Ne voulant pas m’encombrer d’un parapluie, c’est au sec dans le bus Teor que je rejoins le centre commercial des Docks ce samedi matin.
Après avoir été saluer Robert le Brochet dans les toilettes, je m’installe à l’étage dans un confortable fauteuil que je quitte quinze minutes avant l’heure officielle d’ouverture de la vente des livres désherbés par les bibliothèques de quartier rouennaises qui doit se tenir au rez-de-chaussée.
Bien m’en prend car, contrairement à l’an dernier, l’approche des livres n’est pas interdite par un cordon. Une femme est déjà en train d’emplir son sac au milieu de celles et ceux qui installent. Parmi les bibliothécaires chargés de l’opération, il en est une que je connais, Sophie, laquelle parle de sa profession (et d’autres sujets) via son blog Desperate Librarian Housewife.
Je lui demande si on peut avant de m’avancer vers les livres.
-Oui, me dit-elle, mais on va peut-être vous déranger.
D’autres suivent, ce qui n’est pas du goût d’un autre bibliothécaire.
-Mesdames et messieurs, je vais vous demander de sortir.
J’obtempère, avec d’autres, mais certain(e)s restent (ce bibliothécaire n’aurait pu travailler dans le maintien de l’ordre), donc j’y retourne. Parmi les livres proposés, l’un concerne les problèmes urinaires au féminin. Je comprends qu’il ait été peu emprunté et me demande qui osera l’acheter.
Je trouve de quoi emplir mes deux sacs, content d’y mettre les deux tomes des Mémoires de la comtesse de Boigne que l’on souhaite lire à Stockholm. Bientôt, il y a foule. On se gêne dans les allées, d’autant que certaines sont venues avec des poussettes garnies.
Les assidus des ventes de livres jouent des coudes, parmi lesquels celui qui correspond au portrait de Robert le Brochet tel qu’il est résumé sur le mur des toilettes. Il s’empare des trois gros tomes des Lieux de mémoire de Pierre Nora, de quoi occuper les longues soirées de l’hiver qui approche.
Avant d’y laisser un doigt, je m’extrais du vivier et vais régler mon dû au Trésor Public.
-Retour à pied par le bord de Seine ? me demande Sophie.
-S’il ne pleut plus, oui.
C’est ainsi que je fais, arrivant à la maison à onze heures précises, les mains sciées.
*
Mort d’un libraire, ce samedi premier octobre, celui d’Un Regard Moderne, le temple parisien de ce qu’on appelait autrefois la contre-culture, dont j’apprends le nom en cette funeste occasion : Jacques Noël.
Je fréquentais ce lieu quand je m’intéressais à l’underground (comme on disait aussi).
Il y a un an ou deux, désirant voir et peut-être acheter un livre qu’on ne trouvait que là, je suis retourné rue Gît-le-Cœur, mais la profusion de livres et revues, désormais empilés jusqu’au plafond, m’a dissuadé d’entrer.
Après avoir été saluer Robert le Brochet dans les toilettes, je m’installe à l’étage dans un confortable fauteuil que je quitte quinze minutes avant l’heure officielle d’ouverture de la vente des livres désherbés par les bibliothèques de quartier rouennaises qui doit se tenir au rez-de-chaussée.
Bien m’en prend car, contrairement à l’an dernier, l’approche des livres n’est pas interdite par un cordon. Une femme est déjà en train d’emplir son sac au milieu de celles et ceux qui installent. Parmi les bibliothécaires chargés de l’opération, il en est une que je connais, Sophie, laquelle parle de sa profession (et d’autres sujets) via son blog Desperate Librarian Housewife.
Je lui demande si on peut avant de m’avancer vers les livres.
-Oui, me dit-elle, mais on va peut-être vous déranger.
D’autres suivent, ce qui n’est pas du goût d’un autre bibliothécaire.
-Mesdames et messieurs, je vais vous demander de sortir.
J’obtempère, avec d’autres, mais certain(e)s restent (ce bibliothécaire n’aurait pu travailler dans le maintien de l’ordre), donc j’y retourne. Parmi les livres proposés, l’un concerne les problèmes urinaires au féminin. Je comprends qu’il ait été peu emprunté et me demande qui osera l’acheter.
Je trouve de quoi emplir mes deux sacs, content d’y mettre les deux tomes des Mémoires de la comtesse de Boigne que l’on souhaite lire à Stockholm. Bientôt, il y a foule. On se gêne dans les allées, d’autant que certaines sont venues avec des poussettes garnies.
Les assidus des ventes de livres jouent des coudes, parmi lesquels celui qui correspond au portrait de Robert le Brochet tel qu’il est résumé sur le mur des toilettes. Il s’empare des trois gros tomes des Lieux de mémoire de Pierre Nora, de quoi occuper les longues soirées de l’hiver qui approche.
Avant d’y laisser un doigt, je m’extrais du vivier et vais régler mon dû au Trésor Public.
-Retour à pied par le bord de Seine ? me demande Sophie.
-S’il ne pleut plus, oui.
C’est ainsi que je fais, arrivant à la maison à onze heures précises, les mains sciées.
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Mort d’un libraire, ce samedi premier octobre, celui d’Un Regard Moderne, le temple parisien de ce qu’on appelait autrefois la contre-culture, dont j’apprends le nom en cette funeste occasion : Jacques Noël.
Je fréquentais ce lieu quand je m’intéressais à l’underground (comme on disait aussi).
Il y a un an ou deux, désirant voir et peut-être acheter un livre qu’on ne trouvait que là, je suis retourné rue Gît-le-Cœur, mais la profusion de livres et revues, désormais empilés jusqu’au plafond, m’a dissuadé d’entrer.