Dernières notes
Loïc Boyer
Je suis l’auteur de textes courts qui furent publiés depuis mil neuf cent quatre-vingt-quinze dans des revues littéraires en France (Supérieur Inconnu, Supplément d’Ame, Nouvelle Donne, Le Bord de l’Eau, Pris de Peur, l’Art du Bref, Sol’Air, Gros Textes, Salmigondis, Verso, Décharge, Bulle, Filigranes, Diérèse, Martobre, Comme ça et Autrement, (Cahier d’) Ecritures, La Nef des Fous), en Belgique (Traversées, Ecrits Vains, L’Arbre à Plumes, Inédit Nouveau, Bleu d’Encre), au Canada (Les Saisons Littéraires) et en Italie (Les Cahiers du Ru).
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.
7 avril 2023
Il pleut ce jeudi matin quand je sors de mon logis provisoire. J’achète un pain au chocolat au coin de ma rue, au Fournil d’Isa, un euro trente. Il est excellent, je le constate, assis au Flint avec un allongé à un euro cinquante. Ce troquet attristant est fréquenté par des hommes seuls qui dépensent leur peu d’argent dans des jeux à perdre. Je ne m’attarde pas, retourne à mon Air Bibi et n’en ressors qu’à dix heures.
Profitant d’une accalmie, je rejoins, place Dalton, la brasserie Chez Jules, l’établissement bourgeois de la ville, pour un nouveau café qui m’est servi avec une meringue (un euro cinquante). J’y lis longuement le Journal de Stendhal. A part moi, ne sont là que des vieux habitués (certains ont fait la Guerre d’Algérie). Ils parlent des photos de Marlène Schiappa dans Playboy, pas dénudées hein. « De toute façon, Playboy, c’est plus ce que c’était quand on était gamin ». Le patron s’appelle Antonio et a l’accent de son pays d’origine. Il est tout le temps au téléphone. Cela ne cesse de sonner pour des réservations de repas. L’endroit fait restaurant traditionnel et pizzeria au feu de bois.
A midi moins le quart, je traverse la place Dalton (sans marché ce jour) et entre dans l’église Saint-Nicolas. Elle n’a rien de remarquable mais on y rend un culte particulier à Sainte Rita. Devant la statue d’icelle, j’ai une pensée pour celle qui travaille à Paris. Autrefois, elle faisait appel à cette patronne des causes désespérées dans certaines circonstances et, en ce moment, elle aurait vraiment besoin de son intervention (il n’est pas nécessaire d’y croire pour que ça marche, disions-nous). « Je vais bientôt fermer l’église, me dit un homme qui en est peut-être le curé, ne vous faites pas enfermer à l’intérieur. »
Au coin de la place Dalton, rue du Doyen, est un restaurant japonais à volonté au nom ronflant, le Palais de Matsuyama. J’y déjeune, avec supplément sashimi, pour dix-neuf euros quatre-vingts. Ce petit endroit est vite plein. Il y a même là un couple avec trois enfants, dont le plus grand est allergique aux cacahuètes, annonce le père au cuisinier, s’il y en a dans la nourriture, il meurt immédiatement.
La pluie ayant cessé, je vais marcher au bord du port puis je lis en terrasse au Français après un café. De temps à autre, le soleil pointe ses rayons.
*
En bas de la rue Faidherbe, près du port de pêche, un beau bar hôtel restaurant rouge, la Brasserie Hamiot, institution boulonnaise depuis mil neuf cent vingt-huit, fermée depuis une semaine, son patron expulsé pour dettes, la faute au Covid.
« L’établissement a vu défiler une clientèle très variée : des professions libérales, des ouvriers du port, des commerçants, des figures locales et des célébrités. On y a vu Raoul de Godewaersvelde, Pierre Perret, Annie Cordy, Dario Moreno, France Gall, Johnny Hallyday et bien d'autres. » écrit France Trois Hauts-de-France.
Je m’y serais bien vu.
Profitant d’une accalmie, je rejoins, place Dalton, la brasserie Chez Jules, l’établissement bourgeois de la ville, pour un nouveau café qui m’est servi avec une meringue (un euro cinquante). J’y lis longuement le Journal de Stendhal. A part moi, ne sont là que des vieux habitués (certains ont fait la Guerre d’Algérie). Ils parlent des photos de Marlène Schiappa dans Playboy, pas dénudées hein. « De toute façon, Playboy, c’est plus ce que c’était quand on était gamin ». Le patron s’appelle Antonio et a l’accent de son pays d’origine. Il est tout le temps au téléphone. Cela ne cesse de sonner pour des réservations de repas. L’endroit fait restaurant traditionnel et pizzeria au feu de bois.
A midi moins le quart, je traverse la place Dalton (sans marché ce jour) et entre dans l’église Saint-Nicolas. Elle n’a rien de remarquable mais on y rend un culte particulier à Sainte Rita. Devant la statue d’icelle, j’ai une pensée pour celle qui travaille à Paris. Autrefois, elle faisait appel à cette patronne des causes désespérées dans certaines circonstances et, en ce moment, elle aurait vraiment besoin de son intervention (il n’est pas nécessaire d’y croire pour que ça marche, disions-nous). « Je vais bientôt fermer l’église, me dit un homme qui en est peut-être le curé, ne vous faites pas enfermer à l’intérieur. »
Au coin de la place Dalton, rue du Doyen, est un restaurant japonais à volonté au nom ronflant, le Palais de Matsuyama. J’y déjeune, avec supplément sashimi, pour dix-neuf euros quatre-vingts. Ce petit endroit est vite plein. Il y a même là un couple avec trois enfants, dont le plus grand est allergique aux cacahuètes, annonce le père au cuisinier, s’il y en a dans la nourriture, il meurt immédiatement.
La pluie ayant cessé, je vais marcher au bord du port puis je lis en terrasse au Français après un café. De temps à autre, le soleil pointe ses rayons.
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En bas de la rue Faidherbe, près du port de pêche, un beau bar hôtel restaurant rouge, la Brasserie Hamiot, institution boulonnaise depuis mil neuf cent vingt-huit, fermée depuis une semaine, son patron expulsé pour dettes, la faute au Covid.
« L’établissement a vu défiler une clientèle très variée : des professions libérales, des ouvriers du port, des commerçants, des figures locales et des célébrités. On y a vu Raoul de Godewaersvelde, Pierre Perret, Annie Cordy, Dario Moreno, France Gall, Johnny Hallyday et bien d'autres. » écrit France Trois Hauts-de-France.
Je m’y serais bien vu.
6 avril 2023
Pas de bruits nocturnes pour perturber mon sommeil dans le studio Air Bibi en cette première nuit. Au matin, descendant vers le port de pêche, je m’arrête à la boulangerie L’Amirauté où le pain au chocolat coûte un euro vingt. Je le mange juste à côté, au Persan, avec un café allongé à un euro cinquante, un endroit à la clientèle typique, meublé années soixante soixante-dix, mentalités années quatre-vingt, avec une télé musicale diffusant de la chanson anglophone à gros seins.
Le port atteint, je bifurque vers l’Office du Tourisme que m’ont indiqué deux gars de la ville. En attendant qu’il ouvre, à neuf heures et demie, je vadrouille dans les allées du marché sur la place Dalton (tagada tagada) puis avec l’aide d’un sympathique autochtone trouve le Crédit à Bricoles près du cinéma Les Stars.
« Je suis déçu par Boulogne-sur-Mer, dis-je à la jeune femme de l’Office du Tourisme, pas de Café du Port, pas de Restaurant de la Plage ». Elle sait bien mais ne veut pas s’avancer sur ce terrain. Je lui pose des questions sur alentour puis, suivant son conseil, j’entre dans un centre commercial pour pauvres où se cache la boutique des bus Marinéo. Là, j’achète une carte dix voyages rechargeable à huit euros cinquante.
De retour au bord du port, je m’installe sur un banc métallique au soleil pour commencer la lecture du Journal de Stendhal, fort Folio de mille deux cent quatre-vingts pages. Très vite, je comprends pourquoi c’était une des lectures favorites de Léautaud. Devant moi passe un bateau promène-touristes dont le guide rappelle que Boulogne est le premier port de pêche de France. « L’histoire de Boulogne remonte au Moyen-Age », ose-t-il. Derrière moi passe un couple dont l’homme déclare à propos de ce port : « C’est joli oui, mais au bout de trois jours… » Je n’en suis qu’à mon deuxième.
Vers onze heures et demie, je retourne place Dalton, laquelle est dotée de plusieurs restaurants de type brasserie. J’opte pour le Bistrot des Vingt qui propose une formule entrée plat verre de vin à seize euros cinquante. L’endroit est agréable, le patron cordial et la nourriture aussi copieuse que contraire aux conseils de mon médecin : poulet sauté aux épices italiennes bien gras servi avec en plus un petit pot de mayonnaise maison pour les frites, tiramisu aux spéculoos. La carte de cet endroit a de quoi faire frémir mon foie. Le problème, c’est que j’aime ça et que je suis faible.
A la recherche d’une terrasse au soleil, je trouve celle du Français, rue Faidherbe. J’y suis seul durant le long moment où je lis le Journal de Stendhal après avoir bu un café à un euro trente.
Le port atteint, je bifurque vers l’Office du Tourisme que m’ont indiqué deux gars de la ville. En attendant qu’il ouvre, à neuf heures et demie, je vadrouille dans les allées du marché sur la place Dalton (tagada tagada) puis avec l’aide d’un sympathique autochtone trouve le Crédit à Bricoles près du cinéma Les Stars.
« Je suis déçu par Boulogne-sur-Mer, dis-je à la jeune femme de l’Office du Tourisme, pas de Café du Port, pas de Restaurant de la Plage ». Elle sait bien mais ne veut pas s’avancer sur ce terrain. Je lui pose des questions sur alentour puis, suivant son conseil, j’entre dans un centre commercial pour pauvres où se cache la boutique des bus Marinéo. Là, j’achète une carte dix voyages rechargeable à huit euros cinquante.
De retour au bord du port, je m’installe sur un banc métallique au soleil pour commencer la lecture du Journal de Stendhal, fort Folio de mille deux cent quatre-vingts pages. Très vite, je comprends pourquoi c’était une des lectures favorites de Léautaud. Devant moi passe un bateau promène-touristes dont le guide rappelle que Boulogne est le premier port de pêche de France. « L’histoire de Boulogne remonte au Moyen-Age », ose-t-il. Derrière moi passe un couple dont l’homme déclare à propos de ce port : « C’est joli oui, mais au bout de trois jours… » Je n’en suis qu’à mon deuxième.
Vers onze heures et demie, je retourne place Dalton, laquelle est dotée de plusieurs restaurants de type brasserie. J’opte pour le Bistrot des Vingt qui propose une formule entrée plat verre de vin à seize euros cinquante. L’endroit est agréable, le patron cordial et la nourriture aussi copieuse que contraire aux conseils de mon médecin : poulet sauté aux épices italiennes bien gras servi avec en plus un petit pot de mayonnaise maison pour les frites, tiramisu aux spéculoos. La carte de cet endroit a de quoi faire frémir mon foie. Le problème, c’est que j’aime ça et que je suis faible.
A la recherche d’une terrasse au soleil, je trouve celle du Français, rue Faidherbe. J’y suis seul durant le long moment où je lis le Journal de Stendhal après avoir bu un café à un euro trente.
5 avril 2023
Un vieux train de la défunte Région Nord Pas-de-Calais est à quai quand j’arrive en avance à la Gare de Rouen. Il part à l’heure avec peu de monde dedans et avance vaillamment dans une campagne faite de champs tristes et d’éoliennes mollassonnes. Ma crainte d’être en retard pour la correspondance à Saint-Roch était infondée. Il y arrive à l’heure prévue. Une femme en descend également. Deux employés de cette gare nous séquestrent à l’intérieur du bâtiment car personne n’a le droit d’être sur les quais quand aucun train n’est là. C’est qu’il faut traverser les voies pour y monter. Celui qui doit arriver dans dix minutes est également à l’heure, un train récent de la Région Hauts-de-France, où il y a encore moins de monde. J’ai une voiture pour moi tout seul d’où je contemple une nature dans laquelle se succèdent des plans d’eau. Ce second train arrive à Boulogne Tintelleries à deux heures dix pile, comme prévu. Oui mais celui qui devait m’attendre n’est pas là, le voisin du dessus de mon studio Air Bibi. Il faut que je me serve de mon smartphone. J’envoie des messages plein de fautes (je ne sais pas taper sur ce clavier minuscule). N’obtenant pas de réponse, je me décide à descendre vers la mer. Je trouve une aimable gardienne de salle de gym d’accord pour garder ma valise et j’y vais. Un message me fait revenir sur mes pas. Le voisin de dessus est là et je peux m’installer, puis je redescends au bord de l’eau, arrivant au port de pêche, assez sinistre. Je longe la mer, passant devant Nausicaá, et arrive à la plage. Un seul café avec terrasse au bord d’icelle, Le Nautilus, un euro soixante-dix le café et pas de toilettes. Mon premier contact avec cette ville balnéaire est décevant.
*
Quelques courses de survie chez Carrefour City. J’y côtoie devant les fromages deux trentenaires ivres obligés de prendre un coulommiers premier prix Carrefour. « C’est la faute à Macron, c’est la faute à Macron », clament-ils. Je prends le même.
Lorsque mon frère travaillait chez Wonder, il m’a expliqué que la seule différence entre une pile de marque et une pile sans marque, c’est l’étiquette. On arrêtait la chaîne le temps de changer le stock d’étiquettes.
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Quelques courses de survie chez Carrefour City. J’y côtoie devant les fromages deux trentenaires ivres obligés de prendre un coulommiers premier prix Carrefour. « C’est la faute à Macron, c’est la faute à Macron », clament-ils. Je prends le même.
Lorsque mon frère travaillait chez Wonder, il m’a expliqué que la seule différence entre une pile de marque et une pile sans marque, c’est l’étiquette. On arrêtait la chaîne le temps de changer le stock d’étiquettes.
4 avril 2023
Ce serait bien pour ma première escapade de deux mille vingt-trois d’avoir un trajet qui m’évite de passer par la capitale, me suis-je dit, car autant j’aime aller à Paris, autant je déteste devoir y faire un changement de gare pour aller ailleurs.
C’est l’une des raisons qui m’ont fait choisir pour destination Boulogne-sur-Mer. Oui mais, le billet pris, en février, j’apprends que la circulation des trains est interrompue entre Rouen et Amiens car la voie ferrée est plus ou moins effondrée. Des travaux sont en cours, qui, est-il affiché, se termineront le quatre mars, un mois avant mon départ. Oui mais, ça ne se passe pas comme prévu sur le chantier, la reprise est reportée sine die.
Dans le doute, je prévois un plan Bé, train Nomad jusqu’à Paris-Saint-Lazare puis Tégévé à la Gare du Nord, deux billets de train, le second pouvant être annulé sans frais jusqu’à une semaine avant le départ, contrairement à ceux des Téheuherres qui peuvent l’être jusqu’à la veille.
Le temps passe. Au guichet de la Gare de Rouen, on est toujours incapable de me dire quand les travaux seront terminés et on me conseille de passer par Paris.
Un jour, sans que ce soit annoncé, les trains circulent à nouveau entre Rouen et Amiens. J’annule sans frais mes deux billets du plan Bé.
J’espère que j’ai bien fait et que mon voyage se déroulera sans imprévu. Par bonheur, cette semaine, la journée de grève et de manifestation a lieu jeudi et non ce mardi. Il y aura une correspondance dans un endroit nommé Saint-Roch, un peu avant Amiens. J’aurai dix minutes de battement pour prendre le second train, venant de Paris je crois, qui doit m’emmener jusqu’à la Gare de Boulogne-Tintelleries près de laquelle est le studio Air Bibi que j’ai loué.
*
La ouifi est promise sur place. Si ça ne fonctionnait pas correctement, j’aurais mon téléphone portatif comme possible plan Bé pour me connecter à Internet. Le jour de la tempête Mathis un aimable étudiant est venu faire le nécessaire sur l’appareil et m’expliquer la marche à suivre.
Il m’avait contacté il y a quelques mois, ayant lu mon peu de capacité et de goût dans l’usage de cette technologie ambulatoire.
C’est l’une des raisons qui m’ont fait choisir pour destination Boulogne-sur-Mer. Oui mais, le billet pris, en février, j’apprends que la circulation des trains est interrompue entre Rouen et Amiens car la voie ferrée est plus ou moins effondrée. Des travaux sont en cours, qui, est-il affiché, se termineront le quatre mars, un mois avant mon départ. Oui mais, ça ne se passe pas comme prévu sur le chantier, la reprise est reportée sine die.
Dans le doute, je prévois un plan Bé, train Nomad jusqu’à Paris-Saint-Lazare puis Tégévé à la Gare du Nord, deux billets de train, le second pouvant être annulé sans frais jusqu’à une semaine avant le départ, contrairement à ceux des Téheuherres qui peuvent l’être jusqu’à la veille.
Le temps passe. Au guichet de la Gare de Rouen, on est toujours incapable de me dire quand les travaux seront terminés et on me conseille de passer par Paris.
Un jour, sans que ce soit annoncé, les trains circulent à nouveau entre Rouen et Amiens. J’annule sans frais mes deux billets du plan Bé.
J’espère que j’ai bien fait et que mon voyage se déroulera sans imprévu. Par bonheur, cette semaine, la journée de grève et de manifestation a lieu jeudi et non ce mardi. Il y aura une correspondance dans un endroit nommé Saint-Roch, un peu avant Amiens. J’aurai dix minutes de battement pour prendre le second train, venant de Paris je crois, qui doit m’emmener jusqu’à la Gare de Boulogne-Tintelleries près de laquelle est le studio Air Bibi que j’ai loué.
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La ouifi est promise sur place. Si ça ne fonctionnait pas correctement, j’aurais mon téléphone portatif comme possible plan Bé pour me connecter à Internet. Le jour de la tempête Mathis un aimable étudiant est venu faire le nécessaire sur l’appareil et m’expliquer la marche à suivre.
Il m’avait contacté il y a quelques mois, ayant lu mon peu de capacité et de goût dans l’usage de cette technologie ambulatoire.
3 avril 2023
La tempête Mathis qui soufflait depuis au moins vingt-quatre heures se calme ce samedi matin mais pas la pluie. Le premier jour du traditionnel vide grenier rouennais des Rameaux, rue des Augustins, rue Molière, et alentour, est à l’eau. A l’heure où je devrais y être, je me dirige sous le parapluie vers le Socrate.
Mon café bu, j’y termine ma lecture de Fille de la campagne d’Edna O’Brien. Comme chaque samedi matin se trouve là un trio de retraités plus vieux que moi, un couple d’ex charcutiers et un homme qui fut boulanger. Leur conversation se porte toujours sur autrefois, une époque où c’était plus dur mais bien mieux. J’aime particulièrement les commentaires de l’ex boulanger à la belle voix grave : « Mais oui mais oui mais ouiii ! » « Bien sûr bien sûûûr ! ». Aujourd’hui les rejoint un autre vieux couple, dont l’homme est toujours à l’affût d’une possible blague de cul. Quand tous se lèvent pour partir, l’ex charcutier annonce que cet après-midi il va à un match de foute. Le plaisantin s’adresse à l’ex charcutière : « Demande-lui son ticket quand il rentrera, des fois qu’il serait allé voir une morue où glisser sa sardine. » Un ex poissonnier peut-être.
Comme il ne pleut plus quand j’en sors vers onze heures, je vais voir à quoi ressemble le vide grenier des Rameaux. Dans les rues débarrassées des voitures (la fourrière est toujours la première bénéficiaire de ce genre d’évènement), pas plus d’une dizaine d’exposants sont éparpillés, un vide grenier fantôme.
*
Ces habitué(e)s du samedi matin au Socrate : « Ah bah oui, faut en prendre un jeune hein, pas un vieux. » (il s’agit du médecin traitant, qui ne doit pas vous lâcher pour prendre sa retraite)
L’une, à propos de sa petite-fille : « Ça se passe bien avec son orthophonisse. »
Mon café bu, j’y termine ma lecture de Fille de la campagne d’Edna O’Brien. Comme chaque samedi matin se trouve là un trio de retraités plus vieux que moi, un couple d’ex charcutiers et un homme qui fut boulanger. Leur conversation se porte toujours sur autrefois, une époque où c’était plus dur mais bien mieux. J’aime particulièrement les commentaires de l’ex boulanger à la belle voix grave : « Mais oui mais oui mais ouiii ! » « Bien sûr bien sûûûr ! ». Aujourd’hui les rejoint un autre vieux couple, dont l’homme est toujours à l’affût d’une possible blague de cul. Quand tous se lèvent pour partir, l’ex charcutier annonce que cet après-midi il va à un match de foute. Le plaisantin s’adresse à l’ex charcutière : « Demande-lui son ticket quand il rentrera, des fois qu’il serait allé voir une morue où glisser sa sardine. » Un ex poissonnier peut-être.
Comme il ne pleut plus quand j’en sors vers onze heures, je vais voir à quoi ressemble le vide grenier des Rameaux. Dans les rues débarrassées des voitures (la fourrière est toujours la première bénéficiaire de ce genre d’évènement), pas plus d’une dizaine d’exposants sont éparpillés, un vide grenier fantôme.
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Ces habitué(e)s du samedi matin au Socrate : « Ah bah oui, faut en prendre un jeune hein, pas un vieux. » (il s’agit du médecin traitant, qui ne doit pas vous lâcher pour prendre sa retraite)
L’une, à propos de sa petite-fille : « Ça se passe bien avec son orthophonisse. »
31 mars 2023
Je suis en train de lire la correspondance de Marcel Pagnol au Socrate ce jeudi après-midi quand apparaît le gyrophare bleu d’un motard de la Police. Il précède une petite manifestation. C’est celle des étudiants. Ils font halte devant le Lycée Camille Saint-Saëns dans le but d’attirer à eux des élèves dudit. Aucun ne se joint au groupe qui reprend sa marche et ses slogans. Pas plus de deux cents, dont quelques professeurs.
Mardi dernier, ce fut moins calme à Rouen. La manifestation officielle terminée, celle des énervés s’est répandue dans les rues du centre-ville, causant beaucoup de dommages sur son passage, sans que la Police n’intervienne (le pouce arraché de la semaine précédente ayant peut-être donné à réfléchir). Ces violents ont finalement été dispersés du côté de la Seine.
Une poubelle brûlait encore sur le parvis de la Cathédrale quand je suis passé par là pour voir ce qui se trouvait dans la boîte à livres. Rien.
*
Il y a ceux qui bandent en brûlant une poubelle et ceux qui bandent en cassant une vitre d’abribus. L’abribus, ce symbole de la société capitaliste.
*
Reçu une invitation pour l’inauguration de l’exposition Normands au Musée des Beaux-Arts de Rouen. Son sous-titre : Migrants conquérants innovateurs. Qualifier de migrants ces envahisseurs (assassins, incendiaires, violeurs), il fallait oser. A qui cela fera-t-il plaisir ?
Mardi dernier, ce fut moins calme à Rouen. La manifestation officielle terminée, celle des énervés s’est répandue dans les rues du centre-ville, causant beaucoup de dommages sur son passage, sans que la Police n’intervienne (le pouce arraché de la semaine précédente ayant peut-être donné à réfléchir). Ces violents ont finalement été dispersés du côté de la Seine.
Une poubelle brûlait encore sur le parvis de la Cathédrale quand je suis passé par là pour voir ce qui se trouvait dans la boîte à livres. Rien.
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Il y a ceux qui bandent en brûlant une poubelle et ceux qui bandent en cassant une vitre d’abribus. L’abribus, ce symbole de la société capitaliste.
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Reçu une invitation pour l’inauguration de l’exposition Normands au Musée des Beaux-Arts de Rouen. Son sous-titre : Migrants conquérants innovateurs. Qualifier de migrants ces envahisseurs (assassins, incendiaires, violeurs), il fallait oser. A qui cela fera-t-il plaisir ?
30 mars 2023
Pour la première fois je voyage à l’étage d’un train nouveau pour aller à Paris, bien que j’aie demandé une place en bas lors de ma réservation. C’est un jour d’affluence, pour une raison mystérieuse. Ça ne change rien, mais j’ai pour voisine une femme que je pourrais qualifier de grosse au risque de heurter sa sensibilité mais en attendant, c’est elle qui heurte mon bras quand elle bouge et elle ne cesse de bouger (maquillage, grignotage, tapotage, téléphonage). Nonobstant, je poursuis ma lecture de Fille de la campagne d’Edna O’Brien. A l’arrivée à Paris, la cheffe de bord souhaite une bonne retraite et un bon anniversaire à Hervé qui est en voiture Cinq. Encore un navetteur qui nous quitte.
Le bus Vingt-Neuf qui m’emmène à Bastille est doté d’un chauffeur qui explique en détail les conditions particulières du trajet consécutives aux travaux qui empêchent de traverser le Marais. « Des questions ? Des angoisses ? », conclut-il. Oui, un n’a rien compris. « Vous ne m’avez pas écouté », se fait-il gronder.
Ma première étape est le marché d’Aligre. C’est encore un jour de sortie des livres de poche, des romans que je ne saurais acheter. Je bois un café au Camélia et arrive au Book-Off de Ledru-Rollin peu après dix heures. Les rideaux métalliques sont baissés. Une affichette annonce l’ouverture à midi pour cause d’inventaire.
Plus qu’à aller en métro à celui de la rue Saint-Martin. Il fait presque trop chaud dans son sous-sol en cette journée presque estivale. Cela nuit à ma recherche de livres à un euro. Je deviens quand même l’acquéreur de premier volume des œuvres de T.E. Lawrence chez Bouquins, celui où l’on trouve sa correspondance, puis retourne à Bastille. Face au Paris, assis sur un banc, en attendant midi, je lis.
La formule entrée plat du Paris propose mousse de foie d’oie et gigot de porcelet haricots verts. C’est tentant mais assez décevant, surtout les haricots, du surgelé d’un vert artificiel. Cela mangé, arrive celle qui travaille dans le coin avec qui j’ai rendez-vous pour le café. Durant une heure nous échangeons sur divers sujets et je lui offre les trois livres trouvés pour elle il y a peu.
Quand nous nous quittons je rejoins le Book-Off de Ledru-Rollin que je préfère le matin. J’y trouve peu, dont Gaston Maspero le gentleman égyptologue d’Elisabeth David (Pygmalion), il s’agit du grand-père de feu le libraire éditeur.
Pour rentrer, je m’installe à ma place préférée dans la voiture Cinq du train de seize heures quarante. Je n’ai pas envie de voisinage mais une femme, que je pourrais qualifier de grosse au risque de heurter sa sensibilité, me dit qu’elle a une réservation à côté de moi. « Pas possible, lui dis-je, la voiture Cinq est sans réservation. » Elle s’est trompée de voiture et part en me reprochant de ne pas être aimable. Une dame qui l’est, assise devant moi, me dit que parfois il y en a des réservations dans la voiture Cinq. « Oui, le vendredi », lui dis-je. « Pas seulement le vendredi et les lumières rouges qui le signalent ne s’allument qu’après le départ. » « Je confirme », me dit une jolie jeune fille un peu plus loin. Heureusement, ce n’est pas le cas ce jour. Je peux lire tranquillement Fille de la campagne. Par moments, Edna O’Brien m’énerve un peu, avec sa propension à se vanter de toutes les célébrités qu’elle a côtoyées. De Robert Mitchum, avec qui elle couche un soir, à Paul Mac McCartney, ramené chez elle pour qu’il chante une chanson à ses enfants.
*
Pub de cul de bus : « Les gens bornés auront toujours raison ». C’est pour Zeplug (bornes de recharge pour véhicules électriques et hybrides), pas pour Elisabeth.
*
Pompiers de Paris faisant leur joguigne sur la voie des bus qui doivent les contourner.
*
A deux heures moins le quart, tous les jours, quand je devais apporter à mon mari son plateau d’Earl Grey et deux toasts légèrement brûlés avec un filet d’huile d’olive, je rangeais mon cahier, espérant que le chapitre du lendemain était en sécurité au fond de moi. Puis, les enfants rentrés, je faisais du pain et des gâteaux-éponge, sachant bien que l’odeur mettait de la bonne humeur, mais aussi que je ne pourrais pas vivre éternellement dans une maison faux-Tudor qui donnait sur un terrain communal noyé dans le brouillard. (Edna O’Brien, Fille de la campagne)
Le bus Vingt-Neuf qui m’emmène à Bastille est doté d’un chauffeur qui explique en détail les conditions particulières du trajet consécutives aux travaux qui empêchent de traverser le Marais. « Des questions ? Des angoisses ? », conclut-il. Oui, un n’a rien compris. « Vous ne m’avez pas écouté », se fait-il gronder.
Ma première étape est le marché d’Aligre. C’est encore un jour de sortie des livres de poche, des romans que je ne saurais acheter. Je bois un café au Camélia et arrive au Book-Off de Ledru-Rollin peu après dix heures. Les rideaux métalliques sont baissés. Une affichette annonce l’ouverture à midi pour cause d’inventaire.
Plus qu’à aller en métro à celui de la rue Saint-Martin. Il fait presque trop chaud dans son sous-sol en cette journée presque estivale. Cela nuit à ma recherche de livres à un euro. Je deviens quand même l’acquéreur de premier volume des œuvres de T.E. Lawrence chez Bouquins, celui où l’on trouve sa correspondance, puis retourne à Bastille. Face au Paris, assis sur un banc, en attendant midi, je lis.
La formule entrée plat du Paris propose mousse de foie d’oie et gigot de porcelet haricots verts. C’est tentant mais assez décevant, surtout les haricots, du surgelé d’un vert artificiel. Cela mangé, arrive celle qui travaille dans le coin avec qui j’ai rendez-vous pour le café. Durant une heure nous échangeons sur divers sujets et je lui offre les trois livres trouvés pour elle il y a peu.
Quand nous nous quittons je rejoins le Book-Off de Ledru-Rollin que je préfère le matin. J’y trouve peu, dont Gaston Maspero le gentleman égyptologue d’Elisabeth David (Pygmalion), il s’agit du grand-père de feu le libraire éditeur.
Pour rentrer, je m’installe à ma place préférée dans la voiture Cinq du train de seize heures quarante. Je n’ai pas envie de voisinage mais une femme, que je pourrais qualifier de grosse au risque de heurter sa sensibilité, me dit qu’elle a une réservation à côté de moi. « Pas possible, lui dis-je, la voiture Cinq est sans réservation. » Elle s’est trompée de voiture et part en me reprochant de ne pas être aimable. Une dame qui l’est, assise devant moi, me dit que parfois il y en a des réservations dans la voiture Cinq. « Oui, le vendredi », lui dis-je. « Pas seulement le vendredi et les lumières rouges qui le signalent ne s’allument qu’après le départ. » « Je confirme », me dit une jolie jeune fille un peu plus loin. Heureusement, ce n’est pas le cas ce jour. Je peux lire tranquillement Fille de la campagne. Par moments, Edna O’Brien m’énerve un peu, avec sa propension à se vanter de toutes les célébrités qu’elle a côtoyées. De Robert Mitchum, avec qui elle couche un soir, à Paul Mac McCartney, ramené chez elle pour qu’il chante une chanson à ses enfants.
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Pub de cul de bus : « Les gens bornés auront toujours raison ». C’est pour Zeplug (bornes de recharge pour véhicules électriques et hybrides), pas pour Elisabeth.
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Pompiers de Paris faisant leur joguigne sur la voie des bus qui doivent les contourner.
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A deux heures moins le quart, tous les jours, quand je devais apporter à mon mari son plateau d’Earl Grey et deux toasts légèrement brûlés avec un filet d’huile d’olive, je rangeais mon cahier, espérant que le chapitre du lendemain était en sécurité au fond de moi. Puis, les enfants rentrés, je faisais du pain et des gâteaux-éponge, sachant bien que l’odeur mettait de la bonne humeur, mais aussi que je ne pourrais pas vivre éternellement dans une maison faux-Tudor qui donnait sur un terrain communal noyé dans le brouillard. (Edna O’Brien, Fille de la campagne)
29 mars 2023
Troisième et dernière série d’extraits du premier volume du Journal littéraire de Paul Léautaud, tirée de mes notes prises lors de ma lecture à Toulon. Cela commence fort :
Vendredi vingt-quatre octobre mil neuf cent vingt-quatre (celle dont il est question est son amante, Anne Cayssac, qu’il appelle le fléau)
Ah ! oui, je l’ai secouée. Ensuite traînée sur son lit, troussée et là encore corrigée, malgré ses ongles dont elle m’a attrapé le visage et les mains. Résultat, naturellement, défense de revenir chez elle, et tous les noms prodigués. Coquine !
Samedi vingt-cinq octobre mil neuf cent vingt-quatre
J’ai une main toute déchirée et une longue ligne de griffe à une joue de la scène d’hier. Si ce n’est pas ridicule !
Lundi vingt-sept octobre mil neuf cent vingt-quatre
Femelle, qui ne s’est montrée aimable que pour les affaires de cul. Que de fois, après les pires disputes, il me suffisait de lui montrer ma queue bien raide pour l’entendre dire d’une voix mouillée : « Viens m’enfiler ! » et montrer alors la plus belle ardeur.
Dimanche premier février mil neuf cent vingt-cinq
Dîné et passé la soirée chez A… Toujours charmante, tendre, aimante. Des paroles, des regards. J’en suis touché, et j’en ris aussi, de cette aventure à mon âge. L’affaire du pucelage n’a encore pas marché. Un petit mieux, mais toujours grande souffrance et qui a même duré après. Elle-même a remis à une autre fois. Elle doit être fort étroite. Je l’ai fait mettre dans une certaine position. Elle a un tout petit sexe.
Mercredi vingt-deux avril mil neuf cent vingt-cinq
Hier soir, été couché chez A… Manque d’habitude de coucher à deux. Mal dormi. Je suis vanné. Bien failli réussir dans la fameuse opération, mais elle a poussé de tels cris, avec les voisins au-dessus, et cette petite chambre dans laquelle tout s’entend, que nous n’avons pas persévéré.
Jeudi sept mai mil neuf cent vingt-cinq
J’ai presque dép… A… ce soir à 7 heures. Je crois même pour de bon.
Dimanche dix mai mil neuf cent vingt-cinq
Visite de A… à Fontenay. Pour échapper à l’ennui, je l’emmène dîner à Robinson. Elle m’entreprend ensuite pour que je rentre chez elle. Je me suis laissé faire. Sapristi ! elle n’est du tout dép… comme je le croyais. Rien à faire devant ses cris de souffrance.
Mardi vingt-deux décembre mil neuf cent vingt-cinq
J’aurais un grand plaisir en ce moment à pouvoir dépenser une dizaine de mille francs en imbécilités.
Jeudi vingt-quatre décembre mil neuf cent vingt-cinq
Je me suis payé pour près de 250 francs de bougies d’un coup : 35 kilog. C’est mon seul luxe, cet éclairage.
Je peux ajouter, à ce que je notais précédemment d’argent dépensé sans résultat, mon dentier, en avril ou mai dernier, 500 francs, et que je ne mets jamais.
Jeudi vingt-huit janvier mil neuf cent vingt-six
Rictus passait son temps à dire qu’il ne fallait pas que la guerre cessât qu’on eût rattrapé l’Alsace et la Lorraine, mais quand commencèrent les visites des avions allemands sur Paris et les obus de la Bertha, Jehan Rictus prit sa valise et fila aussitôt se réfugier en Eure-et-Loir, bien à l’abri. Pousser la guerre aussi loin qu’il le faudrait, il entendait cela pour les autres, pas pour lui.
Dimanche vingt-six décembre mil neuf cent vingt-six
Je me rappelle Autexier, à l’école communale de Courbevoie, j’avais douze ans, lui de visage si joli, si fille, si fille aussi dans sa démarche et ses allures, – le fils d’une femme de ménage à Courbevoie aussi, j’avais quatorze ou quinze ans, qui venait souvent à la maison, ma belle-mère absente, jouant tous les deux, le pantalon tombé, et moi par derrière lui, la q… bandant, entre ses cuisses, en faisant de mon mieux le mouvement nécessaire, mais toujours dérangés par le retour de ma future belle-mère, preuve que nous n’étions ni l’un ni l’autre très habiles, car enfin dix minutes auraient pu suffire, – le petit garçon de bains, établissement rue des Quatre-Vents, 1902, 03 ou 04, par qui je me fis branler un jour, (j’avais voulu la réciprocité en même temps, qu’il avait refusée), – auparavant, je l’oubliais, quand j’étais clerc d’avoué chez Barberon, mes jeunes collègues M… et un autre dont le nom m’échappe, – mon aventure un soir, à la place de l’Etoile, aves deux petites fripouilles de gamins que je faillis bien amener chez moi rue de l’Odéon, heureusement au dernier moment je préférai les laisser en plan, après m’être laissé aller avec eux à la recherche d’un coin tranquille du côté de la Porte du Bois. Hypocrites et poltrons autant que sots ceux qui cachent cela pour leur compte et s’en indignent pour les autres ; dans les choses de l’amour, tout est possible, tout est humain et tout se vaut.
Vendredi vingt-quatre octobre mil neuf cent vingt-quatre (celle dont il est question est son amante, Anne Cayssac, qu’il appelle le fléau)
Ah ! oui, je l’ai secouée. Ensuite traînée sur son lit, troussée et là encore corrigée, malgré ses ongles dont elle m’a attrapé le visage et les mains. Résultat, naturellement, défense de revenir chez elle, et tous les noms prodigués. Coquine !
Samedi vingt-cinq octobre mil neuf cent vingt-quatre
J’ai une main toute déchirée et une longue ligne de griffe à une joue de la scène d’hier. Si ce n’est pas ridicule !
Lundi vingt-sept octobre mil neuf cent vingt-quatre
Femelle, qui ne s’est montrée aimable que pour les affaires de cul. Que de fois, après les pires disputes, il me suffisait de lui montrer ma queue bien raide pour l’entendre dire d’une voix mouillée : « Viens m’enfiler ! » et montrer alors la plus belle ardeur.
Dimanche premier février mil neuf cent vingt-cinq
Dîné et passé la soirée chez A… Toujours charmante, tendre, aimante. Des paroles, des regards. J’en suis touché, et j’en ris aussi, de cette aventure à mon âge. L’affaire du pucelage n’a encore pas marché. Un petit mieux, mais toujours grande souffrance et qui a même duré après. Elle-même a remis à une autre fois. Elle doit être fort étroite. Je l’ai fait mettre dans une certaine position. Elle a un tout petit sexe.
Mercredi vingt-deux avril mil neuf cent vingt-cinq
Hier soir, été couché chez A… Manque d’habitude de coucher à deux. Mal dormi. Je suis vanné. Bien failli réussir dans la fameuse opération, mais elle a poussé de tels cris, avec les voisins au-dessus, et cette petite chambre dans laquelle tout s’entend, que nous n’avons pas persévéré.
Jeudi sept mai mil neuf cent vingt-cinq
J’ai presque dép… A… ce soir à 7 heures. Je crois même pour de bon.
Dimanche dix mai mil neuf cent vingt-cinq
Visite de A… à Fontenay. Pour échapper à l’ennui, je l’emmène dîner à Robinson. Elle m’entreprend ensuite pour que je rentre chez elle. Je me suis laissé faire. Sapristi ! elle n’est du tout dép… comme je le croyais. Rien à faire devant ses cris de souffrance.
Mardi vingt-deux décembre mil neuf cent vingt-cinq
J’aurais un grand plaisir en ce moment à pouvoir dépenser une dizaine de mille francs en imbécilités.
Jeudi vingt-quatre décembre mil neuf cent vingt-cinq
Je me suis payé pour près de 250 francs de bougies d’un coup : 35 kilog. C’est mon seul luxe, cet éclairage.
Je peux ajouter, à ce que je notais précédemment d’argent dépensé sans résultat, mon dentier, en avril ou mai dernier, 500 francs, et que je ne mets jamais.
Jeudi vingt-huit janvier mil neuf cent vingt-six
Rictus passait son temps à dire qu’il ne fallait pas que la guerre cessât qu’on eût rattrapé l’Alsace et la Lorraine, mais quand commencèrent les visites des avions allemands sur Paris et les obus de la Bertha, Jehan Rictus prit sa valise et fila aussitôt se réfugier en Eure-et-Loir, bien à l’abri. Pousser la guerre aussi loin qu’il le faudrait, il entendait cela pour les autres, pas pour lui.
Dimanche vingt-six décembre mil neuf cent vingt-six
Je me rappelle Autexier, à l’école communale de Courbevoie, j’avais douze ans, lui de visage si joli, si fille, si fille aussi dans sa démarche et ses allures, – le fils d’une femme de ménage à Courbevoie aussi, j’avais quatorze ou quinze ans, qui venait souvent à la maison, ma belle-mère absente, jouant tous les deux, le pantalon tombé, et moi par derrière lui, la q… bandant, entre ses cuisses, en faisant de mon mieux le mouvement nécessaire, mais toujours dérangés par le retour de ma future belle-mère, preuve que nous n’étions ni l’un ni l’autre très habiles, car enfin dix minutes auraient pu suffire, – le petit garçon de bains, établissement rue des Quatre-Vents, 1902, 03 ou 04, par qui je me fis branler un jour, (j’avais voulu la réciprocité en même temps, qu’il avait refusée), – auparavant, je l’oubliais, quand j’étais clerc d’avoué chez Barberon, mes jeunes collègues M… et un autre dont le nom m’échappe, – mon aventure un soir, à la place de l’Etoile, aves deux petites fripouilles de gamins que je faillis bien amener chez moi rue de l’Odéon, heureusement au dernier moment je préférai les laisser en plan, après m’être laissé aller avec eux à la recherche d’un coin tranquille du côté de la Porte du Bois. Hypocrites et poltrons autant que sots ceux qui cachent cela pour leur compte et s’en indignent pour les autres ; dans les choses de l’amour, tout est possible, tout est humain et tout se vaut.
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