de me révéler ses curiosités. Ultime étape, je bois un café à la terrasse sous auvent du Café de la Plage. Je lis là encore un peu de Léautaud puis suis chassé par une recrudescence du vent.
*
Au bar L’Ecume un trio de femmes quinquagénaires. Chacune des trois s’adresse aux deux autres par « Les filles ». Cela me surprendra toujours.
*
Comment s’étonner que les oiseaux d’ici soient dégénérés, avec tous ces nigauds qui leur donnent à manger quand ils sont en terrasse (façon d’exercer son pouvoir même sur la faune non domestiquée).
Souvent en se cachant des patrons de bars ou restaurants, qui eux les chassent.
*
« Ce ne sont pas encore des coquilles Saint-Jacques de l’année, ce sont des décongelées de l’année dernière », explique une serveuse des Terrasses du Port à des clients qui en souhaitent. « La pêche devait commencer samedi mais avec la tempête… », ajoute-t-elle. « De toute façon, il faut qu’elles passent par Rungis pour être étiquetées avant de revenir ici », conclut-elle.
Saint-Quay est le premier port de pêche français de cet animal marin.
Mauvaise surprise en arrivant au port d’échouage : Le Poisson Rouge qui était ouvert l’autre dimanche, est fermé. Je me rabats sur L’Ecume pour boire un café, surtout pas à l’intérieur, à sa terrasse entourée de panneaux vitrés.
Comme il y fait doux, je m’attarde à lire les lettres de Léautaud, puis je me mets à la recherche de la chapelle Sainte Anne. Je la découvre blanche. Je photographie également des demeures du quartier pour mon dossier « Maisons de Saint-Quay ».
Ne pouvant réitérer mon déjeuner dominical huîtres et crêpes au Poisson Rouge, je me rabats sur Les Terrasses du Port, restaurant situé au-dessus des Plaisanciers, dont la salle est en forme de proue. A bâbord, port d’Armor. A tribord, le port du Portrieux. Devant, le grand large. A peine y suis-je assis que s’abat une drache.
J’opte pour de la crêperie : galette chèvre jambon miel et crêpe pommes caramélisées. Si la première est décevante, au moins la seconde est-elle bonne. La salle étant petite et le nombre d’arrivants augmentant, je ne m’attarde pas dans cette auberge où je paie quinze euros tout rond. Peu de nourriture, peu de cuisine, la crêperie est quand même une bonne grosse arnaque.
Je rentre par les rues intérieures désertes sous une moitié de ciel bleu et m’arrête cette fois devant le cinéma Arletty, à l’architecture balnéaire, puis devant la plus étrange habitation de la ville, plate à tourelle rose. Saint-Quay n’en finit pas de me révéler ses curiosités. Ultime étape, je bois un café à la terrasse sous auvent du Café de la Plage. Je lis là encore un peu de Léautaud puis suis chassé par une recrudescence du vent.
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Au bar L’Ecume un trio de femmes quinquagénaires. Chacune des trois s’adresse aux deux autres par « Les filles ». Cela me surprendra toujours.
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Comment s’étonner que les oiseaux d’ici soient dégénérés, avec tous ces nigauds qui leur donnent à manger quand ils sont en terrasse (façon d’exercer son pouvoir même sur la faune non domestiquée).
Souvent en se cachant des patrons de bars ou restaurants, qui eux les chassent.
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« Ce ne sont pas encore des coquilles Saint-Jacques de l’année, ce sont des décongelées de l’année dernière », explique une serveuse des Terrasses du Port à des clients qui en souhaitent. « La pêche devait commencer samedi mais avec la tempête… », ajoute-t-elle. « De toute façon, il faut qu’elles passent par Rungis pour être étiquetées avant de revenir ici », conclut-elle.
Saint-Quay est le premier port de pêche français de cet animal marin.
4 octobre 2020
Ce samedi aux aurores, le vent, accompagné de pluie drue, souffle bien plus fort qu’hier. La porte-fenêtre en gémit. J’apprends par ailleurs qu’Alex a fait des disparus (donc des morts) et d’énormes dégâts dans les Alpes-Maritimes. Cette bombe en était donc une, mais à retardement.
Malgré ce foutu temps, dès le jour levé, je vais à la boulangerie. La mer est beaucoup plus grosse qu’hier. Tout en écume, elle s’attaque aux rochers et à la plage du Casino.
On voyait les chevaux d'la mer
Qui fonçaient, la tête la première
Et qui fracassaient leur crinière
Devant le casino désert...
Nous ne sommes pas à Ostende et la barmaid n’a pas dix-huit ans, mais pour le reste c’est tout à fait ça.
Je rentre lessivé de cette courte sortie. Ecoutant les infos de France Culture pendant mon petit-déjeuner, j’apprends que Trump a attrapé le Covid. Il semblerait qu’il ne le soigne ni à la javel ni à l’hydroxychloroquine. Il aurait été contaminé lors de la cérémonie d’annonce du nom de la remplaçante de la juge démocrate Ruth Bader Ginsburg à la Cour Suprême. Vu son âge et son surpoids, cela peut mal se terminer pour lui. La mort de cette juge pourrait donc avoir pour conséquence celle de Trump. Etonnant, non ? (comme disait quelqu’un).
Vers onze heures et demie, la pluie et le vent n’ayant pas diminué d’intensité, je traverse Saint-Quay par les rues intérieures jusqu’à Port d’Armor dans lequel les bateaux sont remarquablement à l’abri. Pas un ne bouge, alors que tout autour la mer est déchaînée. C’est le bruit qui est le plus effrayant. Il m’irrite les nerfs.
Une serveuse des Plaisanciers m’installe à la terrasse fermée et chauffée. Je déjeune du menu à douze euros quatre-vingts au généreux buffet d’entrées, choisissant pour la suite l’osso buco aux pâtes et la mousse au chocolat. Je mange seul un long moment sous cet abri secoué par le vent puis suis rejoint par deux vieux motards ventrus et par un quadragénaire accompagné de deux vingtenaires.
-Vous êtes des ouvriers ? demande la serveuse à ces derniers. Vous travaillez sur le port ? Je vous demande ça parce qu’avec le menu les ouvriers ont droit à la boisson, eau vin ou limonade.
Ils sont contents de l’appendre mais après son départ s’interrogent, un peu vexés : « A quoi ça se voit qu’on est des ouvriers. On n’est pas sale. A nos vestes peut-être. » Je crois que c’est surtout la composition du trio qui lui a fait supposer que c'étaient des travailleurs : un homme de quarante ans avec deux garçon de vingt qui n’ont pas l’air d’être ses enfants.
Après un café à un euro trente, je rentre et cette fois suis face au vent. A l’arrivée, je suis complètement trempé malgré mon coupe-vent imperméable à capuche. Pour me remettre, je me verse un verre du cidre bio des Vergers Réginéens de Plestan offert par ma logeuse.
Quand la bouteille sera vide, si le temps ne change pas, je crains de finir par aller me consoler, non pas au Kasino, mais à la confiserie que je croyais fermée jusqu’à la saison prochaine, qui n’était qu’en congé, et a rouvert à l’arrivée d’Alex. Elle a nom Ker Suçons.
*
La pluie, okay. Le vent, okay. La pluie et le vent ensemble, non !
*
Comme à Ostende / Et comme partout / Quand sur la ville / Tombe la pluie / Et qu'on s'demande / Si c'est utile / Et puis surtout / Si ça vaut l'coup / Si ça vaut l'coup / D'vivre sa vie...
Malgré ce foutu temps, dès le jour levé, je vais à la boulangerie. La mer est beaucoup plus grosse qu’hier. Tout en écume, elle s’attaque aux rochers et à la plage du Casino.
On voyait les chevaux d'la mer
Qui fonçaient, la tête la première
Et qui fracassaient leur crinière
Devant le casino désert...
Nous ne sommes pas à Ostende et la barmaid n’a pas dix-huit ans, mais pour le reste c’est tout à fait ça.
Je rentre lessivé de cette courte sortie. Ecoutant les infos de France Culture pendant mon petit-déjeuner, j’apprends que Trump a attrapé le Covid. Il semblerait qu’il ne le soigne ni à la javel ni à l’hydroxychloroquine. Il aurait été contaminé lors de la cérémonie d’annonce du nom de la remplaçante de la juge démocrate Ruth Bader Ginsburg à la Cour Suprême. Vu son âge et son surpoids, cela peut mal se terminer pour lui. La mort de cette juge pourrait donc avoir pour conséquence celle de Trump. Etonnant, non ? (comme disait quelqu’un).
Vers onze heures et demie, la pluie et le vent n’ayant pas diminué d’intensité, je traverse Saint-Quay par les rues intérieures jusqu’à Port d’Armor dans lequel les bateaux sont remarquablement à l’abri. Pas un ne bouge, alors que tout autour la mer est déchaînée. C’est le bruit qui est le plus effrayant. Il m’irrite les nerfs.
Une serveuse des Plaisanciers m’installe à la terrasse fermée et chauffée. Je déjeune du menu à douze euros quatre-vingts au généreux buffet d’entrées, choisissant pour la suite l’osso buco aux pâtes et la mousse au chocolat. Je mange seul un long moment sous cet abri secoué par le vent puis suis rejoint par deux vieux motards ventrus et par un quadragénaire accompagné de deux vingtenaires.
-Vous êtes des ouvriers ? demande la serveuse à ces derniers. Vous travaillez sur le port ? Je vous demande ça parce qu’avec le menu les ouvriers ont droit à la boisson, eau vin ou limonade.
Ils sont contents de l’appendre mais après son départ s’interrogent, un peu vexés : « A quoi ça se voit qu’on est des ouvriers. On n’est pas sale. A nos vestes peut-être. » Je crois que c’est surtout la composition du trio qui lui a fait supposer que c'étaient des travailleurs : un homme de quarante ans avec deux garçon de vingt qui n’ont pas l’air d’être ses enfants.
Après un café à un euro trente, je rentre et cette fois suis face au vent. A l’arrivée, je suis complètement trempé malgré mon coupe-vent imperméable à capuche. Pour me remettre, je me verse un verre du cidre bio des Vergers Réginéens de Plestan offert par ma logeuse.
Quand la bouteille sera vide, si le temps ne change pas, je crains de finir par aller me consoler, non pas au Kasino, mais à la confiserie que je croyais fermée jusqu’à la saison prochaine, qui n’était qu’en congé, et a rouvert à l’arrivée d’Alex. Elle a nom Ker Suçons.
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La pluie, okay. Le vent, okay. La pluie et le vent ensemble, non !
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Comme à Ostende / Et comme partout / Quand sur la ville / Tombe la pluie / Et qu'on s'demande / Si c'est utile / Et puis surtout / Si ça vaut l'coup / Si ça vaut l'coup / D'vivre sa vie...
3 octobre 2020
C’est vers deux heures du matin que le vent y va fort mais sans y aller extrêmement fort. Point de « bombe météorologique » sur la Bretagne, Alex fait figure de bombinette. Le confirme le site du Télégramme qui ne trouve à montrer que des toitures arrachées et des arbres chus.
Le jour levé, j’affronte vent et pluie à l’aide de mon courage et de mon coupe-vent imperméable pour aller à la boulangerie. Sur la plage du Casino et contre les rochers alentour la mer est énervée sans être déchaînée.
Sitôt croissant et pain au chocolat achetés je rentre et les accompagne de thé vert. Cette journée sera casanière.
Elle me permet de tapoter les extraits de lettres de Léautaud dont j’ai noté les pages dans mon petit carnet Hema. C’est aussi l’occasion de déboucher la bouteille de cidre bio que m’a offert ma jeune logeuse en signe de bienvenue dans son appartement. Comme je n’ai ouvert le frigo qu’hier, je l’ai trouvée tardivement. « Vous pouvez fouiller partout si vous avez besoin de quelque chose », m’a-t-elle dit le jour de mon installation. De ça, je suis incapable.
Quelle nuit aura été celle de cette jeune femme découverte campant sous les deux beaux arbres de la pointe de Guilben ? Le temps sera pourri au moins jusqu’à dimanche. Je pense que son objectif d’atteindre Brest est compromis.
Un peu avant midi, je m’arme encore une fois de courage et de mon vêtement anti intempérie pour faire les deux cents mètres qui me séparent du Café de la Plage. J’y déjeune du menu à dix-neuf euros. Aujourd’hui, c’est rillette de thon mousse curry, julienne snackée aubergine carotte, financier noisette glace chocolat et toujours aussi bon.
Dommage que les deux jeunes femmes installées à ma gauche ne soient arrivées que lorsque j’en étais au dessert. Elles commençaient à parlaient de leur vie sentimentale. Ça aurait pu m’intéresser.
*
Quoi de Léautaud ? Echantillon :
Je suis tombé d’une façon très heureuse, et après quelques jours de repos, les douleurs qui m’immobilisent dans mon lit, seront, j’espère, disparues, et je pourrai reprendre le cours insipide de mon existence. Paris le vingt-huit juillet mil huit cent quatre-vingt-dix-huit à Paul Valéry
J’ai oublié, moi qui le connaissais si bien pourtant, le mot de Talleyrand : « Méfiez-vous du premier mouvement : il est toujours généreux. » Je ne l’oublierai plus. Paris le trente et un décembre mil neuf cent six à Paul Valéry (après avoir été mal récompensé de son aide à une femme dans la misère)
On m’a rapporté – ce n’est pas l’intéressé – que lors de la rupture, elle lui écrivit pour le consoler et lui remontrer qu’après tout il n’était pas à plaindre, ayant joui du « joli jardin de sa chair ». Joli, si on veut, mais jardin, quand on la connaît ?… Une plate-bande tout au plus. Paris le vingt-deux novembre mil neuf cent quinze à Rachilde
Qu’est-ce qu’il a le « gros niais » ? On arrive. On lui dit bonjour. Pas de réponse. Il part. Il ne dit pas le moindre au revoir. Inutile de lui en parler. Je me moque de ses bouderies. C’est moi qui tiens le bon bout. Je baiserai encore sa femme. Paris le quatre juillet mil neuf cent vingt-quatre à Anne Cayssac (il est question du mari de cette dernière, surnommé aussi par Léautaud, le Bailli)
Le jour levé, j’affronte vent et pluie à l’aide de mon courage et de mon coupe-vent imperméable pour aller à la boulangerie. Sur la plage du Casino et contre les rochers alentour la mer est énervée sans être déchaînée.
Sitôt croissant et pain au chocolat achetés je rentre et les accompagne de thé vert. Cette journée sera casanière.
Elle me permet de tapoter les extraits de lettres de Léautaud dont j’ai noté les pages dans mon petit carnet Hema. C’est aussi l’occasion de déboucher la bouteille de cidre bio que m’a offert ma jeune logeuse en signe de bienvenue dans son appartement. Comme je n’ai ouvert le frigo qu’hier, je l’ai trouvée tardivement. « Vous pouvez fouiller partout si vous avez besoin de quelque chose », m’a-t-elle dit le jour de mon installation. De ça, je suis incapable.
Quelle nuit aura été celle de cette jeune femme découverte campant sous les deux beaux arbres de la pointe de Guilben ? Le temps sera pourri au moins jusqu’à dimanche. Je pense que son objectif d’atteindre Brest est compromis.
Un peu avant midi, je m’arme encore une fois de courage et de mon vêtement anti intempérie pour faire les deux cents mètres qui me séparent du Café de la Plage. J’y déjeune du menu à dix-neuf euros. Aujourd’hui, c’est rillette de thon mousse curry, julienne snackée aubergine carotte, financier noisette glace chocolat et toujours aussi bon.
Dommage que les deux jeunes femmes installées à ma gauche ne soient arrivées que lorsque j’en étais au dessert. Elles commençaient à parlaient de leur vie sentimentale. Ça aurait pu m’intéresser.
*
Quoi de Léautaud ? Echantillon :
Je suis tombé d’une façon très heureuse, et après quelques jours de repos, les douleurs qui m’immobilisent dans mon lit, seront, j’espère, disparues, et je pourrai reprendre le cours insipide de mon existence. Paris le vingt-huit juillet mil huit cent quatre-vingt-dix-huit à Paul Valéry
J’ai oublié, moi qui le connaissais si bien pourtant, le mot de Talleyrand : « Méfiez-vous du premier mouvement : il est toujours généreux. » Je ne l’oublierai plus. Paris le trente et un décembre mil neuf cent six à Paul Valéry (après avoir été mal récompensé de son aide à une femme dans la misère)
On m’a rapporté – ce n’est pas l’intéressé – que lors de la rupture, elle lui écrivit pour le consoler et lui remontrer qu’après tout il n’était pas à plaindre, ayant joui du « joli jardin de sa chair ». Joli, si on veut, mais jardin, quand on la connaît ?… Une plate-bande tout au plus. Paris le vingt-deux novembre mil neuf cent quinze à Rachilde
Qu’est-ce qu’il a le « gros niais » ? On arrive. On lui dit bonjour. Pas de réponse. Il part. Il ne dit pas le moindre au revoir. Inutile de lui en parler. Je me moque de ses bouderies. C’est moi qui tiens le bon bout. Je baiserai encore sa femme. Paris le quatre juillet mil neuf cent vingt-quatre à Anne Cayssac (il est question du mari de cette dernière, surnommé aussi par Léautaud, le Bailli)
2 octobre 2020
Le jour n’est pas encore levé ce jeudi qu’à l’arrêt Kasino de Saint-Quay je monte dans le car BreizhGo Un direction Saint-Brieuc. Grâce à la Communauté de Communes, ce voyage ne me coûte qu’un euro cinquante.
Le car se charge au fil des arrêts de qui va travailler ou étudier dans la principale ville des Côtes-d’Armor, notamment de jeunes filles dont je ne vois que la moitié du visage, ce qui me suffit pour savoir qu’elles sont jolies. Je descends à l’arrêt Les Champs où l’on trouve un centre commercial assez récent. C’est à deux pas du centre historique.
Une femme m’indique sa direction, une autre une bonne boulangerie et je trouve seul La Cigogne, près de la Cathédrale Saint-Etienne, où je petit-déjeune, puis je photographie cet édifice et les halles Georges Brassens à côté, de style Baltard. A proximité se tient aussi la Préfecture devant laquelle attendent des immigrés.
Ensuite j’explore les rues pavées alentour où se succèdent de belles demeures à pans de bois, notamment place Louis Guilloux. Y pousse un remarquable noyer du Caucase sous lequel un homme installe une terrasse. C’est le patron du bar Auprès De Mon Arbre.
Premier client de la journée, je bois un café verre d’eau sous ce noyer exotique qui laisse passer un peu de soleil et comme il fait doux j’y reste à lire Léautaud. « Il n’habitait pas sur cette place, Louis Guilloux ? » demandé-je au sympathique patron quand il repasse à proximité. « Non, je crois que c’était dans le quartier Saint Michel. »
« 13 rue Lavoisier », revient-il me dire après avoir consulté son smartphone. C’est sur le chemin du port du Légué, ce sera pour une autre fois.
Dans les toilettes sont disponibles Algues vertes, l’histoire interdite d'Inès Léraud et le numéro de La Lettre à Lulu consacré à L’Agriculture du foutur. En réglant mes un euro cinquante, je félicite ce cafetier pour ses choix.
-A une prochaine fois, me dit-il.
-Ce n’est pas impossible, lui réponds-je.
Je poursuis ma visite, monte jusqu’à la Basilique Notre-Dame d’Espérance puis jusqu’à la chapelle Notre-Dame-de-la-Fontaine et sa fontaine Saint-Brieuc arrêtée, redescends voir enfin le Pavillon de Bellescize et son jardin (c’était la demeure des évêques, c’est maintenant le Centre Communal d’Action Sociale).
Comme le soleil donne sur la terrasse de La Grange place du Martray face aux Halles, j’en occupe une table jusqu’à l’heure du déjeuner. Le menu est à quinze euros trente : tarte poisson tomate, hachis Parmentier, tarte aux prunes. Rien de bien excitant dans l’assiette mais c’est le meilleur emplacement.
Près de moi un couple de touristes bourgeois prend un kir. Tandis qu’il ne fait rien, elle visite la ville avec son smartphone et des commentaires qui donnent à penser qu’elle se croit dans un parc d’attraction. Elle n’arrive pas à situer le port du Légué. Ce que je crains finit par arriver :
-Pardon monsieur, excusez-moi, vous êtes d’ici ?
-Non je ne suis pas d’ici mais je me débrouille mieux que vous, et sans téléphone.
Cela suffit pour assurer ma tranquillité. Trois ouvriers (deux bières et un diabolo menthe) les remplacent alors que tombe soudain une averse dont nous protège l’auvent. L’un raconte que pour s’endormir, il regarde la pétanque à la télé.
Deux habitués se croisent à la porte :
-Ça va ?
-Je sais pas.
Avec le quart de vin rouge pas bon et le café bu avant, j’en ai pour un peu moins de vingt euros.
Avant que ne tombe l’averse suivante, je rejoins le centre commercial Les Champs et entre chez Hache et Aime. Une aimable vendeuse qui sait exactement ce qu’elle a et n’a pas en boutique m’aide à trouver un vêtement de pluie avec capuche. Je n’aime pas ça mais comment ouvrir un parapluie dans les prochains jours alors qu’Alex qui doit s’abattre sur la Bretagne dès cette nuit et avoir des conséquences durables est maintenant qualifié par les experts de « tempête explosive » et de « bombe météorologique » ?
*
Si Louis Guilloux est l’écrivain emblématique de Saint-Brieuc, c’est aussi la ville de naissance de Villiers de L’Isle-Adam (sa maison natale a malheureusement été détruite) et y furent lycéens Alfred Jarry et Tristan Corbière.
*
Le Maréchal Foch, quant à lui, y a épousé une Briochine en l’église Saint-Michel.
*
Une Briochine, rien que le mot donne envie d’y goûter.
Le car se charge au fil des arrêts de qui va travailler ou étudier dans la principale ville des Côtes-d’Armor, notamment de jeunes filles dont je ne vois que la moitié du visage, ce qui me suffit pour savoir qu’elles sont jolies. Je descends à l’arrêt Les Champs où l’on trouve un centre commercial assez récent. C’est à deux pas du centre historique.
Une femme m’indique sa direction, une autre une bonne boulangerie et je trouve seul La Cigogne, près de la Cathédrale Saint-Etienne, où je petit-déjeune, puis je photographie cet édifice et les halles Georges Brassens à côté, de style Baltard. A proximité se tient aussi la Préfecture devant laquelle attendent des immigrés.
Ensuite j’explore les rues pavées alentour où se succèdent de belles demeures à pans de bois, notamment place Louis Guilloux. Y pousse un remarquable noyer du Caucase sous lequel un homme installe une terrasse. C’est le patron du bar Auprès De Mon Arbre.
Premier client de la journée, je bois un café verre d’eau sous ce noyer exotique qui laisse passer un peu de soleil et comme il fait doux j’y reste à lire Léautaud. « Il n’habitait pas sur cette place, Louis Guilloux ? » demandé-je au sympathique patron quand il repasse à proximité. « Non, je crois que c’était dans le quartier Saint Michel. »
« 13 rue Lavoisier », revient-il me dire après avoir consulté son smartphone. C’est sur le chemin du port du Légué, ce sera pour une autre fois.
Dans les toilettes sont disponibles Algues vertes, l’histoire interdite d'Inès Léraud et le numéro de La Lettre à Lulu consacré à L’Agriculture du foutur. En réglant mes un euro cinquante, je félicite ce cafetier pour ses choix.
-A une prochaine fois, me dit-il.
-Ce n’est pas impossible, lui réponds-je.
Je poursuis ma visite, monte jusqu’à la Basilique Notre-Dame d’Espérance puis jusqu’à la chapelle Notre-Dame-de-la-Fontaine et sa fontaine Saint-Brieuc arrêtée, redescends voir enfin le Pavillon de Bellescize et son jardin (c’était la demeure des évêques, c’est maintenant le Centre Communal d’Action Sociale).
Comme le soleil donne sur la terrasse de La Grange place du Martray face aux Halles, j’en occupe une table jusqu’à l’heure du déjeuner. Le menu est à quinze euros trente : tarte poisson tomate, hachis Parmentier, tarte aux prunes. Rien de bien excitant dans l’assiette mais c’est le meilleur emplacement.
Près de moi un couple de touristes bourgeois prend un kir. Tandis qu’il ne fait rien, elle visite la ville avec son smartphone et des commentaires qui donnent à penser qu’elle se croit dans un parc d’attraction. Elle n’arrive pas à situer le port du Légué. Ce que je crains finit par arriver :
-Pardon monsieur, excusez-moi, vous êtes d’ici ?
-Non je ne suis pas d’ici mais je me débrouille mieux que vous, et sans téléphone.
Cela suffit pour assurer ma tranquillité. Trois ouvriers (deux bières et un diabolo menthe) les remplacent alors que tombe soudain une averse dont nous protège l’auvent. L’un raconte que pour s’endormir, il regarde la pétanque à la télé.
Deux habitués se croisent à la porte :
-Ça va ?
-Je sais pas.
Avec le quart de vin rouge pas bon et le café bu avant, j’en ai pour un peu moins de vingt euros.
Avant que ne tombe l’averse suivante, je rejoins le centre commercial Les Champs et entre chez Hache et Aime. Une aimable vendeuse qui sait exactement ce qu’elle a et n’a pas en boutique m’aide à trouver un vêtement de pluie avec capuche. Je n’aime pas ça mais comment ouvrir un parapluie dans les prochains jours alors qu’Alex qui doit s’abattre sur la Bretagne dès cette nuit et avoir des conséquences durables est maintenant qualifié par les experts de « tempête explosive » et de « bombe météorologique » ?
*
Si Louis Guilloux est l’écrivain emblématique de Saint-Brieuc, c’est aussi la ville de naissance de Villiers de L’Isle-Adam (sa maison natale a malheureusement été détruite) et y furent lycéens Alfred Jarry et Tristan Corbière.
*
Le Maréchal Foch, quant à lui, y a épousé une Briochine en l’église Saint-Michel.
*
Une Briochine, rien que le mot donne envie d’y goûter.
1er octobre 2020
Du mauvais temps prévu ce mercredi sur les Côtes d’Armor, le bulletin de Météo France est rarement suivi à la lettre par la réalité mais je sens que cette fois ce pourrait être vrai. Pourtant le soleil point quand je prends une nouvelle fois le sentier côtier vers le port.
C’est marée haute. La piscine d’eau de mer est quasiment submergée et, ô surprise, l’île de la Comtesse prouve qu’elle en est une. Au-dessus d’elle, nulle lumière dans les chambres de l’Hôtel Ker Moor. J’aimerais voir la tête des clients aguichés par la turquerie quand ils découvrent qu’en fait ils dormiront dans les cubes de béton du bâtiment moderne ajouté en dessous. Qui dort dans le bâtiment d’allure mauresque ? Personne peut-être.
Comme il fait doux je m’attarde au Poisson Rouge après avoir bu mon allongé. J’y poursuis la lecture de la Correspondance de Léautaud en écoutant la conversation des habitué(e)s du matin, des professions libérales ou commerciales. L’un fait sa bière qu’il vend à la Coreff. Il parle d’un concurrent sauvage qui vendait sa production dans son garage à la sortie de l’école, pas aux enfants mais à leurs parents, l’étant lui-même. « Ça m’a rendu chafouin », dit-il.
Au fil des minutes le ciel noircit vers Etables-sur-Mer. Craignant la pluie je rentre par les rues intérieures et m’emploie, suite à l’épisode Bobée, à alléger ma liste d’ « ami(e)s » Effe Bé. J’en avais déjà peu, soixante et onze. Au bout de l’opération, il en reste soixante et un(e).
J’ai rarement des demandes, ce que je regrette car je suis sûr qu’il y a des quidams et des quidames avec qui je pourrais échanger intelligemment. Dans les quelques-unes qui me parviennent, je trouve une majorité de personnes ayant à promouvoir ou à vendre de la politique, des productions artistiques ou des livres autoédités. Je ne m’intéresse ni à leurs idées, ni à leurs œuvres, ni à leurs ouvrages, aussi je les refuse.
Où déjeuner ? Le mercredi, le Café de la Plage est fermé. Je vais chez son voisin : Les Cochons Flingueurs. Ici on préfère que vous mangiez dehors dans je jardin-patio, tout de bois, palissades et végétaux, qui domine la mer. Point de menu, des plats à la carte, des burgueurs et des crêpes. Je choisis une galette andouille artisanale bretonne oignons confits crème pommes de terre puis une crêpe caramel beurre salé que je mange en ayant un peu froid malgré la haie qui me protège du vent. Je les accompagne d’un demi de cidre à la pression de la famille Sorre. Cela fait presque vingt euros.
Je ne m’attarde pas dehors, rentre à mon logis temporaire. C’est la pause. Demain me verra plus actif, peut-être.
Ensuite, Alex est annoncé, méchante tempête accompagnée de pluies abondantes, pour la nuit de jeudi à vendredi.
C’est marée haute. La piscine d’eau de mer est quasiment submergée et, ô surprise, l’île de la Comtesse prouve qu’elle en est une. Au-dessus d’elle, nulle lumière dans les chambres de l’Hôtel Ker Moor. J’aimerais voir la tête des clients aguichés par la turquerie quand ils découvrent qu’en fait ils dormiront dans les cubes de béton du bâtiment moderne ajouté en dessous. Qui dort dans le bâtiment d’allure mauresque ? Personne peut-être.
Comme il fait doux je m’attarde au Poisson Rouge après avoir bu mon allongé. J’y poursuis la lecture de la Correspondance de Léautaud en écoutant la conversation des habitué(e)s du matin, des professions libérales ou commerciales. L’un fait sa bière qu’il vend à la Coreff. Il parle d’un concurrent sauvage qui vendait sa production dans son garage à la sortie de l’école, pas aux enfants mais à leurs parents, l’étant lui-même. « Ça m’a rendu chafouin », dit-il.
Au fil des minutes le ciel noircit vers Etables-sur-Mer. Craignant la pluie je rentre par les rues intérieures et m’emploie, suite à l’épisode Bobée, à alléger ma liste d’ « ami(e)s » Effe Bé. J’en avais déjà peu, soixante et onze. Au bout de l’opération, il en reste soixante et un(e).
J’ai rarement des demandes, ce que je regrette car je suis sûr qu’il y a des quidams et des quidames avec qui je pourrais échanger intelligemment. Dans les quelques-unes qui me parviennent, je trouve une majorité de personnes ayant à promouvoir ou à vendre de la politique, des productions artistiques ou des livres autoédités. Je ne m’intéresse ni à leurs idées, ni à leurs œuvres, ni à leurs ouvrages, aussi je les refuse.
Où déjeuner ? Le mercredi, le Café de la Plage est fermé. Je vais chez son voisin : Les Cochons Flingueurs. Ici on préfère que vous mangiez dehors dans je jardin-patio, tout de bois, palissades et végétaux, qui domine la mer. Point de menu, des plats à la carte, des burgueurs et des crêpes. Je choisis une galette andouille artisanale bretonne oignons confits crème pommes de terre puis une crêpe caramel beurre salé que je mange en ayant un peu froid malgré la haie qui me protège du vent. Je les accompagne d’un demi de cidre à la pression de la famille Sorre. Cela fait presque vingt euros.
Je ne m’attarde pas dehors, rentre à mon logis temporaire. C’est la pause. Demain me verra plus actif, peut-être.
Ensuite, Alex est annoncé, méchante tempête accompagnée de pluies abondantes, pour la nuit de jeudi à vendredi.
30 septembre 2020
La ouifi guérie par ma jeune logeuse qui en a modifié les paramètres à distance, je peux me connecter sans souci ce mardi. La météo annonce des pluies éparses et pas de vent, de quoi partir tranquille direction le port par le sentier côtier. A son départ, bien qu’il ne soit que huit heures et quart, je croise une classe de collégien(ne)s masqué(e)s en chortes cornaquée par un prof qui a du mal à maintenir la discipline.
Au port, après un café allongé au Poisson Rouge, je poursuis vers Etables-sur-Mer toujours par le Géherre Trente-Quatre. Dès le bout du port d’échouage, c’est la fin de Saint-Quay et le début d’Etables. Mon objectif est plus lointain : la plage des Godelins et avant d’y être, une chapelle.
Je longe d’abord la plage du Port-ès-Leu distinguant au loin dans la brume des îles nommées La Vache, Le Four ou encore la Fille puis, hélas, des propriétés privées s’étant accaparées le bord de mer, il me faut les contourner par le chemin de la Corniche qui est en réalité une route goudronnée permettant d’accéder aux dites. Cette route s’achève à la plage des Moulins où je découvre un restaurant un peu cher.
Ensuite le Géherre redevient sentier agréable à suivre, souvent sous les arbres et bordé d’une végétation qui ne permet pas toujours de voir la mer. La côte de ce côté est moins belle que de Saint-Quay à Tréveneuc mais quand même cela vaut la peine de marcher. Arrivé à la pointe de Gouya, je m’étonne de ne pas avoir vu la chapelle.
Croisant une coureuse ralentie par un escalier, je lui demande cette chapelle. Je la sens inquiète d’être ainsi interpellée mais elle me renseigne. Elle n’est pas sur le chemin mais un peu au-dessus. J’essaierai de la trouver au retour, lui dis-je et elle file.
Le ciel se couvre davantage quand j’arrive à la pointe du Vau Burel d’où je découvre la plage des Godelins en contrebas un peu lointain. Je n’y suis pas mais c’est tout comme, me dis-je en faisant demi-tour cependant qu’il se met à légèrement pleuvoir. Il est dix heures. J’ouvre mon parapluie et me trompe à un embranchement, ce qui me permet d’arriver sur celle que je cherchais : Notre-Dame de l’Espérance. Elle est ouverte étonnamment. J’y entre et admire ses vitraux bleus. Sur son mur, on voit un Mickey mal effacé.
La pluie cesse quand je marche sur le goudron du chemin de la Corniche. Arrivé sur le port d’échouage de Saint-Quay, je recroise ma coureuse, plus décontractée, à qui je peux dire que j’ai trouvé la chapelle. Il est onze heures quand je m’installe à nouveau au Poisson Rouge pour y lire Léautaud.
A midi, sous un ciel à éclaircies, je déjeune aux Plaisanciers du menu à douze euros quatre-vingts avec son buffet d’entrées dans lesquelles je pioche rillettes asperges bulots et bouquets puis je choisis le filet d’églefin tagliatelles et la tarte aux pommes, cela accompagné de cidre. Il y a du monde tant à l’intérieur qu’à l’extérieur. J’ai pour voisine une jeune femme à pinte de bière qui après avoir avalé des huîtres s’offre un plat de Saint-Jacques. Sa particularité : manger en tenant d’une main sa fourchette et en tenant de l’autre main à hauteur de ses yeux Beloved de Toni Morrison. Un peu plus loin une jeune commerciale qui travaille avec les supermarchés déjeune avec une autre femme. « Ce sont des requins, non ? », lui dit cette dernière. « Oui mais avec moi ça va, parce que je suis attendrissante. »
Quand je reviens vers mon logis par le sentier côtier, j’échange quelques mots avec deux filles qui pique-niquent face à la mer assises en tailleur dans le coffre de leur voiture puis m’arrête prendre un café, et lire Léautaud, au Café de la Plage, confortablement installé sous l’auvent sur une banquette à coussin. Le trois juillet mil neuf cent quarante-cinq, Paul Léautaud écrit à André Gide : Quand on vieillit, qu’on a pris l’expérience de ce que sont la société et les hommes, on arrive à cette opinion que la plupart ne sont bons qu’à mourir sur les champs de bataille, ou de peupler les bagnes, les prisons, ou les asiles d’aliénés.
*
Dans l’après-midi, David Bobée, comme il s’y était engagé, publie une mise au point sur sa page Effe Bé : « Il y a quelques jours, j’ai reçu un mail. Son auteur avait usurpé l’identité d’un autre, impliqué bien malgré lui dans cette mauvaise histoire. Je lui renouvelle mes excuses de ne pas avoir identifié l’usurpation plus tôt et repartage ce courrier. »
Je lui avais demandé d’attirer l’attention de son fan-cleube sur l’attitude de celles et ceux qui ont proféré des insultes, voire des menaces, à mon égard. Il n’a pas cru devoir le faire. Et comme il republie, en l’anonymisant, le mail envoyé en mon nom par le grand malade suivi de sa réponse à lui si pleine de hauteur, il reçoit à nouveau en commentaires des félicitations pour sa grandeur d’âme (selon ce que je sais indirectement) et le vrai problème passe inaperçu.
Cependant je ne veux pas accabler ce garçon qui m’a écrit se sentir très mal de m’avoir causé du tort. D’autant qu’il a de gros soucis professionnels : toutes les représentations prévues du Tannhäuser dont il est le metteur en scène pour l’Opéra de Rouen ont été annulées en raison de deux cas asymptomatiques de Covid dans la distribution.
Au port, après un café allongé au Poisson Rouge, je poursuis vers Etables-sur-Mer toujours par le Géherre Trente-Quatre. Dès le bout du port d’échouage, c’est la fin de Saint-Quay et le début d’Etables. Mon objectif est plus lointain : la plage des Godelins et avant d’y être, une chapelle.
Je longe d’abord la plage du Port-ès-Leu distinguant au loin dans la brume des îles nommées La Vache, Le Four ou encore la Fille puis, hélas, des propriétés privées s’étant accaparées le bord de mer, il me faut les contourner par le chemin de la Corniche qui est en réalité une route goudronnée permettant d’accéder aux dites. Cette route s’achève à la plage des Moulins où je découvre un restaurant un peu cher.
Ensuite le Géherre redevient sentier agréable à suivre, souvent sous les arbres et bordé d’une végétation qui ne permet pas toujours de voir la mer. La côte de ce côté est moins belle que de Saint-Quay à Tréveneuc mais quand même cela vaut la peine de marcher. Arrivé à la pointe de Gouya, je m’étonne de ne pas avoir vu la chapelle.
Croisant une coureuse ralentie par un escalier, je lui demande cette chapelle. Je la sens inquiète d’être ainsi interpellée mais elle me renseigne. Elle n’est pas sur le chemin mais un peu au-dessus. J’essaierai de la trouver au retour, lui dis-je et elle file.
Le ciel se couvre davantage quand j’arrive à la pointe du Vau Burel d’où je découvre la plage des Godelins en contrebas un peu lointain. Je n’y suis pas mais c’est tout comme, me dis-je en faisant demi-tour cependant qu’il se met à légèrement pleuvoir. Il est dix heures. J’ouvre mon parapluie et me trompe à un embranchement, ce qui me permet d’arriver sur celle que je cherchais : Notre-Dame de l’Espérance. Elle est ouverte étonnamment. J’y entre et admire ses vitraux bleus. Sur son mur, on voit un Mickey mal effacé.
La pluie cesse quand je marche sur le goudron du chemin de la Corniche. Arrivé sur le port d’échouage de Saint-Quay, je recroise ma coureuse, plus décontractée, à qui je peux dire que j’ai trouvé la chapelle. Il est onze heures quand je m’installe à nouveau au Poisson Rouge pour y lire Léautaud.
A midi, sous un ciel à éclaircies, je déjeune aux Plaisanciers du menu à douze euros quatre-vingts avec son buffet d’entrées dans lesquelles je pioche rillettes asperges bulots et bouquets puis je choisis le filet d’églefin tagliatelles et la tarte aux pommes, cela accompagné de cidre. Il y a du monde tant à l’intérieur qu’à l’extérieur. J’ai pour voisine une jeune femme à pinte de bière qui après avoir avalé des huîtres s’offre un plat de Saint-Jacques. Sa particularité : manger en tenant d’une main sa fourchette et en tenant de l’autre main à hauteur de ses yeux Beloved de Toni Morrison. Un peu plus loin une jeune commerciale qui travaille avec les supermarchés déjeune avec une autre femme. « Ce sont des requins, non ? », lui dit cette dernière. « Oui mais avec moi ça va, parce que je suis attendrissante. »
Quand je reviens vers mon logis par le sentier côtier, j’échange quelques mots avec deux filles qui pique-niquent face à la mer assises en tailleur dans le coffre de leur voiture puis m’arrête prendre un café, et lire Léautaud, au Café de la Plage, confortablement installé sous l’auvent sur une banquette à coussin. Le trois juillet mil neuf cent quarante-cinq, Paul Léautaud écrit à André Gide : Quand on vieillit, qu’on a pris l’expérience de ce que sont la société et les hommes, on arrive à cette opinion que la plupart ne sont bons qu’à mourir sur les champs de bataille, ou de peupler les bagnes, les prisons, ou les asiles d’aliénés.
*
Dans l’après-midi, David Bobée, comme il s’y était engagé, publie une mise au point sur sa page Effe Bé : « Il y a quelques jours, j’ai reçu un mail. Son auteur avait usurpé l’identité d’un autre, impliqué bien malgré lui dans cette mauvaise histoire. Je lui renouvelle mes excuses de ne pas avoir identifié l’usurpation plus tôt et repartage ce courrier. »
Je lui avais demandé d’attirer l’attention de son fan-cleube sur l’attitude de celles et ceux qui ont proféré des insultes, voire des menaces, à mon égard. Il n’a pas cru devoir le faire. Et comme il republie, en l’anonymisant, le mail envoyé en mon nom par le grand malade suivi de sa réponse à lui si pleine de hauteur, il reçoit à nouveau en commentaires des félicitations pour sa grandeur d’âme (selon ce que je sais indirectement) et le vrai problème passe inaperçu.
Cependant je ne veux pas accabler ce garçon qui m’a écrit se sentir très mal de m’avoir causé du tort. D’autant qu’il a de gros soucis professionnels : toutes les représentations prévues du Tannhäuser dont il est le metteur en scène pour l’Opéra de Rouen ont été annulées en raison de deux cas asymptomatiques de Covid dans la distribution.
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