Dernières notes
Loïc Boyer
Je suis l’auteur de textes courts qui furent publiés depuis mil neuf cent quatre-vingt-quinze dans des revues littéraires en France (Supérieur Inconnu, Supplément d’Ame, Nouvelle Donne, Le Bord de l’Eau, Pris de Peur, l’Art du Bref, Sol’Air, Gros Textes, Salmigondis, Verso, Décharge, Bulle, Filigranes, Diérèse, Martobre, Comme ça et Autrement, (Cahier d’) Ecritures, La Nef des Fous), en Belgique (Traversées, Ecrits Vains, L’Arbre à Plumes, Inédit Nouveau, Bleu d’Encre), au Canada (Les Saisons Littéraires) et en Italie (Les Cahiers du Ru).
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.
5 décembre 2023
Ce lundi en début d’après-midi, je vois passer devant ma porte le jeune propriétaire du logement Air Bibi dont les occupants de samedi soir m’ont empêché de dormir. Je sors lui parler. Il n’est pas surpris de me voir. Il me dit que son appartement a été plus ou moins saccagé, des meubles sciés, une fenêtre cassée, du sang sur les draps, des bouteilles abandonnées, la déco volée.
Les occupants étaient encore là quand la femme de ménage est arrivée et ils ont refusé de lui ouvrir. Ils ne sont partis qu’au milieu de l’après-midi. Conséquence de tout cela, la location suivante a dû être annulée. D’habitude, il ne fait affaire qu’avec des gens plus âgés. Pour une fois, il a voulu faire confiance à un jeune.
Je lui apprends qu’en plus mon appartement sentait le tabac. « Il n’y avait pas que des cigarettes, me dit-il, j’ai trouvé des restes. » Il me donne son adresse mail, que j’aie un moyen de le contacter en cas de problème. Je lui souhaite bon courage pour tout remettre en ordre.
Les occupants étaient encore là quand la femme de ménage est arrivée et ils ont refusé de lui ouvrir. Ils ne sont partis qu’au milieu de l’après-midi. Conséquence de tout cela, la location suivante a dû être annulée. D’habitude, il ne fait affaire qu’avec des gens plus âgés. Pour une fois, il a voulu faire confiance à un jeune.
Je lui apprends qu’en plus mon appartement sentait le tabac. « Il n’y avait pas que des cigarettes, me dit-il, j’ai trouvé des restes. » Il me donne son adresse mail, que j’aie un moyen de le contacter en cas de problème. Je lui souhaite bon courage pour tout remettre en ordre.
4 décembre 2023
Jusqu’à présent je n’avais pas eu trop à souffrir de la location Air Bibi de l’appartement vendu par mon ex-voisine d’en bas. Ce n’est pas le cas ce samedi soir. Il est occupé par des jeunes gens du genre « la tête de ma mère » qui rentrent tardivement après avoir picolé en ville et doivent continuer sur place. Ils se crient dessus et se livrent à je ne sais quelles occupations avec les meubles, tapant même parfois dans les murs. A un moment, l’un d’eux sort pour téléphoner : « Mais maman, je suis prudent » « Mais maman, j’ai dix-neuf ans ».
Outre ces nuisances sonores proches, il y a celles des occupants du même genre de l’appartement sous les toits à l’autre bout de la diagonale du jardin, autre Air Bibi. Eux aussi poussent des cris et ils multiplient les allées et venues entre la ruelle et leur logement temporaire.
Quand je sors de ma chambre ce dimanche matin j’ai en plus le désagrément de sentir une forte odeur de tabac dans le reste de l’appartement. Les minces cloisons ne laissent pas passer que le bruit.
*
Il y a quelques semaines, une main inconnue (je sais seulement que ce n’est pas la mienne) avait inscrit à la peinture sur le mur du bâtiment d’en face, dont presque tous les appartements ont été mis en location de courte durée, « Airbnbruit ».
*
S’agissant du bruit, il serait temps que les journalistes et les politiciens cessent de parler du silence assourdissant.
Outre ces nuisances sonores proches, il y a celles des occupants du même genre de l’appartement sous les toits à l’autre bout de la diagonale du jardin, autre Air Bibi. Eux aussi poussent des cris et ils multiplient les allées et venues entre la ruelle et leur logement temporaire.
Quand je sors de ma chambre ce dimanche matin j’ai en plus le désagrément de sentir une forte odeur de tabac dans le reste de l’appartement. Les minces cloisons ne laissent pas passer que le bruit.
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Il y a quelques semaines, une main inconnue (je sais seulement que ce n’est pas la mienne) avait inscrit à la peinture sur le mur du bâtiment d’en face, dont presque tous les appartements ont été mis en location de courte durée, « Airbnbruit ».
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S’agissant du bruit, il serait temps que les journalistes et les politiciens cessent de parler du silence assourdissant.
2 décembre 2023
« Il y a un peu de retard », m’annonce la secrétaire et assistante quand je me présente ce vendredi à mon cabinet dentaire habituel où j’ai rendez-vous avec le successeur de mon dentiste de plus de vingt ans. Dans la salle d’attente se trouvent un père et ses deux garçons, un quatre ans et un six ans. Je m’arme de patience à l’idée que les deux moutards vont se succéder sous la roulette.
La secrétaire et assistante vient chercher le trio. J’entends celui qui sera mon nouveau dentiste mais ne le vois pas. Il explique aux deux moutards quel est son outillage et à quoi ça sert. La séance dure moins que je le craignais. Seul un enfant a eu droit à des soins.
C’est mon tour. Je découvre un jeune homme d’allure contemporaine. Il porte une sorte de toque sur la tête. Il s’excuse du retard. « Ce n’est pas un gros retard », lui dis-je.
Je lui explique ce qui m’amène. Côté droit de la bouche, en bas une grosse sensibilité au froid et à la chaleur, en haut une douleur sourde et intermittente qui parfois remonte jusqu’à l’oreille. Il m’invite à m’assoir dans le fauteuil tout neuf qui passe de la position assise à la position couchée électriquement. A l’observation il ne voit rien. Il me demande de suivre sa secrétaire et assistante jusqu’à la petite pièce du fond pour une radio panoramique.
Celle-ci faite, mon nouveau dentiste m’apprend qu’en bas c’est la dent de sagesse qui est infectée. Il n’y a qu’une solution : l’arracher. Pour le haut, il ne voit pas très bien. Aussi il complète par deux radios de dents suspectes et m’annonce que l’une est cariée.
Ce jeune homme me donne beaucoup d’explications. Il me dit qu’il est possible de poser un implant en bas où me manque déjà une dent mais pas dans l’immédiat car l’os est trop fragile. Il faudrait auparavant voir un parodontiste. Il interviendrait sur la gencive et pourrait me conseiller pour un meilleur brossage. Une façon diplomatique de me dire que je le fais mal, ce qui ne n’est pas une surprise pour moi. Il me précise que ça coûte.
-Et si on ne fait rien ? lui demandé-je.
Si on ne fait rien, les dents du haut, faute de dents du bas, risquent de descendre mais à mon âge ça prend du temps. Je lui dis que je vais réfléchir mais je sais déjà que je n’irai pas chez le parodontiste. Ne serait-ce que parce que je suis incapable d’être discipliné. Lorsque je me suis cassé la clavicule, je n’ai jamais fait à la maison les exercices demandés par mon kiné.
Deux rendez-vous sont pris pour la suite. L’un pour l’arrachage, l’autre pour soigner la dent cariée. Pour me dire au revoir, le nouveau dentiste n’hésite pas à me serrer la main.
*
Ce vendredi étant le premier décembre, c’est le jour à ne pas manquer pour espérer avoir un rendez-vous en janvier à l’usine ophtalmologique. Je passe mon temps à surveiller ma boîte mail dans l’espoir d’une réponse positive de la secrétaire de ladite usine. Ne voyant rien venir, j’ai l’idée d’aller voir dans les spams.
C’est ainsi que je découvre un mail daté du onze novembre, arrivé là pour une obscure raison. Il est intitulé « Pour un de mes clients préférés... » et ai signé « Maïwenn, la serveuse du Café des Arts ».
*
Il s’en est donc fallu de peu que je ne la lise jamais et qu’elle reste sans réponse de ma part. Fichtre !
La secrétaire et assistante vient chercher le trio. J’entends celui qui sera mon nouveau dentiste mais ne le vois pas. Il explique aux deux moutards quel est son outillage et à quoi ça sert. La séance dure moins que je le craignais. Seul un enfant a eu droit à des soins.
C’est mon tour. Je découvre un jeune homme d’allure contemporaine. Il porte une sorte de toque sur la tête. Il s’excuse du retard. « Ce n’est pas un gros retard », lui dis-je.
Je lui explique ce qui m’amène. Côté droit de la bouche, en bas une grosse sensibilité au froid et à la chaleur, en haut une douleur sourde et intermittente qui parfois remonte jusqu’à l’oreille. Il m’invite à m’assoir dans le fauteuil tout neuf qui passe de la position assise à la position couchée électriquement. A l’observation il ne voit rien. Il me demande de suivre sa secrétaire et assistante jusqu’à la petite pièce du fond pour une radio panoramique.
Celle-ci faite, mon nouveau dentiste m’apprend qu’en bas c’est la dent de sagesse qui est infectée. Il n’y a qu’une solution : l’arracher. Pour le haut, il ne voit pas très bien. Aussi il complète par deux radios de dents suspectes et m’annonce que l’une est cariée.
Ce jeune homme me donne beaucoup d’explications. Il me dit qu’il est possible de poser un implant en bas où me manque déjà une dent mais pas dans l’immédiat car l’os est trop fragile. Il faudrait auparavant voir un parodontiste. Il interviendrait sur la gencive et pourrait me conseiller pour un meilleur brossage. Une façon diplomatique de me dire que je le fais mal, ce qui ne n’est pas une surprise pour moi. Il me précise que ça coûte.
-Et si on ne fait rien ? lui demandé-je.
Si on ne fait rien, les dents du haut, faute de dents du bas, risquent de descendre mais à mon âge ça prend du temps. Je lui dis que je vais réfléchir mais je sais déjà que je n’irai pas chez le parodontiste. Ne serait-ce que parce que je suis incapable d’être discipliné. Lorsque je me suis cassé la clavicule, je n’ai jamais fait à la maison les exercices demandés par mon kiné.
Deux rendez-vous sont pris pour la suite. L’un pour l’arrachage, l’autre pour soigner la dent cariée. Pour me dire au revoir, le nouveau dentiste n’hésite pas à me serrer la main.
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Ce vendredi étant le premier décembre, c’est le jour à ne pas manquer pour espérer avoir un rendez-vous en janvier à l’usine ophtalmologique. Je passe mon temps à surveiller ma boîte mail dans l’espoir d’une réponse positive de la secrétaire de ladite usine. Ne voyant rien venir, j’ai l’idée d’aller voir dans les spams.
C’est ainsi que je découvre un mail daté du onze novembre, arrivé là pour une obscure raison. Il est intitulé « Pour un de mes clients préférés... » et ai signé « Maïwenn, la serveuse du Café des Arts ».
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Il s’en est donc fallu de peu que je ne la lise jamais et qu’elle reste sans réponse de ma part. Fichtre !
30 novembre 2023
Il pleut ce mercredi matin quand je rejoins la Gare de Rouen. Le train Nomad de sept heures vingt-quatre me permet de voyager sans voisin immédiat. Il arrive à Paris à l’heure prévue. Le ciel est moitié bleu moitié gris. Point de pluie.
Je me caille huit minutes dans le bus Vingt-Neuf avant qu’il démarre et se fasse un chemin jusqu’à la Bastille. J’ai le temps de me demander où est le plaisir de pédaler dans cette ville où les bicyclistes se déplacent en troupeaux et risquent l’accident à tout moment.
Quelques nouveaux livres sont présents chez Emile Débarras au Marché d’Aligre, pas inintéressants mais pas pour moi. Comme il me faut attendre onze heures pour entrer chez Book-Off, je prends un café assis au Camélia. D’autres sont au comptoir, dont un vieil homme qui discute avec un plus jeune. Ils ne se connaissent pas et découvrent que tous deux sont nés à Fès. Leur conversation se poursuit jusqu’à ce que le vieil homme dise « Je suis né à Fès et vous ? » Un ange passe, il a pour nom Alzheimer. « N’oublie pas ta canne, lui dit quand il s’en va le jeune homme chinois qui vend le tabac, tu devrais l’attacher à ton poignet. » Le vieil homme trouve que c’est une bonne idée.
Je lis là dans Le Parisien du jour une longue interviou du Préfet de Police, Laurent Nuñez. Il expose le plan de circulation à Paris durant les Jeux Olympiques, ou plutôt le plan de non circulation. Aucun véhicule à moteur ne pourra circuler, sauf dérogation à demander auparavant sur Internet et obtention d’un Cul Air Code. Avant le jour de la cérémonie d’ouverture de Thomas Jolly, ceux qui pourront la voir de leurs fenêtres devront donner les noms des personnes qu’ils auront invitées chez eux. Il faudra s’inscrire via Internet pour avoir le droit d’aller en voiture ou moto dans un restaurant où on aura obligatoirement réservé. J’en passe et de nombreuses. Ces Jeux Olympiques sont pour le Préfet de Police de Paris l’occasion d’assouvir ses fantasmes de parfait petit dictateur.
A midi, je choisis encore une fois de déjeuner Au Diable des Lombards, lieu confortable où l’on écoute du jazz en mangeant (on est proche du Duc des Lombards). J’opte pour le wrap de saumon fumé et le bœuf bourguignon. Mon repas terminé, j’explore les rayonnages à un euro du Book-Off de Saint-Martin.
A Quatre Septembre, le Bistrot d’Edmond est toujours fermé. J’en ai l’explication : des travaux. Je me rabats sur le Royal Bourse Opéra, où il m’arrivait de déjeuner autrefois, pour un café comptoir, un comptoir encombré de vaisselle sale. Quand je repasse près du Bistrot d’Edmond je croise l’un de ses serveurs. Il me dit qu’ils sont repliés dans la pizzeria d’à côté. Les habitués peuvent y prendre un café au prix du comptoir, même s’il n’y a pas de comptoir. Je lui dis que je viendrai mercredi prochain.
Après passage au troisième Book-Off, je rentre à Rouen avec le seize heures quarante. Dans la voiture Cinq, sans voisinage immédiat, je lis Bronia, dernier amour de Raymond Radiguet, un entretien de celle qui était devenue la femme de René Clair avec Pierre Barillet (du duo Barillet et Grédy) publié à La Tour Verte. Cet éditeur que je ne connaissais pas est dans l’Eure, à Hellenvilliers.
*
Dans mon sac, peu de livres à un euro : Carnets secrets d’Archibald d’Handrax (Rivage Poche), Maudits soupirs pour une autre fois de Louis-Ferdinand Céline (L’Imaginaire/Gallimard) et la réédition de La Dérobade de Jeanne Cordelier chez Phébus.
Je me caille huit minutes dans le bus Vingt-Neuf avant qu’il démarre et se fasse un chemin jusqu’à la Bastille. J’ai le temps de me demander où est le plaisir de pédaler dans cette ville où les bicyclistes se déplacent en troupeaux et risquent l’accident à tout moment.
Quelques nouveaux livres sont présents chez Emile Débarras au Marché d’Aligre, pas inintéressants mais pas pour moi. Comme il me faut attendre onze heures pour entrer chez Book-Off, je prends un café assis au Camélia. D’autres sont au comptoir, dont un vieil homme qui discute avec un plus jeune. Ils ne se connaissent pas et découvrent que tous deux sont nés à Fès. Leur conversation se poursuit jusqu’à ce que le vieil homme dise « Je suis né à Fès et vous ? » Un ange passe, il a pour nom Alzheimer. « N’oublie pas ta canne, lui dit quand il s’en va le jeune homme chinois qui vend le tabac, tu devrais l’attacher à ton poignet. » Le vieil homme trouve que c’est une bonne idée.
Je lis là dans Le Parisien du jour une longue interviou du Préfet de Police, Laurent Nuñez. Il expose le plan de circulation à Paris durant les Jeux Olympiques, ou plutôt le plan de non circulation. Aucun véhicule à moteur ne pourra circuler, sauf dérogation à demander auparavant sur Internet et obtention d’un Cul Air Code. Avant le jour de la cérémonie d’ouverture de Thomas Jolly, ceux qui pourront la voir de leurs fenêtres devront donner les noms des personnes qu’ils auront invitées chez eux. Il faudra s’inscrire via Internet pour avoir le droit d’aller en voiture ou moto dans un restaurant où on aura obligatoirement réservé. J’en passe et de nombreuses. Ces Jeux Olympiques sont pour le Préfet de Police de Paris l’occasion d’assouvir ses fantasmes de parfait petit dictateur.
A midi, je choisis encore une fois de déjeuner Au Diable des Lombards, lieu confortable où l’on écoute du jazz en mangeant (on est proche du Duc des Lombards). J’opte pour le wrap de saumon fumé et le bœuf bourguignon. Mon repas terminé, j’explore les rayonnages à un euro du Book-Off de Saint-Martin.
A Quatre Septembre, le Bistrot d’Edmond est toujours fermé. J’en ai l’explication : des travaux. Je me rabats sur le Royal Bourse Opéra, où il m’arrivait de déjeuner autrefois, pour un café comptoir, un comptoir encombré de vaisselle sale. Quand je repasse près du Bistrot d’Edmond je croise l’un de ses serveurs. Il me dit qu’ils sont repliés dans la pizzeria d’à côté. Les habitués peuvent y prendre un café au prix du comptoir, même s’il n’y a pas de comptoir. Je lui dis que je viendrai mercredi prochain.
Après passage au troisième Book-Off, je rentre à Rouen avec le seize heures quarante. Dans la voiture Cinq, sans voisinage immédiat, je lis Bronia, dernier amour de Raymond Radiguet, un entretien de celle qui était devenue la femme de René Clair avec Pierre Barillet (du duo Barillet et Grédy) publié à La Tour Verte. Cet éditeur que je ne connaissais pas est dans l’Eure, à Hellenvilliers.
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Dans mon sac, peu de livres à un euro : Carnets secrets d’Archibald d’Handrax (Rivage Poche), Maudits soupirs pour une autre fois de Louis-Ferdinand Céline (L’Imaginaire/Gallimard) et la réédition de La Dérobade de Jeanne Cordelier chez Phébus.
29 novembre 2023
Vu le risque de pluie, c’est en bus Teor puis en métro que je rejoins le Boulingrin ce mardi matin. Le rendez-vous avec mon médecin traitant est fixé à huit heures quarante-cinq. Je suis seul dans la salle d’attente jusqu’à ce qu’arrivent un jeune homme puis une jeune femme. Tous deux portent un masque et toussent. Ce qui me donne à penser qu’ils ont le Covid. Une hypothèse renforcée par ce que dit la secrétaire au téléphone à quelqu’un qui prend rendez-vous : « Venez avec un masque ». Elle-même, tout comme moi, n’en porte pas. Le médecin non plus quand il appelle mon nom.
Je lui montre mes résultats d’analyse de sang. Son point de vue est semblable au mien : ni tous bons ni trop mauvais. Le chiffrage du potassium plasmatique qui n’a pu être effectué par suite d’un souci technique est important, me dit-il. En conséquence, il me fait une ordonnance.
Il doit aussi m’en faire une pour le renouvellement de mes semelles orthopédiques, une pour les médicaments que je dois prendre contre mes envies d’uriner fréquentes et, comme je n’ai pu obtenir un rendez-vous en décembre à l’usine ophtalmologique, une pour les gouttes contre le glaucome.
Je lui montre un grain de beauté de mon visage qui me semble avoir grossi. Rien de problématique, me dit-il. Enfin, il prend ma tension, toujours satisfaisante, et écoute mon cœur qui doit battre normalement puisqu’il ne m’en dit rien.
- Au plaisir, me dit-il quand je quitte son cabinet.
Je ne peux lui répondre « Tout le plaisir était pour moi », car même quand il n’y a pas de nouveau problème, je sors de là déprimé.
*
L’après-midi, en rentrant du Socrate, j’entre chez le nouveau voisin, Paul Marius, la vaste boutique étant ouverte depuis une semaine malgré les travaux pas tout à fait terminés. J’y suis seul avec les deux jeunes vendeuses en noir à qui j’explique que je viens pour voir les locaux étant un voisin de derrière le mur. « Vous avez eu le bruit des travaux », me dit l’une. « Oui, mais moins que d’autres », lui réponds-je. Celui qui en a le plus souffert a vue directe sur la petite cour carrée où l’on installe un sapin de Noël, de quoi le consoler peut-être.
J’apprends de ces jeunes vendeuses que l’inauguration officielle est ce mercredi soir sur invitation. En ont reçu quelques bons clients, les partenaires de la marque, les commerçants de la rue Saint-Romain, pas les autres voisins.
Je lui montre mes résultats d’analyse de sang. Son point de vue est semblable au mien : ni tous bons ni trop mauvais. Le chiffrage du potassium plasmatique qui n’a pu être effectué par suite d’un souci technique est important, me dit-il. En conséquence, il me fait une ordonnance.
Il doit aussi m’en faire une pour le renouvellement de mes semelles orthopédiques, une pour les médicaments que je dois prendre contre mes envies d’uriner fréquentes et, comme je n’ai pu obtenir un rendez-vous en décembre à l’usine ophtalmologique, une pour les gouttes contre le glaucome.
Je lui montre un grain de beauté de mon visage qui me semble avoir grossi. Rien de problématique, me dit-il. Enfin, il prend ma tension, toujours satisfaisante, et écoute mon cœur qui doit battre normalement puisqu’il ne m’en dit rien.
- Au plaisir, me dit-il quand je quitte son cabinet.
Je ne peux lui répondre « Tout le plaisir était pour moi », car même quand il n’y a pas de nouveau problème, je sors de là déprimé.
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L’après-midi, en rentrant du Socrate, j’entre chez le nouveau voisin, Paul Marius, la vaste boutique étant ouverte depuis une semaine malgré les travaux pas tout à fait terminés. J’y suis seul avec les deux jeunes vendeuses en noir à qui j’explique que je viens pour voir les locaux étant un voisin de derrière le mur. « Vous avez eu le bruit des travaux », me dit l’une. « Oui, mais moins que d’autres », lui réponds-je. Celui qui en a le plus souffert a vue directe sur la petite cour carrée où l’on installe un sapin de Noël, de quoi le consoler peut-être.
J’apprends de ces jeunes vendeuses que l’inauguration officielle est ce mercredi soir sur invitation. En ont reçu quelques bons clients, les partenaires de la marque, les commerçants de la rue Saint-Romain, pas les autres voisins.
28 novembre 2023
Ce lundi vers dix heures me téléphone l’une des filles de ma défunte propriétaire, celle qui était venue visiter l’appartement avec son mari il y a plusieurs années. Elle s’excuse de n’avoir pu me prévenir du décès de sa mère avec qui elle me savait en excellents termes. Nous parlons un peu de cette femme vaillante morte à quatre-vingt-quatorze ans puis elle me dit qu’elle ne peut rien me dire sur ce qu’il adviendra de moi car elle ne le sait pas. La succession va être un peu compliquée, conclut-elle.
A onze heures arrive la femme chargée de l’estimation de cet appartement dont je suis locataire depuis vingt-quatre-ans. Elle ne mesure pas chaque pièce comme l’avait fait un notaire il y a quelques années. Elle estime la superficie du logement à la louche, cinquante mètres carrés, et est un peu ébahie qu’il soit si sombre, que les radiateurs électriques soient hors d’âge, qu’il n’y ait qu’un simple vitrage au rez-de-chaussée. Tout ça fait que cet endroit serait classé en catégorie Gé, non relouable sans gros travaux.
Cette femme sympathique me dit que mon bail ayant été automatiquement renouvelé pour trois ans en mai deux mille vingt-trois, je suis tranquille jusqu’en deux mille vingt-six. Elle ajoute que la succession va prendre du temps.
Son sentiment, c’est que l’appartement sera vendu avec le locataire que je suis à l’intérieur. Ce qui ne changerait rien pour moi. Simplement il serait vendu quinze mille euros de moins que s’il était libre.
*
L’un de ma connaissance (que je n’ai jamais rencontré) a sur l’éventualité de la vente de l’appartement occupé un point de vue que je ne suis pas loin de partager : « Tu peux bien sûr être vendu avec le logement, ce qui lui donne sûrement une plus value ».
A onze heures arrive la femme chargée de l’estimation de cet appartement dont je suis locataire depuis vingt-quatre-ans. Elle ne mesure pas chaque pièce comme l’avait fait un notaire il y a quelques années. Elle estime la superficie du logement à la louche, cinquante mètres carrés, et est un peu ébahie qu’il soit si sombre, que les radiateurs électriques soient hors d’âge, qu’il n’y ait qu’un simple vitrage au rez-de-chaussée. Tout ça fait que cet endroit serait classé en catégorie Gé, non relouable sans gros travaux.
Cette femme sympathique me dit que mon bail ayant été automatiquement renouvelé pour trois ans en mai deux mille vingt-trois, je suis tranquille jusqu’en deux mille vingt-six. Elle ajoute que la succession va prendre du temps.
Son sentiment, c’est que l’appartement sera vendu avec le locataire que je suis à l’intérieur. Ce qui ne changerait rien pour moi. Simplement il serait vendu quinze mille euros de moins que s’il était libre.
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L’un de ma connaissance (que je n’ai jamais rencontré) a sur l’éventualité de la vente de l’appartement occupé un point de vue que je ne suis pas loin de partager : « Tu peux bien sûr être vendu avec le logement, ce qui lui donne sûrement une plus value ».
27 novembre 2023
Le dimanche matin, pour fuir les émissions religieuses de France Culture, j’écoute France Inter, d’abord le déplorable Ali Baddou, puis le documentaire toujours bien fait Interception et à dix heures, depuis qu’Eva Bester a changé d’horaire, Le Masque et la Plume, une émission que je n’avais pas écoutée depuis un demi-siècle.
Elle n’a pas changé. Comme au temps de Georges Charensol et de Jean-Louis Bory, on y pratique la critique vacharde de livres, de films et de pièces de théâtre.
Quel contraste avec les émissions de France Culture devenues si consensuelles, pleines de bons sentiments, vantant la bienveillance, la fraternité, la sororité et autres fadaises, une incessante leçon de morale et d’éducation civique. Au point que parfois je me demande si à la direction de France Culture il n’y aurait pas David Bobée.
*
Il y a cinquante ans, Le Masque et la Plume était diffusé le dimanche soir. Je me revois l’écoutant dans le petit appartement meublé que j’avais loué à Elbeuf. A cette heure-là, j’étais comme démoli à l’idée de retrouver le lendemain matin mes élèves de la Classe Pré Professionnelle de Niveau au Collège de La Saussaye dans laquelle j’avais été nommé sans l’avoir voulu à ma sortie de l’Ecole Normale d’Evreux.
J’étais relégué dans un préfabriqué au fond de la cour où m’ignoraient ostensiblement les profs d’enseignement général. J’avais pour élèves une quinzaine de branlotins (treize garçons, deux filles) qui passaient en alternance deux semaines en classe et deux semaines en stage dans un domaine qu’ils n’avaient pas choisi (ces garçons voulaient faire de la mécanique auto et se retrouvaient chez un boucher ou un boulanger).
Une des filles me draguait et les garçons m’en faisaient baver. C’était épouvantable. Jamais de ma vie je n’ai été aussi proche du suicide. J’y ai échappé grâce à un médecin de Louviers sans patientèle qui survivait en délivrant des arrêts de maladie à volonté. Je quittais mon logement d’Elbeuf. Mon congé dura des vacances de la Toussaint à celles de l’été suivant.
Elle n’a pas changé. Comme au temps de Georges Charensol et de Jean-Louis Bory, on y pratique la critique vacharde de livres, de films et de pièces de théâtre.
Quel contraste avec les émissions de France Culture devenues si consensuelles, pleines de bons sentiments, vantant la bienveillance, la fraternité, la sororité et autres fadaises, une incessante leçon de morale et d’éducation civique. Au point que parfois je me demande si à la direction de France Culture il n’y aurait pas David Bobée.
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Il y a cinquante ans, Le Masque et la Plume était diffusé le dimanche soir. Je me revois l’écoutant dans le petit appartement meublé que j’avais loué à Elbeuf. A cette heure-là, j’étais comme démoli à l’idée de retrouver le lendemain matin mes élèves de la Classe Pré Professionnelle de Niveau au Collège de La Saussaye dans laquelle j’avais été nommé sans l’avoir voulu à ma sortie de l’Ecole Normale d’Evreux.
J’étais relégué dans un préfabriqué au fond de la cour où m’ignoraient ostensiblement les profs d’enseignement général. J’avais pour élèves une quinzaine de branlotins (treize garçons, deux filles) qui passaient en alternance deux semaines en classe et deux semaines en stage dans un domaine qu’ils n’avaient pas choisi (ces garçons voulaient faire de la mécanique auto et se retrouvaient chez un boucher ou un boulanger).
Une des filles me draguait et les garçons m’en faisaient baver. C’était épouvantable. Jamais de ma vie je n’ai été aussi proche du suicide. J’y ai échappé grâce à un médecin de Louviers sans patientèle qui survivait en délivrant des arrêts de maladie à volonté. Je quittais mon logement d’Elbeuf. Mon congé dura des vacances de la Toussaint à celles de l’été suivant.
26 novembre 2023
C’était inévitable. Je me demandais seulement quel jour cela allait arriver. Ce vendredi, rentré du Socrate, un mail de l’agence immobilière qui gère ma location m’apprend le décès de ma propriétaire. Une personne dont on me donne le nom va me contacter pour « effectuer une estimation de l’appartement ».
D’abord, cette nouvelle m’attriste, j’aimais bien ma propriétaire avec qui chaque nouvelle année j’échangeais des vœux par carte postale. Ensuite, je me demande quel sort me sera réservé par ses héritières et héritiers.
L’appartement peut être reçu en héritage par un(e) des enfants qui l’acceptera ou non et si oui gardera ou non le locataire que je suis, peu probable qu’il soit accepté car il y a plusieurs années il a été refusé comme donation par une fille de la défunte.
L’appartement peut être vendu par les héritières et héritiers avec le locataire que je suis à l’intérieur.
L’appartement peut être vendu par les héritières et héritiers sans locataire, c’est ce qui me rend inquiet.
Une heure après que j’ai répondu à ce mail m’appelle celle qui doit effectuer l’estimation de l’appartement. Rendez-vous est pris pour lundi.
*
Janvier deux mille vingt :
« Cher Monsieur Perdrial
C’est toujours avec plaisir que je reçois vos vœux. Acceptez les miens de santé et de joie de vivre. Après plusieurs A.I.T. je rentre dans ma 91ème année avec de plus en plus de difficultés à écrire… mais à part cela, cela va bien. Amicalement. »
Janvier deux mille vingt et un :
« Cher locataire
C’est toujours avec plaisir que je reçois vos vœux. Acceptez les miens de bonheur, de santé dans cette période si tourmentée. Je vogue allégrement vers mes 92 printemps malgré quelques difficultés épistolaires. Avec mon affectueuse sympathie. »
Janvier deux mille vingt-deux :
« Cher Michel
Me voici à l’aube de mon 93ème anniversaire, quelques difficultés (marche avec déambulateur) mais toute ma tête et toujours sensible aux vœux que vous m’adressez gentiment chaque année. Soyez assuré de la sincérité de mes bons souhaits à votre égard. Avec ma sympathie. »
Janvier deux mille vingt-trois :
« Agée de 93 ans, c’est toujours avec plaisir que je reçois les vœux de mon gentil locataire. Je vous présente mes souhaits les plus sincères de santé, de bonheur. Avec ma sympathie. »
D’abord, cette nouvelle m’attriste, j’aimais bien ma propriétaire avec qui chaque nouvelle année j’échangeais des vœux par carte postale. Ensuite, je me demande quel sort me sera réservé par ses héritières et héritiers.
L’appartement peut être reçu en héritage par un(e) des enfants qui l’acceptera ou non et si oui gardera ou non le locataire que je suis, peu probable qu’il soit accepté car il y a plusieurs années il a été refusé comme donation par une fille de la défunte.
L’appartement peut être vendu par les héritières et héritiers avec le locataire que je suis à l’intérieur.
L’appartement peut être vendu par les héritières et héritiers sans locataire, c’est ce qui me rend inquiet.
Une heure après que j’ai répondu à ce mail m’appelle celle qui doit effectuer l’estimation de l’appartement. Rendez-vous est pris pour lundi.
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Janvier deux mille vingt :
« Cher Monsieur Perdrial
C’est toujours avec plaisir que je reçois vos vœux. Acceptez les miens de santé et de joie de vivre. Après plusieurs A.I.T. je rentre dans ma 91ème année avec de plus en plus de difficultés à écrire… mais à part cela, cela va bien. Amicalement. »
Janvier deux mille vingt et un :
« Cher locataire
C’est toujours avec plaisir que je reçois vos vœux. Acceptez les miens de bonheur, de santé dans cette période si tourmentée. Je vogue allégrement vers mes 92 printemps malgré quelques difficultés épistolaires. Avec mon affectueuse sympathie. »
Janvier deux mille vingt-deux :
« Cher Michel
Me voici à l’aube de mon 93ème anniversaire, quelques difficultés (marche avec déambulateur) mais toute ma tête et toujours sensible aux vœux que vous m’adressez gentiment chaque année. Soyez assuré de la sincérité de mes bons souhaits à votre égard. Avec ma sympathie. »
Janvier deux mille vingt-trois :
« Agée de 93 ans, c’est toujours avec plaisir que je reçois les vœux de mon gentil locataire. Je vous présente mes souhaits les plus sincères de santé, de bonheur. Avec ma sympathie. »
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