Dernières notes
Loïc Boyer
Je suis l’auteur de textes courts qui furent publiés depuis mil neuf cent quatre-vingt-quinze dans des revues littéraires en France (Supérieur Inconnu, Supplément d’Ame, Nouvelle Donne, Le Bord de l’Eau, Pris de Peur, l’Art du Bref, Sol’Air, Gros Textes, Salmigondis, Verso, Décharge, Bulle, Filigranes, Diérèse, Martobre, Comme ça et Autrement, (Cahier d’) Ecritures, La Nef des Fous), en Belgique (Traversées, Ecrits Vains, L’Arbre à Plumes, Inédit Nouveau, Bleu d’Encre), au Canada (Les Saisons Littéraires) et en Italie (Les Cahiers du Ru).
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.
2 janvier 2016
Après deux mille quinze qui ne rimait à rien, deux mille seize qui rime un peu trop à l’aise. Pour moi point de liesse, point de cotillon, point de souhaits à bulles quand sonnent les douze coups de minuit, cette fête de passage à l’an nouveau ne peut m’intéresser que si je suis en tête-à-tête avec quelqu’une et qu’on s’embrasse sous le gui à minuit. Je peux toujours rêver que cela m’arrive à nouveau le trente et un décembre deux mille seize mais me garderai bien de me souhaiter autre chose, trop de vœux tuent les vieux.
C’est tôt que je me couche et suis à peine réveillé vers minuit quand du côté de la rue Saint-Nicolas se fait entendre une fanfare. C’est tôt également que je me lève et m’apprête à quitter Rouen pour la journée, cette ville étant désespérante le premier janvier. Pour cela, je monte dans un moderne petit train dont le terminus est Dieppe. Avec un typique bruit ferroviaire, il suit le cours de la Scie et est peu fréquenté en cette matinée. Une femme y chantonne des airs africains. A Auffay montent deux couples de retraités marcheurs à bâton en tenue adéquate « le premier janvier et déjà dans le train ». Ils descendent à l’arrêt suivant : Longueville-sur-Scie. Quelques vaches, moutons et chevaux plus loin, le train entre dans un tunnel puis débouche dans la ville de Dieppe, près du port, avec deux minutes d’avance.
La grande enseigne rouge du Tout Va Bien me fait signe au loin tandis que le soleil se lève par derrière. J’y bois un café verre d’eau en lisant Immédiatement, recueil de notes de Dominique de Roux (La Petite Vermillon), pendant qu’autour de moi on ne cesse de se bonanner (et la santé surtout) :
-Alors, ça a été ?
-Oh oui, que nous avec les enfants.
Quand je ressors, le ciel est couvert de nuages et souffle un vent frisquet qui ne m’empêche pas de faire le tour du port, de sillonner les petites rues intérieures et de saluer la mer de loin.
A midi, je déjeune à La Réserve, sur le quai Henri le Quatrième, un restaurant tenu par un couple, lui en cuisine, elle en salle : terrine de foie de lottes, belle assiette de fruits de mer, sablé normand, avec une bonne bouteille de muscadet et la vue sur le port et les autres convives. Ce sont surtout des couples d’un certain âge, l’un des hommes est un faux René Girard, un autre s’en veut d’avoir oublié de photographier son assiette de fruits de mer avant de mettre la main dedans, la plupart n’arrivant plus à se croiser du regard. Il y a aussi un fils de trente ans avec ses parents qui n’ont pas l’air d’être au courant et un duo de femmes qui ne peuvent boire du champagne qu’avec du sirop dedans. C’est vite complet et nombreux sont les entrés plein d’espoir qui ressortent dépités. La restauratrice à me voir écrire dans mon carnet se demande si je serais pas un de ces redoutables critiques de guide touristique.
Lorsque je quitte La Réserve, le grand air m’est bénéfique. Laissant le Café des Voyageurs aux nombreux réfugiés qui s’y regroupent en attendant de tenter encore une fois de se glisser dans le ferry pour l’Angleterre, c’est au Balto que je poursuis Immédiatement.
Un train hors d’âge graffité à la cheminée fumante me ramène à Rouen et il arrive à l’heure démentant la moquerie circulant le matin même sur Effe Bé, où la Senecefe « vous souhaite une bonne année deux mille onze et vous prie de l’excuser pour ce retard ».
*
Sur Paulhan cette anecdote : c’est 1942, il n’y a plus aucun livre en librairie, mais dans un bureau de tabac à Dieppe sur le comptoir : Les Fleurs de Tarbes. Salacrou s’étonne et la patronne de répondre : « impossible de vendre ce livre, monsieur, peut-être parce que ces fleurs ne sont pas du pays. » Dominique de Roux, Immédiatement
C’est tôt que je me couche et suis à peine réveillé vers minuit quand du côté de la rue Saint-Nicolas se fait entendre une fanfare. C’est tôt également que je me lève et m’apprête à quitter Rouen pour la journée, cette ville étant désespérante le premier janvier. Pour cela, je monte dans un moderne petit train dont le terminus est Dieppe. Avec un typique bruit ferroviaire, il suit le cours de la Scie et est peu fréquenté en cette matinée. Une femme y chantonne des airs africains. A Auffay montent deux couples de retraités marcheurs à bâton en tenue adéquate « le premier janvier et déjà dans le train ». Ils descendent à l’arrêt suivant : Longueville-sur-Scie. Quelques vaches, moutons et chevaux plus loin, le train entre dans un tunnel puis débouche dans la ville de Dieppe, près du port, avec deux minutes d’avance.
La grande enseigne rouge du Tout Va Bien me fait signe au loin tandis que le soleil se lève par derrière. J’y bois un café verre d’eau en lisant Immédiatement, recueil de notes de Dominique de Roux (La Petite Vermillon), pendant qu’autour de moi on ne cesse de se bonanner (et la santé surtout) :
-Alors, ça a été ?
-Oh oui, que nous avec les enfants.
Quand je ressors, le ciel est couvert de nuages et souffle un vent frisquet qui ne m’empêche pas de faire le tour du port, de sillonner les petites rues intérieures et de saluer la mer de loin.
A midi, je déjeune à La Réserve, sur le quai Henri le Quatrième, un restaurant tenu par un couple, lui en cuisine, elle en salle : terrine de foie de lottes, belle assiette de fruits de mer, sablé normand, avec une bonne bouteille de muscadet et la vue sur le port et les autres convives. Ce sont surtout des couples d’un certain âge, l’un des hommes est un faux René Girard, un autre s’en veut d’avoir oublié de photographier son assiette de fruits de mer avant de mettre la main dedans, la plupart n’arrivant plus à se croiser du regard. Il y a aussi un fils de trente ans avec ses parents qui n’ont pas l’air d’être au courant et un duo de femmes qui ne peuvent boire du champagne qu’avec du sirop dedans. C’est vite complet et nombreux sont les entrés plein d’espoir qui ressortent dépités. La restauratrice à me voir écrire dans mon carnet se demande si je serais pas un de ces redoutables critiques de guide touristique.
Lorsque je quitte La Réserve, le grand air m’est bénéfique. Laissant le Café des Voyageurs aux nombreux réfugiés qui s’y regroupent en attendant de tenter encore une fois de se glisser dans le ferry pour l’Angleterre, c’est au Balto que je poursuis Immédiatement.
Un train hors d’âge graffité à la cheminée fumante me ramène à Rouen et il arrive à l’heure démentant la moquerie circulant le matin même sur Effe Bé, où la Senecefe « vous souhaite une bonne année deux mille onze et vous prie de l’excuser pour ce retard ».
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Sur Paulhan cette anecdote : c’est 1942, il n’y a plus aucun livre en librairie, mais dans un bureau de tabac à Dieppe sur le comptoir : Les Fleurs de Tarbes. Salacrou s’étonne et la patronne de répondre : « impossible de vendre ce livre, monsieur, peut-être parce que ces fleurs ne sont pas du pays. » Dominique de Roux, Immédiatement
31 décembre 2015
C’est une ville de Rouen déserte que je parcours ce dernier mercredi de deux mille quinze pour me rendre à Paris, deux trois piétons pas plus entre chez moi et la gare, ce qui change des troupeaux qu’on y croise l’après-midi en cette douce fin de décembre, des désœuvrés car à cette date n’achètent que celles et ceux qui ne savent pas que Noël a déjà eu lieu ou qui croient que les soldes ont commencé.
Le train de six heures quarante-sept est aussi peu peuplé. Seule une femme partage avec moi la voiture où je termine la Correspondance de Baudelaire (Folio/Gallimard)) que m’a offert celle venue à Noël. Cette voyageuse attentionnée téléphone sur la plateforme pour ne pas gêner ma lecture.
Par la fenêtre du bus Vingt qui me mène à la Bastille, je constate que les demandeurs d'asile afghans regroupés place de la République ont encore des ennuis avec la Police puis marche sous le soleil levant jusqu'au Café du Faubourg à l’angle des rues du Faubourg Saint-Antoine et Ledru-Rollin. En cet avant-dernier jour de l’année j’y suis un moment le seul client jusqu’à ce qu’arrive un musicien originaire de la Jamaïque attendu dans un studio d’enregistrement voisin. Il se charge de faire le chaud au comptoir.
-J’ai soixante-cinq ans et je suis en plein forme, se vante-t-il.
Le serveur lui raconte que ses grands-parents à soixante ans lui paraissaient vraiment vieux.
-Oui le problème c’est qu’ils n’étaient pas musiciens et qu’ils ne prenaient pas de cocaïne.
Evoquant ses nombreux voyages, il fait le tour des îles et de leurs divers attraits :
-Le coco fesse, le fruit d’un cocotier qui n’existe qu’aux Seychelles, c’est la chatte et le cul d’une femme.
Je range mon livre au moment où une fille descend dans le métro porteuse d’un sac « Fuck you mon amour » puis entre chez Book-Off d’où je ressors avec Madame Deshoulières, petit livre publié aux Cahiers intempestifs, recueil de poèmes de ladite, choisis par Jean-Louis Murat et illustrés par Carmelo Zagari.
Je déjeune Chez Céleste, de gésier à la portugaise et de cassoulet aux haricots rouges du même pays (feijoada). En l’absence de Chambolle-Musigny, je me rabats sur l’habituel vin rouge de là-bas. Cela ne me coûte que dix-huit euros et quelques centimes.
En guise de promenade digestive bien nécessaire et vu qu’il fait bon et beau, je descends la rue Ledru-Rollin jusqu’à la Seine puis longe cette dernière par le quai bas jusqu'au pont Neuf croisant en chemin quelques touristes en famille :
-Maman, pourquoi ça s’appelle la Seine ?
-Parce que c’est le nom de la rivière.
Après avoir fait un tour chez Boulinier et Gibert Joseph, je prends le bus Vingt-Sept et en descends à proximité du deuxième Book-Off où je trouve notamment plusieurs Jaccard, un Muray, un de Roux et un Limonov qu’il me plaît de penser avoir appartenu à la même personne.
Je termine Baudelaire Chez Léon puis la Senecefe m’offre un retour tranquille par le train de dix-neuf heures trente. Arrivé à Rouen, je traverse une ville où ne sont encore dehors que des moins de trente ans ainsi que deux clochards assis sur les marches de la maison d’en face dont la barrière est restée ouverte.
Tandis que je tourne la clé dans la serrure, bière dans une main, cigarette dans l’autre, ils me souhaitent une bonne soirée en chœur d’une voix éraillée. Ça fait toujours plaisir d’être bien accueilli quand on rentre chez soi.
*
Je me souviens d’avoir décalé d’une heure ma parenthèse café lecture au Socrate lundi dernier pour écouter Philippe Dumez lire les premières pages de Basse Fidélité (Editions Le mot et le reste) dans l’émission Les Bonnes Feuilles sur France Culture.
*
Je me souviens avoir, le même jour, vendu un livre à Arnaud Kathrine qui habite le même arrondissement que le susnommé, après d’autres autrefois vendus à Nicolas Comment, Julien Cendres, Charles Berberian, Michel Onfray (bah oui) et Roland Magdane.
*
Il y a aussi ce dont je ne me souviens pas et qui me conduit à acheter deux fois des billets de train Rouen Paris et retour pour le six janvier et à réserver en double mes spectacles de janvier à l’Opéra de Rouen.
Le train de six heures quarante-sept est aussi peu peuplé. Seule une femme partage avec moi la voiture où je termine la Correspondance de Baudelaire (Folio/Gallimard)) que m’a offert celle venue à Noël. Cette voyageuse attentionnée téléphone sur la plateforme pour ne pas gêner ma lecture.
Par la fenêtre du bus Vingt qui me mène à la Bastille, je constate que les demandeurs d'asile afghans regroupés place de la République ont encore des ennuis avec la Police puis marche sous le soleil levant jusqu'au Café du Faubourg à l’angle des rues du Faubourg Saint-Antoine et Ledru-Rollin. En cet avant-dernier jour de l’année j’y suis un moment le seul client jusqu’à ce qu’arrive un musicien originaire de la Jamaïque attendu dans un studio d’enregistrement voisin. Il se charge de faire le chaud au comptoir.
-J’ai soixante-cinq ans et je suis en plein forme, se vante-t-il.
Le serveur lui raconte que ses grands-parents à soixante ans lui paraissaient vraiment vieux.
-Oui le problème c’est qu’ils n’étaient pas musiciens et qu’ils ne prenaient pas de cocaïne.
Evoquant ses nombreux voyages, il fait le tour des îles et de leurs divers attraits :
-Le coco fesse, le fruit d’un cocotier qui n’existe qu’aux Seychelles, c’est la chatte et le cul d’une femme.
Je range mon livre au moment où une fille descend dans le métro porteuse d’un sac « Fuck you mon amour » puis entre chez Book-Off d’où je ressors avec Madame Deshoulières, petit livre publié aux Cahiers intempestifs, recueil de poèmes de ladite, choisis par Jean-Louis Murat et illustrés par Carmelo Zagari.
Je déjeune Chez Céleste, de gésier à la portugaise et de cassoulet aux haricots rouges du même pays (feijoada). En l’absence de Chambolle-Musigny, je me rabats sur l’habituel vin rouge de là-bas. Cela ne me coûte que dix-huit euros et quelques centimes.
En guise de promenade digestive bien nécessaire et vu qu’il fait bon et beau, je descends la rue Ledru-Rollin jusqu’à la Seine puis longe cette dernière par le quai bas jusqu'au pont Neuf croisant en chemin quelques touristes en famille :
-Maman, pourquoi ça s’appelle la Seine ?
-Parce que c’est le nom de la rivière.
Après avoir fait un tour chez Boulinier et Gibert Joseph, je prends le bus Vingt-Sept et en descends à proximité du deuxième Book-Off où je trouve notamment plusieurs Jaccard, un Muray, un de Roux et un Limonov qu’il me plaît de penser avoir appartenu à la même personne.
Je termine Baudelaire Chez Léon puis la Senecefe m’offre un retour tranquille par le train de dix-neuf heures trente. Arrivé à Rouen, je traverse une ville où ne sont encore dehors que des moins de trente ans ainsi que deux clochards assis sur les marches de la maison d’en face dont la barrière est restée ouverte.
Tandis que je tourne la clé dans la serrure, bière dans une main, cigarette dans l’autre, ils me souhaitent une bonne soirée en chœur d’une voix éraillée. Ça fait toujours plaisir d’être bien accueilli quand on rentre chez soi.
*
Je me souviens d’avoir décalé d’une heure ma parenthèse café lecture au Socrate lundi dernier pour écouter Philippe Dumez lire les premières pages de Basse Fidélité (Editions Le mot et le reste) dans l’émission Les Bonnes Feuilles sur France Culture.
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Je me souviens avoir, le même jour, vendu un livre à Arnaud Kathrine qui habite le même arrondissement que le susnommé, après d’autres autrefois vendus à Nicolas Comment, Julien Cendres, Charles Berberian, Michel Onfray (bah oui) et Roland Magdane.
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Il y a aussi ce dont je ne me souviens pas et qui me conduit à acheter deux fois des billets de train Rouen Paris et retour pour le six janvier et à réserver en double mes spectacles de janvier à l’Opéra de Rouen.
30 décembre 2015
A la gare, je sue sang et eau en montant dans la voiture numéro sept cent quatre-vingt-quatorze tandis que la Pacifique Deux Cent Trente et Un commence à cracher des panaches de vapeur sur le quai en ahanant. Je dépose mon sac de livres à la place que j’avais réservée, ayant dû auparavant faire dégager une ancienne collègue qui ne m’a même pas reconnu, tant elle a changé après ces vingt ans sans nous voir. J’ai un vague souvenir de l’avoir désirée, il y a trente-quatre ans, durant quelques secondes puis de m’être consacré à ma préparation de classe pour oublier. Je ne regrette pas, la voyant ce jour, d’avoir choisi le labeur plutôt que le beurre. Il n’empêche que, collègue ou non, on ne doit pas s’installer à la place que j’ai réservée, cela me met de mauvaise humeur, moi qui suis si amusant d’habitude, si porté sur la gaudriole feydesque.
Mon sac posé, je fonce au bar, tenu par une accorte jeune femme à qui j’entreprends aussitôt de raconter ma vie d’écrivain (elle mastique un chouinegueumme, cela m'agace un peu).
-Cela doit être passionnant, dit-elle en souriant et en me versant mon premier ballon de Chambolle-Musigny, que je fais accompagner de dorade au four, avec des carottes et truffes (je remarque immédiatement que les carottes sont mal cuites mais je m’abstiens d’en faire état à ma charmante interlocutrice qui continue à ruminer son chouinegueumme).
La crème caramel du dessert aura un goût un peu fade mais je m’en contenterai, pour un menu à soixante-quinze euros quatre-vingt-seize centimes d’euros, il ne faut pas être trop exigeant.
-J’ai ici toute ma collection de Pim Pam Poum, me vanté-je.
-C'est de vous ? demande-t-elle.
-Non, moi j'écris simplement des pièces pour France Culture, dis-je modestement.
-J’ai toujours rêvé de lire Pim Pam Poum, s’exclame la callipyge aubergiste de la Hécennecéheffe. Au lieu d’aller à Yvetot, que diriez-vous de me montrer vos Pim Pam Poum chez moi, au Havre ?
Je n’irai donc pas à Yvetot. Soyons fous.
Avec un peu de chance, elle va me mastiquer à mon tour au lieu de son chouinegueumme des Amériques.
*
Un branlotin, pendant le trajet : « François Hollande il est né aux Pays-Bas ? »
*
Lu dans Pim Pam Poum : « Je ne laisserai plus jamais de tarte refroidir sur la fenêtre, on ne peut jamais faire confiance aux enfants... »
*
Ce pastiche de Noël m’est parvenu par mail, œuvre d’un fidèle lecteur résidant au Mans. Ce serait dommage que je sois le seul à en profiter, me suis-je dit, « aussi ai-je décidé (sans te demander ton avis) d'en faire les deux prochains épisodes de mon Journal. », lui ai-je écrit.
« Ah ah ! un jour tu auras des « nègres », comme on dit tristement, pour rédiger un journal fictif pendant que tu te la couleras douce à Tahiti... », m’a-t-il répondu. Je vais y songer.
Mon sac posé, je fonce au bar, tenu par une accorte jeune femme à qui j’entreprends aussitôt de raconter ma vie d’écrivain (elle mastique un chouinegueumme, cela m'agace un peu).
-Cela doit être passionnant, dit-elle en souriant et en me versant mon premier ballon de Chambolle-Musigny, que je fais accompagner de dorade au four, avec des carottes et truffes (je remarque immédiatement que les carottes sont mal cuites mais je m’abstiens d’en faire état à ma charmante interlocutrice qui continue à ruminer son chouinegueumme).
La crème caramel du dessert aura un goût un peu fade mais je m’en contenterai, pour un menu à soixante-quinze euros quatre-vingt-seize centimes d’euros, il ne faut pas être trop exigeant.
-J’ai ici toute ma collection de Pim Pam Poum, me vanté-je.
-C'est de vous ? demande-t-elle.
-Non, moi j'écris simplement des pièces pour France Culture, dis-je modestement.
-J’ai toujours rêvé de lire Pim Pam Poum, s’exclame la callipyge aubergiste de la Hécennecéheffe. Au lieu d’aller à Yvetot, que diriez-vous de me montrer vos Pim Pam Poum chez moi, au Havre ?
Je n’irai donc pas à Yvetot. Soyons fous.
Avec un peu de chance, elle va me mastiquer à mon tour au lieu de son chouinegueumme des Amériques.
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Un branlotin, pendant le trajet : « François Hollande il est né aux Pays-Bas ? »
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Lu dans Pim Pam Poum : « Je ne laisserai plus jamais de tarte refroidir sur la fenêtre, on ne peut jamais faire confiance aux enfants... »
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Ce pastiche de Noël m’est parvenu par mail, œuvre d’un fidèle lecteur résidant au Mans. Ce serait dommage que je sois le seul à en profiter, me suis-je dit, « aussi ai-je décidé (sans te demander ton avis) d'en faire les deux prochains épisodes de mon Journal. », lui ai-je écrit.
« Ah ah ! un jour tu auras des « nègres », comme on dit tristement, pour rédiger un journal fictif pendant que tu te la couleras douce à Tahiti... », m’a-t-il répondu. Je vais y songer.
29 décembre 2015
Quand il fait beau je ne me réjouis pas : mes voisines peuvent profiter du soleil dans la cour commune et ça m’oblige à croiser en sortant de mon presbytère du XIIe leur physionomie obsolète et ce faisant entendre leurs propos malséants. Elles auraient bien besoin d’un cochigne en conversation. Leurs chiens, Landru, Massu et Poilu, pissent et déposent leurs crottes un peu partout.
Je décide, malgré cette vicinale rencontre (que je supporte de plus en plus mal) en cette sixième heure à l’aube (je me lève de plus en plus tard, ce doit être la conséquence de ma cacochymie galopante), d’aller me bourrer la tronche au Bugle Muet (le seul qui ouvre à six heures trente), à deux pas de chez moi (c’est plus prudent, car même avec tout ce que je me mets, depuis mon mastroquet favori, je rentre grâce à mes pédestres, qui ont depuis longtemps mémorisé le trajet), projetant ensuite de me rendre à Yvetot, grâce à la Hécennecéeffe, sans celle qui me tenait la jambe autrefois, donc je n’emprunterai pour ce faire, pas mon antique De Dion Bouton (en mil neuf cent cinquante-quatre, celle qui me faisait du pied sous les tables avait plaisanté : « Dieu a des boutons… »), même si je soupçonne en ce mercredi que des branlotins et branlotines risquent de me cracher dessus des miettes de leurs chocobéhènes tout en m’abrutissant avec leurs « c’est trop bon », « j’ai eu trop les boules », que je ne supporte plus depuis mil neuf cent quarante-deux, lorsque ces Zazous nous laissaient faire à leur place de la Résistance aux Zall’mands.
Je connais à Yvetot une librairie où je revendrai le plus cher possible ma trentaine de kilos de livres, cette fois tout Pim Pam Poum en édition originale. C’est à regret que je me sépare de cette collection, commencée en mil neuf cent vingt-cinq lorsque celle qui m’entraînait chaque semaine dans des parties échangistes entre hommes de lettres m’en avait offert le premier volume pour mon quarantième anniversaire.
(la suite demain)
Je décide, malgré cette vicinale rencontre (que je supporte de plus en plus mal) en cette sixième heure à l’aube (je me lève de plus en plus tard, ce doit être la conséquence de ma cacochymie galopante), d’aller me bourrer la tronche au Bugle Muet (le seul qui ouvre à six heures trente), à deux pas de chez moi (c’est plus prudent, car même avec tout ce que je me mets, depuis mon mastroquet favori, je rentre grâce à mes pédestres, qui ont depuis longtemps mémorisé le trajet), projetant ensuite de me rendre à Yvetot, grâce à la Hécennecéeffe, sans celle qui me tenait la jambe autrefois, donc je n’emprunterai pour ce faire, pas mon antique De Dion Bouton (en mil neuf cent cinquante-quatre, celle qui me faisait du pied sous les tables avait plaisanté : « Dieu a des boutons… »), même si je soupçonne en ce mercredi que des branlotins et branlotines risquent de me cracher dessus des miettes de leurs chocobéhènes tout en m’abrutissant avec leurs « c’est trop bon », « j’ai eu trop les boules », que je ne supporte plus depuis mil neuf cent quarante-deux, lorsque ces Zazous nous laissaient faire à leur place de la Résistance aux Zall’mands.
Je connais à Yvetot une librairie où je revendrai le plus cher possible ma trentaine de kilos de livres, cette fois tout Pim Pam Poum en édition originale. C’est à regret que je me sépare de cette collection, commencée en mil neuf cent vingt-cinq lorsque celle qui m’entraînait chaque semaine dans des parties échangistes entre hommes de lettres m’en avait offert le premier volume pour mon quarantième anniversaire.
(la suite demain)
28 décembre 2015
Les étudiants de derrière la cloison ayant confié leur appartement à deux hommes parlant fort une langue étrangère, c’est dans la petite chambre que je me replie pour passer la nuit de l’habituelle naissance du dénommé Jésus, surpris de ne pas être réveillé à minuit par le carillonnage annuel. Le nouvel Archevêque semble vouloir œuvrer discrètement.
Le midi du vingt-cinq toque à ma porte celle que j’attends. Elle porte une partie du repas et un cadeau imprévu. Nous avions décidé de ne pas nous en faire. Heureusement, j’ai en réserve de quoi lui offrir. Ce sera livre contre livre.
Nous déjeunons de bonnes choses, heureux de nous retrouver. Elle m’apprend que le vendredi treize novembre, elle l’a échappé belle. Quand elle est retournée au café situé à l’angle du boulevard Ornano et d’une rue adjacente, où elle était en terrasse ce soir-là, le patron lui a dit qu’un Policier était passé l’informer qu’une des voitures des terroristes s’était arrêtée devant son établissement puis était repartie à cause, semble-t-il, du passage de nombreux véhicules de Police en route vers le Stade de France. Une vidéo de surveillance en atteste, sur laquelle on la voit en terrasse, lui a appris ce cafetier, de quoi frémir rétrospectivement.
La nuit venue, pour la même raison de conversation bruyante derrière la cloison, je m’endors à nouveau dans la petite chambre. Vers minuit, des coups frappés je ne sais où me réveillent. Je finis par descendre et entends, de l’autre côté du mur, le voisinage attroupé occupé à réparer la porte cochère à coups de marteau, un voyou a tenté de la forcer et en a cassé un morceau. Je ne m’en mêle pas, n’ayant aucun talent pour le bricolage et aucun goût pour le papotage.
*
A la boulangerie de la rue Saint-Nicolas la baguette tradition (tradi pour les intimes) nommée « La Petite Marie » est désormais concurrencée par une « Tradi Marine ».
Je demande pourquoi ce nom.
-C’est parce qu’elle contient de la fleur de sel de Guérande, me répond la vendeuse.
-Ça me fait penser à autre chose de moins agréable, lui dis-je.
Durant quelques secondes, elle me regarde sans comprendre puis s’exclame :
-Ah mais non, ce n’est pas ça du tout !
Me voilà rassuré mais il me semble que cette « Tradi » devrait changer de nom.
-« Tradi Océane », suggère celle avec qui je déjeune en ce jour de Noël.
*
Au café Le Central, samedi matin :
Le patron : « T’as passé un bon Noël, Sandra ? »
La cliente : « Oui, ça a été. »
J’entends qu’on est content que ça soit derrière soi.
Le midi du vingt-cinq toque à ma porte celle que j’attends. Elle porte une partie du repas et un cadeau imprévu. Nous avions décidé de ne pas nous en faire. Heureusement, j’ai en réserve de quoi lui offrir. Ce sera livre contre livre.
Nous déjeunons de bonnes choses, heureux de nous retrouver. Elle m’apprend que le vendredi treize novembre, elle l’a échappé belle. Quand elle est retournée au café situé à l’angle du boulevard Ornano et d’une rue adjacente, où elle était en terrasse ce soir-là, le patron lui a dit qu’un Policier était passé l’informer qu’une des voitures des terroristes s’était arrêtée devant son établissement puis était repartie à cause, semble-t-il, du passage de nombreux véhicules de Police en route vers le Stade de France. Une vidéo de surveillance en atteste, sur laquelle on la voit en terrasse, lui a appris ce cafetier, de quoi frémir rétrospectivement.
La nuit venue, pour la même raison de conversation bruyante derrière la cloison, je m’endors à nouveau dans la petite chambre. Vers minuit, des coups frappés je ne sais où me réveillent. Je finis par descendre et entends, de l’autre côté du mur, le voisinage attroupé occupé à réparer la porte cochère à coups de marteau, un voyou a tenté de la forcer et en a cassé un morceau. Je ne m’en mêle pas, n’ayant aucun talent pour le bricolage et aucun goût pour le papotage.
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A la boulangerie de la rue Saint-Nicolas la baguette tradition (tradi pour les intimes) nommée « La Petite Marie » est désormais concurrencée par une « Tradi Marine ».
Je demande pourquoi ce nom.
-C’est parce qu’elle contient de la fleur de sel de Guérande, me répond la vendeuse.
-Ça me fait penser à autre chose de moins agréable, lui dis-je.
Durant quelques secondes, elle me regarde sans comprendre puis s’exclame :
-Ah mais non, ce n’est pas ça du tout !
Me voilà rassuré mais il me semble que cette « Tradi » devrait changer de nom.
-« Tradi Océane », suggère celle avec qui je déjeune en ce jour de Noël.
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Au café Le Central, samedi matin :
Le patron : « T’as passé un bon Noël, Sandra ? »
La cliente : « Oui, ça a été. »
J’entends qu’on est content que ça soit derrière soi.
26 décembre 2015
La Maison Rouge (Fondation Antoine de Galbert) n’est pas loin du Péhemmu chinois, au numéro dix du boulevard de la Bastille. Je n’y suis allé qu’une seule fois. C’était pour l’exposition Jean-Jacques Lebel. J’étais accompagné de celle qui passera me voir à Noël, elle me tenait alors la main.
J’ouvre mon sac à l’employée qui fait office de vigile, achète une entrée à neuf euros et me lance dans la découverte d’Après Eden, l’exposition réalisée à partir de la collection de photos qu’a entreprise, depuis les années quatre-vingt-dix, Artur Walther, natif d’Ulm, installé à New York. Cette collection a pour point de départ la photographie allemande et s’est étendue à la photographie africaine et asiatique. Simon Njami, qui fut commissaire des Rencontres de la Photo Africaine de Bamako pendant sept ans, présente ici des images sérielles sur le thème assez flou de l’Après Eden.
En ouverture est montrée l’intégralité des cent vingt planches du portfolio graines et végétaux de Karl Blossfeldt. Suivent les séries de gravières et de hauts-fourneaux signées Bernd et Hilla Becher (morte récemment), pionniers de la photo conceptuelle, qui plairaient beaucoup à celle qui n’est plus avec moi.
J’en passe et retiens les enfants soldats de Guy Tillim, Faces and Phases portraits de lesbiennes d’Afrique du Sud par Zanele Muholi, Country Girls transsexuels d’Afrique par Sabelo Mlangeni.
Plus loin je trouve le bien connu Malick Sibidé avec ses photos twisteuses, puis ne note pas qui, bien que tout soit intéressant, photos de villes par exemple, reprends mon stylo pour Ma Liuming qui s’est inventé un alter ego féminin, Fen-Ma, que l’on voit gambader nu(e) sur la Grande Muraille de Chine. Ensuite, Ai Weiwei laisse tomber son urne antique et Eadweard Muybridge décompose le mouvement.
Je note aussi African Spirits (série d’autoportraits pour laquelle Samuel Fosso s’identifie aux icônes noires, d’Angela Davis à Nelson Mandela, de Martin Luther King à Patrice Lumumba et Félix Houphouët Boigny), Antlitz der Zeit (portfolio de soixante portraits faits par August Sanders pour ses Hommes du XXe siècle), les portraits de studio de Seydou Keïta (Mali, années cinquante et soixante), The Family de Richard Avedon (un panthéon de la classe dirigeante américaine).
Se trouvent là encore beaucoup de séries d’autres photographes et d’anonymes ainsi que des vidéos que je n’ai pas envie de voir et une jolie jeune femme brune qui dit au téléphone qu’elle est à La Maison Rouge et puis je descends au sous-sol.
Dans ces salles à demi éclairées je trouve les photos en noir et blanc du célèbre Nonuyoshi Araki 101 Works for Robert Frank (scènes érotiques, bondage, scènes domestiques, paysages), celles de Kohei Yoshiyuki (voyeur des rencontres sexuelles nocturnes dans les parcs de Tokyo) et de Daido Moriyama A Room (soixante-quatre photos « brutes, floues et troubles », nus et natures mortes).
Les vidéos entrecroisées de Yang Fudong montrant un monde post nucléaire dans lequel errent humains et chiens occupe l’ultime salle.
Une bien belle collection que celle d’Artur Walther, General Partner chez Goldman Sachs jusqu'à sa retraite en quatre-vingt-quatorze, je sors de La Maison Rouge content d’en avoir profité.
*
C’est la pagaille sur la ligne entre Rouen et Paris ce mercredi soir, des trains sont annulés dans les deux sens, au moins un est bloqué par un obstacle sur la voie. Celui de dix-huit heures trente pour Rouen est là, il part à l’heure mais est dévié par Argenteuil, ce qui lui cause un retard de « vingt-sept minutes environ » à l’arrivée à Rouen. La Senecefe présente ses excuses. Une jolie voyageuse aurait préféré « un geste », mot qui en dit long sur le rapport qu’ont la plupart des contemporains avec l’argent.
Tout à l’heure, en se levant, elle s’est cognée la tête au porte-bagages. Nous avons échangé un sourire. M’a traversé l’idée de lui faire un petit massage de cuir chevelu mais j’ai retenu mon geste.
*
Samuel Fosso vit en exil en France depuis que ses archives ont été saccagées lors du pillage de sa maison à Bangui en deux mille quatorze, une partie a été sauvée par le photojournaliste Jérôme Delay, apprends-je quand je veux en savoir plus sur lui à mon retour.
J’ouvre mon sac à l’employée qui fait office de vigile, achète une entrée à neuf euros et me lance dans la découverte d’Après Eden, l’exposition réalisée à partir de la collection de photos qu’a entreprise, depuis les années quatre-vingt-dix, Artur Walther, natif d’Ulm, installé à New York. Cette collection a pour point de départ la photographie allemande et s’est étendue à la photographie africaine et asiatique. Simon Njami, qui fut commissaire des Rencontres de la Photo Africaine de Bamako pendant sept ans, présente ici des images sérielles sur le thème assez flou de l’Après Eden.
En ouverture est montrée l’intégralité des cent vingt planches du portfolio graines et végétaux de Karl Blossfeldt. Suivent les séries de gravières et de hauts-fourneaux signées Bernd et Hilla Becher (morte récemment), pionniers de la photo conceptuelle, qui plairaient beaucoup à celle qui n’est plus avec moi.
J’en passe et retiens les enfants soldats de Guy Tillim, Faces and Phases portraits de lesbiennes d’Afrique du Sud par Zanele Muholi, Country Girls transsexuels d’Afrique par Sabelo Mlangeni.
Plus loin je trouve le bien connu Malick Sibidé avec ses photos twisteuses, puis ne note pas qui, bien que tout soit intéressant, photos de villes par exemple, reprends mon stylo pour Ma Liuming qui s’est inventé un alter ego féminin, Fen-Ma, que l’on voit gambader nu(e) sur la Grande Muraille de Chine. Ensuite, Ai Weiwei laisse tomber son urne antique et Eadweard Muybridge décompose le mouvement.
Je note aussi African Spirits (série d’autoportraits pour laquelle Samuel Fosso s’identifie aux icônes noires, d’Angela Davis à Nelson Mandela, de Martin Luther King à Patrice Lumumba et Félix Houphouët Boigny), Antlitz der Zeit (portfolio de soixante portraits faits par August Sanders pour ses Hommes du XXe siècle), les portraits de studio de Seydou Keïta (Mali, années cinquante et soixante), The Family de Richard Avedon (un panthéon de la classe dirigeante américaine).
Se trouvent là encore beaucoup de séries d’autres photographes et d’anonymes ainsi que des vidéos que je n’ai pas envie de voir et une jolie jeune femme brune qui dit au téléphone qu’elle est à La Maison Rouge et puis je descends au sous-sol.
Dans ces salles à demi éclairées je trouve les photos en noir et blanc du célèbre Nonuyoshi Araki 101 Works for Robert Frank (scènes érotiques, bondage, scènes domestiques, paysages), celles de Kohei Yoshiyuki (voyeur des rencontres sexuelles nocturnes dans les parcs de Tokyo) et de Daido Moriyama A Room (soixante-quatre photos « brutes, floues et troubles », nus et natures mortes).
Les vidéos entrecroisées de Yang Fudong montrant un monde post nucléaire dans lequel errent humains et chiens occupe l’ultime salle.
Une bien belle collection que celle d’Artur Walther, General Partner chez Goldman Sachs jusqu'à sa retraite en quatre-vingt-quatorze, je sors de La Maison Rouge content d’en avoir profité.
*
C’est la pagaille sur la ligne entre Rouen et Paris ce mercredi soir, des trains sont annulés dans les deux sens, au moins un est bloqué par un obstacle sur la voie. Celui de dix-huit heures trente pour Rouen est là, il part à l’heure mais est dévié par Argenteuil, ce qui lui cause un retard de « vingt-sept minutes environ » à l’arrivée à Rouen. La Senecefe présente ses excuses. Une jolie voyageuse aurait préféré « un geste », mot qui en dit long sur le rapport qu’ont la plupart des contemporains avec l’argent.
Tout à l’heure, en se levant, elle s’est cognée la tête au porte-bagages. Nous avons échangé un sourire. M’a traversé l’idée de lui faire un petit massage de cuir chevelu mais j’ai retenu mon geste.
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Samuel Fosso vit en exil en France depuis que ses archives ont été saccagées lors du pillage de sa maison à Bangui en deux mille quatorze, une partie a été sauvée par le photojournaliste Jérôme Delay, apprends-je quand je veux en savoir plus sur lui à mon retour.
25 décembre 2015
Cet hiver printanier permettant à certaines de jacasser dans le jardin commun jusqu’à la mi-nuit, c’est ayant peu dormi que je me lève à cinq heures ce mercredi d’avant Noël afin de prendre le train de six heures quarante-sept pour Paris. En chemin, je croise celui parti de la capitale à sept heures cinquante dans lequel se trouve celle qui rejoint ses parents et déjeunera chez moi le vingt-cinq, curieuse expérience de se frôler ainsi sans se voir.
Le bus Vingt démarre une minute après que j’y suis assis. Lorsque nous arrivons place de République, celle-ci est cernée par les Céhéresses. Près de ce qui est devenu le lieu de culte post attentats, des hommes en combinaison blanche lavent le sol à grande eau. Chacun(e) dans le bus se demande silencieusement quoi.
Je descends place de la Bastille. Au-dessus du Génie, le ciel bleu est rayé de lignes blanches laissées par des avions. Le soleil bas promet encore une belle journée. Allant de Book-Off à Mona Lisait en passant par le marché d’Aligre, je ne trouve aucun livre dont je pourrais me dire qu’il est un cadeau de Noël.
C’est au Péhemmu chinois de la rue du Faubourg Saint-Antoine que je déjeune, commettant l’erreur de faire précéder le toujours bon confit de canard aux pommes rissolées d’un fromage blanc aux rudes échalotes. Près de moi sont trois femmes qui discutent d’une quatrième dont le mari fait le tour des cimetières pour établir son arbre généalogique.
Après le café, je sors de ma poche le bout de papier où j’ai écrit l’adresse de La Maison Rouge.
*
J’apprendrai plus tard que les expulsés de la place de la République sont des Afghans demandeurs d’asile ayant droit à un hébergement mais dormant dehors à même le sol depuis des mois, venus s’installer à cet endroit pour être davantage visibles.
Le bus Vingt démarre une minute après que j’y suis assis. Lorsque nous arrivons place de République, celle-ci est cernée par les Céhéresses. Près de ce qui est devenu le lieu de culte post attentats, des hommes en combinaison blanche lavent le sol à grande eau. Chacun(e) dans le bus se demande silencieusement quoi.
Je descends place de la Bastille. Au-dessus du Génie, le ciel bleu est rayé de lignes blanches laissées par des avions. Le soleil bas promet encore une belle journée. Allant de Book-Off à Mona Lisait en passant par le marché d’Aligre, je ne trouve aucun livre dont je pourrais me dire qu’il est un cadeau de Noël.
C’est au Péhemmu chinois de la rue du Faubourg Saint-Antoine que je déjeune, commettant l’erreur de faire précéder le toujours bon confit de canard aux pommes rissolées d’un fromage blanc aux rudes échalotes. Près de moi sont trois femmes qui discutent d’une quatrième dont le mari fait le tour des cimetières pour établir son arbre généalogique.
Après le café, je sors de ma poche le bout de papier où j’ai écrit l’adresse de La Maison Rouge.
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J’apprendrai plus tard que les expulsés de la place de la République sont des Afghans demandeurs d’asile ayant droit à un hébergement mais dormant dehors à même le sol depuis des mois, venus s’installer à cet endroit pour être davantage visibles.
24 décembre 2015
De ma lecture des notes de lecture vachardes de Georges Perros groupées dans Lectures pour Jean Vilar (Le temps qu’il faut) je dégage et retiens également de sages propos sur ce qu’est ou doit être le théâtre :
C’est jeune et ça ne sait pas que les personnages d’une pièce ne doivent pas avoir d’idées personnelles. L’idée c’est le spectateur.
Un auteur dramatique n’a pas de métier. Dès qu’un homme écrit, il se désolidarise.
Il n’y a rien à comprendre à un personnage dramatique. Alceste est-il comique ? est-il tragique ?
On ne fait pas des enfants avec son intelligence, c’est bien connu. Ni des héros dramatiques.
Encore un qui n’aime pas la guerre. Malheureusement le théâtre c’est la guerre. Si les hommes s’entendaient, il n’y aurait pas besoin de leur montrer l’horreur d’être qu’ils connaissent si bien. Ils viennent se regarder, souffrir, tuer, mentir. Tant mieux si ça les soulage et tant pis.
J’aime particulièrement ce Dès qu’un homme écrit, il se désolidarise. et le fait mien.
*
Ce conseil de Georges Perros à Jean Vilar :
N’augmentez pas mon salaire, je me croirai obligé de tout lire, et vous de venir à mon enterrement.
*
Et cette considération en forme de bilan :
Je me demande de plus en plus s’il est bien raisonnable d’apprendre la langue française à tout le monde.
*
En fin de volume, trois lettres de Georges Perros à Jean Vilar, dont l’une commence ainsi :
Cher Jean Vilar
Je suis sûr que vous ne vous demandez pas trop ce que je deviens.
*
Le successeur de Vilar au Téhennepé, Georges Wilson, considérant le peu d’utilité de ce lecteur rompra le contrat.
C’est jeune et ça ne sait pas que les personnages d’une pièce ne doivent pas avoir d’idées personnelles. L’idée c’est le spectateur.
Un auteur dramatique n’a pas de métier. Dès qu’un homme écrit, il se désolidarise.
Il n’y a rien à comprendre à un personnage dramatique. Alceste est-il comique ? est-il tragique ?
On ne fait pas des enfants avec son intelligence, c’est bien connu. Ni des héros dramatiques.
Encore un qui n’aime pas la guerre. Malheureusement le théâtre c’est la guerre. Si les hommes s’entendaient, il n’y aurait pas besoin de leur montrer l’horreur d’être qu’ils connaissent si bien. Ils viennent se regarder, souffrir, tuer, mentir. Tant mieux si ça les soulage et tant pis.
J’aime particulièrement ce Dès qu’un homme écrit, il se désolidarise. et le fait mien.
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Ce conseil de Georges Perros à Jean Vilar :
N’augmentez pas mon salaire, je me croirai obligé de tout lire, et vous de venir à mon enterrement.
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Et cette considération en forme de bilan :
Je me demande de plus en plus s’il est bien raisonnable d’apprendre la langue française à tout le monde.
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En fin de volume, trois lettres de Georges Perros à Jean Vilar, dont l’une commence ainsi :
Cher Jean Vilar
Je suis sûr que vous ne vous demandez pas trop ce que je deviens.
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Le successeur de Vilar au Téhennepé, Georges Wilson, considérant le peu d’utilité de ce lecteur rompra le contrat.
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