Dernières notes
Loïc Boyer
Je suis l’auteur de textes courts qui furent publiés depuis mil neuf cent quatre-vingt-quinze dans des revues littéraires en France (Supérieur Inconnu, Supplément d’Ame, Nouvelle Donne, Le Bord de l’Eau, Pris de Peur, l’Art du Bref, Sol’Air, Gros Textes, Salmigondis, Verso, Décharge, Bulle, Filigranes, Diérèse, Martobre, Comme ça et Autrement, (Cahier d’) Ecritures, La Nef des Fous), en Belgique (Traversées, Ecrits Vains, L’Arbre à Plumes, Inédit Nouveau, Bleu d’Encre), au Canada (Les Saisons Littéraires) et en Italie (Les Cahiers du Ru).
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.
14 avril 2015
« Très bizarre de vous voir en dehors des murs », me dit le placeur en chef de l’Opéra de Rouen que je croise dans le jardin de l’Hôtel de Ville alors que je me rends chez Marché Plus pour quelques emplettes, c’est lundi.
-C’est réciproque, lui dis-je.
En début d’après-midi, je retrouve l’Opéra à l’Interlude où je renoue avec la terrasse, deux solistes de l’Orchestre y déjeunent ensemble. Dans le reste des attablé(e)s certain(e)s que je voyais tous les jours l’an dernier semblent ne pas avoir quitté leur table.
Je suis plongé dans le début du volume deux des Lettres au Castor et à quelques autres de Jean-Paul Sartre quand une de mes connaissances me salue.
-Pas de Son du Cor aujourd’hui, me dit-il.
-Eh non, c’est lundi.
Un lundi dont je ne ferai pas grand-chose. Elle est finie l’époque où j’allais les soirs de ce premier jour de semaine aux concerts gratuits du Kalif, faisant par tous les temps le chemin pentu à pied jusqu’à la lointaine salle de concert. L’envie m’en est passée.
Désormais, à l’annonce d’un concert, ma réaction est souvent : c’est trop loin ou bien c’est trop tard (comme pour ceux des Trois Pièces qui commencent au mieux à vingt et une heures).
*
L’idée, ce serait d’en avoir une.
-C’est réciproque, lui dis-je.
En début d’après-midi, je retrouve l’Opéra à l’Interlude où je renoue avec la terrasse, deux solistes de l’Orchestre y déjeunent ensemble. Dans le reste des attablé(e)s certain(e)s que je voyais tous les jours l’an dernier semblent ne pas avoir quitté leur table.
Je suis plongé dans le début du volume deux des Lettres au Castor et à quelques autres de Jean-Paul Sartre quand une de mes connaissances me salue.
-Pas de Son du Cor aujourd’hui, me dit-il.
-Eh non, c’est lundi.
Un lundi dont je ne ferai pas grand-chose. Elle est finie l’époque où j’allais les soirs de ce premier jour de semaine aux concerts gratuits du Kalif, faisant par tous les temps le chemin pentu à pied jusqu’à la lointaine salle de concert. L’envie m’en est passée.
Désormais, à l’annonce d’un concert, ma réaction est souvent : c’est trop loin ou bien c’est trop tard (comme pour ceux des Trois Pièces qui commencent au mieux à vingt et une heures).
*
L’idée, ce serait d’en avoir une.
13 avril 2015
Ce dimanche, le jour à peine levé, j’entre pédestrement dans l’île Lacroix. Un jeune homme barbu court après moi et me demande si j’y habite. Non, pourquoi ? Il a perdu son furet et un ami lui a dit en avoir vu un ici. Retrouver sur une île aussi grande l’animal dont on a fait une chanson obscène pour enfants n’entravant pas la contrepèterie ne va pas être simple. Je lui souhaite bonne chance et retrouve ma voiture, direction le vide grenier de Gaillon.
Je me gare à l’entrée, parcours par deux fois la rue principale pentue et les places attenantes sans y trouver le moindre livre à mon goût, ne dépensant mon argent que pour du ruban adhésif et des confitures.
Sur la route du retour je fais un crochet par Saint-Etienne-du-Vauvray. Une habitante m’indique où trouver le vide grenier inédit qui s’y tient sur les hauteurs dans un récent quartier pavillonnaire. De jeunes couples avec enfants ont déballé devant la maison dont ils viennent de devenir propriétaire au milieu de pas grand-chose dans un village sans commerçants. On trouve donc là des jouets et de la layette.
Rentré à Rouen, je vais profiter du soleil à la terrasse du Son du Cor où je suis entouré de trentenaires « retour du marché » venus faire là leur bronche dominical. Il est réjouissant de voir ces jeunes gens, dont beaucoup votent écolo, dévorer saucissons, pâtés et fruits d’importation en discutant de sujets sans intérêt (séries, foute, etc.).
On bronche aussi à l’Ubi dont c’est le premier anniversaire, ou plutôt devant l’Ubi. Les tables ont été sorties sur le trottoir de la rue Alsace-Lorraine entre vitrine et voie de bus Teor. Le coup de soleil est assuré et l’ambiance mise par un accordéon roumain. La fête ouverte à tous n’a pas attiré foule.
Ne m’y arrêtant pas, je vais faire le tour du vide grenier qui se tient sur et autour de la place Lelieur, pas loin de la Cathédrale. Je n’y trouve rien pour moi, hormis un livre que le vendeur peu sympathique prétend me vendre à un prix que je n’ai pas envie d’accepter. Je le lui laisse, histoire de lui rappeler que c’est l’acheteur qui a le pouvoir.
*
L’argument massue des jeunes parents broncheurs du Son du Cor à leurs moutard(e)s qui s’impatientent : « Cet après-midi, on va aller au parc ». Le parc, ce doit être le jardin de l’Hôtel de Ville. Le sous-entendu : Si tu continues à nous casser les pieds, on n’ira pas au parc.
*
Rouen, rue de la République. Femme portant fièrement sur son ventre un dossier sur lequel est écrit : Félicitation vous êtes enceinte.
Je me gare à l’entrée, parcours par deux fois la rue principale pentue et les places attenantes sans y trouver le moindre livre à mon goût, ne dépensant mon argent que pour du ruban adhésif et des confitures.
Sur la route du retour je fais un crochet par Saint-Etienne-du-Vauvray. Une habitante m’indique où trouver le vide grenier inédit qui s’y tient sur les hauteurs dans un récent quartier pavillonnaire. De jeunes couples avec enfants ont déballé devant la maison dont ils viennent de devenir propriétaire au milieu de pas grand-chose dans un village sans commerçants. On trouve donc là des jouets et de la layette.
Rentré à Rouen, je vais profiter du soleil à la terrasse du Son du Cor où je suis entouré de trentenaires « retour du marché » venus faire là leur bronche dominical. Il est réjouissant de voir ces jeunes gens, dont beaucoup votent écolo, dévorer saucissons, pâtés et fruits d’importation en discutant de sujets sans intérêt (séries, foute, etc.).
On bronche aussi à l’Ubi dont c’est le premier anniversaire, ou plutôt devant l’Ubi. Les tables ont été sorties sur le trottoir de la rue Alsace-Lorraine entre vitrine et voie de bus Teor. Le coup de soleil est assuré et l’ambiance mise par un accordéon roumain. La fête ouverte à tous n’a pas attiré foule.
Ne m’y arrêtant pas, je vais faire le tour du vide grenier qui se tient sur et autour de la place Lelieur, pas loin de la Cathédrale. Je n’y trouve rien pour moi, hormis un livre que le vendeur peu sympathique prétend me vendre à un prix que je n’ai pas envie d’accepter. Je le lui laisse, histoire de lui rappeler que c’est l’acheteur qui a le pouvoir.
*
L’argument massue des jeunes parents broncheurs du Son du Cor à leurs moutard(e)s qui s’impatientent : « Cet après-midi, on va aller au parc ». Le parc, ce doit être le jardin de l’Hôtel de Ville. Le sous-entendu : Si tu continues à nous casser les pieds, on n’ira pas au parc.
*
Rouen, rue de la République. Femme portant fièrement sur son ventre un dossier sur lequel est écrit : Félicitation vous êtes enceinte.
11 avril 2015
Jazz mardi, Offenbach jeudi, je pense que je ne vais pas perdre au change (comme on dit) assis sur ma chaise de premier rang à l’Opéra de Rouen. J’en ai confirmation quand je vois à l’œuvre le chef belge Jean-Pierre Haeck dont le physique est celui qu’on décrit volontiers comme d’un bon vivant.
Après l’ouverture de La Fille du Tambour-Major, il prend le micro pour dire son plaisir de retrouver l’Orchestre d’ici qu’il a accompagné il y a quelques années lors d’une tournée en Russie et son contentement d’avoir mis sur scène le concert de ce soir.
Jean-Pierre Haeck a la faconde et l’humour belges et il est tombé dans Offenbach quand il était petit. Il aime les anecdotes, ce qui est pour me plaire. Ainsi raconte-t-il qu’Hortense Schneider, la première à chanter Ah que j’aime les militaires, était surnommée « le passage des princes ». C’est la mezzo-soprano Majdouline Zerari qui interprète cet air de La Grande Duchesse de Gérolstein au contentement de tous. Elle en alterne d’autres avec le ténor Carlos Natale, très bien dans l’Air du Brésilien de La Vie Parisienne.
-Vous allez maintenant pouvoir prendre une boisson alcoolisée au bar, déclare Jean-Pierre Haeck, alors que pour nous autres, ce sera Cristalline ou Evian.
-J’avais tellement besoin d’une soirée comme ça, déclare une dame pendant cet entracte
-Ah que c’est bon ! gémit une autre.
A la reprise, c’est l’ouverture de La Belle Hélène puis « en première mondiale », orchestrées par Jean-Pierre Haeck à la demande du maître des lieux Frédéric Roels, deux fables de la Fontaine originellement mise en musique pour voix et piano par Jacques Offenbach. Majdouline Zerari se charge de La Cigale et la Fourmi et Carlos Natale du Corbeau et le Renard. Suivent des airs de La Périchole dont le réjouissant Que les hommes sont bêtes.
-Vous compterez le nombre de fois où c’est répété, nous invite le volubile chef. Dans les années soixante, la variété française a fait des chansons avec moins que ça.
Il nous aide à compter tout en dirigeant et cela se termine en frappant dans les mains tous ensemble pendant le Galop infernal d’Orphée aux Enfers.
-Nous partons en tournée avec ce programme, nous dit Jean-Pierre Haeck, vous pouvez donc revenir nous entendre ailleurs. Je ne raconterai pas forcément la même chose mais pendant dix jours ce sera tous les soirs la première mondiale.
*
Jean-Pierre Haeck, à propos de l’inimitié Wagner Offenbach :
-Wagner disait qu’Offenbach faisait du bruit, tandis qu’Offenbach déjà pétri de culture française ne disait rien, ce qui dans certaines circonstances est beaucoup plus méprisant.
*
Je n’imagine pas Offenbach dirigé par un anorexique.
Après l’ouverture de La Fille du Tambour-Major, il prend le micro pour dire son plaisir de retrouver l’Orchestre d’ici qu’il a accompagné il y a quelques années lors d’une tournée en Russie et son contentement d’avoir mis sur scène le concert de ce soir.
Jean-Pierre Haeck a la faconde et l’humour belges et il est tombé dans Offenbach quand il était petit. Il aime les anecdotes, ce qui est pour me plaire. Ainsi raconte-t-il qu’Hortense Schneider, la première à chanter Ah que j’aime les militaires, était surnommée « le passage des princes ». C’est la mezzo-soprano Majdouline Zerari qui interprète cet air de La Grande Duchesse de Gérolstein au contentement de tous. Elle en alterne d’autres avec le ténor Carlos Natale, très bien dans l’Air du Brésilien de La Vie Parisienne.
-Vous allez maintenant pouvoir prendre une boisson alcoolisée au bar, déclare Jean-Pierre Haeck, alors que pour nous autres, ce sera Cristalline ou Evian.
-J’avais tellement besoin d’une soirée comme ça, déclare une dame pendant cet entracte
-Ah que c’est bon ! gémit une autre.
A la reprise, c’est l’ouverture de La Belle Hélène puis « en première mondiale », orchestrées par Jean-Pierre Haeck à la demande du maître des lieux Frédéric Roels, deux fables de la Fontaine originellement mise en musique pour voix et piano par Jacques Offenbach. Majdouline Zerari se charge de La Cigale et la Fourmi et Carlos Natale du Corbeau et le Renard. Suivent des airs de La Périchole dont le réjouissant Que les hommes sont bêtes.
-Vous compterez le nombre de fois où c’est répété, nous invite le volubile chef. Dans les années soixante, la variété française a fait des chansons avec moins que ça.
Il nous aide à compter tout en dirigeant et cela se termine en frappant dans les mains tous ensemble pendant le Galop infernal d’Orphée aux Enfers.
-Nous partons en tournée avec ce programme, nous dit Jean-Pierre Haeck, vous pouvez donc revenir nous entendre ailleurs. Je ne raconterai pas forcément la même chose mais pendant dix jours ce sera tous les soirs la première mondiale.
*
Jean-Pierre Haeck, à propos de l’inimitié Wagner Offenbach :
-Wagner disait qu’Offenbach faisait du bruit, tandis qu’Offenbach déjà pétri de culture française ne disait rien, ce qui dans certaines circonstances est beaucoup plus méprisant.
*
Je n’imagine pas Offenbach dirigé par un anorexique.
10 avril 2015
Je suis ce mercredi à la fontaine Saint-Michel où un immobiliste et un faiseur de bulles géantes tentent d’arracher quelques pièces aux touristes, appuyé sur la barre que la Mairie de Paris a eu la bonne idée d’adjoindre à la grille qui longe le trottoir de ce haut lieu de rendez-vous. « Sois à l’heure, j’ai de plus en plus de mal à attendre », lui ai-je écrit, et pile à midi elle surgit.
Je lui propose de déjeuner chez Tokyotori, rue Monsieur-le-Prince, où nous sommes souvent allés lorsque nous étions ensemble (comme on dit). Ce sera l’occasion de solder la carte de fidélité qui nous donne droit à une réduction de dix euros. Elle est depuis longtemps dans mon portefeuille.
Il fait un temps magnifique. Nous nous installons à l’une des six tables de trottoir, celle qui sera encore partiellement au soleil à la fin de repas. Entre sushi et maki, du vin blanc dans nos verres, nous parlons de nos vies respectives et de celle d’avant quand nous étions amoureux. Nous convenons que c’est notre ultime repas ici.
Pour rejoindre la Bastille où elle travaille et où Book-Off m’appelle, nous attendons le bus Quatre-Vingt-Six. Il met aussi longtemps pour arriver qu’un bus rouennais et il est bondé. Nous voyageons debout, alors que, me dit-elle, elle ne se sent pas très bien.
A l’arrivée, nous prenons un café à la terrasse d’un Péhemmu ensoleillé puis il faut se séparer. Elle passe à la pharmacie avant de rejoindre celui pour qui elle travaille. Je passe acheter des petits carnets chez Muji avant de rejoindre Book-Off où je me sens un peu morose, ne trouvant pour me plaire que Premier et deuxième Memoranda de Jules-Amédée Barbey d’Aurevilly (Rue Fromentin).
Evoquer le passé ne fait pas toujours du bien à notre présent.
*
Lycéen musicien et sa cour de lycéennes à la table voisine au Son du Cor tandis que j’y lis la correspondance de Sartre, ce jeudi midi.
L’une :
-Thomas Dutronc, il a pas un père qu’est aussi dans la musique ?
Lui :
-Ben oui, c’est Jacques Dutronc.
Une autre :
-Ma grand-mère, elle a eu l’un des deux dans sa classe, faudra que je lui demande lequel.
Ensuite, elles et lui parlent de Michel Mallory, autre chanteur ayant lien avec la Corse, dont je n’avais plus entendu le nom depuis les années soixante-dix et son Cow-boy d’Aubervilliers (ils connaissent son fils), et du dernier disque d’Hubert-Félix Thiéfaine qu’ils trouvent très bien (comme celle avec j’ai déjeuné la veille, à qui ils me font penser).
Je lui propose de déjeuner chez Tokyotori, rue Monsieur-le-Prince, où nous sommes souvent allés lorsque nous étions ensemble (comme on dit). Ce sera l’occasion de solder la carte de fidélité qui nous donne droit à une réduction de dix euros. Elle est depuis longtemps dans mon portefeuille.
Il fait un temps magnifique. Nous nous installons à l’une des six tables de trottoir, celle qui sera encore partiellement au soleil à la fin de repas. Entre sushi et maki, du vin blanc dans nos verres, nous parlons de nos vies respectives et de celle d’avant quand nous étions amoureux. Nous convenons que c’est notre ultime repas ici.
Pour rejoindre la Bastille où elle travaille et où Book-Off m’appelle, nous attendons le bus Quatre-Vingt-Six. Il met aussi longtemps pour arriver qu’un bus rouennais et il est bondé. Nous voyageons debout, alors que, me dit-elle, elle ne se sent pas très bien.
A l’arrivée, nous prenons un café à la terrasse d’un Péhemmu ensoleillé puis il faut se séparer. Elle passe à la pharmacie avant de rejoindre celui pour qui elle travaille. Je passe acheter des petits carnets chez Muji avant de rejoindre Book-Off où je me sens un peu morose, ne trouvant pour me plaire que Premier et deuxième Memoranda de Jules-Amédée Barbey d’Aurevilly (Rue Fromentin).
Evoquer le passé ne fait pas toujours du bien à notre présent.
*
Lycéen musicien et sa cour de lycéennes à la table voisine au Son du Cor tandis que j’y lis la correspondance de Sartre, ce jeudi midi.
L’une :
-Thomas Dutronc, il a pas un père qu’est aussi dans la musique ?
Lui :
-Ben oui, c’est Jacques Dutronc.
Une autre :
-Ma grand-mère, elle a eu l’un des deux dans sa classe, faudra que je lui demande lequel.
Ensuite, elles et lui parlent de Michel Mallory, autre chanteur ayant lien avec la Corse, dont je n’avais plus entendu le nom depuis les années soixante-dix et son Cow-boy d’Aubervilliers (ils connaissent son fils), et du dernier disque d’Hubert-Félix Thiéfaine qu’ils trouvent très bien (comme celle avec j’ai déjeuné la veille, à qui ils me font penser).
9 avril 2015
« On n’a jamais eu autant de monde que ce soir », dit un placeur à deux autres alors que j’attends la permission de monter dans les étages de l’Opéra de Rouen ce mardi soir, j’ai place au premier balcon sur un strapontin dont j’ignorais jusqu’à présent l’existence.
J’y suis bien assis et dans l’axe du piano sur lequel va jouer celui qui attire les foules : Brad Mehldau, de passage ici avant trois concerts à la Philharmonie de Paris. Une moitié du public est constituée des abonnés de l’Opéra et l’autre par les membres ou sympathisants de Rouen Jazz Action. Ces derniers viennent là comme d’autres vont à la messe le dimanche. Les premiers se disent : « Puisque c’est ça qu’on nous propose » ou bien « On va voir ce que ça donne ». Il y a sans doute aussi dans cette masse des personnes autant contentes d’assister à un concert de jazz qu’à un concert classique.
Michel Jules, chef de Rouen Jazz Action, au micro à fil, explique que c’est la quatrième fois en vingt ans qu’il fait venir Brad Mehldau à Rouen (applaudissements) et annonce que l’an prochain, ce n’est pas deux mais trois concerts de jazz qui seront au programme de l’Opéra (applaudissements). Et donc trois concerts de musique dite classique en moins, me dis-je.
Brad Mehldau (né à Jacksonville), qui fait un bel effort pour s’adresser au public en français, est en compagnie de Larry Grenadier (contrebassiste né à San Francisco) et de Jeff Ballard (batteur né Santa Cruz). Leur musique est un jazz des plus traditionnels avec alternance de compositions personnelles et de reprises (Chico Buarque, Sidney Bechet, etc.), cela joué sous un éclairage basique et qui ne change jamais.
Chacun y va de ses improvisations et montre ce qu’il sait faire aux deux autres et au public. Brad Mehldau semble prendre plus de plaisir à écouter les deux autres qu’à jouer lui-même, jusqu’à s’asseoir en position du lotus sur son siège pour mieux profiter d’un solo de batterie. Le trio est bien applaudi sans toutefois soulever la foule.
Cette musique ne m’est pas désagréable. Elle me fait l’effet d’un massage capillaire chez la coiffeuse, mais elle n’atteint pas mon cerveau, comme l’autre jour celle de Beethoven jouée par le pianiste Andreï Korobeinikov.
A propos de ce concert, une lectrice me signale également que je me suis trompé en croyant reconnaître le bonus : « Je vous cite ”Dehors, il règne un vent tempétueux bien en accord avec la musique tourmentée du « Maître de Bonn ». alors permettez-moi de vous dire que c’était normal, le Bis étant le troisième mouvement -allegreto- de la sonate N° 17, dite” la tempête”. Petit clin d’œil de l’interprète sans doute! ».
Ce qui est agréable avec ces mélomanes avertis de l’Opéra de Rouen, c’est la façon courtoise dont ils me signalent mon erreur. Personne pour me dire : « Vous racontez n’importe quoi, vous n’y connaissez rien ».
J’y suis bien assis et dans l’axe du piano sur lequel va jouer celui qui attire les foules : Brad Mehldau, de passage ici avant trois concerts à la Philharmonie de Paris. Une moitié du public est constituée des abonnés de l’Opéra et l’autre par les membres ou sympathisants de Rouen Jazz Action. Ces derniers viennent là comme d’autres vont à la messe le dimanche. Les premiers se disent : « Puisque c’est ça qu’on nous propose » ou bien « On va voir ce que ça donne ». Il y a sans doute aussi dans cette masse des personnes autant contentes d’assister à un concert de jazz qu’à un concert classique.
Michel Jules, chef de Rouen Jazz Action, au micro à fil, explique que c’est la quatrième fois en vingt ans qu’il fait venir Brad Mehldau à Rouen (applaudissements) et annonce que l’an prochain, ce n’est pas deux mais trois concerts de jazz qui seront au programme de l’Opéra (applaudissements). Et donc trois concerts de musique dite classique en moins, me dis-je.
Brad Mehldau (né à Jacksonville), qui fait un bel effort pour s’adresser au public en français, est en compagnie de Larry Grenadier (contrebassiste né à San Francisco) et de Jeff Ballard (batteur né Santa Cruz). Leur musique est un jazz des plus traditionnels avec alternance de compositions personnelles et de reprises (Chico Buarque, Sidney Bechet, etc.), cela joué sous un éclairage basique et qui ne change jamais.
Chacun y va de ses improvisations et montre ce qu’il sait faire aux deux autres et au public. Brad Mehldau semble prendre plus de plaisir à écouter les deux autres qu’à jouer lui-même, jusqu’à s’asseoir en position du lotus sur son siège pour mieux profiter d’un solo de batterie. Le trio est bien applaudi sans toutefois soulever la foule.
Cette musique ne m’est pas désagréable. Elle me fait l’effet d’un massage capillaire chez la coiffeuse, mais elle n’atteint pas mon cerveau, comme l’autre jour celle de Beethoven jouée par le pianiste Andreï Korobeinikov.
A propos de ce concert, une lectrice me signale également que je me suis trompé en croyant reconnaître le bonus : « Je vous cite ”Dehors, il règne un vent tempétueux bien en accord avec la musique tourmentée du « Maître de Bonn ». alors permettez-moi de vous dire que c’était normal, le Bis étant le troisième mouvement -allegreto- de la sonate N° 17, dite” la tempête”. Petit clin d’œil de l’interprète sans doute! ».
Ce qui est agréable avec ces mélomanes avertis de l’Opéra de Rouen, c’est la façon courtoise dont ils me signalent mon erreur. Personne pour me dire : « Vous racontez n’importe quoi, vous n’y connaissez rien ».
8 avril 2015
En ce lundi de Pâques, allant vers ma voiture au lever du jour, j’ai l’impression d’être le seul piéton dans les rues de Rouen. En bas de la rue de la Rép je laisse prudemment passer une voiture avant de m’engager sur le passage pour piétons, mais celle-ci s’arrête. La vitre se baisse et m’apparaît un jeune conducteur enivré.
-Pardon monsieur, me dit-il, vous savez pas où je pourrais trouver un petit troquet ouvert pour boire un café.
-Un lundi de Pâques, ça va être difficile.
-Quand même, y doit bien y en avoir un.
Je m’en débarrasse en l’envoyant vers la place Saint-Marc, songeant que sur la route je vais en croiser d’autres dans le même état que lui.
J’arrive sans encombre et dans le brouillard à Montfort-sur-Risle, me gare devant le collège Marcel-Marceron et rejoins à pied Appeville-dit-Annebault où c’est l’annuel grand déballage. Il est fort fréquenté étant sans concurrence proche. On y croise même des célébrités.
-Tu as vu là-bas, c’est Sheila, dit l’un à l’autre.
En effet, non pas celle pour qui l’école est finie depuis longtemps, mais l’imposante vendeuse de dévédés du Clos Saint-Marc, connue sous ce nom pour avoir autrefois collectionné tout ce qui se rapporte à la chanteuse à couettes. Désormais, elle cherche tout sur les chats. C’est donc une aubaine pour les vendeurs et, contrairement à moi, elle n’est jamais déçue.
Je le suis encore cette fois, peu de cédés, peu de livres, rien qui puisse m’intéresser. Je parcours néanmoins consciencieusement toutes les rues concernées. Dans celle qui grimpe vers la forêt, des déballeurs proposent également leur maison à la vente. En redescendant j’achète deux ramettes de papier qui pèsent à mon bras. Je passe devant le restaurant routier, lieu de souvenir, arrive à l’autre bout du pays et refais le tour tandis que le brouillard se lève un peu sous l’assaut du soleil. Apparaissent moutons et chevaux dans les prés, mais pas davantage de livres.
Une radio annonce qu’une famille roumaine a tenté de vendre sa fille de quatorze ans à un homme de la région. Je vois l’oreille des hommes alentour devenir attentive et leur œil friser. Un peu plus loin un vendeur énervé dit à un acheteur pinailleur :
-Tu veux peut-être ma sœur en plus pour le même prix ?
-Pourquoi pas, lui répond l’autre.
J’arrive vers où je suis garé, sans livre ou cédé dans mon sac, au moment où une sono diffuse Nathalie et La plus belle pour aller danser, songeant à la fois où dans ce vide grenier j’ai laissé échapper l’achat d’un Utrillo. Authentique ou copie, je ne le saurai jamais.
Si c’était un vrai, je serais riche aujourd’hui, heureux propriétaire de plusieurs filles de quatorze ans (après ce genre de propos, il vaut mieux désormais dire que l’on plaisante).
*
L’après-midi, calé dans ma chaise longue, je lis au jardin les Lettres au Castor et à quelques autres de Jean-Paul Sartre, tandis qu’un nouveau voisin sur le banc improvise à la guitare. Il est bientôt remplacé par la voisine chargée de la tonte de la pelouse, un privilège de propriétaire. Elle ne peut faire ça un autre jour, s’excuse-t-elle. Ces gens qui travaillent en semaine sont bien embêtants.
-Pardon monsieur, me dit-il, vous savez pas où je pourrais trouver un petit troquet ouvert pour boire un café.
-Un lundi de Pâques, ça va être difficile.
-Quand même, y doit bien y en avoir un.
Je m’en débarrasse en l’envoyant vers la place Saint-Marc, songeant que sur la route je vais en croiser d’autres dans le même état que lui.
J’arrive sans encombre et dans le brouillard à Montfort-sur-Risle, me gare devant le collège Marcel-Marceron et rejoins à pied Appeville-dit-Annebault où c’est l’annuel grand déballage. Il est fort fréquenté étant sans concurrence proche. On y croise même des célébrités.
-Tu as vu là-bas, c’est Sheila, dit l’un à l’autre.
En effet, non pas celle pour qui l’école est finie depuis longtemps, mais l’imposante vendeuse de dévédés du Clos Saint-Marc, connue sous ce nom pour avoir autrefois collectionné tout ce qui se rapporte à la chanteuse à couettes. Désormais, elle cherche tout sur les chats. C’est donc une aubaine pour les vendeurs et, contrairement à moi, elle n’est jamais déçue.
Je le suis encore cette fois, peu de cédés, peu de livres, rien qui puisse m’intéresser. Je parcours néanmoins consciencieusement toutes les rues concernées. Dans celle qui grimpe vers la forêt, des déballeurs proposent également leur maison à la vente. En redescendant j’achète deux ramettes de papier qui pèsent à mon bras. Je passe devant le restaurant routier, lieu de souvenir, arrive à l’autre bout du pays et refais le tour tandis que le brouillard se lève un peu sous l’assaut du soleil. Apparaissent moutons et chevaux dans les prés, mais pas davantage de livres.
Une radio annonce qu’une famille roumaine a tenté de vendre sa fille de quatorze ans à un homme de la région. Je vois l’oreille des hommes alentour devenir attentive et leur œil friser. Un peu plus loin un vendeur énervé dit à un acheteur pinailleur :
-Tu veux peut-être ma sœur en plus pour le même prix ?
-Pourquoi pas, lui répond l’autre.
J’arrive vers où je suis garé, sans livre ou cédé dans mon sac, au moment où une sono diffuse Nathalie et La plus belle pour aller danser, songeant à la fois où dans ce vide grenier j’ai laissé échapper l’achat d’un Utrillo. Authentique ou copie, je ne le saurai jamais.
Si c’était un vrai, je serais riche aujourd’hui, heureux propriétaire de plusieurs filles de quatorze ans (après ce genre de propos, il vaut mieux désormais dire que l’on plaisante).
*
L’après-midi, calé dans ma chaise longue, je lis au jardin les Lettres au Castor et à quelques autres de Jean-Paul Sartre, tandis qu’un nouveau voisin sur le banc improvise à la guitare. Il est bientôt remplacé par la voisine chargée de la tonte de la pelouse, un privilège de propriétaire. Elle ne peut faire ça un autre jour, s’excuse-t-elle. Ces gens qui travaillent en semaine sont bien embêtants.
7 avril 2015
Etre réveillé au milieu de la nuit par l’Archevêque qui sonne les cloches de la Cathédrale, j’oublie d’une année sur l’autre ce plaisir pascal. Rendormi assez vite, je suis debout à six heures et dès le jour levé, la lune ronde éclairant le ciel, je prends la route de Clères ne croisant que des ambulances à gyrophare bleu.
Je fais quelques kilomètres en trop pour avoir oublié qu’il fallait tourner vers Montville, me gare avant le parc animalier et atteins l’objectif au moment où des gouttes d’eau font pester tout le monde : « Y nous avaient pourtant dit qu’y ferait soleil. » Celui-ci se montre un peu, l’averse passée. Les plastiques sont enlevés mais la marchandise qui apparaît n’est pas des plus attrayantes, guère de livres, pas de cédés.
Après avoir parcouru les rues concernées par le déballage et les allées étroites au bord du ruisseau où m’énervent celles et ceux qui ne vont pas assez vite, après être passé sous la halle où c’est le même encombrement, il ne me reste plus qu’à rentrer bredouille. Une nouvelle fois, je me dis qu’il serait bien de venir faire un tour dans ce beau bourg un jour ordinaire et ensoleillé.
Au milieu de cette après-midi de Pâques arrive celle de qui j’attends mon salut. Je la laisse dans ma chambre s’occuper de remplacer ma vieille box Orange par une nouvelle. J’imaginais qu’il lui faudrait une bonne heure mais l’affaire est rondement menée par cette digital native, Cette nouvelle box passe un moment par des couleurs inquiétantes mais cela se stabilise et me voici à nouveau relié au monde entier et un peu rassuré sur la nature humaine. Il existe encore quelqu’une, ayant pourtant autre chose à faire, pour venir aider quelqu’un qu’elle connaît à peine. Je lui remets en remerciement l’édition canadienne de La petite fille qui aimait trop les allumettes de Gaétan Soucy, qu’elle lira peut-être, et un bouquet de jonquilles acheté au marché du matin.
Je fais quelques kilomètres en trop pour avoir oublié qu’il fallait tourner vers Montville, me gare avant le parc animalier et atteins l’objectif au moment où des gouttes d’eau font pester tout le monde : « Y nous avaient pourtant dit qu’y ferait soleil. » Celui-ci se montre un peu, l’averse passée. Les plastiques sont enlevés mais la marchandise qui apparaît n’est pas des plus attrayantes, guère de livres, pas de cédés.
Après avoir parcouru les rues concernées par le déballage et les allées étroites au bord du ruisseau où m’énervent celles et ceux qui ne vont pas assez vite, après être passé sous la halle où c’est le même encombrement, il ne me reste plus qu’à rentrer bredouille. Une nouvelle fois, je me dis qu’il serait bien de venir faire un tour dans ce beau bourg un jour ordinaire et ensoleillé.
Au milieu de cette après-midi de Pâques arrive celle de qui j’attends mon salut. Je la laisse dans ma chambre s’occuper de remplacer ma vieille box Orange par une nouvelle. J’imaginais qu’il lui faudrait une bonne heure mais l’affaire est rondement menée par cette digital native, Cette nouvelle box passe un moment par des couleurs inquiétantes mais cela se stabilise et me voici à nouveau relié au monde entier et un peu rassuré sur la nature humaine. Il existe encore quelqu’une, ayant pourtant autre chose à faire, pour venir aider quelqu’un qu’elle connaît à peine. Je lui remets en remerciement l’édition canadienne de La petite fille qui aimait trop les allumettes de Gaétan Soucy, qu’elle lira peut-être, et un bouquet de jonquilles acheté au marché du matin.
6 avril 2015
Sous la direction artistique de Thomas Cartron et Sylvain Wavrant c’est exposition, performance et concert ce samedi soir à l’Ubi pour la parution du quatrième numéro de l’élégant magazine Nos Années Sauvages, fruit de plusieurs artistes de tous les domaines. Le thème en est « Résurrection », ça tombe à Pâques.
Grâce aux nombreux humains qui s’y trouvent déjà, il fait une chaleur inhabituelle à l’Ubi quand j’y arrive vers dix-neuf heures. Je fais le tour des œuvres montrées, dont beaucoup de volatiles morts, peints ou empaillés, parmi lesquels les moineaux moulés et colorés de T.D.H. On en mangerait. Un petit bâton en plus et on les prendrait pour des glaces coulantes qui auraient beaucoup de succès auprès des enfants. Quelques-un(e)s sont présents, pour qui le sol jonché de plumes est terrain de jeu. Que de volailles il a fallu plumer pour cette soirée ! Deux garçons se roulent également dedans mais là il s’agit d’une performance. Je vais chercher un cocktail aux fruits rouges au bar où officient Claire et Laura fort élégamment munies dans les cheveux d’un accessoire à plumes signé Wavrant
-Michel, dans son coin, se demande ce qu’il va bien pouvoir raconter de la soirée, me dit un acteur ayant bureau ici.
Ce soir, je ne peux pas compter sur quelques réparties intéressantes, les conversations sont platement quotidiennes. Une fille perchée sur le bar énonce de façon faussement dramatique l’objet de la soirée. « Ça n’est pas grave si le roi ne vient pas », chantonne-t-elle. Peut-être que si. Ou du moins que la plupart des présent(e)s s’intéressent peu à ce qui se passe, ne commentant les évènements ou les œuvres que sur le ton de la plaisanterie. C’est encore une soirée bar et trottoir, boissons et cigarettes.
Tallisker est de la fête. A huit heures précises, elle commence à interpréter ses compositions que ne viennent écouter qu’une partie des présent(e)s. La plus belle honte de la soirée est alors pour la fille qui marchant parmi les plumes se prend le pied dans le câble électrique et arrache la prise, coupant net la musique pour un moment car il ne s’agit pas seulement de rebrancher, il faut à la chanteuse refaire tous ses réglages d’ordinateurs et autres appareils sophistiqués. La maladroite se met elle-même au piquet derrière le comptoir de la MAM Galerie. Encore deux chansons, puis Tallisker annonce qu’elle ne veut pas monopoliser la soirée.
Je ne reste pas davantage. A la sortie, les Ubien(ne)s de ma connaissance, occupés à fumer, me moquent sur ma « phobie technologique ». Rien de plus simple que de changer sa box Internet, me dit le chœur. Je laisse dire. Ce samedi après-midi, ailleurs, celle à qui je demandais si elle ne connaîtrait pas quelqu’un capable de m’aider m’a répondu : « Moi, je dois savoir le faire ». Rendez-vous est pris pour ce dimanche pascal.
*
Au programme de l’Ubi, en avril, un évènement « festif », un autre « convivial », un autre « participatif », ainsi qu’un artiste invitant à la rencontre « improbable » de Bach et de Ferré. Il serait temps d’instituer un système d’amende. Pour tout emploi des mots convivial ou festif ou participatif, un euro dans la tirelire. Pour improbable, c’est directement dix euros. Au bout d’un an, il n’y aurait sans doute pas de quoi payer le remplacement de la porte d’entrée chue mais au moins de quoi organiser une soirée bar et trottoir sans adjectif automatique.
*
Sur les vieilles pierres de ma maison, rue du Pétard (nouveau nom de la ruelle, tracé sur un mur à l’une de ses entrées), ce samedi matin, je trouve des affiches collées par les noctambules de la Fédération Régionale des Artistes Potentiels, quatre en noir et blanc et une en couleur titrée Prolo Ralph Lauren et montrant les vieilles barbes du marxisme-léninisme vêtus de jolis maillots bariolés. L’humour aussi est potentiel. J’en fais une photo floue et je fais bien car à dix heures tout est déjà arraché.
Grâce aux nombreux humains qui s’y trouvent déjà, il fait une chaleur inhabituelle à l’Ubi quand j’y arrive vers dix-neuf heures. Je fais le tour des œuvres montrées, dont beaucoup de volatiles morts, peints ou empaillés, parmi lesquels les moineaux moulés et colorés de T.D.H. On en mangerait. Un petit bâton en plus et on les prendrait pour des glaces coulantes qui auraient beaucoup de succès auprès des enfants. Quelques-un(e)s sont présents, pour qui le sol jonché de plumes est terrain de jeu. Que de volailles il a fallu plumer pour cette soirée ! Deux garçons se roulent également dedans mais là il s’agit d’une performance. Je vais chercher un cocktail aux fruits rouges au bar où officient Claire et Laura fort élégamment munies dans les cheveux d’un accessoire à plumes signé Wavrant
-Michel, dans son coin, se demande ce qu’il va bien pouvoir raconter de la soirée, me dit un acteur ayant bureau ici.
Ce soir, je ne peux pas compter sur quelques réparties intéressantes, les conversations sont platement quotidiennes. Une fille perchée sur le bar énonce de façon faussement dramatique l’objet de la soirée. « Ça n’est pas grave si le roi ne vient pas », chantonne-t-elle. Peut-être que si. Ou du moins que la plupart des présent(e)s s’intéressent peu à ce qui se passe, ne commentant les évènements ou les œuvres que sur le ton de la plaisanterie. C’est encore une soirée bar et trottoir, boissons et cigarettes.
Tallisker est de la fête. A huit heures précises, elle commence à interpréter ses compositions que ne viennent écouter qu’une partie des présent(e)s. La plus belle honte de la soirée est alors pour la fille qui marchant parmi les plumes se prend le pied dans le câble électrique et arrache la prise, coupant net la musique pour un moment car il ne s’agit pas seulement de rebrancher, il faut à la chanteuse refaire tous ses réglages d’ordinateurs et autres appareils sophistiqués. La maladroite se met elle-même au piquet derrière le comptoir de la MAM Galerie. Encore deux chansons, puis Tallisker annonce qu’elle ne veut pas monopoliser la soirée.
Je ne reste pas davantage. A la sortie, les Ubien(ne)s de ma connaissance, occupés à fumer, me moquent sur ma « phobie technologique ». Rien de plus simple que de changer sa box Internet, me dit le chœur. Je laisse dire. Ce samedi après-midi, ailleurs, celle à qui je demandais si elle ne connaîtrait pas quelqu’un capable de m’aider m’a répondu : « Moi, je dois savoir le faire ». Rendez-vous est pris pour ce dimanche pascal.
*
Au programme de l’Ubi, en avril, un évènement « festif », un autre « convivial », un autre « participatif », ainsi qu’un artiste invitant à la rencontre « improbable » de Bach et de Ferré. Il serait temps d’instituer un système d’amende. Pour tout emploi des mots convivial ou festif ou participatif, un euro dans la tirelire. Pour improbable, c’est directement dix euros. Au bout d’un an, il n’y aurait sans doute pas de quoi payer le remplacement de la porte d’entrée chue mais au moins de quoi organiser une soirée bar et trottoir sans adjectif automatique.
*
Sur les vieilles pierres de ma maison, rue du Pétard (nouveau nom de la ruelle, tracé sur un mur à l’une de ses entrées), ce samedi matin, je trouve des affiches collées par les noctambules de la Fédération Régionale des Artistes Potentiels, quatre en noir et blanc et une en couleur titrée Prolo Ralph Lauren et montrant les vieilles barbes du marxisme-léninisme vêtus de jolis maillots bariolés. L’humour aussi est potentiel. J’en fais une photo floue et je fais bien car à dix heures tout est déjà arraché.
© 2014 Michel Perdrial - Design: Bureau l’Imprimante