Le Journal de Michel Perdrial

Le Journal de Michel Perdrial




Loïc Boyer
Je suis l’auteur de textes courts qui furent publiés depuis mil neuf cent quatre-vingt-quinze dans des revues littéraires en France (Supérieur Inconnu, Supplément d’Ame, Nouvelle Donne, Le Bord de l’Eau, Pris de Peur, l’Art du Bref, Sol’Air, Gros Textes, Salmigondis, Verso, Décharge, Bulle, Filigranes, Diérèse, Martobre, Comme ça et Autrement, (Cahier d’) Ecritures, La Nef des Fous), en Belgique (Traversées, Ecrits Vains, L’Arbre à Plumes, Inédit Nouveau, Bleu d’Encre), au Canada (Les Saisons Littéraires) et en Italie (Les Cahiers du Ru).
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.







Rss

16 septembre 2021


Deux dates que j’ai notées afin d’être à Rouen, et non pas en vadrouille, et pouvoir voter (si je suis encore vivant à ce moment-là) : dimanche dix avril deux mille vingt-deux et dimanche vingt-quatre avril deux mille vingt-deux, premier et second tours de la Présidentielle.
Ce qui est sûr, c’est que je mettrai un bulletin dans l’urne au second tour, avec le nom du moins pire écrit dessus. A ce jour, trois possibilités sont envisageables :
Macron, si duel Macron/Le Pen
Bertrand ou Pécresse, si duel Bertrand (Pécresse)/Le Pen
Macron, si duel Macron/Bertrand(Pécresse)
Au premier tour, je n’irai que si Macron risquait d’être éliminé par Bertrand (Pécresse). Tout comme la fois dernière j’étais prêt à voter pour lui dans le but d’éviter Fillon. Ce dernier ayant explosé en vol, ce ne fut pas nécessaire.
J’avais voté Hamon. Cette fois, aucun candidat de Gauche n’aura ma voix.
 

15 septembre 2021


A qui s’étonne de ce qui se passe dans les rues ici et maintenant, Anton Tchekhov dans une lettre à son éditeur Alexeï Sergueevitch Souvarine écrite le dix-sept janvier mil huit cent quatre-vingt-dix-sept expliquait :
La peste sera d’autant plus terrible qu’elle fera son apparition deux ou trois mois après le recensement ; le peuple va interpréter à sa manière le recensement et se mettre à tabasser les médecins : ah oui ! on empoisonne ceux qui sont d’trop pour qu’les seigneurs y z’aient plus d’terres. Les quarantaines ne sont pas une mesure sérieuse. Les vaccins de Khavkine donnent quelque espoir mais, malheureusement, Khavkine est impopulaire en Russie : « les chrétiens doivent se méfier de lui, c’est un youpin ».
Les Crieurs de Liberté seront encore de sortie samedi prochain.
 

14 septembre 2021


Il semble que certains trouvent cet hommage trop gentillet. Ils ne veulent pas entendre parler de racisme mais de négrophobie. Ce sont des membres de la Ligue de Défense Noire Africaine venus de Paris en car. Une jeune femme passe de groupe en groupe portant une affichette où est écrit un sibyllin « La paix est un comportement ». Quand enfin nous partons en cortège, direction le Palais de Justice, je me trouve coincé entre les partisans de « Halte au racisme » et les partisans de « Halte à la négrophobie ». Ces derniers tentent de prendre le contrôle des slogans. En leur sein sont des femmes très énervées qui laissent entendre qu’elles agiront bientôt à Paris de façon radicale. Je quitte le cortège au moment où il tourne dans la rue de Lecat. écrivais-je le vingt-neuf juillet deux mille dix-neuf après la marche en hommage à l’universitaire rouennais Mamoudou Barry victime d’une mortelle agression raciste à Canteleu le samedi vingt juillet précédent.
Cette Ligue de Défense Noire Africaine qui m’avait irrité au point de me faire quitter le cortège vient de faire des siennes à Val-de-Reuil, mon ancien lieu de résidence, défonçant une porte de la Mairie, bousculant et blessant Fadilla Benamara, courageuse Maire Adjointe qui s’interposait, envahissant la salle des mariages et enfarinant le Maire Marc-Antoine Jamet.
Point de départ de ce déchainement de violence une bagarre entre deux enfants, l’un d’origine Sénégalaise, l’autre d’origine Kurde. Les deux mères s’en mêlent puis les pères se battent eux aussi, l’un blessant gravement l’autre. S’ensuit une bagarre générale dans le quartier. Deux jours plus tard, un millier de membres du Pékaka, la plupart venus de Paris, manifestent dans la ville en insultant « les Noirs ». S’ensuit l’épisode de la Ligue de Défense Noire Africaine que maintenant Darmanin veut faire dissoudre.
                                                             *
On peut penser ce qu’on veut du Socialiste de luxe Marc-Antoine Jamet, bras droit de Bernard Arnault et Maire de Védéherre depuis vingt ans, et je ne me suis parfois pas privé de le critiquer, ça ne m’empêche pas de lui reconnaître bien du mérite.
                                                             *
Val d’Embrouille, c’est ainsi que nommait la ville lors de ses passages au Théâtre des Chalands Jacques Higelin.
 

13 septembre 2021


Ce n’est que parce qu’il se tient au plus près, de l’autre côté de la Cathédrale, que je contourne celle-ci ce dimanche vers sept heures et demie, pour rejoindre le vide grenier rouennais de la Calende.
On s’y engueule entre déballeurs, presque tous des miséreux. Il y a ceux qui veulent accéder à leur emplacement réservé mais déjà occupé et ceux qui prétendent que premier arrivé premier installé. Les organisateurs mal organisés s’efforcent de calmer les esprits.  Pour ajouter à la confusion, des dizaines de pigeons s’abattent sur la place, une femme ayant balancé des graines pour les nourrir. Je ne traîne pas dans le coin.
A onze heures, je fais l’ouverture du Son du Cor qui depuis quelques mois se réveille plus tôt ce jour. Bientôt la plupart des tables supplémentaires installées sur le terrain de pétanque sont occupées par des couples à moutards de moins de trois ans. Où sont donc les plus de trois ans ? Sont-ils si incontrôlables que leurs géniteurs ne prennent pas le risque d’aller boire en terrasse avec eux ?
Je lis là les lettres de Tchekhov jusqu’à ce que vers treize heures déboulent les broncheurs du dimanche, retour du marché avec leurs légumes crus et leurs pâtés.
                                                                   *
Est-ce qu’au moins Anne Hidalgo a rejoint l’ancienne capitale de Haute-Normandie avec le train, me demandé-je en craignant que non, quand je la regarde à la télé se déclarer candidate à la Présidence de la République sur le quai rive droite.
Derrière elle, sur le quai rive gauche, ce qui est censé représenter le port de Rouen. Un hangar qui sert désormais de salle de concert et deux grues jaunes désaffectées. Une sorte de village Potemkine en quelque sorte.
 

9 septembre 2021


Encore une braderie commerciale, constaté-je ce mercredi matin en traversant l’hyper centre. Les boutiquières y sortent du vêtement en veux-tu en voilà, de quoi mettre de l’avoir plein les armoires.
Quand je repasse par-là l’après-midi, je constate que le beau temps chaud n’incite guère à s’attarder devant les portants. Que faire de toutes ces fringues ?
L’orage, annoncé ce jour, pourrait emporter tout ça mais il ne semble pas décidé à montrer le bout de l’éclair, encore moins à déverser des trombes d’eau.
                                                                *
C’en est bientôt fini du hideux cylindre bleu du bord de Seine, de ce « lieu culturel unique en France avec les panoramas de Yadegar Asisi » voulu par Laurent le Fabuleux, ancien chef de l’agglo de Rouen.
Après sa fermeture, ce gouffre financier ne sera pas détruit mais déconstruit comme il convient.
Je me souviens que les journalistes locaux avaient été embarqués dans un avion parti de Boos par les politiciens socialistes pour visiter l’un des panoramas d’Asisi en Allemagne et que tous, y compris celui qui prétendait faire de l’information autrement, en étaient revenus conquis.
                                                                *
Anne Hidalgo a donc bien fait de choisir Rouen pour présenter sa candidature à la Présidence de la République, elle qui est assurée d’échouer. Ce sera dimanche, je ne sais pas où, un endroit à éviter.
 

8 septembre 2021


Cette tachycardie découverte lors de mon passage chez le médecin me conduit à mettre illico sur pied (puisque le mien est un peu calmé) une nouvelle escapade. Depuis quelques années, confronté aux soucis de santé qui s’accumulent, je ne me sens pas seulement en état d’urgence, j’ai l’impression de brûler mes dernières cartouches.
L’expérience m’aura donc appris que jusqu’à soixante-cinq ans, ça peut aller. Ensuite tout part en quenouille.
Pas de meilleure définition de la vieillesse que celle-ci : une succession d’humiliations.
                                                                *
Le cas Belmondo montre que faire du sport ne protège de rien. Un avécé à soixante-huit ans, suivi de vingt années de vie sévèrement diminuée.
 

7 septembre 2021


Rejoindre la place du Boulingrin en transport en commun, c’était mon intention lorsque la semaine dernière j’ai pris rendez-vous chez mon médecin traitant. Cela en raison de cette fichue douleur au pied gauche, mais comme il va quand même un peu mieux depuis samedi, c’est en marchant que je me dirige vers l’objectif ce lundi en fin de matinée, arrivant au bout de la montée de l’avenue de la Porte des Champs bien essoufflé.
J’ai un quart d’heure d’avance et le médecin trois quarts d’heure de retard. Trois patients passent avant moi, puis il appelle mon nom. Je lui apprends le pourquoi de ma visite et ajoute qu’il faudra aussi faire une ordonnance de contrôle annuel et le point sur ma vaccination anti Covid.
-On va commencer par le pied, me dit-il.
Il le manipule, vérifie qu’il n’y a pas de fracture, puis appuie là où ça fait mal. Il ne s’agit pas d’arthrose. Il parle de coussinet et d’écrasement en employant des termes que je ne mémorise pas. On peut améliorer ça avec des semelles orthopédiques qui sont mal remboursées.
-Vous m’aviez déjà envoyé chez une podologue, lui dis-je, mais comme ça allait mieux je n’y suis pas allé.
-Je vais vous faire une nouvelle ordonnance.
Il vérifie ma tension, excellente, puis le cœur, et là je vois son front devenir soucieux. Celui-ci bat beaucoup trop vite.
-Vous n’êtes pas essoufflé quand vous faites un effort ?
-Oui, à chaque fois que je monte une côte ou des étages.
-Ce n’est pas étonnant, votre cœur bat aussi vite en bas qu’il devrait battre en haut.
Je lui en demande la cause. « C’est sa façon à lui de faire face au vieillissement ». Il va me faire une ordonnance pour un cardiologue afin d’obtenir un rendez-vous que je ne peux espérer avant six mois.
Il m’en fait une également pour la prise de sang de bilan annuel. La dernière avait vu ce qui concerne mon foie exploser la norme.
-Pour le foie, on commence à vraiment s’inquiéter quand ça atteint cinq fois la norme, vous n’en êtes pas là, me rassure-t-il.
S’agissant du vaccin, il me fera un rappel avec Moderna quand j’aurai atteint les six mois après la deuxième dose d’AstraZeneca. Je lui demande ce qu’il pense de l’efficacité de ce vaccin parfois décrié. « Ça ne se passe pas très bien en Israël qui a vacciné avec Pfizer mais ça se passe mieux en Grande-Bretagne qui a vacciné avec AstraZeneca, il est donc plutôt performant dans la durée. », me répond-il.
Redescendant vers chez moi, je me dis qu’avec lui je ne suis jamais perdant : à chaque visite je repars avec un souci supplémentaire.
                                                                        *
C’est donc le jour où Jean-Paul Belmondo est mort que j’ai appris pourquoi je suis si souvent à bout de souffle.
 

6 septembre 2021


Le beau temps est assuré ce dimanche et mon pied gauche moins douloureux. Dès sept heures, je prends le chemin du quartier de la Croix de Pierre où se tient l’un des vide greniers organisés ce jour en ville. Sur place, on n’est pas aussi matinal que moi. Prudemment masqué, je fais le tour des déjà installés sans voir de livres à mon goût.
Désormais, je ne puis compter sur la vente à très bas prix du tout venant de la librairie anarchiste L’Insoumise dans lequel je trouvais parfois de quoi me plaire. Elle a disparu, ayant dû vendre ses murs, ne pouvant faire face aux gros travaux rendus nécessaires par la détérioration de l’immeuble.
Avant-guerre j’aurais fait un deuxième passage. Le cœur n’y est plus. Ce quartier que j'aimais bien m’est devenu indifférent.
Après être repassé par chez moi je me rends au centre de l’hyper centre, rue du Gros Horloge, où se tient un autre vide grenier. Là, et dans les rues adjacentes, parmi les vendeurs, on trouve des commerçants ayant pas de porte et d’autres, professionnels ou non, venus d’ailleurs, dont quelques miséreux.
Si je n’ai pas la chance de trouver un livre qui me comblerait, j’en repars du moins avec deux albums de Sempé, qu’après avoir parcourus, je revendrai à meilleur prix.
                                                            *
Discussion de couple vingtenaire au Son du Cor, à propos d’un homme dont le travail consiste à porter secours. Il est homosexuel, ce qui étonne le garçon, mais pas la fille qui lui réplique : « Eh alors ? On peut sauver la veuve et l’orphelin et sucer des bites. »
                                                            *
Une autre, quadragénaire, au même endroit : « Je pensais toucher mon divorce à la fin de l’année mais c’est mal barré. »
 

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