Le Journal de Michel Perdrial

Le Journal de Michel Perdrial




Loïc Boyer
Je suis l’auteur de textes courts qui furent publiés depuis mil neuf cent quatre-vingt-quinze dans des revues littéraires en France (Supérieur Inconnu, Supplément d’Ame, Nouvelle Donne, Le Bord de l’Eau, Pris de Peur, l’Art du Bref, Sol’Air, Gros Textes, Salmigondis, Verso, Décharge, Bulle, Filigranes, Diérèse, Martobre, Comme ça et Autrement, (Cahier d’) Ecritures, La Nef des Fous), en Belgique (Traversées, Ecrits Vains, L’Arbre à Plumes, Inédit Nouveau, Bleu d’Encre), au Canada (Les Saisons Littéraires) et en Italie (Les Cahiers du Ru).
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.







Rss

15 juillet 2016


Deuxième semaine de concerts gratuits à Rouen en ce jeudi qui est aussi le Quatorze Juillet, je choisis d’aller voir dans un premier temps Cabaret Contemporain place du Flo’s et du Socrate réunis. Ce groupe de cinq garçons joue de la musique électronique sans employer de machines, utilisant des instruments acoustiques préparés et bricolés (deux contrebasses, un clavier, une guitare et une batterie). A l’écoute, l’illusion est parfaite et de cette agréable musique au kilomètre, je prends de quoi parcourir un demi-heure.
Je me déplace ensuite de quelques dizaines de mètres jusqu’à la cour intérieure de l’Espace du Palais découvrant à cette occasion la nouvelle entrée qui permet de rejoindre les commerces du niveau inférieur et de ressortir dans la rue Saint-Lô, un raccourci que j’ajouterai à ceux que j’emploie lors de mes déplacements en ville. Là joue et chante un sympathique duo italien parlant le français Ilaria Graziano & Francesco Forni, de la musique folk plaisante à entendre.
Cela me suffisant, je rentre à la maison tandis que la fête continue et suis comme chaque année réveillé par le feu d’artifice.
Au matin, j’apprends ce qui s’est passé à Nice, au moins quatre-vingts morts par attentat islamo fasciste, le camion blanc fonçant dans la foule après le feu d’artifice, pour la première fois des enfants parmi les victimes, et Hollande Président qui fait la liste des mesures prises et qui seront prolongées, aucune d’elles ne permettant d’empêcher que se reproduise une telle horreur.
 

Des familles vacancières prennent place dans le train des travailleurs de sept heures vingt-huit pour Paris ce mercredi de mi-juillet. A cette heure matutinale les moutards se tiennent tranquilles, aussi le voyage est-il aussi paisible qu’à l’accoutumée. Je relis Une sécheresse à Paris d’Alain Chany (Points/Seuil) que j’ai vu évoquer en bien quelque part mais je n’en aime décidément pas l’écriture maniérée. Ce livre retournera dans le stock de ceux à revendre.
A l’arrivée, je monte dans un bus Vingt prêt à partir où j’obtiens la dernière place assise, tout au fond. Descendu à la Bastille, j’ai le temps de me livrer à mes occupations habituelles avant que le premier nuage noir n’arrive. Celui-ci envoie sa drache alors que je marche vers Beaubourg après avoir emprunté pour la première fois le vert passage privé mais ouvert en journée de la Cour Damoye entre le douze rue Daval et le douze place de la Bastille. Un peu mouillé malgré le parapluie, je me sèche chez New New où je déjeune chinois près d’ouvriers ravis de travailler le Quatorze Juillet, c’est payé double.
Ce qui m’amène dans le quartier est la fin annoncée de la Bouquinerie du Centre, boulevard de Sébastopol, pas loin de l’endroit où eut sa première chambre chez l’habitante l’une qui m’a tenu la main (j’y ai passé une nuit clandestine).
Ce sont des employés de cette bouquinerie qui récupéraient à très bas prix sur le trottoir d’en face les livres que refusait de racheter Joseph Gibert, une pratique pas suffisante pour sauver la boutique. Contrairement à ce que j'espérais, on n’y solde pas les livres, uniquement les cédés, et encore pas tous. J’achète le double album d’un concert de Christophe à l’Olympia en deux mille deux à six euros.
J’interroge le caissier sur le jour de la fermeture définitive. « Peut-être le premier septembre mais rien n’est sûr. », me répond-il. Je lui demande aussi si la seconde Bouquinerie du Centre, sise avenue de Clichy, que j’ai souvent fréquentée lorsque habitait à proximité, rue Dautancourt, l’une (pas la même) qui m’a tenu la main, va également fermer. « Non », me dit-il.
Je suis allé récemment rue Dautancourt (où j’ai passé de nombreuses nuits) revoir le marronnier du petit jardin, l’occasion d’en vouloir au temps qui passe et fait de soi quelqu'un que plus une jeune femme ne regarde.
                                                        *
Discussion de jardin intérieur, passage de la Main d’Or :
-En général, ils font attention vos enfants.
-Oui, je les surveille ;
-C’est pas comme les petits gamins du deuxième étage. Ceux-là, ils sont excités comme tout.
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« Je suis passé Chez Léon mais il n’y avait personne, juste un vieux qui lisait dans un coin. ».
Propos imaginaire d'une jeune femme, et lecture bien réelle en ce lieu de Brooklyn existe de James Agee (Titres/Christian Bourgois), un court carnet de route plutôt décevant. Ce livre trouvé chez Book-Off ce mercredi de mi-juillet rejoindra le stock de ceux à revendre.
 

13 juillet 2016


Mail tronqué, m’indique Yahoo ce lundi matin lorsque j’ouvre la livraison hebdomadaire du Ramble Tamble de Philippe Dumez. Il y raconte le début de l’enquête qu’il mène sur la vie de son défunt parrain. C’est le plus long mail que j’aie jamais reçu.
Il me revient à cette occasion la théorie faite par je ne sais qui : le choix qu’une femme fait en matière de parrainage masculin pour son enfant signifierait : « Voici l’homme avec qui j’aurais voulu faire cet enfant ».
Cela vaut surtout quand le parrain ne fait pas partie de la famille je suppose, quoique.
                                                        *
Concert improvisé de l’orchestre de la Bablake School de Coventry sur le parvis de la Cathédrale. Certain(e)s musicien(ne)s sont assis(e)s sur des chaises d’emprunt, d’autres sur les marches de pierre. Un quinquagénaire fait des photos, s’agenouillant sur le pavé. Je le soupçonne de viser sous les jupes des petites Anglaises.
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Rue Saint-Romain, un camion benne se remplit de bureaux, de lampes de chevet, de tableaux muraux et d’écrans plats. L’Hôtel de la Cathédrale change le mobilier de ses chambres.
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Rue des Bonnetiers, sur le mur de l’Archevêché, tracé par un quidam à l’encre bleue : « Pétain, reviens, t’as oublié tes chiens ».
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Une femme en terrasse de L’Interlude lit À la recherche de son vrai soi.
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Embouteillage rue de la Jeanne, ce mardi matin. Des camions livrent des distributeurs de billets destinés à remplacer ceux détruits en avril et juin par les Révolutionnaires.
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C’est quand même mieux d’avoir un papa antiquaire quand on est un Révolutionnaire. Après avoir défilé masqué et crié qu’il fallait tout péter, pouvoir se la couler douce dans la maison de bord de mer en été.
Ce garçon aura tôt fait de trouver son vrai soi.
 

12 juillet 2016


Lisant ce dimanche soir sur les réseaux sociaux quelques messages affolés de personnes rêvant d’un refuge à la campagne ou dans un blockhaus, je me dis que je ne suis pas le seul à redouter « le match ».
L’heure venue, je suis un peu rassuré sur ma tranquillité car tout le voisinage est en ville pour la finale de cet Euro de foute. Rien ne bouge ni ne se fait entendre dans la copropriété. Dès que je me mets au lit, je m’endors.
Je suis réveillé par des bruits de pétards. Rien de comparable au vacarme de jeudi dernier. J’en conclus qu’« on » a perdu et que ça ne se crie pas sur les toits.
Celui d’un bus rouennais a servi d’estrade à ceux qui criaient victoire l’autre jour près du O’Kallaghan's, raison pour laquelle aujourd’hui les bus et le métro ne roulent déjà plus.
Beaucoup parmi les dizaines de milliers de patriotes parqués dans la zone de fanitude de la presqu’île de Waddington, où cette pauvre Zazie a dû faire son concert à dix-neuf heures comme une débutante, vont rentrer à pied en faisant la tronche, à moins qu’ils ne préfèrent se jeter dans la Seine.
Et le drapeau tricolore, j’en fais quoi ? Mets-le dans ta culotte. Tu le ressortiras pour les Jihaux.
                                                                *
Loin heureusement, au Brésil, les prochains Jeux Olympiques, création de ce Pierre de Coubertin, qui, en mil neuf cent treize, écrivait dans ses Essais de psychologie sportive : « Les sports ont fait fleurir toutes les qualités qui servent à la guerre: insouciance, belle-humeur, accoutumance à l’imprévu, notion exacte de l’effort à faire sans dépenser des forces inutiles. »
 

11 juillet 2016


Une belle nuit d’été ce samedi promet Météo France, ce pourquoi vendredi je réserve une place pour Le Songe d’une nuit d’été de William Shakespeare donné par la Compagnie Catherine Delattres en plein air à l’aître Saint-Maclou.
Je suis l’un des premiers à attendre l’ouverture de la lourde porte en bois. Deux femmes de mon âge discutent avec une autre d’un séjour à Florence fait avec Terre d’Aventure. Quelle aventure en effet. Je règle mes seize euros et vais m’asseoir au milieu du troisième rang. En avant spectacle, c’est pendant trois quarts d’heure la traversée du beau jardin intérieur du lieu par les arrivants. La plupart sont âgés, comme toujours au théâtre..
Les derniers arrivés ont droit à un coussin pour poser leurs fesses sur les marches. Catherine Delattres photographie son public avec un petit appareil puis c’est parti pour deux heures de plaisir, comme toujours avec les pièces montées par cette femme discrète.
Nous sommes à Athènes où Thésée et Hippolyta, la reine des Amazones, s’apprêtent à fêter leur mariage. Deux amoureux, Hermia et Lysandre, saisissent l’occasion pour s’enfuir afin échapper aux volontés du père de la jeune fille qui veut la marier avec Démétrius. Les voici en forêt, lieu peuplé par les fées et les elfes sur lesquels règnent Obéron et Titania. Ceux-ci vont manipuler la vie amoureuse des deux fugueurs ainsi que celle d’un des comédiens amateurs ayant choisi cet endroit reculé pour répéter une pièce de théâtre en vue du mariage de Thésée et Hipollyta.
Aimant les mises en abyme, je suis servi avec cette pièce de Shakespeare très bien jouée par Julie Mouchel, Julie Bouriche, Taya Skorokhodova, Bernard Cherboeuf, Frédéric Cherboeuf, Jean-François Levistre, Nicolas Dégremont, Florent Houdu, Damien Avice et Emmanuel Gil, la plupart tenant plusieurs rôles, dont certains très physiques.
C’est souvent drôle et franchement désopilant à la fin lorsque la troupe d’amateurs présente son spectacle à Thésée et Hippolyta devenus spectateurs assis parmi nous. Ma voisine de droite n’aime pas ce moment de rigolade. Déjà tout à l’heure elle a failli avoir un malaise lors de l’emploi d’un fumigène pour matérialiser le brouillard. Pour la transformer en femme séduisante, il faudrait plus d’un elfe ou d’une fée.
                                                               *
Julie Mouchel ne fait pas que comédienne talentueuse, c’est aussi la chanteuse de Presque l’Amour vue et ouïe jeudi dernier devant le Son du Cor.
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L’aître Saint-Maclou risque de se transformer par la volonté de Frédéric Sanchez, Chef de la Matmutropole, Socialiste, en centre commercial pour artisans. Les arbres qui symbolisaient la forêt ce samedi soir seraient menacés d’abattage (comme ceux de la presqu’île de Waddington). Une pétition circule contre ce projet, malheureusement écrite par un illuminé, je n’ai donc pu la signer.
 

10 juillet 2016


Encore un vide grenier inutile certainement, me dis-je ce samedi matin en traversant la Seine pour rejoindre celui organisé rive gauche, chez les pauvres, rue Saint-Sever. Arrivé sur place, j’en ai la certitude. Les déballeurs installés entre l’ancien magasin Tati et l’église n’ont à proposer qu’objets décatis. La plupart n’ont pas de table. La marchandise gît au sol, donnant à cet évènement un côté triste malgré le beau temps.
J’en repars bredouille, mais en profite pour acheter quelques fruits au marché sous la verrière des Emmurées. Ils sont toujours moins chers qu’au marché d'en face, place Saint-Marc.
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Sur la blouse blanche portée par la fille d’un vendeur de choses de peu de valeur, en lettres capitales : POUR M’AIDER A PAYER MES ETUDES.
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Debray Onfray, l’un chasse l’autre sur France Culture, le premier d’une malhonnêteté intellectuelle plus subtile que le second mais tout aussi insupportable, quelle suffisance !, quelle fausse modestie ! Pour aggraver le désagrément, le prêche de cette ancienne tête brûlée guévariste devenue tête chenue donneuse de leçons est rediffusé le soir du même jour.
Chasser l’Onfray par la semaine, il revient par le ouiquennede, je n’en crois pas mes oreilles (comme on dit) ce samedi quand j’appuie sur le bouton en rentrant du Son du Cor. Lui aussi est rediffusé le soir.
                                                                *
Nuiteux Debout en juin, fouteux de canapé en juillet (proverbe de saison)
 

9 juillet 2016


Après le bon moment passé devant le Son du Cor aux Terrasses du Jeudi, il est temps de rentrer aux abris ce jeudi soir. « Le match » va bientôt commencer. Les fidèles se dirigent en masse vers les lieux de culte, au premier rang desquels le O’Kallaghan's en haut de la rue de la République. Certains la remontent en sens interdit avec leurs motos dont ils font vrombir le moteur.
Dans la copropriété, les plus proches sources de bruit sportif sont absentes. D’autres prennent le relais, plus lointaines mais non moins fanatisées, qui ont invité leurs peutes et leurs peutesses. Aux cris poussés, je sais que les joueurs français sont en train de gagner. Le culte du foute professionnel est une activité humaine totalitaire, pas moyen d’y échapper quand on habite en ville.
« On est en finale ! On est en finale ! », braille ce voisinage avant de quitter les lieux pour se joindre à la masse qui occupe la rue de la Rép et les autres. Explosions de pétards, sirènes de pompiers, rugissements des patriotes, j’ai l’impression d’entendre la bande son de la prochaine guerre (ou de la guerre prochaine).
                                                              *
Autres rassemblements de masse à Rouen en cette fin de semaine, ceux générés par les Concerts gratuits garantis sans alcool de la Région sur la presqu’île de Waddington rebaptisée esplanade Saint-Gervais. Le programme ne m’invite pas à y aller.
Cela aurait été l’occasion de voir une dernière fois les bâtiments anciennement portuaires dont les forains de la Saint-Romain ont obtenu la destruction et les nombreux platanes centenaires dont ils exigent l’abattage (j’ai signé la pétition contre, sans grand espoir), tout cela alors qu’ils disposent déjà à cet endroit de beaucoup plus de place que là où ils étaient sur les quais de la rive gauche.
Au match de la Mairie contre les forains, ce sont toujours ces derniers qui gagnent.
                                                              *
Une bonne surprise au réveil ce jeudi, je peux prendre une douche. C’est que la veille, j’avais malencontreusement enclenché le curseur qui stoppe l’eau de la douchette.
 

8 juillet 2016


Pour la première des Terrasses du Jeudi deux mille seize dont je ne connais aucun(e) des artistes invité(e)s, même pas de nom, je choisis les filles et donc le Son du Cor. Lorsque j’arrive devant l’estaminet, une ambulance des pompiers à gyrophare clignotant y stationne. Une fille aurait fait un malaise. Elle est dans le café. Les pompiers lui donnent les soins du corps. Elle ressort sur ses deux jambes. Ses trois sauveteurs la raccompagnent jusqu’à la table où elle buvait en terrasse avant de remonter dans leur véhicule.
Le premier concert peut commencer, que je choisis de regarder de profil à l’ombre. C’est celui d’un duo rouennais nommé Presque l’Amour, une chanteuse en pantalon et ticheurte noirs et basquettes bleues et un joueur de clavier et batterie électronique néo barbu à chevelure huilée. L’une et l’autre ont leur ordinateur. Elle chante en bougeant de façon harmonieuse qu’« il pleut sur Rouen évidemment », et qu’il n’est pas question de l’aimer « dans la matinée ». Ensuite je fais moins attention aux paroles. C’est elle qui boit de la bière entre deux chansons mais lui qui a un petit ventre. Cela me plait bien, sans plus. Elle ne s’adresse à nous que pour nous demander si ça va toujours. A un moment, c’est pour eux que ça ne va plus. Victimes du progrès moderne, ils doivent attendre qu’un des ordinateurs veuille bien poursuivre. Bref, c’est presque ça.
Le second concert, que je suis depuis le seuil de la maison d’en face, me comble. C’est celui que donne une longiligne jeune fille brune anciennement lyonnaise devenue parisienne habillée seventies : « Je m’appelle Pomme, comme le fruit ». Cette demoiselle a une très belle voix et s’en sert à point, s’accompagnant d’une guitare en bois qui ne peut tomber en panne. Elle chante en français des textes à elle et à d’autres, des histoires d’amour qui ont du mal et sa nostalgie prématurée, sachant parfaitement retenir l’attention du public en cette soirée difficile (de temps à autre passe un pleu-pleu vêtu de bleu blanc rouge suivi d’un autre et d’un autre à la queue leu leu). A un moment, elle délaisse la guitare au profit d’une autoharp pour une reprise du temps de sa prime jeunesse, Umbrella de Rihanna, puis s'en ressaisit afin d’en revenir à ce qui la caractérise, « de la chanson française inspirée » (comme elle a dit dans une interviou) sur des airs folk et country. Je suis sous le charme, au point que je lui pardonne de s’adresser une fois à nous autres en nous appelant Rouen. « Je dois repartir très vite », dit Pomme à l’issue. J’espère qu’elle repassera par ici un jour.
                                                                      *
Habituellement, je ne fréquente pas le Son du Cor après seize heures. Ce jeudi en début d’après-midi, on s’y extasiait au téléphone sur le temps d’été du jour : « Là, il fait bôôôô et tououou ! ». Deux femmes en blanc défendaient leur choix : « Pour le blanc, il faut ce temps-là ». Une autre tannait son compagnon : « Non mais moi ce que je veux, c’est rien faire. Une semaine à bronzer sur la plage et c’est tout. On n’est pas obligé d’aller aux Caraïbes, y a les Canaries et Majorque, c’est moins cher. Bah, pourquoi t’as pas envie ? Tu veux pas me faire plaisir ? »
 

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