Le Journal de Michel Perdrial

Le Journal de Michel Perdrial




Loïc Boyer
Je suis l’auteur de textes courts qui furent publiés depuis mil neuf cent quatre-vingt-quinze dans des revues littéraires en France (Supérieur Inconnu, Supplément d’Ame, Nouvelle Donne, Le Bord de l’Eau, Pris de Peur, l’Art du Bref, Sol’Air, Gros Textes, Salmigondis, Verso, Décharge, Bulle, Filigranes, Diérèse, Martobre, Comme ça et Autrement, (Cahier d’) Ecritures, La Nef des Fous), en Belgique (Traversées, Ecrits Vains, L’Arbre à Plumes, Inédit Nouveau, Bleu d’Encre), au Canada (Les Saisons Littéraires) et en Italie (Les Cahiers du Ru).
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.







Rss

31 décembre 2023


Les tripotages, avec main dans la culotte, de comédiennes débutantes, de jeunes techniciennes, de petites figurantes, auxquels se livrait Gérard Depardieu, c’est exactement ce que faisait subir Victor Hugo aux jeunes domestiques, aux petites serveuses, aux pauvresses de la rue, aggravant son cas en leur laissant un peu de monnaie au titre de ses bonnes œuvres (il raconte ça en détail dans ses carnets écrits en langage codé, qu’a décodé Henri Guillemin).
Je souris quand je vois sur le réseau social Effe Bé certain(e)s y aller de leurs commentaires indignés sur Depardieu et, en même temps, pour dénoncer la Loi Immigration, utiliser un texte d’Hugo à la gloire des étrangers.
                                                                     *
On peut en être sûr, lui mort, il n’y aura pas de rue Gérard Depardieu. En revanche, combien de rues Victor Hugo, d’avenues Victor Hugo, de boulevards Victor Hugo, d’écoles Victor Hugo, de collèges Victor Hugo, de lycées Victor Hugo, du boulot pour les débaptiseuses et débaptiseurs.
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On l’apprend tardivement, Gérard Depardieu a laissé le même genre de souvenir à Rouen. C’était lors du tournage du feuilleton Les Misérables (d’après Victor Hugo) par Josée Dayan.
« Propos graveleux et mains baladeuses de la part de Depardieu, et Dayan qui hurlait sur les figurants en les prenant pour du bétail ! », écrit l’une qui était costumière pour les scènes tournées dans la ville.
A l’époque de ce tournage, en deux mille, on ne parlait ici que du cheval qui avait refusé d’entrer dans ma ruelle.
 

30 décembre 2023


Jusqu’alors, le chien du nouveau voisin (ce dernier désormais coiffé d’un bonnet) ne faisait entendre que de temps en temps un aboiement intempestif mais dans l’après-midi de ce jeudi, alors qu’il est seul dans l’appartement, l’animal donne un véritable récital, se mettant à gueuler à chaque fois qu’il entend la porte d’entrée du porche se refermer.
Quand son maître (comme on dit) revient, je vais le voir pour l’informer du pénible désagrément. Il me répond qu’il est désolé, qu’il va faire en sorte que l’animal ne voie pas qui entre et que si ce n’est pas suffisant, il aura un collier anti aboiements. Il le lui mettait dans la campagne d’où il vient. Ce qui montre, me dis-je, que ce chien posait déjà des problèmes là-bas.
Dans la soirée, l’animal se fait encore entendre en l’absence de son propriétaire. Celui-ci rentre au milieu de la nuit et la façon brutale dont il ouvre et referme la porte du porche me laisse songeur. Il est, semble-t-il, accompagné d’un peute, ou alors il téléphone bruyamment. De temps à autre, le chien continue à aboyer.
Je me refugie dans la petite chambre et tente de me rendormir. Le chien gueulant toujours, le voisin de l’autre côté se met à taper dans le mur pour faire état de son mécontentement. J’imagine la nuit que passent en-dessous les paisibles occupants du logement Air Bibi.
Au bout d’un moment, malgré tout, je m’endors. Le vendredi matin, j’aperçois ce nouveau voisin en discussion avec le propriétaire de l’Air Bibi et un autre des copropriétaires qui réside de l’autre côté du jardin. Je ne sais pas ce qu’ils se disent et je préfère ne pas aller m’en mêler
La nuit suivante, celle de vendredi à samedi, est calme et ce samedi aussi, du moins jusqu’à cette heure.
                                                                    *
Au matin de ce samedi, je fais l’ouverture de l’Intermarché de la place Saint-Marc. Pour remplacer celle qui m’a mis dans le noir, j’y trouve une cafetière Top Budget à onze euros quatre-vingt-dix-neuf.
Me dirigeant vers la seule caisse ouverte je remarque une femme qui, après avoir pris un chariot, se jette sur les bonbons Mentos de tête de gondole. Je lui dis bonjour, c’est l’ancienne propriétaire de l'appartement devenu Air Bibi du rez-de-chaussée, mon ancienne voisine donc. Elle me répond par un bonjour on ne peut plus contraint.
Ce n’est pas elle qui m’offrirait un bonbon à la menthe.
 

29 décembre 2023


Ce jeudi je me lève très tôt, à mon habitude. Après la douche, je mets en marche ma cafetière et mon ordinateur. J’attends que le café coule et que la machine mouline jusqu’à Internet. Soudain je suis dans le noir, plus d’électricité dans la maison.
Heureusement, je pose toujours ma lampe de poche sur le même rebord de fenêtre. Quand je monte la chercher, je constate que l’éclairage public fonctionne. Redescendu, je vois qu’il y a de la lumière chez la vieille voisine d’en face qui ne vit que la nuit. Sur mon tableau électrique les disjoncteurs sont vers le haut. Sauf un, mais il affiche un point vert. Quand je le relève apparaît un point rouge et il redescend automatiquement.
Je vais chercher ma dernière facture Heudéheffe qu’heureusement je reçois toujours en papier, trouve le numéro de dépannage d’Enedis et appelle. L’homme qui me répond me demande d’aller voir si mon compteur Linky affiche quelque chose. Je dois sortir dans le jardin pour ce faire. Quand je reviens, il me dit qu’il a vérifié de son côté. La panne ne provient pas de chez eux. Il faut que je contacte un électricien.
Il est beaucoup trop tôt pour cela. Me voici dans le noir avec pour seul secours ma petite lampe de poche qui ne fonctionne que si on maintient le bouton appuyé. Ce qui n’est guère pratique, je le constate, quand on est aux toilettes. Impossible de petit-déjeuner, je mets en marche ma petite radio à piles (ce qu’on appelait autrefois un transistor) et me morfonds assis dans l’obscurité en écoutant France Culture.
Un électricien, j’en connais un. Mon frère, qui pendant toute sa vie active (comme on dit) a assuré la maintenance des machines en usine. Depuis des lustres, sans être le moins du monde fâchés, nous ne nous voyons plus, nous parlant une ou deux fois par an au téléphone, rien de plus. Cela m’ennuie de lui demander de venir parce que j’ai besoin d’un service. Et à quelle heure se lève-t-il, je l’ignore.
A huit heures, toujours dans le noir, j’appelle ma sœur que je ne fréquente pas davantage mais avec qui je suis en contact téléphonique une fois ou deux par mois et que je sais debout. Elle me dit que notre frère se lève tôt lui aussi et que je peux au moins l’appeler pour avoir son avis.
Je le sens un peu inquiet quand il décroche après avoir vu mon nom s’afficher. Je lui explique mon problème. Il me demande si tout est en haut sur le tableau électrique. Je lui dis que oui, oubliant d’évoquer le bitoniau vers le bas avec l’affichage vert. Il ne voit pas ce que ça peut être si le tableau est okay. « Tu veux que je vienne ? », me demande-t-il. « Je n’osais pas te le demander », lui réponds-je. « On devait faire les courses, me dit-il, mais on les fera demain. Je rassemble mes outils et j’arrive. » Je dois lui redonner mon adresse.
Il arrive avec sa compagne alors que le jour s’est levé. Il a vite fait de repérer le bitoniau à point vert. Il devrait être en haut avec point rouge. S’il n’y reste pas, c’est qu’il y a un problème sur l’un des disjoncteurs. « Je vais mettre l’interrupteur général hors service, me dit-il, mettre chaque disjoncteur vers le bas, remettre l’interrupteur général en service, puis chaque disjoncteur un par un vers le haut et on va voir quand ça va sauter. »
Le cinquième est celui qui défaille et la coupable est ma cafetière. Elle a débordé il y a une semaine, le circuit électrique a dû prendre l’eau. Nous la débranchons et me voilà sauvé.
Nous allons prendre un café au Grand Saint Marc, ce café que j’appelais le Faute de Mieux quand je le fréquentais régulièrement (mais tous les cafés rouennais méritent ce nom) et nous nous racontons un peu nos vies respectives et nos vacances aux mêmes lieux (Toulon, Saint-Quay, Annecy).
Quand nous nous séparons, il refuse que je paie le parcage de sa voiture et, comme il en a une autre chez lui, il m’offre sa lampe solaire afin que je puisse mieux faire face si je devais revivre à nouveau dans le noir.
                                                           *
A onze heures, j’ai rendez-vous avec Lou. C’est sa dernière journée rue Martainville et je lui ai acheté via Le Bon Coin un escabeau trois marches pour cinq euros. Au moment prévu, elle apparaît à la porte de son immeuble. Nous montons au troisième. Elle me montre comment l’utiliser et je lui souhaite un bon déménagement.
Cela faisait un moment que je cherchais un escabeau deux marches à petit prix, ayant de plus en plus de mal à monter sur un tabouret pour atteindre les rayonnages du haut de mes bibliothèques. Celui que je porte jusqu’à chez moi en a une de plus mais à ce prix, je ne pouvais le laisser passer.
                                                           *
L’après-midi, quand je veux noter la transaction sur Le Bon Coin je me rends compte que je ne peux le faire car nous avons contourné le site pour  mon achat. Je découvre alors qu’elle vend aussi une chaise de bureau Ikea pour quinze euros. L’une des miennes est dépenaillée, c’est l’occasion de la remplacer.
Bientôt, j’ai un nouveau rendez-vous avec Lou. « Je descendrai avec la chaise, m’écrit-elle, ça vous évitera de monter ».
« Il n’y avait plus qu’elle dans mon appartement, ça me faisait de la peine de la voir comme ça », me dit cette gentille jeune fille lorsque je la lui échange contre un billet de dix et un de cinq après qu’elle m’a montré sur le trottoir comment monter et descendre l’assise.
 

28 décembre 2023


Il manque des navetteurs dans le sept heures vingt-trois pour Paris ce mercredi. Ils sont en congé et remplacés par des familles à inquiétudes et grosses valises. Beaucoup d’entre elles continueront le voyage avec un Tégévé pour aller chez PapyMamie, « Va falloir être sages dans le métro ».
Le bus Vingt-Neuf affiche une attente de neuf minutes. Nous ne sommes que deux passagers à son départ et jamais plus de cinq au cours du trajet.
Moins de monde également dans les rues qui mènent au Marché d’Aligre où moins de commerçants sont présents. Emile y est. Il annonce de nouveaux livres demain, dommage pour moi.
Le Camélia vivote. J’y lis Deuil à Chailly de Lionel-Edouard Martin, un enterrement de grand-oncle qui me laisse sur ma faim. A partir d’onze heures, je suis dans le Book-Off de Ledru-Rollin. Là, il y a foule encore une fois, des familles, des couples, dont l’un où l’élément féminin lirait bien un livre « s’il est pas trop long », l’élément masculin suivant en faisant des blagues « tu veux pas un livre en allemand ? ».
Vers midi, j’arrive au Diable des Lombards. J’y déjeune d’un confit de canard suivi d’une mousse au chocolat. Ici aussi, on sent l’entre deux fêtes, nous ne sommes que quatre clients. Je retrouve l’affluence au Book-Off de Saint-Martin, un peu moins au sous-sol heureusement.
Dans le métro qui mène à Quatre Septembre un jeune homme demande à l’un qui téléphone bruyamment de le faire avec un casque. Le malotru l’invective. « Ne me tutoyez pas, s’il vous plaît », lui répond le courageux. Je descends sans savoir la fin.
Rien ne semble avoir changé au Bistrot d’Edmond qui était en travaux et où on a remis les nappes blanches. « Ce sont les cuisines et les vestiaires, en sous-sol, qui ont été refaits », m’explique le serveur. Le café est toujours à un euro vingt au comptoir. Le troisième Book-Off est lui aussi trop fréquenté.
Je rentre dans la voiture Cinq du seize heures quarante, pas de réservation donc pas de familles et peu de navetteurs. Ma jeune voisine de l’autre côté de l’allée a les cheveux bleus. Elle tricote de la grosse laine rouge. Je lis Autobiographie de mon père de Pierre Pachet. Raconter la vie de son père comme si c’était lui que le faisait est un défi et je reste sur ma faim.
                                                                      *
Guère de livres à un euro dans mon sac : La Pierre de la Folie, livre panique de Fernando Arrabal (Maelström & Le Veilleur), Nous sommes au regret de… de Dino Buzzati (Pavillons Poche) et Poèmes homosexuels de François Villon, édition bilingue de Thierry Martin chez GayKitschCamp.
 

26 décembre 2023


Lecture au lit du journal de Léontine de Metternich qu’a découvert dans un tiroir secret sa descendante Tatiana lorsqu’elle se préparait à fuir l’arrivée des troupes soviétiques en mil neuf cent quarante-cinq. Ecrit en français entre mil huit cent vingt-six et mil huit cent vingt-neuf, il a été publié en mil neuf cent quatre-vingt-onze par l’éditeur belge Duculot sous le titre Carnets viennois.
La troisième fille du Prince-Chancelier y narre sa vie de privilégiée, entre ses quatorze ans et ses dix-sept ans. Très proche de son frère aîné Victor, elle suit de près l’éventualité d’un mariage de celui-ci avec son amie Antoinette qui est un peu plus âgée qu’elle. Coup de théâtre Papa nous a fait venir ce matin et nous a annoncé son intention d’épouser Antoinette. Je me suis sentie comme foudroyée et ne savais plus si je rêvais ou si j’étais éveillée. Papa se mariant et avec Antoinette, non, je n’y survivrai pas… Bientôt tout s’arrange : Notre ménage avec Antoinette marche à merveille. Nous nous convenons très bien, et je ne puis assez dire comme elle est bonne pour moi. Victor se console avec la Marquise de Castries dont il a un enfant cependant que Metternich s’explique auprès d’un correspondant inconnu sur le choix d’une très jeune épouse après la mort de la mère de ses enfants: Ce que je voulais (…) une jeune personne qui jamais n’aurait la moindre prétention au rôle de mère de mes filles, mais bien simplement celle d’être leur sœur aînée, de leur prêcher l’exemple, de les consoler le plus possible dans leur abandon. Las, Antoinette meurt peu après avoir donné naissance à un enfant puis Victor décède de la tuberculose. Léontine cesse alors d’écrire.
 

24 décembre 2023


La fête n’a pas encore commencé qu’elle est déjà finie, s’il faut en juger par l’installation dés le vingt-trois décembre sur l’esplanade Marcel-Duchamp de barrières formant un enclos où jeter son sapin.
Point de sapin, chez moi, et du temps où j’en faisais un, il était en plastique, réutilisable chaque année. Depuis que je ne suis plus bien accompagné, Noël est un jour comme un autre. Ça ne me pèse pas. Je suis même fort content d’échapper à cette fête qui en saoule plus d’un(e).
« Je n’ai pas d’enfants donc c’est évidemment moi qui hérite du déguisement du Père Noël. D’autant plus que comme je vois rarement les enfants de ma famille, il n’y a aucun risque qu’ils me reconnaissent », se désole l’un dans un article du Figaro qui se penche sur l’épreuve qu’est le réveillon pour les célibataires à qui la famille demande quand elles ou eux ne le seront plus.
C’est également de repas de famille dont on parle au Socrate ce samedi matin entre serveuses, des conversations autour du chapon : « Quand on parle politique, on s’engueule. Quand on parle de cul, on rigole. »
Les cafés y sont servis avec un tout petit sucre emballé dans un papier serré qui pose problème à l’habituel trio de retraités.  Ils s’en plaignent à l’une des serveuses.
-C’est en dépannage, leur dit-elle, on attend une livraison.
Ce qui lui vaut cette réponse de l’un :
-J’ai déjà eu une femme en dépannage, c’était plus facile à déshabiller que ça.
                                                                   *
Citation du moment : Le sapin, dont on fait les cercueils, est un arbre toujours vert.  (Xavier Forneret, qui parfois dormait dans le sien après avoir joué du violon)
 

22 décembre 2023


Ce n’est pas le jeune homme habituel qui officie à l’intérieur d’Au Diable des Lombards ce mercredi midi. Plus froid que l’autre est ce nouveau. Je lui commande un foie de veau et un tiramisu. Ce foie de veau est excellent. Au cours du repas, j’entrevois dans l’escalier la tête du cuisinier qui opère en sous-sol. Sa couleur ne me surprend pas.
Après avoir réglé, je demande au serveur inhabituel s’il peut me rendre le service de garder mon lourd sac à dos. Il hésite puis accepte. Cela me permettra d’aller léger jusqu’à la rue du Perche où une autre exposition m’appelle. Comme elle n’ouvre qu’à quatorze heures, j’ai le temps de fureter dans les rayonnages à un euro du Book-Off de Saint-Martin et d’y trouver « Je couche toute nue » qui raconte la relation Auguste Rodin Camille Claudel à travers lettres, journaux, carnets, articles de presse, un ouvrage publié par Slatkine & Cie.
A l’extrémité de la rue Saint-Martin je tourne à gauche dans la rue de Rivoli, marche jusqu’à la rue Vieille-du-Temple, la prends jusqu’à la courte rue du Perche. La Galerie Lazarew est au bout. Quand j’y entre, je suis salué par la galeriste et par sa fille qui n’a pas école. Une dizaine de nus et demi-nus de Sergey Kononov, jeune peintre ukrainien ancien élève de l’Ecole des Beaux-Arts de Paris, sont aux murs. Des peintures réalistes dans une palette acidulée à la croisée des univers des médias, de la mode, de l'érotisme et de la culture jeune, indique le texte de présentation. Julie Chaizemartin, journaliste et critique d’art, situe les œuvres de Sergey Kononov « entre l’icône et le réalisme, entre la spiritualité orthodoxe et Balthus, entre Masaccio et Egon Schiele ». Ces peintures ont donc tout pour me plaire. Je fais plusieurs fois le tour de cette exposition intitulée Not quite here Pas tout-à-fait ici puis dis au revoir.
Au début de la rue du Perche, j’aperçois des œuvres de Zoran Music dans la vitrine de la Galerie Margaron. J’entre donc. Sont visibles ici surtout des paysages dudit. L’une des deux jeunes femmes de l’accueil me dit que pour voir la suite, il faut traverser la cour intérieure et ouvrir la porte blanche en face. Dans ce qui dut être un appartement sont montrés d’autres Zoran Music, dont des cavalcades, des Jean Hélion, des Bernard Réquichot.
Il est temps de retrouver mon sac à dos. Je bois un café à deux euros vingt au Diable des Lombards puis rejoins Saint-Lazare. Dans le train du retour, où je voyage en seconde classe, je lis Acqua alta de Joseph Brodsky. L’écrivain y raconte ses séjours hivernaux à Venise. Rien de personnel, hormis une rencontre avec la veuve d’Ezra Pound en compagnie de Susan Sontag, mais il n’en fait pas grand-chose, dommage.
 

21 décembre 2023


C’est en première classe pour quelques dizaines de centimes de plus que je rejoins Paris ce mercredi avec le sept heures vingt-trois. Le bus Vingt-Neuf annonce qu’il part dans deux minutes. Il circule sous un ciel bleu.
Quand j’arrive au Marché d’Aligre, le monde autour des tables d’Emile Débarras m’indique qu’il y a des nouveautés. Ce sont des livres hélas pas très propres.  Quelques-uns ont sorti leur smartphone cherchant si des ouvrages pourraient être revendus avec bénéfice. Pour l’occasion, Emile a augmenté ses prix, un pour trois euros, deux pour cinq euros. Bien que leur couverture ne soit pas nette, je dépense cinq euros pour Soixante-dix s’efface (Journal 1965-1970) d’Ernst Jünger (Gallimard) et Lettres choisies de D.H. Lawrence (Gallimard). Chez le concurrent, c’est toujours le même vieux mélange, mais j’aperçois en surface, inconnu de moi et propre, La Cazzaria, dialogue priapique de l’Arsiccio intronato d’Antonio Vignale (Jean-Paul Rocher Editeur) dont l’original fut publié à Venise au seizième siècle (On s’y demande par exemple « Pourquoi les femmes se font bourrer à coups de vits » et « Pourquoi on donne la langue en foutant »). Contre deux euros, il devient mien.
Je rejoins pour un café assis Le Camélia où l’on ne sait pas encore si on ouvrira le jour de Noël. J’y lis dans Le Parisien les articles sur le vote de la Loi Immigration, ce bébé de l’hydre à trois têtes Darmanin Ciotti Le Pen. Quelques Centristes de Droite ont sauvé l’honneur en ne la votant pas et le Ministre de la Santé, Aurélien Rousseau, en démissionnant.
La pêche est bonne dans les livres à un euro du Book-Off de Ledru-Rollin : En route mauvaise troupe de Jacques Vaché et compagnie (Le Chien rouge), Deuil à Chailly de Lionel-Edouard Martin (Arléa), La Ligne d’Alexandre Guirkinger et Tristan Garcia (RVB Books), Autobiographie de mon père de Pierre Pachet (Biblio Livre de Poche), Un an dans la forêt de François Sureau (Gallimard) et les énormes Journal de Mihail Sebastian (Stock) et Jeune mariée (Journal 1957-1962) de Catherine Robbe-Grillet (Fayard), ce dernier que j’avais déjà. Cela alourdit considérablement mon sac à dos. Il me pèse quand je rejoins la station de métro Hôtel de Ville puis marche jusqu’à la Galerie Templon pour y voir l’exposition Claude Viallat.
On y voit de grandes bâches colorées, anciennes et récentes, de l’obsessionnel qui, à quatre-vingt-sept ans, manie toujours l’éponge avec talent. Une demi-douzaine de visiteuses et visiteurs sont présents en même temps que moi, des plus de soixante ans. S’y ajoutent deux collégiennes arrivées seules et qui ne restent pas longtemps.
Quand je sors à mon tour, c’est pour rejoindre Au Diable des Lombards.
 

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