Dernières notes
Loïc Boyer
Je suis l’auteur de textes courts qui furent publiés depuis mil neuf cent quatre-vingt-quinze dans des revues littéraires en France (Supérieur Inconnu, Supplément d’Ame, Nouvelle Donne, Le Bord de l’Eau, Pris de Peur, l’Art du Bref, Sol’Air, Gros Textes, Salmigondis, Verso, Décharge, Bulle, Filigranes, Diérèse, Martobre, Comme ça et Autrement, (Cahier d’) Ecritures, La Nef des Fous), en Belgique (Traversées, Ecrits Vains, L’Arbre à Plumes, Inédit Nouveau, Bleu d’Encre), au Canada (Les Saisons Littéraires) et en Italie (Les Cahiers du Ru).
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.
11 juin 2021
Dans la maison de Tréboul qui abrite mon nouveau logis temporaire est un autre appartement à l’étage. Ce premier soir, son occupant se charge de l’animation musicale, du reggae et d’autres rythmes toniques. Heureusement, il baisse le son vers vingt-deux heures. En revanche, dans l’étroite impasse, point d’oiseau chanteur pour me réveiller tôt ce matin. Une alerte intérieure s’en charge.
Sitôt prêt, je me procure pain au chocolat et croissant à la boulangerie proche de l’arrêt des cars BreizhGo puis m’installe à la terrasse du Café de l’Yser où l’allongé est à un euro soixante-dix. Le petit-déjeuner terminé, je longe le port de plaisance et prends le Géherre Trente-Quatre en direction d’un lieu que je connais bien : l’Hôtel Ty Mad, et près de celui-ci le cimetière marin.
Le ciel est gris mais la vue sur la baie n’en est pas moins magnifique. Le cimetière marin n’est pas bien loin. Je le longe puis arrive à la chapelle Saint-Jean près de laquelle est une statue à double tête en hommage à Max Jacob qui logea deux ans à l’Hôtel Ty Mad, lequel se trouve derrière la chapelle. Pablo Picasso y eut aussi sa chambre. Moi-même en eus une il y a déjà longtemps pendant au moins une semaine, où j’étais en demi-pension. C’est là que j’ai écrit un premier roman qui fut momentanément lisible via Internet jusqu’à ce que les Editions Olympio dirigées par François Bourin déposent le bilan. Aujourd’hui, la petite chambre solo que j’occupais, nommée La Cabine, est au minimum à quatre-vingt-cinq euros la nuit, plus pour moi donc.
Le cimetière n’ouvrant qu’à neuf heures, je lis les Goncourt au-dessus de la petite plage Saint-Jean. Dans la mer se baigne une femme copieusement enceinte.
Un peu après l’heure dite, je me rends dans la zone du cimetière où je pense se trouver la tombe de celui que je veux saluer. Je vais et je viens, éliminant celles avec croix, c’est-à-dire les neuf dixièmes, mais ne retrouve pas celle que je cherche. Une dame arrosant ses fleurs me conseille de demander à l’un des hommes qui entretiennent bruyamment les allées avec du matériel motorisé, coupe-herbe, souffleuse.
-Suivez-moi, me dit celui à qui je m’adresse.
Il m’emmène dans la partie la plus basse du cimetière. Je ne me souvenais plus que ce fût ici. Je le remercie. Sans lui, je n’aurais pas trouvé. Cette tombe est rustique, granit et gravier. Une plante desséchée cache le patronyme du défunt et de sa femme : Poulot. Seuls sont apparents les prénoms : Georges et Tania.
Je fais trois photos de cette tombe qui ne regarde pas la mer. Elle fait face au mur de la partie supérieure du cimetière. On peut dire que Perros a réussi son coup.
*
Le temps se gâte ensuite. Une mouillasse s’installe. Il me faut déjeuner à l’intérieur du Vintage : assiette de charcuterie, pavé de porc montagnard avec purée, panna cotta, un verre de vin et le café, treize euros.
Sitôt prêt, je me procure pain au chocolat et croissant à la boulangerie proche de l’arrêt des cars BreizhGo puis m’installe à la terrasse du Café de l’Yser où l’allongé est à un euro soixante-dix. Le petit-déjeuner terminé, je longe le port de plaisance et prends le Géherre Trente-Quatre en direction d’un lieu que je connais bien : l’Hôtel Ty Mad, et près de celui-ci le cimetière marin.
Le ciel est gris mais la vue sur la baie n’en est pas moins magnifique. Le cimetière marin n’est pas bien loin. Je le longe puis arrive à la chapelle Saint-Jean près de laquelle est une statue à double tête en hommage à Max Jacob qui logea deux ans à l’Hôtel Ty Mad, lequel se trouve derrière la chapelle. Pablo Picasso y eut aussi sa chambre. Moi-même en eus une il y a déjà longtemps pendant au moins une semaine, où j’étais en demi-pension. C’est là que j’ai écrit un premier roman qui fut momentanément lisible via Internet jusqu’à ce que les Editions Olympio dirigées par François Bourin déposent le bilan. Aujourd’hui, la petite chambre solo que j’occupais, nommée La Cabine, est au minimum à quatre-vingt-cinq euros la nuit, plus pour moi donc.
Le cimetière n’ouvrant qu’à neuf heures, je lis les Goncourt au-dessus de la petite plage Saint-Jean. Dans la mer se baigne une femme copieusement enceinte.
Un peu après l’heure dite, je me rends dans la zone du cimetière où je pense se trouver la tombe de celui que je veux saluer. Je vais et je viens, éliminant celles avec croix, c’est-à-dire les neuf dixièmes, mais ne retrouve pas celle que je cherche. Une dame arrosant ses fleurs me conseille de demander à l’un des hommes qui entretiennent bruyamment les allées avec du matériel motorisé, coupe-herbe, souffleuse.
-Suivez-moi, me dit celui à qui je m’adresse.
Il m’emmène dans la partie la plus basse du cimetière. Je ne me souvenais plus que ce fût ici. Je le remercie. Sans lui, je n’aurais pas trouvé. Cette tombe est rustique, granit et gravier. Une plante desséchée cache le patronyme du défunt et de sa femme : Poulot. Seuls sont apparents les prénoms : Georges et Tania.
Je fais trois photos de cette tombe qui ne regarde pas la mer. Elle fait face au mur de la partie supérieure du cimetière. On peut dire que Perros a réussi son coup.
*
Le temps se gâte ensuite. Une mouillasse s’installe. Il me faut déjeuner à l’intérieur du Vintage : assiette de charcuterie, pavé de porc montagnard avec purée, panna cotta, un verre de vin et le café, treize euros.
10 juin 2021
De nouveau des pas dans la nuit pour ma dernière à Quimper, ce sont sans doute ceux de la voisine dont la chambre doit être proche de la mienne. A cinq heures trente l’oiseau chanteur me réveille comme il le devait. Une heure plus tard, je boucle ma valise après avoir mis à la poubelle un pull qui ne voulait pas y entrer puis je laisse les clés dans la boîte à lettres, descends la côte, tourne à droite vers la Gare Routière, boulangerie Loiseau, terrasse de l’Hôtel Le Derby, car BreizhGo Cinquante et Un de huit heures dix dont le terminus est Tréboul (commune de Douarnenez).
Le chauffeur refuse que je garde ma valise, il lui impose la soute. Je lui dis que ses collègues ne font pas ainsi mais lui est règlement règlement. Néanmoins, il doit se sentir un peu mal car quand il va chercher des clopes au Derby, il me propose de venir avec lui pour m’offrir un café. Je refuse poliment.
Le voyage s’effectue dans une campagne assez montagneuse puis c’est la descente dans Douarnenez et l’arrivée à Tréboul près de mon nouveau logement provisoire. A ce moment je suis le seul passager dans le car. Le chauffeur descend pour m’aider à récupérer ma valise.
Je rejoins en quelques minutes le port de plaisance et, comme mon plan est difficile à lire, je demande à trois autochtones qui boivent des ballons de rosé où sont ma rue et son impasse. C’est tout près mais où, me disent-ils en chœur. L’un cherche avec son smartphone. « C’est facile, tu prends à gauche à la boulangerie et tu y es. » Effectivement, l’impasse est à cinquante mètres. Je trouve les clés dans leur boîte et m’installe au rez-de-chaussée de l’ancienne maison de pêcheur rose pâle
Cela fait je ressors. Contournant le port de plaisance, je rejoins le sentier qui mène à Douarnenez, un chemin parcouru plus d’une fois, bien accompagné ou seul. Ce lieu est toujours aussi enchanteur. Je retrouve avec plaisir l’île Tristan, le Port Rhu, sa passerelle et son musée de bateaux ainsi que le restaurant pizzeria qui proposait un menu à prix réduit. Il s’appelle désormais Le Vintage, est tenu par deux hommes de bonne humeur, c’est aujourd’hui la réouverture.
Je réserve l’une des cinq tables de terrasse qui ont vue sur Tréboul et l’île Tristan puis vais lire sur un banc à proximité. Des pêcheurs à pied remontent de la grève avec leurs seaux de coquillages. Un bicycliste descend de sa machine et par un muret recouvert d’algues s’approche des maisons de l’île Tristan sans toutefois aller jusqu’à elles. Quand il revient, je l’interroge sachant l’endroit privé. Il m’explique qu’il y a une limite à ne pas franchir, qu’il y a un gardien à l’année.
Le ciel s’est couvert quand arrive midi et un vent coulis souffle sur la terrasse du Vintage. J’aurais bien besoin du pull jeté au matin, mais la vue et la sécurité prévalent, pas envie de manger à l’intérieur. Pour treize euros, je déjeune de melon et jambon cru, d’une bavette sauce acidulée avec frites et d’un tiramisu, un verre de vin et le café sont compris. A l’intérieur c’est complet car seule une table sur deux peut être occupée.
Je fais le chemin inverse jusqu’au port de plaisance. La seule supérette est fermée pour cause de vacances. Je vais au magasin bio tenu par deux hommes sans masque qui n’ont pas la tête à ce genre de commerce, y trouve du thé mais pas de lessive en petite quantité. Il va me falloir recourir encore une fois au gel douche pour laver mes vêtements.
Un peu plus loin, une charmante terrasse sous les arbres me fait signe, celle du Chamouette, caviste bistrotier. On peut y choisir n’importe quelle bouteille de vin, issu de l’agriculture raisonnée, au prix caviste et la boire sur place avec un droit de bouchon de six euros. Certain(e)s ne s’en privent pas qui rient et parlent fort, mais pour moi seul ce ne serait pas raisonnable. Je me contente d’un café à un euro quarante.
*
Entre Quimper et Douarnenez, un lieu-dit nommé Kerdreal (on y est presque à Kerdrial).
*
L’île Tristan a appartenu au fils de Jean Richepin. Elle est maintenant propriété du Conservatoire du Littoral.
*
On a le tutoiement facile dans le Sud Finistère.
Le chauffeur refuse que je garde ma valise, il lui impose la soute. Je lui dis que ses collègues ne font pas ainsi mais lui est règlement règlement. Néanmoins, il doit se sentir un peu mal car quand il va chercher des clopes au Derby, il me propose de venir avec lui pour m’offrir un café. Je refuse poliment.
Le voyage s’effectue dans une campagne assez montagneuse puis c’est la descente dans Douarnenez et l’arrivée à Tréboul près de mon nouveau logement provisoire. A ce moment je suis le seul passager dans le car. Le chauffeur descend pour m’aider à récupérer ma valise.
Je rejoins en quelques minutes le port de plaisance et, comme mon plan est difficile à lire, je demande à trois autochtones qui boivent des ballons de rosé où sont ma rue et son impasse. C’est tout près mais où, me disent-ils en chœur. L’un cherche avec son smartphone. « C’est facile, tu prends à gauche à la boulangerie et tu y es. » Effectivement, l’impasse est à cinquante mètres. Je trouve les clés dans leur boîte et m’installe au rez-de-chaussée de l’ancienne maison de pêcheur rose pâle
Cela fait je ressors. Contournant le port de plaisance, je rejoins le sentier qui mène à Douarnenez, un chemin parcouru plus d’une fois, bien accompagné ou seul. Ce lieu est toujours aussi enchanteur. Je retrouve avec plaisir l’île Tristan, le Port Rhu, sa passerelle et son musée de bateaux ainsi que le restaurant pizzeria qui proposait un menu à prix réduit. Il s’appelle désormais Le Vintage, est tenu par deux hommes de bonne humeur, c’est aujourd’hui la réouverture.
Je réserve l’une des cinq tables de terrasse qui ont vue sur Tréboul et l’île Tristan puis vais lire sur un banc à proximité. Des pêcheurs à pied remontent de la grève avec leurs seaux de coquillages. Un bicycliste descend de sa machine et par un muret recouvert d’algues s’approche des maisons de l’île Tristan sans toutefois aller jusqu’à elles. Quand il revient, je l’interroge sachant l’endroit privé. Il m’explique qu’il y a une limite à ne pas franchir, qu’il y a un gardien à l’année.
Le ciel s’est couvert quand arrive midi et un vent coulis souffle sur la terrasse du Vintage. J’aurais bien besoin du pull jeté au matin, mais la vue et la sécurité prévalent, pas envie de manger à l’intérieur. Pour treize euros, je déjeune de melon et jambon cru, d’une bavette sauce acidulée avec frites et d’un tiramisu, un verre de vin et le café sont compris. A l’intérieur c’est complet car seule une table sur deux peut être occupée.
Je fais le chemin inverse jusqu’au port de plaisance. La seule supérette est fermée pour cause de vacances. Je vais au magasin bio tenu par deux hommes sans masque qui n’ont pas la tête à ce genre de commerce, y trouve du thé mais pas de lessive en petite quantité. Il va me falloir recourir encore une fois au gel douche pour laver mes vêtements.
Un peu plus loin, une charmante terrasse sous les arbres me fait signe, celle du Chamouette, caviste bistrotier. On peut y choisir n’importe quelle bouteille de vin, issu de l’agriculture raisonnée, au prix caviste et la boire sur place avec un droit de bouchon de six euros. Certain(e)s ne s’en privent pas qui rient et parlent fort, mais pour moi seul ce ne serait pas raisonnable. Je me contente d’un café à un euro quarante.
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Entre Quimper et Douarnenez, un lieu-dit nommé Kerdreal (on y est presque à Kerdrial).
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L’île Tristan a appartenu au fils de Jean Richepin. Elle est maintenant propriété du Conservatoire du Littoral.
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On a le tutoiement facile dans le Sud Finistère.
9 juin 2021
« Je suis parti en déplacement ce matin, je ne serai pas là pour votre départ. » m’écrit mon jeune logeur quimpérois. Il me charge de rentrer la poubelle restée dans la rue et de laisser les clés dans la boîte à lettres.
Me voici seul dans la grande maison blanche. Pourtant, dans la nuit, j’entends en dessous des bruits de pas et d’eau qui coule. Est-ce que cela proviendrait de la maison mitoyenne ? Quelqu’un est-il prisonnier dans celle où je loge ? Ou bien est-elle hantée ?
Le mystère reste entier quand je prends le car pour Pont-L’Abbé. J’en descends près de sa rivière qui bien qu’imposante (du moins à marée haute) n’a pas de nom. A proximité d’icelle est l’ancien Château de la capitale du Pays Bigouden, aujourd’hui partagé entre l’Hôtel de Ville et le Musée Bigouden, dont l’exposition du moment a pour titre L’Epopée bigoudène du prêt-à-porter.
Près de ce monument historique est la Boulangerie du Château où j’achète un croissant et un pain au chocolat. La patronne m’indique deux cafés susceptibles d’être ouverts mais ils sont fermés. Je les mange donc sur un banc, place Gambetta, puis vais voir de près l’église Notre-Dame des Carmes. Trois femmes qui viennent de déposer leurs enfants à l’école publique voisine papotent devant l’édifice religieux (alors qu’il y a du ménage à faire à la maison) et me gênent pour faire des photos. Pas très loin, je trouve la Crêperie Bigoudène (qui est fermée), le Décor Bigouden (qui est en faillite), Coiffure Michel (qui cherche un repreneur), un monument « Aux Bigoudens » représentant des veuves et des orphelines éplorées et une rue des Morts.
J’avais repéré le Café Restaurant de la Marine pour déjeuner mais le menu du jour me déçoit, de même que la terrasse du bar Le Longchamp qui finit par ouvrir à neuf heures dix (l’allongé est à un euro quarante). Je lis un peu les Goncourt sur un banc dominant la rivière mais il fait un peu froid. Je me mets donc à marcher sur le chemin de halage qui va vers Loctudy. Voyant qu’il n’est que dix heures et qu’il y a six kilomètres entre les deux bourgs, je me dis pourquoi pas.
J’avance sur un chemin tranquille avec sous les yeux le spectacle de la rivière à marée basse. Au bout d’un moment, voyant un homme arriver en sens inverse, je lui demande à combien de kilomètres je suis de mon but éventuel. Trois ou quatre, me répond-il, à la digue le sentier va entrer dans la forêt, il faudra toujours suivre la rivière. Continuons, me dis-je. Ce sentier devient plus accidenté puis il faut passer sur le macadam pour contourner un bois privé. Je retrouve la rivière sans rien voir au loin qui ressemble à Loctudy. Un promeneur de chien me dit que j’en suis « à peu près à un kilomètre plus ou moins ». Ce dernier kilomètre doit aussi se faire sur le macadam. Sûr que si j’avais su ça, je ne me serais pas lancé dans cette aventure. Il est onze heures vingt quand j’arrive au Café du Port, les pieds cuits et surpris d’être là.
Et à midi moins le quart, je prends une nouvelle fois place au Gwen Ha Du. Son menu du jour est assiette de charcuterie, travers de porc écrasé de pommes de terre, creumebeule aux pommes. Le temps s’est mis au beau, l’addition réglée je vais m’asseoir sur le banc face à L’Ile-Tudy et à la tourelle de la Perdrix que je ne pensais pas revoir ce mardi. J’y retrouve Jules et Edmond jusqu’à ce qu’il soit l’heure du car du retour.
Puis c’est le moment de mettre une dernière fois un euro cinquante dans la remontée mécanique de la côte qui mène au studio où je vais passer une dernière nuit qui s’achèvera tôt grâce à l’oiseau réveil sur lequel je peux toujours compter.
Me voici seul dans la grande maison blanche. Pourtant, dans la nuit, j’entends en dessous des bruits de pas et d’eau qui coule. Est-ce que cela proviendrait de la maison mitoyenne ? Quelqu’un est-il prisonnier dans celle où je loge ? Ou bien est-elle hantée ?
Le mystère reste entier quand je prends le car pour Pont-L’Abbé. J’en descends près de sa rivière qui bien qu’imposante (du moins à marée haute) n’a pas de nom. A proximité d’icelle est l’ancien Château de la capitale du Pays Bigouden, aujourd’hui partagé entre l’Hôtel de Ville et le Musée Bigouden, dont l’exposition du moment a pour titre L’Epopée bigoudène du prêt-à-porter.
Près de ce monument historique est la Boulangerie du Château où j’achète un croissant et un pain au chocolat. La patronne m’indique deux cafés susceptibles d’être ouverts mais ils sont fermés. Je les mange donc sur un banc, place Gambetta, puis vais voir de près l’église Notre-Dame des Carmes. Trois femmes qui viennent de déposer leurs enfants à l’école publique voisine papotent devant l’édifice religieux (alors qu’il y a du ménage à faire à la maison) et me gênent pour faire des photos. Pas très loin, je trouve la Crêperie Bigoudène (qui est fermée), le Décor Bigouden (qui est en faillite), Coiffure Michel (qui cherche un repreneur), un monument « Aux Bigoudens » représentant des veuves et des orphelines éplorées et une rue des Morts.
J’avais repéré le Café Restaurant de la Marine pour déjeuner mais le menu du jour me déçoit, de même que la terrasse du bar Le Longchamp qui finit par ouvrir à neuf heures dix (l’allongé est à un euro quarante). Je lis un peu les Goncourt sur un banc dominant la rivière mais il fait un peu froid. Je me mets donc à marcher sur le chemin de halage qui va vers Loctudy. Voyant qu’il n’est que dix heures et qu’il y a six kilomètres entre les deux bourgs, je me dis pourquoi pas.
J’avance sur un chemin tranquille avec sous les yeux le spectacle de la rivière à marée basse. Au bout d’un moment, voyant un homme arriver en sens inverse, je lui demande à combien de kilomètres je suis de mon but éventuel. Trois ou quatre, me répond-il, à la digue le sentier va entrer dans la forêt, il faudra toujours suivre la rivière. Continuons, me dis-je. Ce sentier devient plus accidenté puis il faut passer sur le macadam pour contourner un bois privé. Je retrouve la rivière sans rien voir au loin qui ressemble à Loctudy. Un promeneur de chien me dit que j’en suis « à peu près à un kilomètre plus ou moins ». Ce dernier kilomètre doit aussi se faire sur le macadam. Sûr que si j’avais su ça, je ne me serais pas lancé dans cette aventure. Il est onze heures vingt quand j’arrive au Café du Port, les pieds cuits et surpris d’être là.
Et à midi moins le quart, je prends une nouvelle fois place au Gwen Ha Du. Son menu du jour est assiette de charcuterie, travers de porc écrasé de pommes de terre, creumebeule aux pommes. Le temps s’est mis au beau, l’addition réglée je vais m’asseoir sur le banc face à L’Ile-Tudy et à la tourelle de la Perdrix que je ne pensais pas revoir ce mardi. J’y retrouve Jules et Edmond jusqu’à ce qu’il soit l’heure du car du retour.
Puis c’est le moment de mettre une dernière fois un euro cinquante dans la remontée mécanique de la côte qui mène au studio où je vais passer une dernière nuit qui s’achèvera tôt grâce à l’oiseau réveil sur lequel je peux toujours compter.
8 juin 2021
A mon arrivée à Loctudy ce lundi à huit heures dix, j’ai le désagrément de trouver la boulangerie fermée. Au Café du Port, on n’a rien à manger. Je me contente donc d’un allongé avant de faire le tour du port de pêche pour atteindre celui de plaisance. J’ai un objectif : rejoindre L’Ile-Tudy, et un moyen pour cela : le Passeur.
Il s’agit d’un élégant bateau vert qui a dû servir autrefois à la pêche. Il est amarré près d’un grand voilier en difficulté. Celui-ci partait mais sa barre ne répond plus. D’autres plaisanciers l’aident à se ramarrer. « L’électronique c’est bien, mais quand ça fonctionne », commente l’un des marins de ce navire de location qui devait aller à Groix. Ceux qui l’ont loué, des profils d’hommes d’affaires, font la tête.
Dans mon cas aucun problème, à neuf heures, après que le capitaine a vérifié deux ou trois trucs et accroché le drapeau breton à la poupe, le Passeur démarre sous un ciel menaçant. J’en suis le seul passager. L’aller-retour coûte quatre euros (un euro d’augmentation depuis le premier juin ; conséquence de la guerre, je suppose).
Je n’attends rien d’extraordinaire de ma visite à L’Ile-Tudy. Je suis déjà venu autrefois, en voiture, bien accompagné, jusqu’à ce bout du monde. Il s’agissait de se loger mais tout était cher. Je me souviens d’une route désagréable qui fait le tour d’une pointe dont les maisons ont accaparé le bord de mer.
Au débarcadère, trois grandes terrasses semblent attendre le visiteur mais à cette heure rien n’est ouvert. Cependant, deux autochtones m’indiquent que je peux trouver un dépôt de pain en contournant la Mairie. Je trouve là L’Epicerie Locale. C’est son nom. Son responsable n’a plus de croissants mais il reste des pains au chocolat, certes à un euro vingt. J’en prends deux et vais les manger sur une pierre devant une petite maison de bord de mer. Ses occupants arrivent de la pêche portant de lourds cageots en plastique. Ils me souhaitent un bon appétit.
-La pêche a été bonne ? leur demandé-je.
-Oh, que des araignées, se plaint l’un, il n’y a pas de poissons en ce moment.
Ce que l’on trouve à foison à L’Ile-Tudy, ce sont des panneaux colorés où sont écrites des formules commençant par « Et si », un travail scolaire à n’en pas douter. J’en note quatre : « Et si on devenait tous écrivains » « Et si les êtres vivants ne se reproduisaient pas » « Et si la pression des océans n’était qu’une bière infâme » « Et si sept huit neuf ».
A dix heures, je suis de retour à l’embarcadère d’où l’on voit bien Loctudy en face. De loin ce port manque de charme. Contrairement à L’Ile-Tudy, qu’il ne faudrait voir que de Loctudy. Dix voyageurs descendent du Passeur qui me ramène ensuite seul à son point de départ. Le grand voilier est toujours là, adieu l’île de Groix.
Je retourne au Café du Port pour boire un café puis lire le Journal des Goncourt jusqu’à ce qu’il soit l’heure d’aller déjeuner au Gwen Ha Du. Au menu tout compris de ce lundi : piémontaise, lasagnes à la bolognaise, tarte aux abricots.
Le car BreizhGo du retour a dix minutes de retard, ce qui est rarissime. Il n’en est pas moins payant. Celui de l’aller était bien à l’heure, et gratuit par la volonté de son chauffeur.
*
L’île tu dis ? Cela en fut une. Jusqu’à la création de la digue de Kermor en mil huit cent cinquante-trois.
Il s’agit d’un élégant bateau vert qui a dû servir autrefois à la pêche. Il est amarré près d’un grand voilier en difficulté. Celui-ci partait mais sa barre ne répond plus. D’autres plaisanciers l’aident à se ramarrer. « L’électronique c’est bien, mais quand ça fonctionne », commente l’un des marins de ce navire de location qui devait aller à Groix. Ceux qui l’ont loué, des profils d’hommes d’affaires, font la tête.
Dans mon cas aucun problème, à neuf heures, après que le capitaine a vérifié deux ou trois trucs et accroché le drapeau breton à la poupe, le Passeur démarre sous un ciel menaçant. J’en suis le seul passager. L’aller-retour coûte quatre euros (un euro d’augmentation depuis le premier juin ; conséquence de la guerre, je suppose).
Je n’attends rien d’extraordinaire de ma visite à L’Ile-Tudy. Je suis déjà venu autrefois, en voiture, bien accompagné, jusqu’à ce bout du monde. Il s’agissait de se loger mais tout était cher. Je me souviens d’une route désagréable qui fait le tour d’une pointe dont les maisons ont accaparé le bord de mer.
Au débarcadère, trois grandes terrasses semblent attendre le visiteur mais à cette heure rien n’est ouvert. Cependant, deux autochtones m’indiquent que je peux trouver un dépôt de pain en contournant la Mairie. Je trouve là L’Epicerie Locale. C’est son nom. Son responsable n’a plus de croissants mais il reste des pains au chocolat, certes à un euro vingt. J’en prends deux et vais les manger sur une pierre devant une petite maison de bord de mer. Ses occupants arrivent de la pêche portant de lourds cageots en plastique. Ils me souhaitent un bon appétit.
-La pêche a été bonne ? leur demandé-je.
-Oh, que des araignées, se plaint l’un, il n’y a pas de poissons en ce moment.
Ce que l’on trouve à foison à L’Ile-Tudy, ce sont des panneaux colorés où sont écrites des formules commençant par « Et si », un travail scolaire à n’en pas douter. J’en note quatre : « Et si on devenait tous écrivains » « Et si les êtres vivants ne se reproduisaient pas » « Et si la pression des océans n’était qu’une bière infâme » « Et si sept huit neuf ».
A dix heures, je suis de retour à l’embarcadère d’où l’on voit bien Loctudy en face. De loin ce port manque de charme. Contrairement à L’Ile-Tudy, qu’il ne faudrait voir que de Loctudy. Dix voyageurs descendent du Passeur qui me ramène ensuite seul à son point de départ. Le grand voilier est toujours là, adieu l’île de Groix.
Je retourne au Café du Port pour boire un café puis lire le Journal des Goncourt jusqu’à ce qu’il soit l’heure d’aller déjeuner au Gwen Ha Du. Au menu tout compris de ce lundi : piémontaise, lasagnes à la bolognaise, tarte aux abricots.
Le car BreizhGo du retour a dix minutes de retard, ce qui est rarissime. Il n’en est pas moins payant. Celui de l’aller était bien à l’heure, et gratuit par la volonté de son chauffeur.
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L’île tu dis ? Cela en fut une. Jusqu’à la création de la digue de Kermor en mil huit cent cinquante-trois.
7 juin 2021
Après une nuit tranquille en mon logis provisoire, car ce ouiquennede, comme le précèdent, j’ai la chance que les deux autres studios soient inoccupés, je suis prêt pour une dernière fois passer un dimanche à Quimper, cela sous un ciel gris.
Descendant pédestrement la côte, j’y croise un quinquagénaire tout rouge qui la monte en courant. D’autres agités du matin, de tous les âges et plus raisonnables, courent le long de l’Odet. Arrivé près des Halles, je me procure des viennoiseries et un café allongé à La Mie Câline et m’installe pour me sustenter à l’une des tables de bord du Steïr de cette chaîne bien utile dans ce centre-ville sans boulangerie, puis, comme la fois précédente, je vais lire les Goncourt sur un banc au confluent de ce même Steïr et de l’Odet en attendant que le Bar des Amis ouvre.
J’y trouve place en terrasse à dix heures et demie, un café et je continue à lire jusqu’à presque midi. J’opère alors un court déplacement jusqu’à la place Terre-au-Duc. Le bar Le Steïr fait également restauration basique. Je commande une galette saumon poireaux crème et une crêpe caramel beurre salé. Avec un quart de chardonnay, cela fait seize euros quatre-vingt-dix.
L’addition réglée, je m’installe à une autre table pour lire encore après un café. J’ai pour voisins quatre garçons arrivés là déjà imbibés. Tout en buvant leurs nouvelles bières, ils font un tour de chant qui va de Brassens à Fersen en passant par Brel et Ferrat. Je ne trouve pas ça désagréable.
C’est à quarante-trois de chaque heure que s’arrête au bas de la côte de Pen ar Stang le bus A du dimanche qui me remonte gratuitement.
*
Quimper : ses zonards qui se posent sur les murets, l’œil sur les terrasses, comme les pigeons. Ici aussi on se moque des passagers du train touristique en leur faisant coucou de la main.
*
Tous les jours, sauf le dimanche, comme c’est aussi le cas dans d’autres villes, une navette électrique gratuite fait une boucle entre la Gare et le Vieux Quimper, presque toujours à vide.
*
Autre nom de salon de coiffure remarquable à Quimper : L’êpi-tête.
Descendant pédestrement la côte, j’y croise un quinquagénaire tout rouge qui la monte en courant. D’autres agités du matin, de tous les âges et plus raisonnables, courent le long de l’Odet. Arrivé près des Halles, je me procure des viennoiseries et un café allongé à La Mie Câline et m’installe pour me sustenter à l’une des tables de bord du Steïr de cette chaîne bien utile dans ce centre-ville sans boulangerie, puis, comme la fois précédente, je vais lire les Goncourt sur un banc au confluent de ce même Steïr et de l’Odet en attendant que le Bar des Amis ouvre.
J’y trouve place en terrasse à dix heures et demie, un café et je continue à lire jusqu’à presque midi. J’opère alors un court déplacement jusqu’à la place Terre-au-Duc. Le bar Le Steïr fait également restauration basique. Je commande une galette saumon poireaux crème et une crêpe caramel beurre salé. Avec un quart de chardonnay, cela fait seize euros quatre-vingt-dix.
L’addition réglée, je m’installe à une autre table pour lire encore après un café. J’ai pour voisins quatre garçons arrivés là déjà imbibés. Tout en buvant leurs nouvelles bières, ils font un tour de chant qui va de Brassens à Fersen en passant par Brel et Ferrat. Je ne trouve pas ça désagréable.
C’est à quarante-trois de chaque heure que s’arrête au bas de la côte de Pen ar Stang le bus A du dimanche qui me remonte gratuitement.
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Quimper : ses zonards qui se posent sur les murets, l’œil sur les terrasses, comme les pigeons. Ici aussi on se moque des passagers du train touristique en leur faisant coucou de la main.
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Tous les jours, sauf le dimanche, comme c’est aussi le cas dans d’autres villes, une navette électrique gratuite fait une boucle entre la Gare et le Vieux Quimper, presque toujours à vide.
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Autre nom de salon de coiffure remarquable à Quimper : L’êpi-tête.
6 juin 2021
Il me faut attendre neuf heures ce samedi pour qu’un car BreizhGo Quarante-Deux direction Fouesnant passe par le Cap Coz. Ce Cap Coz (Vieux Cap) est un étroit cordon de sable s’avançant dans la mer. Il est protégé des vents dominants par la pointe de Beg-Meil. Sa plage de sable blanc est idéale pour toute la famille en raison de sa pente douce, disent les dépliants touristiques.
Quand j’y arrive trente-cinq minutes plus tard, je découvre que le vent du jour n’est pas dominant car il se fait sentir sur cette langue de sable où des intrépides ont fait construire. Guère de familles à cette heure mais je vois là quelques apprentis navigateurs ainsi que des marcheurs jusqu’à la taille dans la mer, une activité qui semble se répandre. Les autres le font, alors faisons-le.
Sous un ciel mitigé, je pose mes fesses sur un banc métallique tout neuf. Pas question de sortir les Goncourt de mon sac, il fait frisquet, et difficile de songer pour déjeuner à la terrasse du restaurant crêperie sur laquelle je comptais, elle est balayée par le vent.
En conséquence, je me dirige côté pointe de Beg Meil avec l’intention de marcher un peu sur le Géherre Trente-Quatre mais très vite des escaliers à descendre et à monter me dissuadent de poursuivre. Je rebrousse et m’assois à l’abri du vent sur un banc en bois au début du sentier. Là je peux passer un moment avec Jules et Edmond.
Renonçant à déjeuner sur place, je rentre à Quimper avec le car de treize heures quinze. J’en descends place de la Résistance. Il est deux heures moins le quart. Où manger ? Je tente ma chance près du bas de ma côte où une terrasse est cachée de la rue par des cannisses.
Ce restaurant s’appelle L’Effrontée. On y sert jusqu’à quatorze heures, me dit le jeune couple qui le tient depuis seulement un mois, et on y propose un menu à quinze euros cinquante. Je ne suis pas longtemps seul à la terrasse de quelques tables. Une femme s’installe à côté de la mienne pour manger un burgueur. Je sens bien qu’elle aimerait entrer en communication mais je sais l’en dissuader. J’ai droit à une assiette de charcuterie, un poisson du jour (je ne demande pas son nom) et une mousse au chocolat de la maison. J’accompagne ma nourriture de deux verres de sauvignon à deux euros cinquante pièce et je la fais suivre d’un café à un euro cinquante.
« Vous avez sauvé mon déjeuner », dis-je à la tenancière que je remercie. Je lui demande si L’Effrontée, c’est à cause du film avec Charlotte Gainsbourg.
-Non, on le connaît bien sûr, mais ce nom c’est parce que c’est notre état d’esprit.
Il me reste à marcher jusqu’à la rue perpendiculaire, autrement dit le début de ma côte, afin de la remonter gratuitement avec un bus A.
*
L’auto-apitoiement à la sauce Goncourt :
Jules est repris de ses douleurs de foie et nous craignons un moment une seconde jaunisse. On est bien malheureux d’être organisé nerveusement dans ce monde des lettres. Si le public savait à quel prix est acquise une toute petite notoriété et par combien d’insultes, d’outrages, de calomnies, de malaises de l’esprit et du corps, secouant à tous moments notre pauvre machine, il nous plaindrait bien sûrement au lieu de nous envier. Journal neuf juin mil huit cent cinquante-sept
Qui donc pouvait les envier ? Pur fantasme de leur part.
Quand j’y arrive trente-cinq minutes plus tard, je découvre que le vent du jour n’est pas dominant car il se fait sentir sur cette langue de sable où des intrépides ont fait construire. Guère de familles à cette heure mais je vois là quelques apprentis navigateurs ainsi que des marcheurs jusqu’à la taille dans la mer, une activité qui semble se répandre. Les autres le font, alors faisons-le.
Sous un ciel mitigé, je pose mes fesses sur un banc métallique tout neuf. Pas question de sortir les Goncourt de mon sac, il fait frisquet, et difficile de songer pour déjeuner à la terrasse du restaurant crêperie sur laquelle je comptais, elle est balayée par le vent.
En conséquence, je me dirige côté pointe de Beg Meil avec l’intention de marcher un peu sur le Géherre Trente-Quatre mais très vite des escaliers à descendre et à monter me dissuadent de poursuivre. Je rebrousse et m’assois à l’abri du vent sur un banc en bois au début du sentier. Là je peux passer un moment avec Jules et Edmond.
Renonçant à déjeuner sur place, je rentre à Quimper avec le car de treize heures quinze. J’en descends place de la Résistance. Il est deux heures moins le quart. Où manger ? Je tente ma chance près du bas de ma côte où une terrasse est cachée de la rue par des cannisses.
Ce restaurant s’appelle L’Effrontée. On y sert jusqu’à quatorze heures, me dit le jeune couple qui le tient depuis seulement un mois, et on y propose un menu à quinze euros cinquante. Je ne suis pas longtemps seul à la terrasse de quelques tables. Une femme s’installe à côté de la mienne pour manger un burgueur. Je sens bien qu’elle aimerait entrer en communication mais je sais l’en dissuader. J’ai droit à une assiette de charcuterie, un poisson du jour (je ne demande pas son nom) et une mousse au chocolat de la maison. J’accompagne ma nourriture de deux verres de sauvignon à deux euros cinquante pièce et je la fais suivre d’un café à un euro cinquante.
« Vous avez sauvé mon déjeuner », dis-je à la tenancière que je remercie. Je lui demande si L’Effrontée, c’est à cause du film avec Charlotte Gainsbourg.
-Non, on le connaît bien sûr, mais ce nom c’est parce que c’est notre état d’esprit.
Il me reste à marcher jusqu’à la rue perpendiculaire, autrement dit le début de ma côte, afin de la remonter gratuitement avec un bus A.
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L’auto-apitoiement à la sauce Goncourt :
Jules est repris de ses douleurs de foie et nous craignons un moment une seconde jaunisse. On est bien malheureux d’être organisé nerveusement dans ce monde des lettres. Si le public savait à quel prix est acquise une toute petite notoriété et par combien d’insultes, d’outrages, de calomnies, de malaises de l’esprit et du corps, secouant à tous moments notre pauvre machine, il nous plaindrait bien sûrement au lieu de nous envier. Journal neuf juin mil huit cent cinquante-sept
Qui donc pouvait les envier ? Pur fantasme de leur part.
5 juin 2021
Le temps est à nouveau au beau ce vendredi matin, contrairement à ce que se passe ailleurs, notamment à Rouen. « Profitez-en bien », me dit le sympathique patron de l’Hôtel Le Derby. « J’en profite bien », lui réponds-je, malgré le fait que je n’aime pas cette expression. Je traverse la rue pour monter dans le car BreizhGo Cinquante-Six A de huit heures dix qui passe par Le Guilvinec. J’en descends près de l’imposant port de pêche à neuf heures cinq.
Sans tarder j’en fais le tour, photographiant notamment le chantier naval, puis je monte sur le belvédère qui occupe l’étage d’Haliotika, Cité de la Pêche. De là-haut j’ai une bonne vue sur la sortie du port, son phare à bout rouge et les rochers plats de couleur beige qui parsèment une petite plage à tribord.
Pas loin est le Café de l’Océan dont la terrasse ensoleillée est une invitation à la lecture. Le café est à un euro cinquante et la vue sur les hangars de la pêcherie. Ce pourquoi au bout d’un moment je préfère me rendre à la sortie du port où un banc me permet de continuer avec Jules et Edmond tout en voyant la mer.
Un peu avant midi une table m’attend à La Trinquette face au Café de l’Océan. Le patron et sa femme y servent un menu ouvrier à quinze euros cinquante : pissaladière, burgueur frites (excellentes) et crème brûlée.
Hormis moi-même, la clientèle est prolétarienne. Des ouvriers d’aujourd’hui, plus enclins à voter National que Communiste si j’en juge par les propos racistes que j’entends. Non que les ouvriers d’autrefois, qui votaient pour le Parti Communiste, n’étaient pas, pour certains, racistes, mais au moins ils le taisaient. Se trouve là aussi une tablée de jeunes buveurs de bière. « Mon père, il est passé à la cigarette électronique, il a fait des économies, le bâtard », déclare l’un d’eux.
Après le café bu en face, je rentre par le premier car d’après-midi et trouve les ouvriers du chantier de ravalement occupés à démonter l’échafaudage. Les travaux sont terminés, je vais pouvoir emprunter un escalier digne de ce nom pour entrer et sortir, au lieu de celui bricolé dans la rocaille, qui me mettait chaque jour en péril.
*
Tout le monde dit Le Guilvinec, alors qu’il faudrait dire Guilvinec, comme c’est d’ailleurs écrit au cul des bateaux de pêche immatriculés ici. Je fais comme tout le monde.
Sans tarder j’en fais le tour, photographiant notamment le chantier naval, puis je monte sur le belvédère qui occupe l’étage d’Haliotika, Cité de la Pêche. De là-haut j’ai une bonne vue sur la sortie du port, son phare à bout rouge et les rochers plats de couleur beige qui parsèment une petite plage à tribord.
Pas loin est le Café de l’Océan dont la terrasse ensoleillée est une invitation à la lecture. Le café est à un euro cinquante et la vue sur les hangars de la pêcherie. Ce pourquoi au bout d’un moment je préfère me rendre à la sortie du port où un banc me permet de continuer avec Jules et Edmond tout en voyant la mer.
Un peu avant midi une table m’attend à La Trinquette face au Café de l’Océan. Le patron et sa femme y servent un menu ouvrier à quinze euros cinquante : pissaladière, burgueur frites (excellentes) et crème brûlée.
Hormis moi-même, la clientèle est prolétarienne. Des ouvriers d’aujourd’hui, plus enclins à voter National que Communiste si j’en juge par les propos racistes que j’entends. Non que les ouvriers d’autrefois, qui votaient pour le Parti Communiste, n’étaient pas, pour certains, racistes, mais au moins ils le taisaient. Se trouve là aussi une tablée de jeunes buveurs de bière. « Mon père, il est passé à la cigarette électronique, il a fait des économies, le bâtard », déclare l’un d’eux.
Après le café bu en face, je rentre par le premier car d’après-midi et trouve les ouvriers du chantier de ravalement occupés à démonter l’échafaudage. Les travaux sont terminés, je vais pouvoir emprunter un escalier digne de ce nom pour entrer et sortir, au lieu de celui bricolé dans la rocaille, qui me mettait chaque jour en péril.
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Tout le monde dit Le Guilvinec, alors qu’il faudrait dire Guilvinec, comme c’est d’ailleurs écrit au cul des bateaux de pêche immatriculés ici. Je fais comme tout le monde.
4 juin 2021
A sept heures et demie ce jeudi le chauffeur du car BreizhGo Cinquante-Six Cé m’explique que pour le port de Loctudy, je dois descendre à l’arrêt Mairie. Ce que je fais quarante minutes plus tard.
Cette Mairie se trouve près de l’église, laquelle est réputée pour sa nef romane. Comme elle n’est pas encore ouverte, j’en fais le tour, photographiant notamment une tombe d’enfant mort il y a longtemps.
Je trouve facilement le chemin piétonnier qui mène vers le port de pêche et près de celui-ci le Café du Port où, après être passé à la boulangerie, je prends mon petit-déjeuner face à L’Ile-Tudy qu’on ne verra jamais mieux que de cet endroit.
Tout le bord de mer de la partie centrale de Loctudy est occupé par des propriétés privées. Le Géherre Trente-Quatre doit emprunter diverses rues de la ville pour la traverser. Je descends donc sur la plage pour voir de plus près la tourelle des Perdrix, l’ancien phare en damier noir et blanc à mi-chemin de cette cité portuaire et de sa voisine d’en face.
Remonté sur la terre ferme, je passe devant une ancienne conserverie en voie de réhabilitation (comme ils disent) puis retourne au Café du Port dont la clientèle n’a rien à voir avec celle du Café de la Cale de Saint-Guénolé. J’y poursuis ma relecture du premier volume du Journal des Goncourt jusqu’à ce que de grosses gouttes de pluie me chassent de la terrasse non protégée.
Grâce au coupe-vent imperméable acheté l’an dernier à Saint-Brieuc pour faire face à la tempête Alex, je peux malgré la pluie intermittente errer dans la partie réservée aux professionnels du port de pêche jusqu’à l’heure du déjeuner.
Bien que je me sois promis de manger légèrement aujourd’hui, les sardines d’hier s’étant livrées à un douloureux combat dans mon estomac en début de nuit, je trouve place au restaurant Gwen Ha Du qui propose un menu ouvrier tout compris (entrée, plat, dessert, vin, café) pour quinze euros quatre-vingts.
Le buffet d’entrées étant interdit par les restrictions sanitaires, c’est une salade de la mer (avec un peu d’anchois et une mini langoustine) qui ouvre mon repas, puis je choisis le merlan avec du riz et enfin un moelleux au chocolat. Ce n’est pas copieux et banalement cuisiné mais l’ambiance est bonne. Hormis moi-même ne déjeunent ici que des habitués, travailleurs et retraités.
Le café bu, comme la pluie reprend un peu, je me rapproche de l’arrêt Mairie et dans l’attente du car de retour visite l’intérieur de l’église. Sa nef romane est bien mise en lumière.
*
Durant le trajet de retour le car frôle l’ébouriffant Manoir de Kerazan qui appartient à l’Institut de France.
Cette Mairie se trouve près de l’église, laquelle est réputée pour sa nef romane. Comme elle n’est pas encore ouverte, j’en fais le tour, photographiant notamment une tombe d’enfant mort il y a longtemps.
Je trouve facilement le chemin piétonnier qui mène vers le port de pêche et près de celui-ci le Café du Port où, après être passé à la boulangerie, je prends mon petit-déjeuner face à L’Ile-Tudy qu’on ne verra jamais mieux que de cet endroit.
Tout le bord de mer de la partie centrale de Loctudy est occupé par des propriétés privées. Le Géherre Trente-Quatre doit emprunter diverses rues de la ville pour la traverser. Je descends donc sur la plage pour voir de plus près la tourelle des Perdrix, l’ancien phare en damier noir et blanc à mi-chemin de cette cité portuaire et de sa voisine d’en face.
Remonté sur la terre ferme, je passe devant une ancienne conserverie en voie de réhabilitation (comme ils disent) puis retourne au Café du Port dont la clientèle n’a rien à voir avec celle du Café de la Cale de Saint-Guénolé. J’y poursuis ma relecture du premier volume du Journal des Goncourt jusqu’à ce que de grosses gouttes de pluie me chassent de la terrasse non protégée.
Grâce au coupe-vent imperméable acheté l’an dernier à Saint-Brieuc pour faire face à la tempête Alex, je peux malgré la pluie intermittente errer dans la partie réservée aux professionnels du port de pêche jusqu’à l’heure du déjeuner.
Bien que je me sois promis de manger légèrement aujourd’hui, les sardines d’hier s’étant livrées à un douloureux combat dans mon estomac en début de nuit, je trouve place au restaurant Gwen Ha Du qui propose un menu ouvrier tout compris (entrée, plat, dessert, vin, café) pour quinze euros quatre-vingts.
Le buffet d’entrées étant interdit par les restrictions sanitaires, c’est une salade de la mer (avec un peu d’anchois et une mini langoustine) qui ouvre mon repas, puis je choisis le merlan avec du riz et enfin un moelleux au chocolat. Ce n’est pas copieux et banalement cuisiné mais l’ambiance est bonne. Hormis moi-même ne déjeunent ici que des habitués, travailleurs et retraités.
Le café bu, comme la pluie reprend un peu, je me rapproche de l’arrêt Mairie et dans l’attente du car de retour visite l’intérieur de l’église. Sa nef romane est bien mise en lumière.
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Durant le trajet de retour le car frôle l’ébouriffant Manoir de Kerazan qui appartient à l’Institut de France.
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