En ce lundi de Pâques, allant vers ma voiture au lever du jour, j’ai l’impression d’être le seul piéton dans les rues de Rouen. En bas de la rue de la Rép je laisse prudemment passer une voiture avant de m’engager sur le passage pour piétons, mais celle-ci s’arrête. La vitre se baisse et m’apparaît un jeune conducteur enivré.
-Pardon monsieur, me dit-il, vous savez pas où je pourrais trouver un petit troquet ouvert pour boire un café.
-Un lundi de Pâques, ça va être difficile.
-Quand même, y doit bien y en avoir un.
Je m’en débarrasse en l’envoyant vers la place Saint-Marc, songeant que sur la route je vais en croiser d’autres dans le même état que lui.
J’arrive sans encombre et dans le brouillard à Montfort-sur-Risle, me gare devant le collège Marcel-Marceron et rejoins à pied Appeville-dit-Annebault où c’est l’annuel grand déballage. Il est fort fréquenté étant sans concurrence proche. On y croise même des célébrités.
-Tu as vu là-bas, c’est Sheila, dit l’un à l’autre.
En effet, non pas celle pour qui l’école est finie depuis longtemps, mais l’imposante vendeuse de dévédés du Clos Saint-Marc, connue sous ce nom pour avoir autrefois collectionné tout ce qui se rapporte à la chanteuse à couettes. Désormais, elle cherche tout sur les chats. C’est donc une aubaine pour les vendeurs et, contrairement à moi, elle n’est jamais déçue.
Je le suis encore cette fois, peu de cédés, peu de livres, rien qui puisse m’intéresser. Je parcours néanmoins consciencieusement toutes les rues concernées. Dans celle qui grimpe vers la forêt, des déballeurs proposent également leur maison à la vente. En redescendant j’achète deux ramettes de papier qui pèsent à mon bras. Je passe devant le restaurant routier, lieu de souvenir, arrive à l’autre bout du pays et refais le tour tandis que le brouillard se lève un peu sous l’assaut du soleil. Apparaissent moutons et chevaux dans les prés, mais pas davantage de livres.
Une radio annonce qu’une famille roumaine a tenté de vendre sa fille de quatorze ans à un homme de la région. Je vois l’oreille des hommes alentour devenir attentive et leur œil friser. Un peu plus loin un vendeur énervé dit à un acheteur pinailleur :
-Tu veux peut-être ma sœur en plus pour le même prix ?
-Pourquoi pas, lui répond l’autre.
J’arrive vers où je suis garé, sans livre ou cédé dans mon sac, au moment où une sono diffuse Nathalie et La plus belle pour aller danser, songeant à la fois où dans ce vide grenier j’ai laissé échapper l’achat d’un Utrillo. Authentique ou copie, je ne le saurai jamais.
Si c’était un vrai, je serais riche aujourd’hui, heureux propriétaire de plusieurs filles de quatorze ans (après ce genre de propos, il vaut mieux désormais dire que l’on plaisante).
*
L’après-midi, calé dans ma chaise longue, je lis au jardin les Lettres au Castor et à quelques autres de Jean-Paul Sartre, tandis qu’un nouveau voisin sur le banc improvise à la guitare. Il est bientôt remplacé par la voisine chargée de la tonte de la pelouse, un privilège de propriétaire. Elle ne peut faire ça un autre jour, s’excuse-t-elle. Ces gens qui travaillent en semaine sont bien embêtants.
-Pardon monsieur, me dit-il, vous savez pas où je pourrais trouver un petit troquet ouvert pour boire un café.
-Un lundi de Pâques, ça va être difficile.
-Quand même, y doit bien y en avoir un.
Je m’en débarrasse en l’envoyant vers la place Saint-Marc, songeant que sur la route je vais en croiser d’autres dans le même état que lui.
J’arrive sans encombre et dans le brouillard à Montfort-sur-Risle, me gare devant le collège Marcel-Marceron et rejoins à pied Appeville-dit-Annebault où c’est l’annuel grand déballage. Il est fort fréquenté étant sans concurrence proche. On y croise même des célébrités.
-Tu as vu là-bas, c’est Sheila, dit l’un à l’autre.
En effet, non pas celle pour qui l’école est finie depuis longtemps, mais l’imposante vendeuse de dévédés du Clos Saint-Marc, connue sous ce nom pour avoir autrefois collectionné tout ce qui se rapporte à la chanteuse à couettes. Désormais, elle cherche tout sur les chats. C’est donc une aubaine pour les vendeurs et, contrairement à moi, elle n’est jamais déçue.
Je le suis encore cette fois, peu de cédés, peu de livres, rien qui puisse m’intéresser. Je parcours néanmoins consciencieusement toutes les rues concernées. Dans celle qui grimpe vers la forêt, des déballeurs proposent également leur maison à la vente. En redescendant j’achète deux ramettes de papier qui pèsent à mon bras. Je passe devant le restaurant routier, lieu de souvenir, arrive à l’autre bout du pays et refais le tour tandis que le brouillard se lève un peu sous l’assaut du soleil. Apparaissent moutons et chevaux dans les prés, mais pas davantage de livres.
Une radio annonce qu’une famille roumaine a tenté de vendre sa fille de quatorze ans à un homme de la région. Je vois l’oreille des hommes alentour devenir attentive et leur œil friser. Un peu plus loin un vendeur énervé dit à un acheteur pinailleur :
-Tu veux peut-être ma sœur en plus pour le même prix ?
-Pourquoi pas, lui répond l’autre.
J’arrive vers où je suis garé, sans livre ou cédé dans mon sac, au moment où une sono diffuse Nathalie et La plus belle pour aller danser, songeant à la fois où dans ce vide grenier j’ai laissé échapper l’achat d’un Utrillo. Authentique ou copie, je ne le saurai jamais.
Si c’était un vrai, je serais riche aujourd’hui, heureux propriétaire de plusieurs filles de quatorze ans (après ce genre de propos, il vaut mieux désormais dire que l’on plaisante).
*
L’après-midi, calé dans ma chaise longue, je lis au jardin les Lettres au Castor et à quelques autres de Jean-Paul Sartre, tandis qu’un nouveau voisin sur le banc improvise à la guitare. Il est bientôt remplacé par la voisine chargée de la tonte de la pelouse, un privilège de propriétaire. Elle ne peut faire ça un autre jour, s’excuse-t-elle. Ces gens qui travaillent en semaine sont bien embêtants.