Dernières notes
Loïc Boyer
Je suis l’auteur de textes courts qui furent publiés depuis mil neuf cent quatre-vingt-quinze dans des revues littéraires en France (Supérieur Inconnu, Supplément d’Ame, Nouvelle Donne, Le Bord de l’Eau, Pris de Peur, l’Art du Bref, Sol’Air, Gros Textes, Salmigondis, Verso, Décharge, Bulle, Filigranes, Diérèse, Martobre, Comme ça et Autrement, (Cahier d’) Ecritures, La Nef des Fous), en Belgique (Traversées, Ecrits Vains, L’Arbre à Plumes, Inédit Nouveau, Bleu d’Encre), au Canada (Les Saisons Littéraires) et en Italie (Les Cahiers du Ru).
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.
25 octobre 2014
Avant de faire mes bagages pour une semaine en Bretagne, je me penche ce samedi matin sur l’imprimé de réservation des spectacles de décembre à l’Opéra de Rouen.
« Un mois de décembre conçu pour le jeune public » y claironne-t-on. Et comment ! Un seul spectacle au programme, Hansel et Gretel d’Engelbert Humperdinck, adapté en français, donné trois fois sous forme d’opéra participatif (une animation familiale importée de Belgique par Frédéric Roels, maître des lieux), nouvelle tentative de faire chanter juste un public de moutards et leurs parents ébahis. Et pour les mêmes, un dimanche après-midi, une Family Party au cours de laquelle une plasticienne fera fabriquer des marionnettes et du pain d’épice pendant qu’une association animera des ateliers contes, piteuse initiative qui serait à sa place dans un centre de loisirs.
Le manque de moyens est de plus en plus évident (aucun spectacle en septembre, rien de possible en décembre et pour janvier hormis le concert de Nouvel An au Zénith, où je n’irai pas, rien au programme avant le seize).
Pour la première fois depuis que je suis abonné, je n’ai rien à réserver.
*
Citation d’avant départ en vagabondage : Autrefois, j'étais indécis, mais, à présent, je n'en suis plus très sûr. (Umberto Eco)
« Un mois de décembre conçu pour le jeune public » y claironne-t-on. Et comment ! Un seul spectacle au programme, Hansel et Gretel d’Engelbert Humperdinck, adapté en français, donné trois fois sous forme d’opéra participatif (une animation familiale importée de Belgique par Frédéric Roels, maître des lieux), nouvelle tentative de faire chanter juste un public de moutards et leurs parents ébahis. Et pour les mêmes, un dimanche après-midi, une Family Party au cours de laquelle une plasticienne fera fabriquer des marionnettes et du pain d’épice pendant qu’une association animera des ateliers contes, piteuse initiative qui serait à sa place dans un centre de loisirs.
Le manque de moyens est de plus en plus évident (aucun spectacle en septembre, rien de possible en décembre et pour janvier hormis le concert de Nouvel An au Zénith, où je n’irai pas, rien au programme avant le seize).
Pour la première fois depuis que je suis abonné, je n’ai rien à réserver.
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Citation d’avant départ en vagabondage : Autrefois, j'étais indécis, mais, à présent, je n'en suis plus très sûr. (Umberto Eco)
24 octobre 2014
La bétaillère de sept heures vingt-quatre m’emmène à Paris ce jeudi, emplie d’employés qu’elle préserve du travail, pas de prises de courant, pas de tablettes rabattables.
A l’arrivée, je rejoins le carrefour Ledru-Rollin Faubourg-Saint-Antoine et y bois un café à celui du Faubourg en lisant Libération. J’y apprends que la jeune Taos Amrouche a été l’amante du sexagénaire Jean Giono à Manosque et qu’il existe dans les beaux quartiers de la capitale une Fondation Ricard dédiée à l’art contemporain. A dix heures, je suis chez Book-Off.
J’en repars une heure plus tard avec un sac de livres, dont la belle édition Cahiers Rouges Grasset de La Négresse Blonde de Georges Fourest. Objectif Jules-Joffrin, ce qui n’est pas simple par le métro.
J’ai rendez-vous là-bas avec celle qui cuisine pour la première fois dans son appartement où j’arrive à midi pile avec mon bouquet de fleurs et ma bouteille de vin. C’est en dégustant une andouillette de canard aux poireaux et aux gnocchis que nous discutons de nos soucis respectifs.
Elle devant vaquer à des obligations professionnelles, je m’en vais visiter la Fondation Ricard, rue Boissy-d’Anglas, sans faire le détour de la place Vendôme où l’arbre en forme de plug anal de Paul McCarthy n’est plus visible, ayant été détruit par l’extrême droite de tendance catholique.
La Fondation est à l’étage, pas plus vaste qu’une galerie du Marais. On y montre un mélange de vidéos et d’installations qui ne brillent pas par leur originalité. J’en ressors assez vite et vais à pied par le boulevard des Capucines jusqu’où deuxième Book-Off.
Au moment de payer, le vendeur jette mes achats en vrac dans le célèbre sac qui ressemble à une poubelle. Je proteste:
-Vous me dites que je ne fais pas mon travail, me dit-il agressivement.
-Non, je vous dis que vous le faites mal, lui réponds-je, ce qui n’a pas pour vertu de le calmer.
Après un passage Chez Léon, je trouve place dans le train de dix-neuf heures trente pour Rouen. Bientôt, un contrôleur annonce un « accident de personne » du côté de Vernon et un départ reporté de vingt-cinq minutes. Ce délai devient indéterminé quand les secours sont sur place puis encore plus flou dans l’attente d’un feu vert donné par la police judicaire et le médecin légiste. Chacun fait face comme il peut. Certains craquent et décident de passer la nuit à Paris. D’autres prennent un train pour Mantes où l’on ira les chercher.
Il est vingt-deux heures quinze quand on annonce le départ. Le train démarre sous les acclamations de la classe de petites Anglaises installée dans la voiture suivante. Avec les ralentissements habituels, nous arrivons « enfin à Rouen » (comme dit une contrôleuse). Il est plus de minuit. Les voyageurs pour Dieppe ne sont pas au bout de leurs peines, ils doivent poursuivre en autocar.
Les rues de Rouen à cette heure tardive le jeudi ne sont pas désertes. S’y croisent des hordes beuglantes d’étudiant(e)s embièré(e)s. Rue Saint-Nicolas, l’un pisse au milieu de la chaussée sous les encouragements d’une bande de filles.
*
Y a-t-il un siège de libre à côté de moi et un autre à côté de mon voisin de couloir qu’une fille choisira toujours l’autre. Je le constate cette fois encore.
*
Parmi les livres rapportés : Georges Guingouin, Premier Maquisard de France, ouvrage à sa gloire, rédigé par lui-même et Gérard Monédiaire (Editions Lucien Souny). On peut y lire, sous les photos, des légendes édifiantes : « Sur la route les maquis vérifient les papiers. Le vieux paysan a le sourire, son gars lui aussi est parti au maquis. » « Le colonel Guingouin a su gagner l’amitié des paysans limousins. Tous le connaissent et tous l’estiment. »
A l’arrivée, je rejoins le carrefour Ledru-Rollin Faubourg-Saint-Antoine et y bois un café à celui du Faubourg en lisant Libération. J’y apprends que la jeune Taos Amrouche a été l’amante du sexagénaire Jean Giono à Manosque et qu’il existe dans les beaux quartiers de la capitale une Fondation Ricard dédiée à l’art contemporain. A dix heures, je suis chez Book-Off.
J’en repars une heure plus tard avec un sac de livres, dont la belle édition Cahiers Rouges Grasset de La Négresse Blonde de Georges Fourest. Objectif Jules-Joffrin, ce qui n’est pas simple par le métro.
J’ai rendez-vous là-bas avec celle qui cuisine pour la première fois dans son appartement où j’arrive à midi pile avec mon bouquet de fleurs et ma bouteille de vin. C’est en dégustant une andouillette de canard aux poireaux et aux gnocchis que nous discutons de nos soucis respectifs.
Elle devant vaquer à des obligations professionnelles, je m’en vais visiter la Fondation Ricard, rue Boissy-d’Anglas, sans faire le détour de la place Vendôme où l’arbre en forme de plug anal de Paul McCarthy n’est plus visible, ayant été détruit par l’extrême droite de tendance catholique.
La Fondation est à l’étage, pas plus vaste qu’une galerie du Marais. On y montre un mélange de vidéos et d’installations qui ne brillent pas par leur originalité. J’en ressors assez vite et vais à pied par le boulevard des Capucines jusqu’où deuxième Book-Off.
Au moment de payer, le vendeur jette mes achats en vrac dans le célèbre sac qui ressemble à une poubelle. Je proteste:
-Vous me dites que je ne fais pas mon travail, me dit-il agressivement.
-Non, je vous dis que vous le faites mal, lui réponds-je, ce qui n’a pas pour vertu de le calmer.
Après un passage Chez Léon, je trouve place dans le train de dix-neuf heures trente pour Rouen. Bientôt, un contrôleur annonce un « accident de personne » du côté de Vernon et un départ reporté de vingt-cinq minutes. Ce délai devient indéterminé quand les secours sont sur place puis encore plus flou dans l’attente d’un feu vert donné par la police judicaire et le médecin légiste. Chacun fait face comme il peut. Certains craquent et décident de passer la nuit à Paris. D’autres prennent un train pour Mantes où l’on ira les chercher.
Il est vingt-deux heures quinze quand on annonce le départ. Le train démarre sous les acclamations de la classe de petites Anglaises installée dans la voiture suivante. Avec les ralentissements habituels, nous arrivons « enfin à Rouen » (comme dit une contrôleuse). Il est plus de minuit. Les voyageurs pour Dieppe ne sont pas au bout de leurs peines, ils doivent poursuivre en autocar.
Les rues de Rouen à cette heure tardive le jeudi ne sont pas désertes. S’y croisent des hordes beuglantes d’étudiant(e)s embièré(e)s. Rue Saint-Nicolas, l’un pisse au milieu de la chaussée sous les encouragements d’une bande de filles.
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Y a-t-il un siège de libre à côté de moi et un autre à côté de mon voisin de couloir qu’une fille choisira toujours l’autre. Je le constate cette fois encore.
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Parmi les livres rapportés : Georges Guingouin, Premier Maquisard de France, ouvrage à sa gloire, rédigé par lui-même et Gérard Monédiaire (Editions Lucien Souny). On peut y lire, sous les photos, des légendes édifiantes : « Sur la route les maquis vérifient les papiers. Le vieux paysan a le sourire, son gars lui aussi est parti au maquis. » « Le colonel Guingouin a su gagner l’amitié des paysans limousins. Tous le connaissent et tous l’estiment. »
23 octobre 2014
Sitôt après le volume deux des Papiers collés j’ai relu l’été dernier, dans le Massif Central, le volume trois et dernier (Perros, victime d’un cancer de la gorge, meurt le vingt-quatre janvier mil neuf cent soixante-dix-huit à l’âge de cinquante-quatre ans), en notant ce qui me touche particulièrement :
Il ne se passe rien et quand il se passe quelque chose, c’est la mort.
J’aurai donc passé une grande partie de ma vie du mauvais côté du zinc à regarder, à désirer comme un fou la fille du patron qui servait.
Etre l’amant d’une fille de ferme, d’une petite serveuse de café, d’une ouvrière, qui rentre le soir vannée. On lui a préparé son repas. On la caresse doucement. On l’aime. Est-ce impossible ?
On se saoule pour être à la hauteur de l’indifférence des autres.
Ce qui est horrible chez les hommes politiques comme chez les flics, c’est qu’ils donnent l’impression d’avoir été faits pour ça.
Entre la mort et la vie, quel obstacle ! Un homme a failli se noyer. On le ramène à la vie. Et le soir, il prend l’apéritif, en débitant des conneries.
*
C’est dans ce volume trois que l’on trouve cet hommage (si l’on peut dire) à ceux dont je fus :
… les instituteurs, race méconnue, car ce n’est foutre pas de la tarte, j’en sais quelque chose par mes enfants, de se farcir ces petits cons en début d’existence.
*
On me demande souvent pourquoi je vis en Bretagne. La réponse est simple, un peu trop même pour que je la risque. La Bretagne est un rêve que j’ai fait. (Il n’est pas aisé d’habiter son rêve, il y a des mailles qui filent.)
La Bretagne est également un rêve que je fais. De temps à autre, Ponctuellement. Bientôt.
Il ne se passe rien et quand il se passe quelque chose, c’est la mort.
J’aurai donc passé une grande partie de ma vie du mauvais côté du zinc à regarder, à désirer comme un fou la fille du patron qui servait.
Etre l’amant d’une fille de ferme, d’une petite serveuse de café, d’une ouvrière, qui rentre le soir vannée. On lui a préparé son repas. On la caresse doucement. On l’aime. Est-ce impossible ?
On se saoule pour être à la hauteur de l’indifférence des autres.
Ce qui est horrible chez les hommes politiques comme chez les flics, c’est qu’ils donnent l’impression d’avoir été faits pour ça.
Entre la mort et la vie, quel obstacle ! Un homme a failli se noyer. On le ramène à la vie. Et le soir, il prend l’apéritif, en débitant des conneries.
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C’est dans ce volume trois que l’on trouve cet hommage (si l’on peut dire) à ceux dont je fus :
… les instituteurs, race méconnue, car ce n’est foutre pas de la tarte, j’en sais quelque chose par mes enfants, de se farcir ces petits cons en début d’existence.
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On me demande souvent pourquoi je vis en Bretagne. La réponse est simple, un peu trop même pour que je la risque. La Bretagne est un rêve que j’ai fait. (Il n’est pas aisé d’habiter son rêve, il y a des mailles qui filent.)
La Bretagne est également un rêve que je fais. De temps à autre, Ponctuellement. Bientôt.
22 octobre 2014
Relu pendant l’été deux mille quatorze dans le Massif Central, le volume deux des Papiers collés de Georges Perros, ne m’a pas déçu même si certaines considérations sur l’écriture ou le théâtre ont, avec le temps, perdu de leur intérêt. J’en tire ce qui me convient, c’est-à-dire ce qui me ressemble ou me fait sourire :
Lire un roman, ou un poème, c’est presque impossible à partir d’un certain moment, je ne dirai pas d’un certain âge. A partir de ce moment, nous ne lisons plus de la même manière. C’est sans doute que notre vie a changé. A vieilli. Car ce n’est pas tant nous qui vieillissons que notre vie.
J’ai une excellente mémoire. Je ne retiens presque rien.
Quand je suis loin de mes amis, je crois toujours qu’ils font des choses extraordinaires (ce qui leur arrive). Mais quand on est ensemble, c’est comme si ma présence même les en empêchait.
Il m’arrive de n’avoir rien à dire, mais jamais de ne pas avoir à écrire.
On ne compte plus les gens qui écrivent comme Stendhal. Par bonheur, Stendhal n’écrivait pas comme eux.
Sans la littérature, on ne saurait ce que pense un homme quand il est seul.
Quelle chance avait Socrate de ne pas avoir à lire Platon !
Les personnages de Giraudoux ont lu du Giraudoux.
Les personnages de Racine ont tous passé leur bac.
*
Sur le besoin d’écrire :
On écrit parce qu’on est comme tout le monde et que tout le monde ne ressemble à personne.
On écrit parce que personne n’écoute.
On n’écrit toujours qu’à deux doigts de se taire. (Bien plus tard, Perros sera rendu muet par une trachéotomie.)
*
J’ai bien aimé Léautaud, et même un peu fréquenté, dans la mesure du possible. L’homme n’était pas commode, à sa façon. Car aucun homme n’est commode. Mais quand on le laissait parler –il était très bavard– il ne trouvait rien à redire. écrit-il dans le portrait qu’il fait de l’écrivain, ajoutant que désormais il irait le voir au cimetière de Châtenay-Malabry où il serait moins bougonnement reçu qu’à Fontenay. Pas plus que de celles de Pierre Perret, on ne trouve trace des visites de Georges Perros dans le Journal de Paul Léautaud.
*
Mais voici le plus atroce : l’art de la vie consiste à cacher aux personnes les plus chères la joie que l’on a à être avec elles, sinon on les perd. Cesare Pavese, cité par Georges Perros.
Lire un roman, ou un poème, c’est presque impossible à partir d’un certain moment, je ne dirai pas d’un certain âge. A partir de ce moment, nous ne lisons plus de la même manière. C’est sans doute que notre vie a changé. A vieilli. Car ce n’est pas tant nous qui vieillissons que notre vie.
J’ai une excellente mémoire. Je ne retiens presque rien.
Quand je suis loin de mes amis, je crois toujours qu’ils font des choses extraordinaires (ce qui leur arrive). Mais quand on est ensemble, c’est comme si ma présence même les en empêchait.
Il m’arrive de n’avoir rien à dire, mais jamais de ne pas avoir à écrire.
On ne compte plus les gens qui écrivent comme Stendhal. Par bonheur, Stendhal n’écrivait pas comme eux.
Sans la littérature, on ne saurait ce que pense un homme quand il est seul.
Quelle chance avait Socrate de ne pas avoir à lire Platon !
Les personnages de Giraudoux ont lu du Giraudoux.
Les personnages de Racine ont tous passé leur bac.
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Sur le besoin d’écrire :
On écrit parce qu’on est comme tout le monde et que tout le monde ne ressemble à personne.
On écrit parce que personne n’écoute.
On n’écrit toujours qu’à deux doigts de se taire. (Bien plus tard, Perros sera rendu muet par une trachéotomie.)
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J’ai bien aimé Léautaud, et même un peu fréquenté, dans la mesure du possible. L’homme n’était pas commode, à sa façon. Car aucun homme n’est commode. Mais quand on le laissait parler –il était très bavard– il ne trouvait rien à redire. écrit-il dans le portrait qu’il fait de l’écrivain, ajoutant que désormais il irait le voir au cimetière de Châtenay-Malabry où il serait moins bougonnement reçu qu’à Fontenay. Pas plus que de celles de Pierre Perret, on ne trouve trace des visites de Georges Perros dans le Journal de Paul Léautaud.
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Mais voici le plus atroce : l’art de la vie consiste à cacher aux personnes les plus chères la joie que l’on a à être avec elles, sinon on les perd. Cesare Pavese, cité par Georges Perros.
21 octobre 2014
Ultime vide grenier rouennais de l’année ce dimanche, il se tient dans un quartier mal défini entre le quai de la Bourse et la rue Saint-Etienne-des-Tonneliers. J’y suis bien avant le lever du jour, ce qui n’est pas difficile, ce fainéant n’éclaire les rues que vers huit heures et quart au moment où la fourrière embarque les dernières voitures.
La journée est annoncée belle et chaude. On déballe, surtout des professionnels. Ni eux, ni les particuliers, n’ont de livres excitants à me proposer. J’achète néanmoins quelques poches à prix d’ami à l’un que je connais un peu. Un autre a plus de chance que moi, trouvant chez un professionnel un livre qui lui réchauffe le cœur.
Cet élu du Front National, toujours soucieux de montrer de lui une image respectable, fait sien Les Armes blanches du IIIème Reich.
*
Si tu ne vas plus à L’Armitière, L’Armitière viendra jusqu’à toi (via France Culture). Hélène Boyeldieu est l’invitée de l’émission Le Temps des libraires (« Ce sont les meilleurs passeurs de littérature. Connaisseurs hors pair, passionnés authentiques, dénicheurs experts… »).
Ce lundi, elle recommande un roman sur la musique, à l'écriture un peu lâche, mais qui lui a donné envie de danser. Il y en a pour la semaine.
La journée est annoncée belle et chaude. On déballe, surtout des professionnels. Ni eux, ni les particuliers, n’ont de livres excitants à me proposer. J’achète néanmoins quelques poches à prix d’ami à l’un que je connais un peu. Un autre a plus de chance que moi, trouvant chez un professionnel un livre qui lui réchauffe le cœur.
Cet élu du Front National, toujours soucieux de montrer de lui une image respectable, fait sien Les Armes blanches du IIIème Reich.
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Si tu ne vas plus à L’Armitière, L’Armitière viendra jusqu’à toi (via France Culture). Hélène Boyeldieu est l’invitée de l’émission Le Temps des libraires (« Ce sont les meilleurs passeurs de littérature. Connaisseurs hors pair, passionnés authentiques, dénicheurs experts… »).
Ce lundi, elle recommande un roman sur la musique, à l'écriture un peu lâche, mais qui lui a donné envie de danser. Il y en a pour la semaine.
20 octobre 2014
« Pour la sortie d'À Nos Amis, le nouveau livre du Comité Invisible, nous organisons une soirée spéciale. Formule cocktail + livre + DJ + buffet + société secrète. » annonce La Conjuration des Fourneaux. Le premier livre du Comité Invisible, L’Insurrection qui vient, est dans ma bibliothèque, acheté à Lyon avant d’assister à une rencontre avec son éditeur Eric Hazan (La Fabrique). Pour me procurer le deuxième, je rejoins donc La Conjuration ce samedi soir et n’y suis pas accueilli à coups de poêle à frire.
Une aimable jeune femme me confectionne un daiquiri à prix d’ami. Pour trois euros de plus, m’explique l’un des présents, j’ai droit non pas au nouveau livre du Comité Invisible dans l’édition courante mais à une édition spéciale grand format aussi artisanale que luxueuse. L’abondant buffet, qui a dû demander bien du travail en cuisine, est offert.
Tout en sirotant et picorant, j’échange quelques mots avec l’un des garçons du lieu :
-Cela fait longtemps que je ne suis pas venu ici, lui dis-je.
-Oui, je sais. On m’a dit que tu étais passé à Tarnac cet été ?
Nous évoquons la vie de cet attractif village de Corrèze.
-Es-tu allé au Goutailloux ? me demande t-il.
-Je suis passé au bout de la route, mais je n’ai pas voulu arriver là comme un touriste.
-Le risque principal, me dit-il, c’est qu’on te demande d’aider aux travaux ou à la cuisine.
Il y a bientôt suffisamment de monde, des têtes que je connais, d’autres jamais vues, une que je retrouve, côtoyée autrefois quand elle faisait stagiaire dans ma classe pour entrer dans l’Education Nationale. Aujourd’hui, me dit-elle, elle cherche comment en sortir et est très impliquée dans La Conjuration. Une troisième nous fait goûter le pâté de sa grand-mère. Il convient bien au vin rouge qui est dans mon verre.
Tandis qu’arrivent des platines et une caisse de vinyles, je discute avec l’un qui croque cette amicale soirée et se pose beaucoup de questions sur la publication de ses dessins, puis je vais poser mon verre sur le comptoir et quitte la soirée avec sous le bras mon exemplaire à couverture noire d’A nos amis.
*
Le matin de ce samedi, au marché du Clos Saint-Marc, j’achète mon pain à la boulangerie Osmont, revenue à l’activité sous forme de Société Coopérative. La télévision fixe l’évènement, filmant mes mains et la baguette durant la transaction. On ne me demande pas de faire une déclaration.
Une aimable jeune femme me confectionne un daiquiri à prix d’ami. Pour trois euros de plus, m’explique l’un des présents, j’ai droit non pas au nouveau livre du Comité Invisible dans l’édition courante mais à une édition spéciale grand format aussi artisanale que luxueuse. L’abondant buffet, qui a dû demander bien du travail en cuisine, est offert.
Tout en sirotant et picorant, j’échange quelques mots avec l’un des garçons du lieu :
-Cela fait longtemps que je ne suis pas venu ici, lui dis-je.
-Oui, je sais. On m’a dit que tu étais passé à Tarnac cet été ?
Nous évoquons la vie de cet attractif village de Corrèze.
-Es-tu allé au Goutailloux ? me demande t-il.
-Je suis passé au bout de la route, mais je n’ai pas voulu arriver là comme un touriste.
-Le risque principal, me dit-il, c’est qu’on te demande d’aider aux travaux ou à la cuisine.
Il y a bientôt suffisamment de monde, des têtes que je connais, d’autres jamais vues, une que je retrouve, côtoyée autrefois quand elle faisait stagiaire dans ma classe pour entrer dans l’Education Nationale. Aujourd’hui, me dit-elle, elle cherche comment en sortir et est très impliquée dans La Conjuration. Une troisième nous fait goûter le pâté de sa grand-mère. Il convient bien au vin rouge qui est dans mon verre.
Tandis qu’arrivent des platines et une caisse de vinyles, je discute avec l’un qui croque cette amicale soirée et se pose beaucoup de questions sur la publication de ses dessins, puis je vais poser mon verre sur le comptoir et quitte la soirée avec sous le bras mon exemplaire à couverture noire d’A nos amis.
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Le matin de ce samedi, au marché du Clos Saint-Marc, j’achète mon pain à la boulangerie Osmont, revenue à l’activité sous forme de Société Coopérative. La télévision fixe l’évènement, filmant mes mains et la baguette durant la transaction. On ne me demande pas de faire une déclaration.
19 octobre 2014
On est matinal chez Amnesty International, l’ouverture des portes de la Halle aux Toiles pour la vente de livres d’occasion annuelle est à neuf heures ce vendredi matin, je suis le troisième dans la file d’attente près d’un bouquiniste à qui je ne parle plus depuis longtemps. Derrière, cela doit s’accumuler mais je ne me retourne pas.
Une dame de l’association, en chasuble jaune, entrouvre la porte et nous indique que ce sera bon dans une minute.
-On n’est pas à une minute près, lui répond ce bouquiniste prêt à piétiner tout le monde.
Au feu vert, il court vers les livres d’art et fait rapidement une tête de déçu. Il n’est pas le seul. L’essentiel des ouvrages proposés cette année proviennent d’une Bibliothèque pour Tous ayant sans doute mis la clé sous la porte (comme on dit). Beaucoup d’autres livres sont là depuis plusieurs années. Je chope quand même le numéro Un de la revue Archives & Documents Situationnistes (Denoël), Une histoire des haines d’écrivains d’Anne Boquel & Etienne Kern (Flammarion) et Quelques historiettes ou petit éloge de l’anecdote en littérature de Jacques Bonnet (Denoël).
C’est souvent là où l’on ne l’attend pas que l’on trouve ce que l’on ne cherche pas, je mets en œuvre cette maxime personnelle en explorant les tables Loisirs et Religions. Certains, qui ne sont là que pour faire de l’argent, ont une autre technique : se connecter sur un site marchand avec leur téléphone, scanner le code barre de n’importe quel livre à l’aspect neuf, le reposer quand le bénéfice s’annonce trop modeste.
Dans mon butin, une pièce de choix : Lire pour Nuire (Littérature enfantine et Subversion) écrit par Marie-Claude Monchaux (auteure-illustratrice pour la jeunesse) en mil neuf cent quatre-vingt-cinq pour le compte du syndicat d’extrême droite Uni (Union Nationale Inter-Universtaire) avec une couverture dont l’esthétique rappelle le bon temps du Maréchal : « La gangrène de la Subversion n’a pas seulement atteint l’économie, la presse, la radio, la télévision, voire la théologie, elle s’est attaquée à l’Enfant. ».
*
Histoire rouennaise. La Mairie socialo-écolo-communiste crée à grand frais une pelouse arborée sur le quai rive gauche, là où prospéraient autrefois une partie des forains de la Saint-Romain. Conséquence : cette année plus assez de place pour tout le monde. Deux d’entre eux envahissent cette « prairie Saint-Sever » avec leurs camions et y installent leurs imposantes attractions. Robert, Maire socialiste, capitule. Bérégovoy, Adjoint écolo, s’insurge. Il n’a pas encore compris qu’il n’est sur la liste du deuxième tour que pour permettre l’élection du premier.
Une dame de l’association, en chasuble jaune, entrouvre la porte et nous indique que ce sera bon dans une minute.
-On n’est pas à une minute près, lui répond ce bouquiniste prêt à piétiner tout le monde.
Au feu vert, il court vers les livres d’art et fait rapidement une tête de déçu. Il n’est pas le seul. L’essentiel des ouvrages proposés cette année proviennent d’une Bibliothèque pour Tous ayant sans doute mis la clé sous la porte (comme on dit). Beaucoup d’autres livres sont là depuis plusieurs années. Je chope quand même le numéro Un de la revue Archives & Documents Situationnistes (Denoël), Une histoire des haines d’écrivains d’Anne Boquel & Etienne Kern (Flammarion) et Quelques historiettes ou petit éloge de l’anecdote en littérature de Jacques Bonnet (Denoël).
C’est souvent là où l’on ne l’attend pas que l’on trouve ce que l’on ne cherche pas, je mets en œuvre cette maxime personnelle en explorant les tables Loisirs et Religions. Certains, qui ne sont là que pour faire de l’argent, ont une autre technique : se connecter sur un site marchand avec leur téléphone, scanner le code barre de n’importe quel livre à l’aspect neuf, le reposer quand le bénéfice s’annonce trop modeste.
Dans mon butin, une pièce de choix : Lire pour Nuire (Littérature enfantine et Subversion) écrit par Marie-Claude Monchaux (auteure-illustratrice pour la jeunesse) en mil neuf cent quatre-vingt-cinq pour le compte du syndicat d’extrême droite Uni (Union Nationale Inter-Universtaire) avec une couverture dont l’esthétique rappelle le bon temps du Maréchal : « La gangrène de la Subversion n’a pas seulement atteint l’économie, la presse, la radio, la télévision, voire la théologie, elle s’est attaquée à l’Enfant. ».
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Histoire rouennaise. La Mairie socialo-écolo-communiste crée à grand frais une pelouse arborée sur le quai rive gauche, là où prospéraient autrefois une partie des forains de la Saint-Romain. Conséquence : cette année plus assez de place pour tout le monde. Deux d’entre eux envahissent cette « prairie Saint-Sever » avec leurs camions et y installent leurs imposantes attractions. Robert, Maire socialiste, capitule. Bérégovoy, Adjoint écolo, s’insurge. Il n’a pas encore compris qu’il n’est sur la liste du deuxième tour que pour permettre l’élection du premier.
18 octobre 2014
Troisième soirée consécutive avec l’Opéra de Rouen ce jeudi soir, cette fois sous le parrainage d’une banque qui parvient à glisser son nom dans le titre du concert en échange de son soutien à l’art lyrique. Une partie du public est là à son invitation. Il s’agit d’ouïr les lauréat(e)s de l’Académie du Festival d’Aix-en-Provence : une mezzo-soprano, un ténor et le pianiste les accompagnant.
Je suis sur une chaise au premier rang d’où voir les doigts du musicien. Un jeune homme d’allure contemporaine entre en scène, se présente comme l’un des opérateurs du Festival puis dit un mot de la soirée. Les trois lauréats sont anglais d’où une seconde partie consacrée à des chansons de leur pays dues à des compositeurs divers dont Benjamin Britten. La première partie est dévolue à Franz Schubert et Robert (et Clara) Schumann.
Entrent en queue de pie le pianiste David Smith et le ténor Rubert Charlesworth, bel homme et belle prestance, tandis que le présentateur au pantalon volontairement trop court se transforme en tourneur de pages. Ce ténor au bel organe vocal est fort applaudi. Il en est de même pour la mezzo-soprano Kitty Whately, moins à l’aise corporellement dans sa longue robe rouge mais tout aussi douée pour le chant.
Après l’entracte, en plus du piano, les chansons anglaises sont accompagnées par un bruit de pluie qui donne une idée de ce qui tombe dehors. En bonus est offert le Duo des chats de Gioachino Rossini, pour lequel Rubert Charlesworth y va franchement, un petit coup de folie bienvenu après la prestation comme il faut qu’impose le genre lyrique.
*
Quelques mots à rayer du vocabulaire (quand je serai dictateur du langage) : les verbes concocter, se ressourcer, rebondir, peaufiner ; les qualificatifs citoyen, convivial, ludique, interactif, participatif, jubilatoire.
*
Entendu sur France Cul dans la bouche d’un dont je n’ai pas le nom, à propos de la Troisième Guerre Mondiale : « On en est à la répétition en costume. »
Je suis sur une chaise au premier rang d’où voir les doigts du musicien. Un jeune homme d’allure contemporaine entre en scène, se présente comme l’un des opérateurs du Festival puis dit un mot de la soirée. Les trois lauréats sont anglais d’où une seconde partie consacrée à des chansons de leur pays dues à des compositeurs divers dont Benjamin Britten. La première partie est dévolue à Franz Schubert et Robert (et Clara) Schumann.
Entrent en queue de pie le pianiste David Smith et le ténor Rubert Charlesworth, bel homme et belle prestance, tandis que le présentateur au pantalon volontairement trop court se transforme en tourneur de pages. Ce ténor au bel organe vocal est fort applaudi. Il en est de même pour la mezzo-soprano Kitty Whately, moins à l’aise corporellement dans sa longue robe rouge mais tout aussi douée pour le chant.
Après l’entracte, en plus du piano, les chansons anglaises sont accompagnées par un bruit de pluie qui donne une idée de ce qui tombe dehors. En bonus est offert le Duo des chats de Gioachino Rossini, pour lequel Rubert Charlesworth y va franchement, un petit coup de folie bienvenu après la prestation comme il faut qu’impose le genre lyrique.
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Quelques mots à rayer du vocabulaire (quand je serai dictateur du langage) : les verbes concocter, se ressourcer, rebondir, peaufiner ; les qualificatifs citoyen, convivial, ludique, interactif, participatif, jubilatoire.
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Entendu sur France Cul dans la bouche d’un dont je n’ai pas le nom, à propos de la Troisième Guerre Mondiale : « On en est à la répétition en costume. »
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