Le Journal de Michel Perdrial

Le Journal de Michel Perdrial




Loïc Boyer
Je suis l’auteur de textes courts qui furent publiés depuis mil neuf cent quatre-vingt-quinze dans des revues littéraires en France (Supérieur Inconnu, Supplément d’Ame, Nouvelle Donne, Le Bord de l’Eau, Pris de Peur, l’Art du Bref, Sol’Air, Gros Textes, Salmigondis, Verso, Décharge, Bulle, Filigranes, Diérèse, Martobre, Comme ça et Autrement, (Cahier d’) Ecritures, La Nef des Fous), en Belgique (Traversées, Ecrits Vains, L’Arbre à Plumes, Inédit Nouveau, Bleu d’Encre), au Canada (Les Saisons Littéraires) et en Italie (Les Cahiers du Ru).
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.







Rss

4 octobre 2022


Je n’en ai pas fini avec Sanary, raison pour laquelle je prends une fois de plus ce lundi le car Zou ! de sept heures quarante-cinq terminus Bandol, dans lequel les arrêts ne sont pas annoncés. En conséquence, je demande au chauffeur de me faire descendre à La Micheline. Pas de femme bavarde assise derrière lui pour le distraire, il n’oublie pas de le faire.
Cet arrêt est proche du marché de Sanary que je longe par l’extérieur. Arrivé au port, je poursuis sur le quai jusqu’à une route interdite à la circulation. C’est la promenade des Baux. Elle ne va pas très loin, se heurtant à des propriétés privées. Pour continuer par la corniche, il faudrait monter un escalier de dingue.
Je m’en abstiens, fais demi-tour et passe par le boulevard Courbet, une simple allée piétonnière avec des marches pour faciliter la montée. C’est en même temps le chemin de croix des Sanaryen(ne)s, un chemin de croix peinard qui mène à la chapelle Notre-Dame de la Pitié, dans laquelle on semble être en prière permanente. Vient ensuite le mal nommé chemin de la Corniche, qui est une route goudronnée plus large que le boulevard Courbet. Entre deux villas on a la vue sur la ville, le port et le large.
Je cherche et trouve la Villa La Tranquille dans laquelle vécurent quelques mois Thomas Mann et sa femme Katia, qui eurent ensuite la chance d’émigrer aux États-Unis. Cette modeste maison fait l’objet d’un permis de construire pour agrandissement et j’apprends même, en lisant le panneau explicatif, que ce n’est pas la vraie, qui fut remplacée par une batterie anti-aérienne en mil neuf cent quarante, puis reconstruite. Au moins, je sais ce que voyaient l’écrivain et sa femme quand ils quittaient leur logis provisoire.
En redescendant, je me mets à la recherche du Moulin Gris, la villa où résidaient Franz Werfel et sa femme Alma Mahler Werfel. Je l’ai manquée en montant, et pour cause, elle n’est pas au numéro indiqué sur le dépliant « Les artistes étrangers à Sanary 1925 - 1940 », pas au neuf mais au dix-neuf du chemin de la Corniche. Elle est bien grise en effet, cette tour coincée entre deux cyprès, mais il y a son côté donnant sur la mer que je ne peux voir. Eux s’en sortirent en fuyant à travers les Pyrénées en compagnie d’Heinrich et Golo Mann, grâce à Varian Fry.
Cela accompli, revenu au port, je prends place à une table de premier rang à la terrasse de La Marine et y bois un café qui ne coûte qu’un euro soixante, puis j’y lis Léautaud jusqu’à ce que l’heure du car de retour approche, tout en m’amusant de ces bicyclistes et de ces adeptes de la trottinette marchant à côté de leur engin pour obéir à la loi municipale.
En retournant à La Micheline, je passe par l’Office de Tourisme pour me procurer un plan de Bandol, car je n’en ai pas fini avec Bandol, et je signale à la responsable l’erreur de numérotation sur le dépliant des artistes étrangers à Sanary. « Vous êtes la première personne à nous le dire depuis trois ans que ce document existe », me dit-elle en notant la correction à faire sur son ordinateur. Je n’entreprends pas de lui expliquer que les écrivains ne sont pas des artistes.
Revenu à Toulon, je déjeune une fois de plus à La Feuille de Chou où il ne reste que quelques tables en terrasse. « C’est l’automne, me dit la jeune serveuse auprès de qui je m’en étonne, voyez, je suis frileuse, j’ai mis le blouson. » « Oui, fini le crop top », lui réponds-je. « C’est vrai », conclut-elle prudemment.
Aujourd’hui, c’est une brandade de morue que je déguste sous l’un des quatre oliviers. A l’issue de ce repas, je vais pour un café Léautaud à La Gitane où l’on a rangé les parasols, le soleil étant devenu supportable.
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Octobre est là, qui ne change rien pour moi, mais plus de marché du tout le lundi matin sur le cours Lafayette, ce qui permet de le découvrir à l’état naturel (si je puis dire), une magnifique allée arborée. Et ma boulangerie habituelle n’est pas ouverte à sept heures. La concurrence l’est, où le pain au chocolat est moins cher de dix centimes et tout aussi bon.
 

3 octobre 2022


Hyères, c’est la Presqu’île de Giens, Porquerolles, Port-Cros, l’Ile du Levant, la station balnéaire aux multiples palmiers et aux villas Belle Epoque. C’est aussi un centre médiéval et je veux le visiter ce dimanche. François Truffaut y tourna son dernier film Vivement dimanche !
Je prends donc encore une fois le car Zou ! direction Saint-Tropez et en descends à son seul arrêt hyérois. Me trompant de direction, je découvre le joli Casino de la ville. Une autochtone au bras dans le plâtre me dit de la suivre pour arriver à la majestueuse Porte Massillon qui est l’entrée principale des rues médiévales. La plus pittoresque étant celle que je trouve tout de suite à gauche, la rue des Porches, quasiment couverte.
Revenu rue Massillon, je la monte jusqu’à la Tour des Templiers puis j’atteins la Collégiale Saint-Paul. Sur le parvis de celle-ci, un panorama permet de voir la ville aux palmiers, la Presqu’île de Giens et ses trois îles et le Massif des Maures. En me retournant, j’aperçois là-haut, au-dessus de cette vieille ville, un bâtiment d’’architecture moderne. Je demande à un autochtone à baguette de pain s’il s’agit bien de la Villa Noailles.
Il me le confirme et me dit que s’il faut monter pour l’atteindre, c’est tout à fait faisable. Il me conseille de passer par la Collégiale. Ça grimpe, c’est dur, je m’épuise, suis totalement essoufflé et dois faire une pause.
Enfin je suis devant le bâtiment construit par l’architecte Mallet-Stevens pour Charles et Marie-Laure de Noailles. Cette villa blanche aux lignes pures est partiellement en travaux pour « la réfection du bâtiment dit des Garages ». Marie-Laure, Charles et leurs ami(e)s ne montaient pas ici à pied.
Je fais quelques photos de ce lieu dans lequel nombre d’écrivains et d’artistes sont venus. C’est ici que Man Ray a tourné Les Mystères du château de Dé et que Luis Buñuel a écrit le scénario de L'Âge d'or. Depuis les jardins, c’est la même vue qu’au panorama de la Collégiale, de plus haut. Une exposition est en cours, dont je me désintéresse.
En redescendant la rue Saint-Bernard, je passe devant une plaque indiquant qu’ici a vécu Ambroise Thomas, « l’immortel auteur de Mignon ». Arrivé à proximité de la Collégiale, je trouve la rue Paradis et sa belle Maison Romane puis le rue Sainte-Claire où dans le Castel Sainte-Claire vécut Edith Wharton.
Je ressors de la ville médiévale comme j’y suis entré, par la Porte Massillon. Arrivé à Hyères à neuf heures dix, je la quitte à onze heures avec un car Zou ! ponctuel. Pour sûr, j’ai bien employé cette matinée de dimanche. Je n’avais jamais mis le pied avant ce jour dans le centre médiéval d’Hyères, ni vu la Villa Noailles, deux belles découvertes.
Comme le Mondial Café est ouvert sept jours sur sept, j’y déjeune d’un burgueur, cette fois au munster. De nouveau, je constate que souvent, la deuxième fois est moins bien que la première. La viande que j’avais demandée saignante est trop cuite. Ni la patronne, ni le cuisinier ne m’en demandent des nouvelles.
Le beau temps calme me permet de boire le café sur ma chaise haute de La Gitane puis d’y lire longuement Léautaud.
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Il y a une Villa Léautaud à Hyères, qui fut celle du comte de Léautaud Donine, rien à voir avec la famille de l’écrivain. En mil huit cent quatre-vingt, ce comte fit percer la terrasse de sa villa pour laisser passer la tête d'un palmier qu'on dit avoir été planté par Lamartine.
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Un autre Hyérois : Alexis Godillot. Il fit fortune en chaussant l’armée napoléonienne et posséda jusqu’à un quart de la ville.
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« Hyères encore, j’avais vingt ans », me suis-je chanté quand je manquais d’air dans la rude montée vers chez les Noailles.
 

2 octobre 2022


Avant que le bus Mistral Soixante-Sept vers La Tour Fondue ne cesse de fonctionner, je le prends encore une fois à son départ d’Hyères où m’a encore conduit un car Zou ! et j’en descends à l’arrêt Bona, du nom de la plage proche.
Je longe celle-ci vers le haut de la Presqu’île de Giens, passe devant le renommé Hôtel de la Potinière, trouve un petit coin de bateaux de pêche, dont l’un appelé Calimero, et arrive dans un complexe d’immeubles d’habitation avec bassins à bateaux de plaisance, une sorte de marina, Port Saint-Pierre. Le dernier immeuble témoigne d’une dure réalité. Ses portes et ses fenêtres sont murées. Il est couvert de graffitis. C’était le Yacht Club et son restaurant.
La plupart des rez-de-chaussée sont occupés par des restaurants. Je m’arrête à la terrasse de Madame M pour y boire un café à un euro quatre-vingts puis y lire Léautaud devant les bateaux. Le vent souffle encore. Mes voisins s’en plaignent au patron qui leur répond : « Ne dites pas du mal du mistral, c’est mon nom. »
A midi, je vais à la crêperie Tata Suzette et y commande un tartare à l’italienne dont le prix est raisonnable pour un samedi. C’est un endroit où le service est efficace et impersonnel. Avec le quart de vin rouge, j’en ai pour vingt euros.
L’arrêt de bus La Gavine se trouve à proximité où je n’attends qu’une minute mon dernier Soixante-Sept. En revanche, je dois (im)patienter vingt-cinq minutes à Hyères avant que se présente le car Zou ! qui va à Toulon. Cette fois, il est bien à l’heure.
Arrivé au but, je vais boire un café à La Gitane mais j’en suis encore une fois chassé par « le match » à la télé, dont le son se répand à l’extérieur.
J’ai un autre déboire en rentrant : plus de ouifi. Cela s’est déjà produit une fois, mon logeur étant intervenu rapidement sur la boxe qui se trouve dans l’appartement d’en face, mais cette fois il est absent.
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Officiellement, j’ai une logeuse. Dans la réalité, c’est un logeur. Il est plutôt sympathique. Et efficace en cas de souci. Lorsqu’il est là.
Je n’ai pas à me plaindre de mon studio. Il est situé en plein centre du vieux Toulon dans un endroit calme de jour comme de nuit et il m’est loué à un prix modéré.
Il a quand même un sérieux défaut : les toilettes n’ont pas de porte.
Ce n’est pas gênant quand on y est seul. Pour un couple, même si on ne s’appelle pas Ariane et Solal, cela peut s’avérer problématique.
 

1er octobre 2022


Aller ou ne pas aller à Porquerolles, j’hésite longuement, jusqu’au dernier moment, et ce vendredi matin, après le trajet car et bus, arrivé à La Tour Fondue où est l’embarcadère, je décide de rester sur le continent.
Après avoir revu de près ce fameux fort en ruine mais en travaux (on ne peut y entrer), je décide de suivre les marques jaunes du sentier côtier avec cette fois pour objectif le Cap de l’Estérel qui marque cette extrémité de la Presqu’île de Giens.
Ce sentier est juste au-dessus de l’eau et présente des difficultés. Il est dégradé, au point que je trouve des ouvriers occupés à le réparer. Avec leur aide, je franchis l’endroit compliqué où ils interviennent. Pour bientôt me trouver face à un second péril. Cette fois ce sont les vagues qui le submergent. Il faut profiter du moment où l’eau redescend pour avancer rapidement et ça se termine avec un pied complétement trempé. Je suis soulagé de trouver un escalier qui m’éloigne un peu de la Méditerranée. La vue est surtout sur Porquerolles, île trop grande pour être vraiment intéressante. Elle cache complétement Port-Cros et une grande partie de l’Ile du Levant.
Soudain le chemin se change en piste bitumée car il longe un vaste complexe hôtelier à appartements parallélépipédiques. Çà et là sont disposées des bornes anti-moustiques branchées sur des bouteilles de gaz. L’été a dû être difficile pour les résidents. Passé cette zone, je retrouve un chemin de terre et peu après c’est le Cap de l’Estérel.
Je découvre que c’est un terrain militaire. Comme le grillage est partiellement affaissé, je m’offre le plaisir d’y pénétrer, faisant fi de l’habituel panneau d’interdiction. Au bout de ce cap est un petit bâtiment à belvédère. La barrière est ouverte  La porte de l’escalier qui permet d’y grimper également. Me voici là-haut tel un soldat défendant la France.
Pour le retour, je choisis la route. Elle est encombrée des voitures garées de ceux partis à Porquerolles, qui pour beaucoup là-bas loueront une bicyclette.
A la Tour Fondue, une terrasse m’appelle, celle de Pizza Bruno Les Trois Iles, au plus près de la mer. J’y bois un café à un euro quatre-vingts et demande à garder ma table pour le déjeuner. Cela m’est accordé par la patronne. Je lui dis que je vais même y rester jusqu’à midi si cela ne la dérange pas. « Pas du tout », me dit-elle.
Je lis Léautaud tout en observant les allers et les retours des bateaux qui desservent Porquerolles. Certains transportent des camions de livraison, d’autres les voyageurs. Une autre île est à proximité, l’île du Grand Ribaud, mais elle est privée.
Durant ma lecture le vent se lève et il est froid. Aussi je déjeune dans la véranda, d’où l’on voit aussi bien le paysage, d’une pizza nommée Reblochon que m’apporte l’une des deux filles de la maison. Avec le quart de vin rouge, cela fait dix-neuf euros cinquante.
J’ai la chance de rejoindre l’arrêt des bus Soixante-Sept juste avant le départ de l’un d’eux. Il arrive à Hyères à treize heures quarante et une. Peu après, je vois arriver le car Zou ! de treize heures trente-cinq. Je le prends grâce à son retard.
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Chez Pizza Bruno Les Trois Iles, des toilettes vitrées avec vue sur mer, on y passerait des heures.
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Des affiches au bord des routes l’annoncent : c’est bientôt, au Pradet, le Mondial de la Moule.
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Il y a plus de trente ans, j’ai visité les trois îles d’Hyères (Levant, Port-Cros, Porquerolles) en une journée avec le même bateau. C’était possible alors.
Je me souviens des rires effarés de jeunes Italiennes lors de l’arrivée dans le port de la première. Elles ignoraient qu’elle est peuplée de nudistes. Près du débarcadère, des hommes se faisaient admirer, allongés sur des bancs ou des murets, certains porteurs d’un étui pénien.
 

30 septembre 2022


Ce jeudi, c’est jour de grève nationale, notamment dans les transports. La page d’accueil de France Info illustre cette information de la photo d’un car Zou !. En arrivant à la Gare Routière, je passe par le guichet Zou ! où l’on me dit que cette grève n’a aucun impact, tous les cars circulent.
Je prends une nouvelle fois celui de sept heures quarante-cinq pour Le Lavandou que je quitte à Hyères, puis comme hier je monte dans le bus Mistral Soixante-Sept qui va dans la Presqu’île de Giens. Cette fois, j’en descends à l’arrêt Badine d’où doit partir dans un quart d’heure un minibus Soixante-Huit.
Il est bientôt là, conduit par un jeune homme sympathique dont je suis le seul passager. Ce minibus va jusqu’au Parc des Chevaliers, l’extrémité de la presqu’île opposée à la Tour Fondue. On y trouve un sentier côtier.
Nous devisons agréablement, mon chauffeur et moi. Je l’informe de mon intention de marcher un peu puis de revenir jusqu’à la Madrague où il y a un arrêt de bus. Il me le montre au passage. « Ce sera moi de toute façon et même si je vous vois entre deux arrêts, je m’arrêterai. »
Arrivé au terminus, je rejoins le bord de mer et marche sur le chemin signalé en jaune. Il y a plus de trente ans, j’ai fait le tour de cette partie de la presqu’île en passant par la Pointe des Chevaliers. Là, force, courage et envie me manquent. Je n’irai même pas jusqu’à la pointe. Ce que je vois me suffit, cette côte découpée, cette mer magnifique parsemée d’îles, la plus proche étant celle de la Redonne. En contre-bas, sur une petite plage sauvage on tourne, un homme est à la caméra, le comédien bel homme, la comédienne fort jolie.
Quand j’ai assez marché côté pointe, je reviens sur mes pas et vise le Port de la Madrague. C’est un peu casse-gueule vers la Pointe de l’Hermitage, où sur un mur un mécontent a écrit I Turisti Fora, mais j’arrive indemne à bon port. Ce Port de la Madrague est petit et vivant, avec quelques bateaux de pêche. En face sont deux restaurants. Ils sont chers et leurs terrasses donnent sur la route. Aussi je vais attendre mon chauffeur qui passe toutes les heures.
Il est exactement onze heures quand il arrive. Il propose de me laisser au village de Giens. Ce sera plus agréable pour attendre le Soixante-Sept d’avoir un banc et la vue sur la mer. Il habite à Toulon, une ville qui a bien changé grâce à son Maire, me dit-il, il a tout rénové et mis des caméras partout, c’est fini l’insécurité (c’est un « Arabe » qui parle).
Je vais jusqu’au bout de la ligne du bus Soixante-Sept qui me ramène à Hyères, à l’arrêt Centre Joffre, là où passent les cars Zou ! Il est midi dix. Pour déjeuner, je vais au plus près, une brasserie nommé Excelsior ; où on ne se foule pas, côté cuisine comme côté service. Mon trio de viandes grillées pommes sautées ratatouille salade me nourrit et me coûte quatorze euros quatre-vingt-dix. Je l’accompagne d’eau vu le prix du vin.
Je suis de retour à treize heures à l’arrêt des cars Zou !. J’en espère un dans dix minutes ou un autre dans vingt-cinq minutes, mais il en arrive un immédiatement, en retard pour les autres, en avance pour moi.
A treize heures trente-cinq, je suis à Toulon et je vais lire à La Cigale. Ici, c’est encore jour de mistral, alors qu’à Hyères et dans sa presqu’ile, pas un poil de vent.
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Dans la presqu’île de Giens ont leurs maisons Gérard Jugnot et Francis Lalanne, m’a appris mon chauffeur. Le premier, faut pas croire, il n’est pas sympa, personne ne l’aime dans le coin. Quant au second…
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De grosses machines anti-moustiques au pied des lampadaires. Elles bourdonnent comme ceux qu’elles sont chargées de chasser.
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Dans le Var, tu peux toujours compter sur un car Zou ! qui est en retard pour partir en avance.
 

29 septembre 2022


Il est grand temps d’aller dans la Presqu’île de Giens car les deux bus qui la desservent ne circuleront plus après le deux octobre (ce sera du transport à la demande).
C’est pourquoi ce mercredi je suis quand même de retour dans le car Zou ! qui part pour Le Lavandou à sept heures quarante-cinq et j’en descends à Hyères Centre Joffre où je monte peu après dans le bus Mistral numéro Soixante-Sept dont le terminus est La Tour Fondue au bout de la presqu’île, là où se trouve l’embarcadère pour Porquerolles. Je le quitte à l’arrêt Giens, près du l’église du village perché, et à deux pas d’icelle, je reconnais le petit magasin Spar où j’allais faire des courses chères.
C’était il y a plus de trente ans. Un mois de vacances d’été passé à Giens dans un mobil-home loué à un psychiatre via une annonce de Libération. Ce mobil-home était son ancienne demeure et se trouvait dans son jardin. Un soir j’y ai dîné, dans ce jardin, avec un couple de ses amis, Frédéric Chopin (de la famille de l’autre mais pas son descendant puisque le compositeur n’a pas eu d’enfant) et sa femme (une Castafiore anglaise).
Ce psychiatre faisait faire de la moto à sa femme enceinte de huit mois. Son oie dormait dans sa Mercedes. Des fourmis se baladaient dans son réfrigérateur. Un jour où nous étions en route pour Aix-en-Provence où sa femme devait consulter pour l’accouchement, deux pneus de sa Mercedes éclatèrent en même temps dans un virage.
Je serais bien incapable de retrouver la maison de ces vacances lointaines. Je n’essaie même pas. Je vois une pancarte indiquant Port du Niel et je suis cette route qui descend vers la mer. De chaque côté, ce sont des quartiers privés à l’américaine.
Quand j’arrive en bas, je découvre un charmant petit port que j’avais oublié. Quelques pêcheurs y officient encore. Une caisse en fait foi, emplie de gros et longs poissons. Ceux qui les ont attrapés me disent leurs noms, qui me sont inconnus et que je ne peux retenir. De ce port, il y a vue sur les îles.
Remonté au village, je constate qu’aucun restaurant ne fera mon affaire, bien que l’un s’appelle Mich’Resto, et que l’unique bar ouvert l’est sur la route. Aussi, je vais attendre le bus du retour.
Celui-ci longe les étangs et les salins des Pesquiers. Des flamants roses se font voir. J’en descends à l’arrêt Gare de Hyères et attends le numéro Vingt-Neuf qui va à la Gare Routière de Toulon. Si le trajet au début n’est pas désagréable, qui montre vignes et oliviers, par la suite c’est une banlieue interminable. Quand je suis au but, je me jure de ne plus jamais le prendre.
A midi dix, je suis à la Feuille de Chou. Le plat du jour est poitrine de veau farcie au figatelli et gratin dauphinois. Il s’avère excellent. Le dessert est un fondant au chocolat. Ce pourrait être un bon moment mais nous sommes mercredi et un couple avec trois enfants me côtoie de trop près. L’un des moutards a nom Gustave. Ça en dit long.
Ce putain de mistral continuant à souffler, je m’assois à une table située contre la paroi de l’auvent de La Cigale. Là, après un café, je peux quand même lire, mais moins longtemps que je le voudrais.
J’en repars après avoir constaté que le mistral est aux pigeons ce que le ventilateur est aux moustiques, une sérieuse source de dérangement.
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Il y a plus de trente ans, l’été, la plage publique de Giens, c’était déjà l’horreur. Des corps par milliers collés les uns aux autres et des guêpes par dizaines autour des poubelles.
La première solution fut d’aller à la plage de l’Hôpital Renée-Sabran mais la vue des estropiés d’accidents de la route avait fini par devenir déprimante.
Aussi le choix fut d’emprunter à pied la voie privée d’un quartier réservé nommé La Polynésie et de s’allonger sur le sable de sa petite plage bien cachée dans une calanque, parmi des riches qui n’osaient ou ne pouvaient protester.
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Saint-John-Perse adorait Giens et y est enterré, pas eu envie d’aller le saluer, pas assez cher à mon cœur (comme on dit).
 

29 septembre 2022


Je crapahute et je m’épuise. Une journée de pause m’est nécessaire et elle tombe bien car, je m’en rends compte en sortant, ce mardi matin souffle un putain de mistral. « Là, ils annoncent cent », dit le serveur du Maryland qui part à la retraite vendredi prochain. « Cent dix », renchérit un client. On n’en est pas là mais le plus désagréable, c’est que ce vent est froid. « Mets ta cagoule », conseille ce même serveur à un commerçant du marché.
Mon petit-déjeuner terminé, je me rends au Grand Café de la Rade pour un autre café, accompagné cette fois de la lecture du Journal littéraire de Paul Léautaud. A l’intérieur de ce vaste établissement, je suis longtemps seul avec la serveuse énigmatique au physique un peu étrange possiblement anorexique.
Vers dix heures, j’achète des fruits peu chers sur le cours Lafayette à une marchande qui se plaint que son petit-fils ait des profs qui ne tiennent que deux jours puis je me dirige vers la place de la Liberté.
Près de celle-ci, j’ai découvert Les Kiosques par hasard samedi dernier en sortant de la Maison des Arts. D’abord, je n’en ai vu qu’un, celui ouvert à tout vent, dans lequel il n’y a personne. J’ai pris ça pour une boîte à livres géante. J’ai eu beau chercher parmi les trois mètres de hauteur de livres, avec échelle mise à disposition, je n’y ai vu que de la daube. Je suis donc ressorti sans rien à la main et c’est alors que j’ai vu en face une autre caverne pleine de livres, en forme de boutique, où était écrit Les Kiosques et dedans une jeune femme qui m’observait.
J’ai traversé la rue et lui ai demandé des explications. Ainsi ai-je appris qu’il s’agit d’une bouquinerie éclatée en plusieurs kiosques. D’autres sont plus haut dans la rue. Avec la pluie qui tombait, je ne me suis pas attardé. J’y reviens ce mardi pour faire des photos et voir ça de plus près, surtout ceux du haut où doit se trouver la bonne littérature.
Le maître des lieux, installé dans un local ouvert sur la rue, me renseigne. Pas de rayon correspondances et journaux intimes. Il faut chercher par ordre alphabétique d’auteurs dans la boutique d’en face. Je ne trouve rien que je n’aie déjà. Dans ce que je vois. Car des piles de livres en désordre cachent des pans entiers d’alphabet.
Je repars donc sans livre acheté et me mets à la recherche d’un restaurant. Tutti Frutti et Côté Cochon n’ont plus de plat du jour mais un plat qui reste plusieurs jours. Aussi, je retourne à La Feuille de Chou qui en a encore un et où les tables sont de plus un peu protégées du vent. Ce jour, c’est conchiglioni farcis sauce tomate et basilic, que je fais suivre d’un tiramisu au café.
Impossible d’aller boire le café et lire à La Gitane. Sur le quai, le mistral est insupportable. Je trouve refuge à la terrasse du bar tabac Le Brazza, près d’une fontaine, place Camille-Ledeau, un euro soixante l’expresso, mais quand même du vent.
Je ne peux rester là longtemps à lire. S’il souffle moins fort sur cette place, ce mistral est surtout froid. « C’est le tournant », disent des passants. Je me demande si je ne vais pas être obligé d’acheter un pull.
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Pratique d’avoir une pharmacie en bas du cours Lafayette qui ouvre à sept heures et demie du matin quand on a des médicaments à renouveler. Le Grand Café de la Rade, lui, c’est sept jours sur sept, toute l’année, de six heures à minuit. Ce n’est pas à Rouen que l’on trouvera ça.
 

27 septembre 2022


« Merci de me faire descendre à La Gorguette », dis-je au chauffeur du car Zou ! Toulon Bandol de sept heures quarante-cinq quand je constate que les arrêts ne seront pas annoncés dans son véhicule. Il me le promet.
Oui mais comme il cause avec des habituées assises près de lui, le moment venu il oublie et je me retrouve au terminus. Je ne suis pas content et le lui fais savoir : « Vous parlez avec ces dames et vous oubliez de faire votre travail ». Il me répond qu’il a le droit de discuter. « Non, il est interdit de parler au chauffeur. » Il sait que j’ai raison et qu’il s’est mis en tort. « Je vous y conduis », me dit-il.
Il va faire demi-tour au rond-point et nous voici repartis dans l’autre sens en dehors de tout règlement. Quand je suis là où je voulais être, je le remercie et lui souhaite une bonne journée.
Muni du plan que l’on m’a remis l’autre jour à l’Office de Tourisme de Sanary, je me mets à la recherche de la maison qui appartenait dans les années trente à Aldous Huxley et à sa femme Maria. Celle où il écrivit pendant l’année mil neuf cent trente et un, en quatre mois, Le Meilleur des mondes, où il rédigea également d’autres ouvrages, parmi lesquels Croisière d'hiver en Amérique centrale son deuxième récit de voyage. Cette demeure est devenue par la suite un lieu d’hébergement pour classes de découverte nommé Les Flots et est aujourd’hui en travaux afin de la transformer en Villa Huxley, lieu de souvenir et de rencontre.
Je la trouve à l’endroit indiqué, allée Thérèse. C’est effectivement un chantier. Je demande à l’un des ouvriers si je peux entrer dans le jardin pour faire quelques photos. « Vous êtes un particulier ? Oui alors allez-y ».
D’où est située cette vaste maison aux volets bleus, l’écrivain et sa femme ne voyaient la mer que depuis les étages.
Plus loin, vers la pointe de la Tourette, est la première des deux maisons qu’occupèrent à Sanary, Lion Feuchtwanger et sa femme Maria, quand ils fuirent l’Allemagne nazie avec l’espoir de trouver la sécurité en France. On sait ce qu’il en fut, j’en ai parlé dans ce Journal.
Il me faut marcher un certain temps sur une étroite avenue du Prado qui monte et qui descend, puis pareillement sur le tout aussi étroit boulevard de la Plage pour atteindre la Villa Lazare, grande maison carrée également en travaux. Des échafaudages l’entourent. Le rouge carmin de ses murs est tout récent. Je demande à l’un des ouvriers si c’est la couleur d’origine. « Non pas du tout. » L’endroit est privé, je ne demande pas à entrer.
En contrebas de cette villa est la baie de Cousse et sa petite plage de galets. L’écrivain et sa femme avaient bien choisi leur premier lieu d’exil. Ils étaient cachés par les arbres et avaient une vue magnifique sur le large.
En revenant vers mon point de départ, je cherche une possibilité de me rapprocher de la côte mais impossible, tout est privé. Quand même, une brèche me permet d’entrer dans un jardin et de découvrir en contrebas un port privé où sont amarrés une petite dizaine de bateaux à moteur.
Le car Zou ! du retour ne sera qu’à onze heures. Cela me laisse le temps de marcher le long des plages en direction de Bandol jusqu’à l’arrêt Viaduc. Là est un restaurant posé sur le sable, le K Banon. J’y bois un café à deux euros.
Rentré à Toulon, je déjeune en terrasse à La Feuille de Chou. Il fait un peu frais, l’automne est là, plus de tenue sexy pour la jeune serveuse et comme plat du jour un bœuf bourguignon à la polenta gratinée.
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Dans tous les cars de toutes les régions de France, des femmes à chauffeur, des habituées ou non, qui s’assoient le plus près possible de lui, et lui raconte leur vie pleine de déboires durant tout le trajet. Eux, flattés, bien sûr.
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...nous sommes en train d'emménager dans une petite maison donnant sur la Méditerranée. S'il vous venait à l'idée de revoir à nouveau le "vieux monde", rappelez-vous bien notre adresse: 30 mn de Marseille, 10 de Toulon, Sincèrement vôtre. (Aldous Huxley)
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En octobre mil neuf cent trente-trois, un jour où Lion Feuchtwanger discutait avec Bertolt Brecht et Arnold Zweig venus lui rendre visite à la Villa Lazare, le frein à main de sa voiture céda à cause de la pente. Elle allait les renverser quand Maria réussit à la faire dévier mais elle eut la jambe cassée. C’est chez Aldous Huxley qu’ils appelèrent les secours. Cela est raconté sur la plaque qui est apposée sur le mur d’enceinte de cette Villa Lazare.
 

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