Arrivé un quart d’heure en avance devant le temple Saint-Eloi pour la désormais habituelle soirée Hélios Azoulay du Huit Mai, durant laquelle il évoque musicalement et verbalement la musique composée par les déporté(e)s dans les camps nazis, un évènement curieusement inclus dans le programme du Curieux Printemps organisé par la Mairie de Rouen et la Métropole, je constate que je suis loin d’être le premier.
Tant pis, me dis-je, je verrai ça de loin entre deux têtes et les genoux coincés par la chaise de devant. Certains ont à la main un ticket rose attestant qu’ils ont réservé. D’autres, comme moi, ne l’ont pas. Bientôt, quelques-uns se débrouillent pour en obtenir un avant les autres en quittant la file puis en se glissant dans l’édifice d’où ils reviennent l’air triomphant. Pire, l’un que je connais obtient des organisateurs le droit d’entrer avant tout le monde. Il fait signe à deux femmes qui attendaient. Elles quittent la file et tous trois disparaissent à l’intérieur.
Cela me suffit pour que je décide de rentrer chez moi
*
En lieu et place, je poursuis ma lecture du Journal de Ruth Maier publié par K&B Editeurs, sous-titré De 1933 à 1942, une jeune fille face à la terreur nazie. L’auteure réfugiée en Norvège fut arrêtée à Oslo le vingt-six novembre mil neuf cent quarante-deux et déportée à Auschwitz où elle fut tuée dès son arrivée.
Mercredi 5 octobre 1938, Vienne
Il est tôt, la rue est déserte. Un juif, jeune, bien vêtu, arrive au coin. Deux SS surgissent. L’un, puis l’autre, donne une gifle au juif qui en vacille… se tient la tête… et poursuit son chemin.
Moi Ruth Maier, dix-huit ans, je demande en tant qu’être humain, je demande au monde si une scène telle que celle-là est admissible… Je demande pourquoi il est possible à un teuton, un Allemand, de gifler un juif, pour la simple raison qu’il est allemand et que l’autre est juif !
Je ne parle pas des pogroms, des débordements contre les juifs, des bris de fenêtres et des pillages d’appartements… Ce n’est pas dans ces choses-là que la vulgarité sans fond trouve son expression la pire. Mais là, dans cette gifle.
Tant pis, me dis-je, je verrai ça de loin entre deux têtes et les genoux coincés par la chaise de devant. Certains ont à la main un ticket rose attestant qu’ils ont réservé. D’autres, comme moi, ne l’ont pas. Bientôt, quelques-uns se débrouillent pour en obtenir un avant les autres en quittant la file puis en se glissant dans l’édifice d’où ils reviennent l’air triomphant. Pire, l’un que je connais obtient des organisateurs le droit d’entrer avant tout le monde. Il fait signe à deux femmes qui attendaient. Elles quittent la file et tous trois disparaissent à l’intérieur.
Cela me suffit pour que je décide de rentrer chez moi
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En lieu et place, je poursuis ma lecture du Journal de Ruth Maier publié par K&B Editeurs, sous-titré De 1933 à 1942, une jeune fille face à la terreur nazie. L’auteure réfugiée en Norvège fut arrêtée à Oslo le vingt-six novembre mil neuf cent quarante-deux et déportée à Auschwitz où elle fut tuée dès son arrivée.
Mercredi 5 octobre 1938, Vienne
Il est tôt, la rue est déserte. Un juif, jeune, bien vêtu, arrive au coin. Deux SS surgissent. L’un, puis l’autre, donne une gifle au juif qui en vacille… se tient la tête… et poursuit son chemin.
Moi Ruth Maier, dix-huit ans, je demande en tant qu’être humain, je demande au monde si une scène telle que celle-là est admissible… Je demande pourquoi il est possible à un teuton, un Allemand, de gifler un juif, pour la simple raison qu’il est allemand et que l’autre est juif !
Je ne parle pas des pogroms, des débordements contre les juifs, des bris de fenêtres et des pillages d’appartements… Ce n’est pas dans ces choses-là que la vulgarité sans fond trouve son expression la pire. Mais là, dans cette gifle.