Dernières notes
Loïc Boyer
Je suis l’auteur de textes courts qui furent publiés depuis mil neuf cent quatre-vingt-quinze dans des revues littéraires en France (Supérieur Inconnu, Supplément d’Ame, Nouvelle Donne, Le Bord de l’Eau, Pris de Peur, l’Art du Bref, Sol’Air, Gros Textes, Salmigondis, Verso, Décharge, Bulle, Filigranes, Diérèse, Martobre, Comme ça et Autrement, (Cahier d’) Ecritures, La Nef des Fous), en Belgique (Traversées, Ecrits Vains, L’Arbre à Plumes, Inédit Nouveau, Bleu d’Encre), au Canada (Les Saisons Littéraires) et en Italie (Les Cahiers du Ru).
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.
4 mars 2017
Pas la moindre attente à l’entrée de l’exposition L’Esprit français consacrée aux contre-cultures que propose la Maison Rouge dont Antoine de Galbert a annoncé la fermeture prochaine. Je paie dix euros, mets mon sac en coffre, passe devant les panneaux explicatifs qu’ont raison de lire, pour espérer y comprendre quelque chose, celles et ceux trop jeunes pour avoir vécu ça et qui sont nombreux ici ce mercredi, et vais au fil de mes envies et souvenirs parmi les sept cents archives et documents casés en deux mille mètres carrés. C’est foutraque, comme l’était cette période et comme le sont les notes que je prends, lesquelles ont la forme d’un inventaire très incomplet de ce qui me retient plus que le reste : le manuscrit de la Marseillaise (collection Charlotte Gainsbourg) et le film montrant son père la chantant poing levé devant les paras, l’Hommage au putain inconnu de Michel Journiac (squelette humain laqué blanc, vêtements acrylisés, drapeau tricolore, lettres relief), un numéro de l’Hebdo Hara-Kiri, prolongement hebdomadaire du mensuel Hara-Kiri, « La France aux Français », illustré d’un béret baguette sous le bras, une affiche recensant les cent cinquante membres du Comité de Soutien à la candidature de Coluche aux Présidentielles qui va de Hugues Aufray à Jean Yanne « Hitler aussi a commencé avec 150 signatures », un numéro du Bulletin Paroissial du Curé Meslier, le livre pour enfants d’Alain Le Saux Interdit/Toléré, le film de Paul Vecchiali Change pas de main « policier, politique et pornographique », les journaux du Fhar (Front Homosexuel d’Action Révolutionnaire) Le Fléau Social et L’Antinorm « Prolétaires de tous les pays, caressez-vous », des numéros du journal Tout ! « Ce que nous voulons, tout ! » et du Torchon brûle, « journal menstruel », l’immense sculpture au crochet de l’autodidacte Raymonde Arcier Au nom du père représentant une femme aux lourds cabas accouchant tout en marchant, une bédé de Copi Jouons aux élections avec les pédés « Nous sommes 4 millions en France, avec la proportionnelle, nous serions trente députés » « De mon temps, on les mettait au four », deux tableaux de Pierre Klossowski que je suis content de voir mais que je pense hors sujet, même chose pour ceux de Clovis Trouille Dolmancé et les fantômes de la luxure et Cérémonial saphique et les photos de Pierre Molinier (cela dans une salle nommée Sordide Sentimental n’ayant rien à voir avec le label) et Topor et Pierre et Gilles, le film de Jean-Pierre Bouyxiou et Raphaël Marongiu Satan bouche un coin (dont je possède le dévédé que m’a offert Jean-Pierre Turmel), des photos des Gazoline (dont fit partie Hélène Hazera) et des photos de Marie-France « légère égérie », les revues et fanzines où s’exprimaient Julien Blaine, Arnaud Labelle-Rojoux, F.J. Ossang, Jean-Jacques Lebel, Ivar Ch’Vavar, Lucien Suel, Dan et Guy Ferdinande et Rocking Yaset, certains bien assagis aujourd’hui et d’autres non, les photos d’Alain Bizos mettant en scène un Mesrine barbu Bras d’honneur, En joue !, La Guillotine et le reportage de la télé montrant le cadavre ensanglanté du même dans la voiture où il vient d’être tué par les policiers, l’Appel à la violence signé Serge Bard, Alain Jouffroy, Olivier Mosset et Daniel Pommereulle, toute une salle consacrée à Bazooka Production, avec deux numéros de Sordide Sentimental, l’un titré Education sentimentale et l’autre Isolation intellectuelle. Le mur du fond est couvert de grandes peintures acryliques réalisées en deux mille seize et deux mille dix-sept par Kiki Picasso qui montre à sa manière des évènements marquants de ces cinquante dernières années sous le titre générique Il n’y a pas de raison de laisser le bleu, le blanc et le rouge à ces cons de Français.
Je passe devant le tableau de Romain Slocombe Fracture interscapulaire de l’articulation de la hanche et descends au sous-sol. Là est une autre œuvre contemporaine signée Claude Levêque autour de l’univers des Bérurier Noir, Conte cruel de la jeunesse, un double grillage derrière lequel s’étend un terrain vague parsemé de déchets, cette installation aurait dû être réalisée en mil neuf cent quatre-vingt-sept mais ne l’a été qu’à l’occasion de cette exposition à la Maison Rouge.
*
Que cette période dite de contre-culture ou des contre-cultures ait duré jusqu’en quatre-vingt-neuf, c’est discutable. Personnellement, je l’arrête en soixante-dix-neuf. Ouiquipédia donne comme dates de fin : mil neuf cent quatre-vingt pour les Etats-Unis, quatre-vingt-trois pour l’Angleterre et la France, quatre-vingt-cinq pour le Japon.
*
Extrait de Vivre et penser comme des porcs de Gilles Châtelet lisible sur un mur de la Maison Rouge : années 80, écœurantes d’ennui, de cupidité et de bêtise, années de « révolutions conservatrices néolibérales ». Pas loin, une photo de Roland Barthes au Palace, où il a l’air de s’emmerder.
*
Près de la guillotine de Piège pour une exécution capitale de Michel Journiac, un gardien endormi.
Je passe devant le tableau de Romain Slocombe Fracture interscapulaire de l’articulation de la hanche et descends au sous-sol. Là est une autre œuvre contemporaine signée Claude Levêque autour de l’univers des Bérurier Noir, Conte cruel de la jeunesse, un double grillage derrière lequel s’étend un terrain vague parsemé de déchets, cette installation aurait dû être réalisée en mil neuf cent quatre-vingt-sept mais ne l’a été qu’à l’occasion de cette exposition à la Maison Rouge.
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Que cette période dite de contre-culture ou des contre-cultures ait duré jusqu’en quatre-vingt-neuf, c’est discutable. Personnellement, je l’arrête en soixante-dix-neuf. Ouiquipédia donne comme dates de fin : mil neuf cent quatre-vingt pour les Etats-Unis, quatre-vingt-trois pour l’Angleterre et la France, quatre-vingt-cinq pour le Japon.
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Extrait de Vivre et penser comme des porcs de Gilles Châtelet lisible sur un mur de la Maison Rouge : années 80, écœurantes d’ennui, de cupidité et de bêtise, années de « révolutions conservatrices néolibérales ». Pas loin, une photo de Roland Barthes au Palace, où il a l’air de s’emmerder.
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Près de la guillotine de Piège pour une exécution capitale de Michel Journiac, un gardien endormi.
3 mars 2017
Ce mercredi, ma voisine, dans le métro Huit qui m’emmène dans le Onzième, est plongée dans Ta deuxième vie commencera quand tu comprendras que tu n’en as qu’une. C’est le genre de livre dont il suffit de lire le titre, me dis-je, mais elle est d’un autre avis.
Le temps est menaçant, la pluie annoncée. Sitôt mon café bu, je me dirige vers le marché d’Aligre où j’espère encore trouver de bons livres dans le stock nouveau de la semaine dernière. Les premières gouttes tombent avant que je sois sur la place. A l’arrivée, je découvre que le vendeur visé n’y est pas. Sûr que ma nouvelle vie ressemble à l’ancienne.
Je rebrousse et suis devant Book-Off quelques minutes avant l’ouverture. J’y trouve aussi peu de livres à mon goût que les fois précédentes. Avant de ressortir, je demande aux employées si elles peuvent avec l’aide d’Internet me confirmer l’adresse de la Maison Rouge, j’ai peur de confondre deux rues. J’apprends ainsi que la boutique n’y est nullement reliée et accessoirement qu’elles-mêmes n’ont pas le droit d’avoir leur téléphone quand elles travaillent, et encore plus accessoirement qu’aucune ne sait ce qu’est la Maison Rouge.
Un aimable client ayant entendu ma demande me renseigne. Lui aussi a envie d’aller voir l’exposition consacrée à la contre-culture, me dit-il. Après un détour par Emmaüs, je me rapproche de la Bastille et trouve, rue de Bercy, un endroit où déjeuner nommé L’Anecdote. Deux jeunes filles élégantes et longilignes m’y accueillent et me donnent la table en vitrine. L’endroit est petit et chaleureux. Sa cuisine est ouverte sur la salle et le bar. Deux cuisiniers démontrent qu’ici tout est maison (comme on dit).
La formule entrée plat est à quinze euros, le quart de côtes-du-rhône à six. Je choisis l’houmous rose et le lapin au cidre et pommes et polenta crémeuse Près de moi sont deux femmes dont l’une, la plus jeune, veut « essayer de concilier des émotions contradictoires ». Elle ne va pas bien mais a depuis peu cessé de maigrir. C’est la conséquence d’un licenciement « alors qu’elle n’avait pas démérité ».
-Vous êtes sœurs toutes les deux ? demandé-je à la serveuse à qui je règle le bon repas.
-Non, mais on nous le demande souvent. On a la même silhouette.
C’est au numéro dix du boulevard de la Bastille qu’est la Maison Rouge où j’entre peu après.
*
Encore Philippe Delerm dans le bus Vingt au retour vers Saint Lazare. Seul, il descend à Saint-Claude.
*
« Grave accident de personne en gare d’Achères », annonce la voix de la Senecefe à Saint-Lazare. « En conséquence », mon train direct de dix-huit heures vingt-cinq est supprimé. Je trouve place assise dans l’indirect de dix-huit heures trente. Il est bondé et part en retard, passe par une voie détournée, s’arrête, repart, ralentit. J’admire le stoïcisme de celles et ceux qui voyagent debout. Au téléphone, ma jeune voisine trouve ça trop bizarre, ce train qui n’avance pas. Elle a rendez-vous avec un garçon qui doit la prendre dans ses bras avant d’aller au kebab puis à l’hôtel et qu’elle reconnaîtra à ses chaussures rouges. A l’approche de la gare de Rouen, elle lui demande : « Tu me vois là ? ».
*
Parmi les livres rapportés de la capitale, Estive de Blaise Hofmann (Editions Zoé) « texte à l’écriture fragmentée, incisive et ironique » qui « interpelle autant la dysneylandisation des Alpes que l’aspect devenu exotique des métiers ruraux de montagne », avec un envoi de l’auteur à « Frédéric Fredj, même si l’être opaque qui gouverne les chiens contredit la littérature fragile, nuancée et soucieuse d’aller vers l’autre… Amitié, Blaise » et Julien Benda de Louis-Albert Revah (Editions Plon), avec un envoi de l’auteur : « Pour Myriam et Pierre Guguenheim cette étude psycho-historique sur Julien Benda, personnage hors-normes et donc peu représentatif, sauf à considérer avec la psychanalyse que le pathologique renseigne sur le normal, avec mes sentiments très amicaux ».
*
Je connais surtout Julien Benda par la discussion, enregistrée à leur insu, qu’eut avec lui Paul Léautaud en marge des entretiens qu’il enregistrait avec Robert Mallet, parfois rediffusée sur France Culture.
Le temps est menaçant, la pluie annoncée. Sitôt mon café bu, je me dirige vers le marché d’Aligre où j’espère encore trouver de bons livres dans le stock nouveau de la semaine dernière. Les premières gouttes tombent avant que je sois sur la place. A l’arrivée, je découvre que le vendeur visé n’y est pas. Sûr que ma nouvelle vie ressemble à l’ancienne.
Je rebrousse et suis devant Book-Off quelques minutes avant l’ouverture. J’y trouve aussi peu de livres à mon goût que les fois précédentes. Avant de ressortir, je demande aux employées si elles peuvent avec l’aide d’Internet me confirmer l’adresse de la Maison Rouge, j’ai peur de confondre deux rues. J’apprends ainsi que la boutique n’y est nullement reliée et accessoirement qu’elles-mêmes n’ont pas le droit d’avoir leur téléphone quand elles travaillent, et encore plus accessoirement qu’aucune ne sait ce qu’est la Maison Rouge.
Un aimable client ayant entendu ma demande me renseigne. Lui aussi a envie d’aller voir l’exposition consacrée à la contre-culture, me dit-il. Après un détour par Emmaüs, je me rapproche de la Bastille et trouve, rue de Bercy, un endroit où déjeuner nommé L’Anecdote. Deux jeunes filles élégantes et longilignes m’y accueillent et me donnent la table en vitrine. L’endroit est petit et chaleureux. Sa cuisine est ouverte sur la salle et le bar. Deux cuisiniers démontrent qu’ici tout est maison (comme on dit).
La formule entrée plat est à quinze euros, le quart de côtes-du-rhône à six. Je choisis l’houmous rose et le lapin au cidre et pommes et polenta crémeuse Près de moi sont deux femmes dont l’une, la plus jeune, veut « essayer de concilier des émotions contradictoires ». Elle ne va pas bien mais a depuis peu cessé de maigrir. C’est la conséquence d’un licenciement « alors qu’elle n’avait pas démérité ».
-Vous êtes sœurs toutes les deux ? demandé-je à la serveuse à qui je règle le bon repas.
-Non, mais on nous le demande souvent. On a la même silhouette.
C’est au numéro dix du boulevard de la Bastille qu’est la Maison Rouge où j’entre peu après.
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Encore Philippe Delerm dans le bus Vingt au retour vers Saint Lazare. Seul, il descend à Saint-Claude.
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« Grave accident de personne en gare d’Achères », annonce la voix de la Senecefe à Saint-Lazare. « En conséquence », mon train direct de dix-huit heures vingt-cinq est supprimé. Je trouve place assise dans l’indirect de dix-huit heures trente. Il est bondé et part en retard, passe par une voie détournée, s’arrête, repart, ralentit. J’admire le stoïcisme de celles et ceux qui voyagent debout. Au téléphone, ma jeune voisine trouve ça trop bizarre, ce train qui n’avance pas. Elle a rendez-vous avec un garçon qui doit la prendre dans ses bras avant d’aller au kebab puis à l’hôtel et qu’elle reconnaîtra à ses chaussures rouges. A l’approche de la gare de Rouen, elle lui demande : « Tu me vois là ? ».
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Parmi les livres rapportés de la capitale, Estive de Blaise Hofmann (Editions Zoé) « texte à l’écriture fragmentée, incisive et ironique » qui « interpelle autant la dysneylandisation des Alpes que l’aspect devenu exotique des métiers ruraux de montagne », avec un envoi de l’auteur à « Frédéric Fredj, même si l’être opaque qui gouverne les chiens contredit la littérature fragile, nuancée et soucieuse d’aller vers l’autre… Amitié, Blaise » et Julien Benda de Louis-Albert Revah (Editions Plon), avec un envoi de l’auteur : « Pour Myriam et Pierre Guguenheim cette étude psycho-historique sur Julien Benda, personnage hors-normes et donc peu représentatif, sauf à considérer avec la psychanalyse que le pathologique renseigne sur le normal, avec mes sentiments très amicaux ».
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Je connais surtout Julien Benda par la discussion, enregistrée à leur insu, qu’eut avec lui Paul Léautaud en marge des entretiens qu’il enregistrait avec Robert Mallet, parfois rediffusée sur France Culture.
2 mars 2017
Mardi soir, c’est une drache qui m’emporte jusqu’au Théâtre de la Chapelle Saint-Louis où la classe d’art dramatique du Conservatoire de Rouen donne l’autre moitié d’« Au sort !... », succession d’extraits de pièces tirées du chapeau en début d’année scolaire.
Au programme cette fois : Prométhée d’Eschyle, Tartuffe de Molière, Médée de Sénèque, Fin de partie de Samuel Beckett, Andromaque de Racine, Hernani de Victor Hugo et L’Acte inconnu de Valère Novarina.
En attendant l’ouverture de la salle, je subis la proximité de six femmes exaspérantes. Celle qui a réservé les billets pour toutes vient de se rendre compte que ceux-ci sont datés de la veille. Elle accuse le secrétariat du Conservatoire d’avoir fait une erreur. La preuve qu’elles n’auraient pas pu être là hier soir, c’est qu’elles étaient au Rendez-vous de la cervelle. Maurice Attias passant par là clôt la polémique en leur disant qu’elles pourront entrer.
-C’est de la danse ce soir ? demande l’une à une autre.
Encore un quart d’heure à devoir supporter celles que mentalement je qualifie de bonnes femmes et encore pire (si les féministes pouvaient lire dans ma cervelle, je serais déjà mort). L’une cherche à gagner de l’espace en me repoussant progressivement. Je lui envoie mon coude dans le dos. Elle se penche sur l’oreille de sa voisine pour médire de moi.
A l’ouverture, ces six fâcheuses s’installent au troisième rang. Afin d’établir un cordon sanitaire entre elles et moi, je m’installe au milieu du cinquième. Las, derrière moi s’assoit une employée du Conservatoire non moins soûlante. Elle parle d’une certaine Nolwenn, ancienne élève de la classe d’art dramatique, pour qui pendant trois ans « ça ne s’est pas bien passé avec Maurice ».
Après avoir réussi à caser l’ensemble du public, celui-ci présente la soirée et donne les noms du jury de spécialistes chargé de noter les prestations des apprenti(e)s.
Eschyle, Racine, Hugo et même Beckett sont des auteurs qui m’ennuient mais j’apprécie néanmoins le travail de celles et ceux à qui le sort (à mes yeux) a été défavorable. La version ouesterne de Tartuffe avec un garçon dans le rôle de Dorine et quelques coups de feu (qui font pousser des cris à celle qui est derrière moi) rafraîchit Molière. La Médée de Sénèque, auteur qui lui aussi pourrait m’ennuyer, est le meilleur moment de la soirée grâce à la mise en scène de celui à qui elle est échue, Vladimir Delaye, qui fait jouer cette Médée simultanément par trois comédiennes (Emilie Momplay, Héléna Nondier et Kim Verschueren) et a dû bien s’amuser à obtenir ce qu’il voulait de ces filles. Pour finir, c’est du bon avec les vraies fausses formules politiques absurdo-comiques de Novarina que profèrent des personnages se disputant la présence sur le plateau, tout cela rappelant furieusement ce que la campagne électorale actuelle nous oblige à entendre.
Le temps est calmé, et moi aussi, lorsque je rentre content de ma soirée, me disant que si j’avais choisi de tout voir en une journée ce lundi, cela m’aurait évité d’avoir à supporter les énervantes.
*
Les rendez-vous de la cervelle, une bouffonnerie dans l’air du temps, de la philosophie comique participative, promue par la Mairie de Rouen, Socialiste.
Au programme cette fois : Prométhée d’Eschyle, Tartuffe de Molière, Médée de Sénèque, Fin de partie de Samuel Beckett, Andromaque de Racine, Hernani de Victor Hugo et L’Acte inconnu de Valère Novarina.
En attendant l’ouverture de la salle, je subis la proximité de six femmes exaspérantes. Celle qui a réservé les billets pour toutes vient de se rendre compte que ceux-ci sont datés de la veille. Elle accuse le secrétariat du Conservatoire d’avoir fait une erreur. La preuve qu’elles n’auraient pas pu être là hier soir, c’est qu’elles étaient au Rendez-vous de la cervelle. Maurice Attias passant par là clôt la polémique en leur disant qu’elles pourront entrer.
-C’est de la danse ce soir ? demande l’une à une autre.
Encore un quart d’heure à devoir supporter celles que mentalement je qualifie de bonnes femmes et encore pire (si les féministes pouvaient lire dans ma cervelle, je serais déjà mort). L’une cherche à gagner de l’espace en me repoussant progressivement. Je lui envoie mon coude dans le dos. Elle se penche sur l’oreille de sa voisine pour médire de moi.
A l’ouverture, ces six fâcheuses s’installent au troisième rang. Afin d’établir un cordon sanitaire entre elles et moi, je m’installe au milieu du cinquième. Las, derrière moi s’assoit une employée du Conservatoire non moins soûlante. Elle parle d’une certaine Nolwenn, ancienne élève de la classe d’art dramatique, pour qui pendant trois ans « ça ne s’est pas bien passé avec Maurice ».
Après avoir réussi à caser l’ensemble du public, celui-ci présente la soirée et donne les noms du jury de spécialistes chargé de noter les prestations des apprenti(e)s.
Eschyle, Racine, Hugo et même Beckett sont des auteurs qui m’ennuient mais j’apprécie néanmoins le travail de celles et ceux à qui le sort (à mes yeux) a été défavorable. La version ouesterne de Tartuffe avec un garçon dans le rôle de Dorine et quelques coups de feu (qui font pousser des cris à celle qui est derrière moi) rafraîchit Molière. La Médée de Sénèque, auteur qui lui aussi pourrait m’ennuyer, est le meilleur moment de la soirée grâce à la mise en scène de celui à qui elle est échue, Vladimir Delaye, qui fait jouer cette Médée simultanément par trois comédiennes (Emilie Momplay, Héléna Nondier et Kim Verschueren) et a dû bien s’amuser à obtenir ce qu’il voulait de ces filles. Pour finir, c’est du bon avec les vraies fausses formules politiques absurdo-comiques de Novarina que profèrent des personnages se disputant la présence sur le plateau, tout cela rappelant furieusement ce que la campagne électorale actuelle nous oblige à entendre.
Le temps est calmé, et moi aussi, lorsque je rentre content de ma soirée, me disant que si j’avais choisi de tout voir en une journée ce lundi, cela m’aurait évité d’avoir à supporter les énervantes.
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Les rendez-vous de la cervelle, une bouffonnerie dans l’air du temps, de la philosophie comique participative, promue par la Mairie de Rouen, Socialiste.
1er mars 2017
Evidemment arrivé trop tôt, ce lundi soir, place de la Rougemare, au Théâtre de la Chapelle Saint-Louis où les élèves de la classe d’art dramatique du Conservatoire de Rouen présentent leurs travaux de mi-année, je discute avec leur professeur, Maurice Attias, qui me raconte des choses à ne pas répéter. C’est lui qui s’est chargé de réserver une place à mon nom, le secrétariat n’étant présent qu’en pointillé pendant les vacances.
En début d’année scolaire, les quinze élèves ont eu à tirer une pièce au sort, parmi celles proposées par leur professeur, avec la consigne d’en mettre en scène un extrait d’environ dix minutes. Ces quinze extraits sont présentés en deux parties sous le titre « Au sort !... » (Un théâtre à venir), qu’il est loisible de voir le même jour (en après-midi et soirée) ou sur deux jours. J’ai choisi la deuxième option.
Au programme ce soir : Jules César de William Shakespeare, Les Mouches de Jean-Paul Sartre, Nature morte dans un fossé de Fausto Paravidino, Woyzeck de Georg Büchner, Pylade de Pier Paolo Pasolini, Les Quatre Jumelles de Copi, Hiver de Jon Fosse et Tête d’or de Paul Claudel. Je n’ai vu au théâtre que Les Quatre Jumelles, il y a longtemps à Avignon. Un auteur m’est inconnu : Fausto Paravidino.
A l’ouverture des portes je retrouve ma place habituelle au milieu du quatrième rang. La salle s’emplit d’un public varié. Maurice Attias présente le spectacle. Remontant vers sa place, il s’arrête : « J’allais oublier : il y aura des coups de feu, le théâtre parle du présent. »
Les apprenti(e)s comédien(ne)s ont bien travaillé, que ce soit pour le jeu ou la mise en scène. Quand mon intérêt est moindre, pour Les Mouches et Pylade, ce n’est que parce que l’action se passe dans l’antiquité gréco-latine, honneur, devoir, trahison et sacrifice, préoccupations qui ne sont pas les miennes, même conjuguées au présent. Pour le reste, ce théâtre qui parle d’aujourd’hui me va bien, et ce présent est dur. Les comédiens et surtout les comédiennes sont à rude épreuve. « Tiens, le fusil mitrailleur présent dans l’Hiver de Jon Fosse ne tire aucune balle, ce n’est quand même pas chez Claudel que l’on va entendre des coups de feu », me dis-je. Eh bien oui, la mise en scène de Destin Destinée (quel nom !) cloue chacun(e) à son siège, effet Bataclan parfaitement réussi.
Les quinze sont moult applaudi(e)s, salué(e)s pour leur implication, leur énergie, leur mise en danger.
Je suis l’un des premiers dehors, passant près de la porte de service au moment où dans les coulisses la troupe pousse un cri commun de libération.
Rue du Petit-Porche, je côtoie un trio de spectateurs quinquagénaires.
-Putain, ça fait longtemps que j’ai pas été dans les rues de Rouen à cette heure-ci, dit l’un.
-Ah bon ? s’étonne un autre.
-Plusieurs dizaines d’années. Tu sais, quand t’es marié…
Il n’est même pas vingt-deux heures.
*
Nature morte dans un fossé, un titre qui prend toute sa force quand on sait qui y gît et pourquoi.
*
Les bribes de dialogue d’Hiver, un défi pour la mémoire.
En début d’année scolaire, les quinze élèves ont eu à tirer une pièce au sort, parmi celles proposées par leur professeur, avec la consigne d’en mettre en scène un extrait d’environ dix minutes. Ces quinze extraits sont présentés en deux parties sous le titre « Au sort !... » (Un théâtre à venir), qu’il est loisible de voir le même jour (en après-midi et soirée) ou sur deux jours. J’ai choisi la deuxième option.
Au programme ce soir : Jules César de William Shakespeare, Les Mouches de Jean-Paul Sartre, Nature morte dans un fossé de Fausto Paravidino, Woyzeck de Georg Büchner, Pylade de Pier Paolo Pasolini, Les Quatre Jumelles de Copi, Hiver de Jon Fosse et Tête d’or de Paul Claudel. Je n’ai vu au théâtre que Les Quatre Jumelles, il y a longtemps à Avignon. Un auteur m’est inconnu : Fausto Paravidino.
A l’ouverture des portes je retrouve ma place habituelle au milieu du quatrième rang. La salle s’emplit d’un public varié. Maurice Attias présente le spectacle. Remontant vers sa place, il s’arrête : « J’allais oublier : il y aura des coups de feu, le théâtre parle du présent. »
Les apprenti(e)s comédien(ne)s ont bien travaillé, que ce soit pour le jeu ou la mise en scène. Quand mon intérêt est moindre, pour Les Mouches et Pylade, ce n’est que parce que l’action se passe dans l’antiquité gréco-latine, honneur, devoir, trahison et sacrifice, préoccupations qui ne sont pas les miennes, même conjuguées au présent. Pour le reste, ce théâtre qui parle d’aujourd’hui me va bien, et ce présent est dur. Les comédiens et surtout les comédiennes sont à rude épreuve. « Tiens, le fusil mitrailleur présent dans l’Hiver de Jon Fosse ne tire aucune balle, ce n’est quand même pas chez Claudel que l’on va entendre des coups de feu », me dis-je. Eh bien oui, la mise en scène de Destin Destinée (quel nom !) cloue chacun(e) à son siège, effet Bataclan parfaitement réussi.
Les quinze sont moult applaudi(e)s, salué(e)s pour leur implication, leur énergie, leur mise en danger.
Je suis l’un des premiers dehors, passant près de la porte de service au moment où dans les coulisses la troupe pousse un cri commun de libération.
Rue du Petit-Porche, je côtoie un trio de spectateurs quinquagénaires.
-Putain, ça fait longtemps que j’ai pas été dans les rues de Rouen à cette heure-ci, dit l’un.
-Ah bon ? s’étonne un autre.
-Plusieurs dizaines d’années. Tu sais, quand t’es marié…
Il n’est même pas vingt-deux heures.
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Nature morte dans un fossé, un titre qui prend toute sa force quand on sait qui y gît et pourquoi.
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Les bribes de dialogue d’Hiver, un défi pour la mémoire.
28 février 2017
Suite et fin de mes prélèvements dans les missives qu’envoya Colette à ses amis Hélène Jourdan-Morhange et Luc-Albert Moreau, publiées par les Editions des Femmes sous le titre Lettres à Moune et au Toutounet (1929-1954). Cette fois, c’est la guerre, deuxième mondiale. Plusieurs fois l’écrivaine évoque sa fille, Colette de Jouvenel, qui lui donne du fil à retordre (comme on ne dit plus).
Dis à Moune qu’Erna Redtenbacher, mise par erreur dans un camp, en a été arrachée, comme on arrache quelqu’un aux flammes, par son amie fidèle Christiane, -qui, en prodiguant tout ce qu’elle possédait d’argent, a réussi à l’emporter dans leur gîte de la Trinité-sur-Mer. Et là elles se sont suicidées. (Vingt-quatre juillet mil neuf cent quarante, Curemonte, Corrèze)
Auric a eu une jambe écrabouillée, le savais-tu ? Bombe avec Marie-Laure de Noailles et un officier d’occupation. Boîte de nuit, deux heures du matin, champagne : accident. (Vingt et un novembre mil neuf cent quarante, Paris)
J’ai de temps en temps des nouvelles de ma fille. Avec quelques enfants de son âge, elle veut fonder une revue. Laissez seul cinq minutes n’importe quel Jouvenel, il fonde une revue. Heureusement qu’elle n’a pas d’argent. (Même jour, même lieu)
Geneviève s’est fait un épanchement de synovie au genou à la gymnastique ; mais ce n’est pas grave, me dit-elle dans le téléphone. En tout cas, c’est beaucoup plus économique que les sports d’hiver. (Treize mars mil neuf cent quarante et un, Paris)
Ne trouvant pas une place dans l’autobus qui passe quai de Seine à Neuilly, elle est venue à califourchon sur le cadre d’un tandem, dont le propriétaire inconnu, hospitalisait déjà une dame, inconnue, sur le siège d’arrière ! On n’avait jamais, dit-elle, vu tant de cuisses sur un tandem. Et elle a payé vingt-cinq francs pour le plaisir d’avoir le KKK coupé en deux, mettons en quatre. (Neuf juin mil neuf cent quarante et un, Paris)
Pas de beurre. Il est vrai qu’il n’y a pas de viande non plus. Mes deux petites cultivatrices n’ont pas de beurre à cause de leurs vaches qui vont vêler. Qu’elles se dépêchent, au moins. (Huit octobre mil neuf cent quarante et un, Paris)
Ici, rien. Ma fille immine. Elle prétend venir avec une poignée de maquisards « vider » Lacan et reprendre son domicile. Il se peut qu’elle le tente. Et le surlendemain elle peut être arrêtée. Elle en a déjà assez de tout ce qu’elle a édifié là-bas, semble-t-il. Quand je vous dis, à toutes, que je suis seule à connaître cette fille d’ailleurs charmante… (Vingt-neuf septembre mil neuf cent quarante-quatre, Paris)
Si tu lis la mort accidentelle d’un Segonzac, sache que c’est le comte de ce nom. Il a été écrasé par la voiture du préfet de police. (Six octobre mil neuf cent quarante-quatre, Paris)
La suite est intéressante itou, mais moins propice à des prélèvements personnels.
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Bombe. Faire la bombe. Faire la fête avec tous les excès que cela peut comporter. Expression périmée.
*
Les Lettres à sa fille de Colette ont été publiées par Gallimard. Je les évoquerai ultérieurement.
Dis à Moune qu’Erna Redtenbacher, mise par erreur dans un camp, en a été arrachée, comme on arrache quelqu’un aux flammes, par son amie fidèle Christiane, -qui, en prodiguant tout ce qu’elle possédait d’argent, a réussi à l’emporter dans leur gîte de la Trinité-sur-Mer. Et là elles se sont suicidées. (Vingt-quatre juillet mil neuf cent quarante, Curemonte, Corrèze)
Auric a eu une jambe écrabouillée, le savais-tu ? Bombe avec Marie-Laure de Noailles et un officier d’occupation. Boîte de nuit, deux heures du matin, champagne : accident. (Vingt et un novembre mil neuf cent quarante, Paris)
J’ai de temps en temps des nouvelles de ma fille. Avec quelques enfants de son âge, elle veut fonder une revue. Laissez seul cinq minutes n’importe quel Jouvenel, il fonde une revue. Heureusement qu’elle n’a pas d’argent. (Même jour, même lieu)
Geneviève s’est fait un épanchement de synovie au genou à la gymnastique ; mais ce n’est pas grave, me dit-elle dans le téléphone. En tout cas, c’est beaucoup plus économique que les sports d’hiver. (Treize mars mil neuf cent quarante et un, Paris)
Ne trouvant pas une place dans l’autobus qui passe quai de Seine à Neuilly, elle est venue à califourchon sur le cadre d’un tandem, dont le propriétaire inconnu, hospitalisait déjà une dame, inconnue, sur le siège d’arrière ! On n’avait jamais, dit-elle, vu tant de cuisses sur un tandem. Et elle a payé vingt-cinq francs pour le plaisir d’avoir le KKK coupé en deux, mettons en quatre. (Neuf juin mil neuf cent quarante et un, Paris)
Pas de beurre. Il est vrai qu’il n’y a pas de viande non plus. Mes deux petites cultivatrices n’ont pas de beurre à cause de leurs vaches qui vont vêler. Qu’elles se dépêchent, au moins. (Huit octobre mil neuf cent quarante et un, Paris)
Ici, rien. Ma fille immine. Elle prétend venir avec une poignée de maquisards « vider » Lacan et reprendre son domicile. Il se peut qu’elle le tente. Et le surlendemain elle peut être arrêtée. Elle en a déjà assez de tout ce qu’elle a édifié là-bas, semble-t-il. Quand je vous dis, à toutes, que je suis seule à connaître cette fille d’ailleurs charmante… (Vingt-neuf septembre mil neuf cent quarante-quatre, Paris)
Si tu lis la mort accidentelle d’un Segonzac, sache que c’est le comte de ce nom. Il a été écrasé par la voiture du préfet de police. (Six octobre mil neuf cent quarante-quatre, Paris)
La suite est intéressante itou, mais moins propice à des prélèvements personnels.
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Bombe. Faire la bombe. Faire la fête avec tous les excès que cela peut comporter. Expression périmée.
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Les Lettres à sa fille de Colette ont été publiées par Gallimard. Je les évoquerai ultérieurement.
27 février 2017
Quand mon téléphone sonne ce samedi matin et que j’entends la voix de celle avec qui je dois fêter une nouvelle fois mon anniversaire, je sais avant qu’elle ne s’exprime qu’un problème de train est la raison de son appel. « Quarante minutes de retard annoncées », me dit-elle. Cela alors que le train est à quai à Saint-Lazare. J’ai du mal à comprendre la Senecefe.
Je calme mon inquiétude en repassant au marché du Clos Saint-Marc, où je ne peux m’empêcher d’acheter un livre, et en profite pour passer à La Petite Auberge, rue Martainville, où j’ai retenu une table pour deux, afin de m’assurer que celle-ci est située dans un endroit tranquille.
Elle arrive avec un peu plus des quarante minutes de retard prévues. J’ai l’explication du mystère. Aucun train ne pouvant circuler vers Evreux Caen Cherbourg suite à l’incendie d’un poste d’alimentation électrique peut-être consécutif à un vol de métaux, son train a été retardé pour emmener des voyageurs vers ces villes, certains ont été déposés à Oissel, d’autres le seront au Havre, afin qu’ils puissent poursuivre en car jusqu’à Bernay ou Caen. Si quelqu’une est attendue là-bas pour un déjeuner au restaurant, c’est râpé.
Nous l’avons échappé belle (comme on dit). Déjà ce repas d’anniversaire a dû être repoussé d’une semaine car quand je suis allé réserver pour le dix-huit février à La Petite Auberge, le restaurateur m’a annoncé que ce ne serait pas possible.
-Nous serons en vacances.
-Vous n’avez pas le droit de faire ça, lui ai-je dit.
-Si, nous allons le faire.
Nous sommes heureux de nous retrouver et allons boire un café en ville avant qu’à la maison elle me remette son cadeau : cafés et produits dérivés.
A midi, nous nous installons à notre table tranquille. Rien ne change à La Petite Auberge. Le cadre est immuable, les menus toujours les mêmes, les prix stables, les serveurs aimables et efficaces. C’est comme si je n’avais pas un an de plus. Elle se laisse tenter par les escargots dont personnellement je ne peux me passer, puis c’est andouillette pour elle et entrecôte au camembert pour moi, avec un saladier de frites de la maison, trio de fromages pour moi, salade pour elle et, en dessert, je me laisse tenter par la crème brûlée qui pour elle est indispensable. Cela est accompagné de la coutumière Cuvée du Père Tranquille, un bordeaux qui ne nous déçoit jamais, tout comme la cuisine.
-Nous n’avons que quarante-deux couverts et sans me vanter une certaine réputation, il faut réserver, indique l’un des serveurs à des déçus qui ne peuvent trouver place.
Nous prenons café et thé au jardin où les jonquilles vont bientôt éclore puis allons en promenade sur les quais bas de la rive droite en direction de l’imposant bâtiment que j’irai visiter samedi prochain, croisant en chemin quelques dizaines de marcheurs attachés à des chiens, une opération publicitaire annoncée comme une « promenade géante de chiens » et organisée par un service de gardiennage d’animaux.
Le temps ensemble nous est compté. A seize heures, elle a rendez-vous avec sa mère devant l’Opéra. Je la regarde monter les marches de l’escalier qui y mène. Arrivée en haut, elle me fait de la main un dernier au revoir.
Je calme mon inquiétude en repassant au marché du Clos Saint-Marc, où je ne peux m’empêcher d’acheter un livre, et en profite pour passer à La Petite Auberge, rue Martainville, où j’ai retenu une table pour deux, afin de m’assurer que celle-ci est située dans un endroit tranquille.
Elle arrive avec un peu plus des quarante minutes de retard prévues. J’ai l’explication du mystère. Aucun train ne pouvant circuler vers Evreux Caen Cherbourg suite à l’incendie d’un poste d’alimentation électrique peut-être consécutif à un vol de métaux, son train a été retardé pour emmener des voyageurs vers ces villes, certains ont été déposés à Oissel, d’autres le seront au Havre, afin qu’ils puissent poursuivre en car jusqu’à Bernay ou Caen. Si quelqu’une est attendue là-bas pour un déjeuner au restaurant, c’est râpé.
Nous l’avons échappé belle (comme on dit). Déjà ce repas d’anniversaire a dû être repoussé d’une semaine car quand je suis allé réserver pour le dix-huit février à La Petite Auberge, le restaurateur m’a annoncé que ce ne serait pas possible.
-Nous serons en vacances.
-Vous n’avez pas le droit de faire ça, lui ai-je dit.
-Si, nous allons le faire.
Nous sommes heureux de nous retrouver et allons boire un café en ville avant qu’à la maison elle me remette son cadeau : cafés et produits dérivés.
A midi, nous nous installons à notre table tranquille. Rien ne change à La Petite Auberge. Le cadre est immuable, les menus toujours les mêmes, les prix stables, les serveurs aimables et efficaces. C’est comme si je n’avais pas un an de plus. Elle se laisse tenter par les escargots dont personnellement je ne peux me passer, puis c’est andouillette pour elle et entrecôte au camembert pour moi, avec un saladier de frites de la maison, trio de fromages pour moi, salade pour elle et, en dessert, je me laisse tenter par la crème brûlée qui pour elle est indispensable. Cela est accompagné de la coutumière Cuvée du Père Tranquille, un bordeaux qui ne nous déçoit jamais, tout comme la cuisine.
-Nous n’avons que quarante-deux couverts et sans me vanter une certaine réputation, il faut réserver, indique l’un des serveurs à des déçus qui ne peuvent trouver place.
Nous prenons café et thé au jardin où les jonquilles vont bientôt éclore puis allons en promenade sur les quais bas de la rive droite en direction de l’imposant bâtiment que j’irai visiter samedi prochain, croisant en chemin quelques dizaines de marcheurs attachés à des chiens, une opération publicitaire annoncée comme une « promenade géante de chiens » et organisée par un service de gardiennage d’animaux.
Le temps ensemble nous est compté. A seize heures, elle a rendez-vous avec sa mère devant l’Opéra. Je la regarde monter les marches de l’escalier qui y mène. Arrivée en haut, elle me fait de la main un dernier au revoir.
25 février 2017
Moune et le Toutounet sont Hélène Jourdan-Morhange et Luc-Albert Moreau. La première fut musicienne avant d’être atteinte de la crampe des violonistes (c’est Maurice Ravel qui lui donna son surnom). Le second fut peintre et lithographe et épousa tardivement la première qui lui donna le surnom repris par l’écrivaine avec laquelle tous deux furent amis. D’où cette correspondance que publièrent les Editions des Femmes en mil neuf cent quatre-vingt-cinq sous le titre Lettres à Moune et au Toutounet (1929-1954).
Le style imagé de Colette s’y épanouit tout autant que dans ses récits et romans. En témoignent les extraits prélevés pendant ma lecture, dont voici la première partie. Nous sommes avant guerre, la deuxième mondiale, une période pendant laquelle Colette séjourne plusieurs fois dans l’Eure et en Seine-Inférieure :
Je suis allé deux fois en ville, et la deuxième fois, j’ai un peu écrasé, -non, bousculé de mon aile droite avant – le père de Giraud. Il a quatre-vingts ans et s’échappe comme un enfant en bas âge. J’ai eu une peur ! Sa femme était en fureur… contre lui. « Une paire de gifles, voilà ce qu’il mérite ! » L’autre jour on a dû le redescendre de l’Aïoli, il avait gravi la côte et n’avait plus la force de redescendre. « Ne le dites pas à ma femme ! » suppliait-il. (Vingt-cinq juin mil neuf cent trente et un, Saint-Tropez, faisant ses débuts de conductrice d’automobile)
Ce n’est pas un château, c’est une petite maison restauration. Ce n’est pas une demeure isolée, elle est dans le village. On ne voit pas la Seine, il n’y a pas assez de pente. Il n’y a pas de parc, c’est un jardin assez petit. Tout cela admis, nous ne sommes pas mal. (Douze mai mil neuf cent trente-neuf, Alizay (Eure), note infrapaginale : « Colette est allée au château d’Alizay, hostellerie située près de Rouen, pour travailler et se reposer. »)
Mais que les environs sont beaux ! La route de Saint-Pierre-du-Vauvray est littéralement embaumée de lilas. Les pommiers délirent. (Seize mai mil neuf cent trente-neuf, Les Andelys)
Devant l’établissement thermal, des orangers en fleurs luttaient courageusement ; ils étaient toujours vaincus. La bourgeoisie arthritique était pareille à elle-même. Mais cette année-là il y avait une petite bourgeoisicule de quatorze ans, qui changeait en criminels sadiques tous les hommes présents. (Vingt-sept juin mil neuf cent trente-neuf)
Ce matin, je regardais arriver, -d’où et par quels moyens ? –des familles étranges, pauvres, pourvues d’enfants, et qui n’avaient peut-être pas plus vu la mer que les natifs de Vidauban. Deux petites filles très petites avaient déjà choisi le souvenir qu’elles voulaient rapporter de la plage : des galets énormes, dans les trois kilos chacun. (Quatorze août mil neuf cent trente-neuf, Hôtel Métropole, Dieppe)
Oui, nous nous plaisons à Dieppe. C’est déjà assez démodé pour rejoindre les presse-papier et les porte-plume en os chantourné avec vue de la plage et les boites à ouvrage en coquillages. (…)
Calme, calme parfait, les émotions n’étant fournies que par la troupe Hitler-Mussolini-Staline, exercices acrobatiques, corde raide et jeu des couteaux. (Vingt-cinq août mil neuf cent trente-neuf, Hôtel Métropole, Dieppe)
Le style imagé de Colette s’y épanouit tout autant que dans ses récits et romans. En témoignent les extraits prélevés pendant ma lecture, dont voici la première partie. Nous sommes avant guerre, la deuxième mondiale, une période pendant laquelle Colette séjourne plusieurs fois dans l’Eure et en Seine-Inférieure :
Je suis allé deux fois en ville, et la deuxième fois, j’ai un peu écrasé, -non, bousculé de mon aile droite avant – le père de Giraud. Il a quatre-vingts ans et s’échappe comme un enfant en bas âge. J’ai eu une peur ! Sa femme était en fureur… contre lui. « Une paire de gifles, voilà ce qu’il mérite ! » L’autre jour on a dû le redescendre de l’Aïoli, il avait gravi la côte et n’avait plus la force de redescendre. « Ne le dites pas à ma femme ! » suppliait-il. (Vingt-cinq juin mil neuf cent trente et un, Saint-Tropez, faisant ses débuts de conductrice d’automobile)
Ce n’est pas un château, c’est une petite maison restauration. Ce n’est pas une demeure isolée, elle est dans le village. On ne voit pas la Seine, il n’y a pas assez de pente. Il n’y a pas de parc, c’est un jardin assez petit. Tout cela admis, nous ne sommes pas mal. (Douze mai mil neuf cent trente-neuf, Alizay (Eure), note infrapaginale : « Colette est allée au château d’Alizay, hostellerie située près de Rouen, pour travailler et se reposer. »)
Mais que les environs sont beaux ! La route de Saint-Pierre-du-Vauvray est littéralement embaumée de lilas. Les pommiers délirent. (Seize mai mil neuf cent trente-neuf, Les Andelys)
Devant l’établissement thermal, des orangers en fleurs luttaient courageusement ; ils étaient toujours vaincus. La bourgeoisie arthritique était pareille à elle-même. Mais cette année-là il y avait une petite bourgeoisicule de quatorze ans, qui changeait en criminels sadiques tous les hommes présents. (Vingt-sept juin mil neuf cent trente-neuf)
Ce matin, je regardais arriver, -d’où et par quels moyens ? –des familles étranges, pauvres, pourvues d’enfants, et qui n’avaient peut-être pas plus vu la mer que les natifs de Vidauban. Deux petites filles très petites avaient déjà choisi le souvenir qu’elles voulaient rapporter de la plage : des galets énormes, dans les trois kilos chacun. (Quatorze août mil neuf cent trente-neuf, Hôtel Métropole, Dieppe)
Oui, nous nous plaisons à Dieppe. C’est déjà assez démodé pour rejoindre les presse-papier et les porte-plume en os chantourné avec vue de la plage et les boites à ouvrage en coquillages. (…)
Calme, calme parfait, les émotions n’étant fournies que par la troupe Hitler-Mussolini-Staline, exercices acrobatiques, corde raide et jeu des couteaux. (Vingt-cinq août mil neuf cent trente-neuf, Hôtel Métropole, Dieppe)
24 février 2017
« Bonjour, excusez-moi, je voulais vous demander un petit service, si vous pouviez me remplir la bouteille d’eau ». La serveuse du Café du Faubourg accepte avec le sourire. Le quadragénaire à l’excellent français, porteur d’un gros sac à dos et de l’odeur insistante des hommes sans logis, remercie et retourne à la rue. Je termine mon café et entre chez Book-Off qui aura cet hiver snobé les soldes (comme moi en ce qui concerne l’achat de vêtements dont j’aurais pourtant bien eu besoin).
Ma pêche est maigre, mais au marché d’Aligre je suis heureux de constater que l’un des marchands de livres a renouvelé son stock. J’y trouve de quoi me plaire, notamment La Pute de la côte normande de Marguerite Duras (Editions de Minuit). A-t-on jamais publié sous forme de livre un texte plus court que celui-ci ? Il commence à la page sept et se termine page vingt. Chaque page comporte plus de blanc que de texte. Ce n’était à l’origine qu’un article dans Libération. Je ne sais pas encore ce que Marguerite y raconte, mais j’aime son titre.
A pied, je rejoins le boulevard Beaumarchais afin de me rapprocher de la rue de Turenne où une exposition m’appelle. La Chaise, gargote où je comptais déjeuner est fermée, et semble-t-il définitivement. Un peu plus loin dans la rue du Pont-aux-Choux, je passe devant Rachel’s qui met en vitrine un burgueur à onze euros nommé Impeach Donald Trump mais je préfère entrer rue Saint-Gilles dans le vietnamien Koh Samet où le menu est à douze euros quatre-vingts et le code ouifi Welcome.
Un autre solitaire y mange déjà. Bientôt arrive un jeune couple (Elle : « Je repense à notre appartement. Là où il faut pas se tromper, c’est que l’été il faut pas qu’il y fasse trop chaud et l’hiver il faut pas qu’il y fasse trop froid ». Lui, plongé dans son smartphone, ne répond pas) puis un couple de quinquagénaires en vacances (Elle : « Quand t’as ouvert le placard où y a l’électricité, t’as vu un balai ou un aspirateur ? » Lui, plongé dans son smartphone, cherche « s’il y a des trucs à faire dans le Marais »). Quand arrive un groupe multiculturel et complètement bilingue anglais/français composé de cinq jeunes femmes et d’un jeune homme, je ne peux plus suivre les conversations des deux duos et me concentre sur la bonne nourriture que m’apporte le serveur : nems de poulet, porc sauté à la sauce aigre douce, beignets aux pommes.
Je prends un café au comptoir d’un proche Péhemmu chinois puis entre au soixante-six de la rue de Turenne. Dans une cour en forme d’impasse, côté gauche, se tient la Galerie Frank Elbaz. Sous sa verrière, l’historienne Emmanuelle Polack propose l’exposition Des galeries d’art sous l’Occupation (une histoire de l’histoire de l’art).
Je confie mes sacs à l’aimable jeune femme de l’accueil et prends connaissance des documents affichés : consternantes caricatures, décrets officiels nazis ou français spoliant les galeristes juifs de leurs biens, articles de journaux relatant la vente des œuvres confisquées chez Drouot. « Le magasin le mieux achalandé bat actuellement tous les records de vente » titre la presse collaborationniste à propos de cette institution qui n’aura guère de comptes à rendre après la Libération, l’argent ainsi gagné ne sera pas rendu. Des films d’époque montrent Van Dongen exposé à la galerie Charpentier parlant avec la femme d’Otto Abetz. Jean Tissier, Arletty, Sacha Guitry et Colette (hélas) ne sont pas loin. Des panneaux expliquent quel sort fut fait aux galeristes juifs eux-mêmes et les difficultés qu’eurent les rares survivants et les familles des exterminés pour récupérer tableaux et meubles volés, parfois exposés dans des lieux prestigieux comme le Musée du Jeu de Paume.
*
Près de Saint-Lazare, un tâcheron siglé Cé Discompte livre à vélo une machine à laver installée sur son dos, un degré de plus dans l’usage de la bicyclette comme moyen de transport à bas coût (pas de carburant, pas de frais de stationnement, un salaire médiocre pour le pédaleur).
*
« Arrête de sans cesse polémiquer » (une branlotine à l’excellent français s’adressant à sa mère dans le deuxième Book-Off)
*
Première fois que j’ai affaire aux gilets bleus de la gare Saint-Lazare. En bout de quai, munis de petites barrières dépliables, ils contrôlent le billet avant d’autoriser l’accès au train. Plus question de monter dans celui-ci avant qu’il ne soit officiellement affiché. C’est une idée d’Hervé Morin, Duc de Normandie, Centriste de Droite, qui vise la fraude. L’opération est confiée à une société privée.
Ma pêche est maigre, mais au marché d’Aligre je suis heureux de constater que l’un des marchands de livres a renouvelé son stock. J’y trouve de quoi me plaire, notamment La Pute de la côte normande de Marguerite Duras (Editions de Minuit). A-t-on jamais publié sous forme de livre un texte plus court que celui-ci ? Il commence à la page sept et se termine page vingt. Chaque page comporte plus de blanc que de texte. Ce n’était à l’origine qu’un article dans Libération. Je ne sais pas encore ce que Marguerite y raconte, mais j’aime son titre.
A pied, je rejoins le boulevard Beaumarchais afin de me rapprocher de la rue de Turenne où une exposition m’appelle. La Chaise, gargote où je comptais déjeuner est fermée, et semble-t-il définitivement. Un peu plus loin dans la rue du Pont-aux-Choux, je passe devant Rachel’s qui met en vitrine un burgueur à onze euros nommé Impeach Donald Trump mais je préfère entrer rue Saint-Gilles dans le vietnamien Koh Samet où le menu est à douze euros quatre-vingts et le code ouifi Welcome.
Un autre solitaire y mange déjà. Bientôt arrive un jeune couple (Elle : « Je repense à notre appartement. Là où il faut pas se tromper, c’est que l’été il faut pas qu’il y fasse trop chaud et l’hiver il faut pas qu’il y fasse trop froid ». Lui, plongé dans son smartphone, ne répond pas) puis un couple de quinquagénaires en vacances (Elle : « Quand t’as ouvert le placard où y a l’électricité, t’as vu un balai ou un aspirateur ? » Lui, plongé dans son smartphone, cherche « s’il y a des trucs à faire dans le Marais »). Quand arrive un groupe multiculturel et complètement bilingue anglais/français composé de cinq jeunes femmes et d’un jeune homme, je ne peux plus suivre les conversations des deux duos et me concentre sur la bonne nourriture que m’apporte le serveur : nems de poulet, porc sauté à la sauce aigre douce, beignets aux pommes.
Je prends un café au comptoir d’un proche Péhemmu chinois puis entre au soixante-six de la rue de Turenne. Dans une cour en forme d’impasse, côté gauche, se tient la Galerie Frank Elbaz. Sous sa verrière, l’historienne Emmanuelle Polack propose l’exposition Des galeries d’art sous l’Occupation (une histoire de l’histoire de l’art).
Je confie mes sacs à l’aimable jeune femme de l’accueil et prends connaissance des documents affichés : consternantes caricatures, décrets officiels nazis ou français spoliant les galeristes juifs de leurs biens, articles de journaux relatant la vente des œuvres confisquées chez Drouot. « Le magasin le mieux achalandé bat actuellement tous les records de vente » titre la presse collaborationniste à propos de cette institution qui n’aura guère de comptes à rendre après la Libération, l’argent ainsi gagné ne sera pas rendu. Des films d’époque montrent Van Dongen exposé à la galerie Charpentier parlant avec la femme d’Otto Abetz. Jean Tissier, Arletty, Sacha Guitry et Colette (hélas) ne sont pas loin. Des panneaux expliquent quel sort fut fait aux galeristes juifs eux-mêmes et les difficultés qu’eurent les rares survivants et les familles des exterminés pour récupérer tableaux et meubles volés, parfois exposés dans des lieux prestigieux comme le Musée du Jeu de Paume.
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Près de Saint-Lazare, un tâcheron siglé Cé Discompte livre à vélo une machine à laver installée sur son dos, un degré de plus dans l’usage de la bicyclette comme moyen de transport à bas coût (pas de carburant, pas de frais de stationnement, un salaire médiocre pour le pédaleur).
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« Arrête de sans cesse polémiquer » (une branlotine à l’excellent français s’adressant à sa mère dans le deuxième Book-Off)
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Première fois que j’ai affaire aux gilets bleus de la gare Saint-Lazare. En bout de quai, munis de petites barrières dépliables, ils contrôlent le billet avant d’autoriser l’accès au train. Plus question de monter dans celui-ci avant qu’il ne soit officiellement affiché. C’est une idée d’Hervé Morin, Duc de Normandie, Centriste de Droite, qui vise la fraude. L’opération est confiée à une société privée.
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