Dernières notes
Loïc Boyer
Je suis l’auteur de textes courts qui furent publiés depuis mil neuf cent quatre-vingt-quinze dans des revues littéraires en France (Supérieur Inconnu, Supplément d’Ame, Nouvelle Donne, Le Bord de l’Eau, Pris de Peur, l’Art du Bref, Sol’Air, Gros Textes, Salmigondis, Verso, Décharge, Bulle, Filigranes, Diérèse, Martobre, Comme ça et Autrement, (Cahier d’) Ecritures, La Nef des Fous), en Belgique (Traversées, Ecrits Vains, L’Arbre à Plumes, Inédit Nouveau, Bleu d’Encre), au Canada (Les Saisons Littéraires) et en Italie (Les Cahiers du Ru).
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.
17 mai 2024
Le train de sept heures vingt-trois qui se présente en Gare de Rouen ce mercredi d’entre deux jours de pluie est à numérotation inversée, apprend-on au dernier moment. Cette innovation crée un joli désordre et quelques énervements avant que chacun trouve sa place. Je poursuis là ma lecture de Ma mère à boire de Régine Vandamme tandis que ma voisine se partage entre Marie-Claire et Pierre Lemaître ce qui a pour effet de l’endormir.
Sous un ciel bleu à nuages blancs, je rejoins, avec le bus Vingt-Neuf, le Marché d’Aligre. Les petites mains d’Émile n’ont pas encore terminé de disposer les livres sur les deux longues tables mais j’ai la bonne surprise d’y trouver dans l’édition Christian Bourgois La Victoire à l’ombre des ailes de Stanislas Rodanski dont la vie mouvementée et tragique m’a été racontée un jour par Sarane Alexandrian. Les livres sont affichés à trois euros. Sans que je le demande, Emile me le fait à deux. Chez Amin, plus d’ouvrages de psychanalyse, des romans qui ont l’air neuf ont pris le relais. Ils n’intéressent pas les présents.
Après le café au Camélia, j’explore le Book-Off de Ledru-Rollin. Il y en a tant qui prévoient de dépenser des milliers d’euros pour leur mariage (« Ce sera le plus beau jour de ma vie »), qu’à un euro ne trouve pas preneur Organiser mon mariage pour les nuls. A ce prix, j’achète Correspondance avec la Mouette d’Anton Tchekhov et Lydia Mizinova (Arléa) et Petit traité invitant à la découverte de l’art subtil du go de Pierre Lusson, Georges Perec et Jacques Roubaud (Christian Bourgois).
Direction Sainte-Opportune avec les métros Huit et Un. Je déjeune au Diable des Lombards d’un gravlax de saumon et d’un faux-filet sauce au bleu.
Quasiment personne au sous-sol du Book-Off de Saint-Martin où je trouve à un euro un autre Georges Perec inconnu de moi Vœux publié au Seuil, ainsi que Théâtre et cinéma, la correspondance de Roger Martin du Gard sur ces thèmes (Gallimard), Mes vérités, entretiens de Colette avec André Parinaud (Ecriture), Cent poèmes d’amour de la Chine ancienne traduits et présentés par André Lévy (Philippe Picquier) et des livres à offrir à l’étudiant qui révise dur pour ses partiels, quand il sera disponible pour un café en ville.
Le café du Bistrot d’Edmond est celui que j’ai le plus de mal à boire sans sucre mais je m’y astreins. La terrasse n’est toujours pas revenue mais on en a aussi une en face, me dit le serveur du comptoir en me montrant les tables installées derrière la sortie du métro Quatre Septembre devant laquelle prospère toujours le vendeur de fruits à la sauvette.
Encore une fois, le troisième Book-Off me déçoit. Je n’y dépense qu’un euro pour Contre le bourrage de crâne d’Albert Londres (Arléa) et encore c’est afin de ne pas repartir bredouille. Ne lisant pas davantage de nouvelles que de romans, ce n’est pas moi qui achèterai un euro le jour de l’annonce de sa mort le recueil de nouvelles d’Alice Munro Trop de bonheur (il y est question de mariage). La mort ne fait pas remonter la cote d’un auteur, les livres de Bernard Pivot sont toujours à un euro.
Dans le train du retour, je termine Ma mère à boire. Régine Vandamme, écrivaine belge, y trace un portrait sans complaisance de sa daronne mais je regrette des facilités d’écriture et une fin un peu trop rose. Ce texte datant de deux mille un est composé de courts chapitres, dont voici une sélection de premières phrases :
Ma mère n’a pas d’amis. Ma mère a des bagues. Ma mère est superstitieuse. Ma mère a 58 ans demain. Ma mère, je ne l’appelle plus. Ma mère, ses fourneaux, c’est son royaume. Ma mère ne travaille plus. Ma mère a les cheveux en bataille. Ma mère subit des contrôles médicaux tous les trois mois à Bruxelles. Ma mère n’a pas d’aspirateur. Ma mère n’a pas de garde-robes. Ma mère a les pieds déformés. Ma mère a la télé, mais pas le câble. Ma mère aime le soleil. Ma mère boit. Ma mère n’a pas de télé chez elle. Ma mère me donne son linge à laver. Ma mère garde mon chien. Ma mère fume. Ma mère ne fait rien de ses jours. Ma mère remplit l’air. Ma mère comble le vide de sa vie avec des flots de paroles creuses.
Sous un ciel bleu à nuages blancs, je rejoins, avec le bus Vingt-Neuf, le Marché d’Aligre. Les petites mains d’Émile n’ont pas encore terminé de disposer les livres sur les deux longues tables mais j’ai la bonne surprise d’y trouver dans l’édition Christian Bourgois La Victoire à l’ombre des ailes de Stanislas Rodanski dont la vie mouvementée et tragique m’a été racontée un jour par Sarane Alexandrian. Les livres sont affichés à trois euros. Sans que je le demande, Emile me le fait à deux. Chez Amin, plus d’ouvrages de psychanalyse, des romans qui ont l’air neuf ont pris le relais. Ils n’intéressent pas les présents.
Après le café au Camélia, j’explore le Book-Off de Ledru-Rollin. Il y en a tant qui prévoient de dépenser des milliers d’euros pour leur mariage (« Ce sera le plus beau jour de ma vie »), qu’à un euro ne trouve pas preneur Organiser mon mariage pour les nuls. A ce prix, j’achète Correspondance avec la Mouette d’Anton Tchekhov et Lydia Mizinova (Arléa) et Petit traité invitant à la découverte de l’art subtil du go de Pierre Lusson, Georges Perec et Jacques Roubaud (Christian Bourgois).
Direction Sainte-Opportune avec les métros Huit et Un. Je déjeune au Diable des Lombards d’un gravlax de saumon et d’un faux-filet sauce au bleu.
Quasiment personne au sous-sol du Book-Off de Saint-Martin où je trouve à un euro un autre Georges Perec inconnu de moi Vœux publié au Seuil, ainsi que Théâtre et cinéma, la correspondance de Roger Martin du Gard sur ces thèmes (Gallimard), Mes vérités, entretiens de Colette avec André Parinaud (Ecriture), Cent poèmes d’amour de la Chine ancienne traduits et présentés par André Lévy (Philippe Picquier) et des livres à offrir à l’étudiant qui révise dur pour ses partiels, quand il sera disponible pour un café en ville.
Le café du Bistrot d’Edmond est celui que j’ai le plus de mal à boire sans sucre mais je m’y astreins. La terrasse n’est toujours pas revenue mais on en a aussi une en face, me dit le serveur du comptoir en me montrant les tables installées derrière la sortie du métro Quatre Septembre devant laquelle prospère toujours le vendeur de fruits à la sauvette.
Encore une fois, le troisième Book-Off me déçoit. Je n’y dépense qu’un euro pour Contre le bourrage de crâne d’Albert Londres (Arléa) et encore c’est afin de ne pas repartir bredouille. Ne lisant pas davantage de nouvelles que de romans, ce n’est pas moi qui achèterai un euro le jour de l’annonce de sa mort le recueil de nouvelles d’Alice Munro Trop de bonheur (il y est question de mariage). La mort ne fait pas remonter la cote d’un auteur, les livres de Bernard Pivot sont toujours à un euro.
Dans le train du retour, je termine Ma mère à boire. Régine Vandamme, écrivaine belge, y trace un portrait sans complaisance de sa daronne mais je regrette des facilités d’écriture et une fin un peu trop rose. Ce texte datant de deux mille un est composé de courts chapitres, dont voici une sélection de premières phrases :
Ma mère n’a pas d’amis. Ma mère a des bagues. Ma mère est superstitieuse. Ma mère a 58 ans demain. Ma mère, je ne l’appelle plus. Ma mère, ses fourneaux, c’est son royaume. Ma mère ne travaille plus. Ma mère a les cheveux en bataille. Ma mère subit des contrôles médicaux tous les trois mois à Bruxelles. Ma mère n’a pas d’aspirateur. Ma mère n’a pas de garde-robes. Ma mère a les pieds déformés. Ma mère a la télé, mais pas le câble. Ma mère aime le soleil. Ma mère boit. Ma mère n’a pas de télé chez elle. Ma mère me donne son linge à laver. Ma mère garde mon chien. Ma mère fume. Ma mère ne fait rien de ses jours. Ma mère remplit l’air. Ma mère comble le vide de sa vie avec des flots de paroles creuses.
16 mai 2024
Une grosse pluie en fin de nuit et ce mardi matin le bout de la venelle côté rue Saint-Nicolas est inondé. Cela m’oblige à faire demi-tour quand je vais me ravitailler chez U Express puis à faire le tour par les rues Saint-Romain et de la République. Un détour que refusent les guides touristiques à leurs troupeaux et voici ces vieilles et ces vieux trempant leurs chaussures dans l’eau (et il n’y a pas que de l’eau) avant de bloquer la ruelle. A partir du printemps, c’est tous les matins la sortie des encombrants. Ces guides ne sont plus ceux d’avant la Guerre du Covid mais leur discours est le même, évoquant un pseudo Moyen Age dans une rue pavée où l’on vide les seaux d’eau par la fenêtre (et parfois, c’était pas de l’eau) et encore bêlements et encore bêlements. Un de ces guides, un mâle à chapeau original (c’est à ça qu’on les reconnaît) tonitrue à tout-va. Ce doit être une visite pour les malentendants.
D’autres malentendantes, semble-t-il, ce sont les cinq retraitées qui déjeunent tardivement au Socrate où je bois un café abrité. Elles parlent comme si elles étaient dans une cour de ferme. Soudain, l’une apprend par son Smartphone que des pénitenciers (comme elle dit) ont été tués au péage d’Incarville pendant un transfert. « Pourvu que ce soit pas David ! » « Il faut qu’on appelle Martine » « Oui, mais si elle le sait pas encore. » L’une téléphone à une amie de cette femme qui leur apprend que ce n’est pas lui. Il était en formation aujourd’hui mais celui qui s’est évadé il l’avait convoyé il y a un mois et ceux qui sont morts il les connaissait. « Oh la la, dans quel monde on vit. » Quand elles se lèvent, l’une dit à une autre, après m’avoir désigné discrètement et pensant que je n’entends pas,. « Il doit se dire elles s’en vont celles-là, quelle chance ! ».
*
D’où vient qu’attendre le métro quatre minutes à Rouen cela me semble beaucoup plus long que l’attendre quatre minutes à Paris ? Je ne vois qu’une seule explication : les minutes durent plus longtemps à Rouen qu’à Paris.
D’autres malentendantes, semble-t-il, ce sont les cinq retraitées qui déjeunent tardivement au Socrate où je bois un café abrité. Elles parlent comme si elles étaient dans une cour de ferme. Soudain, l’une apprend par son Smartphone que des pénitenciers (comme elle dit) ont été tués au péage d’Incarville pendant un transfert. « Pourvu que ce soit pas David ! » « Il faut qu’on appelle Martine » « Oui, mais si elle le sait pas encore. » L’une téléphone à une amie de cette femme qui leur apprend que ce n’est pas lui. Il était en formation aujourd’hui mais celui qui s’est évadé il l’avait convoyé il y a un mois et ceux qui sont morts il les connaissait. « Oh la la, dans quel monde on vit. » Quand elles se lèvent, l’une dit à une autre, après m’avoir désigné discrètement et pensant que je n’entends pas,. « Il doit se dire elles s’en vont celles-là, quelle chance ! ».
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D’où vient qu’attendre le métro quatre minutes à Rouen cela me semble beaucoup plus long que l’attendre quatre minutes à Paris ? Je ne vois qu’une seule explication : les minutes durent plus longtemps à Rouen qu’à Paris.
14 mai 2024
Le dimanche, le Son du Cor ouvre à onze heures. Quand je m’y pointe à moins cinq, il y a six personnes déjà là, encore plus en avance que moi. Assez vite, les retours du marché arrivent avec leurs légumes dans un sac et leurs trucs à grignoter avec un verre de vin ou une bière dans un autre.
Ce n’est pas une clientèle que j’aime côtoyer et, comme à midi, toutes les tables sont occupées et que certain(e)s en attendent une debout, je libère la mienne et décide de retourner, à pied cette fois, au vide-maison de la rue des Frères-Nicolle.
Les acquéreurs de cette maison envahie de livres reçoivent de la famille tout en laissant les quelques personnes venues explorer les bibliothèques en désordre aller et venir comme elles l’entendent. La vente publique se termine aujourd’hui mais les propriétaires des livres achetés avec la maison ne semblent pas encore prêts à brader ce qui reste à un bouquiniste. J’entends que la vente va continuer pour les particuliers, sur rendez-vous.
Je fouille une nouvelle fois le rez-de-chaussée et le garage, sélectionnant avec difficulté quelques livres à mettre dans mon sac. Quand j’abandonne, j’en ai pour six euros.
En redescendant vers chez moi, j’observe les nuages qui montent à l’horizon, promesse d’un changement de temps pour bientôt.
*
Etrange bibliothèque que celle de ce théosophe dont les livres n’ont pas trouvé d’héritier. Il achetait aussi bien ceux écrits par des universitaires que ceux écrits par des vulgarisateurs plus ou moins sérieux. Certains ouvrages sont en double, et même en triple exemplaire, notamment des Krishnamurti.
Ce n’est pas une clientèle que j’aime côtoyer et, comme à midi, toutes les tables sont occupées et que certain(e)s en attendent une debout, je libère la mienne et décide de retourner, à pied cette fois, au vide-maison de la rue des Frères-Nicolle.
Les acquéreurs de cette maison envahie de livres reçoivent de la famille tout en laissant les quelques personnes venues explorer les bibliothèques en désordre aller et venir comme elles l’entendent. La vente publique se termine aujourd’hui mais les propriétaires des livres achetés avec la maison ne semblent pas encore prêts à brader ce qui reste à un bouquiniste. J’entends que la vente va continuer pour les particuliers, sur rendez-vous.
Je fouille une nouvelle fois le rez-de-chaussée et le garage, sélectionnant avec difficulté quelques livres à mettre dans mon sac. Quand j’abandonne, j’en ai pour six euros.
En redescendant vers chez moi, j’observe les nuages qui montent à l’horizon, promesse d’un changement de temps pour bientôt.
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Etrange bibliothèque que celle de ce théosophe dont les livres n’ont pas trouvé d’héritier. Il achetait aussi bien ceux écrits par des universitaires que ceux écrits par des vulgarisateurs plus ou moins sérieux. Certains ouvrages sont en double, et même en triple exemplaire, notamment des Krishnamurti.
13 mai 2024
Ce vendredi, un de ma connaissance, qui tient petite boutique de brocante rue Damiette, dont j’ignore le nom et qui peut-être ignore le mien, à qui je viens de dire un bonjour rapide, me rattrape par le bras au Marché du Clos Saint-Marc et me dit : « T’es au courant du vide-maison plein de bouquins au Boulingrin ? »
Que non. Sur Brocabrac, je ne regarde jamais les vide-maisons, persuadé qu’il n’y a là aucun livre pour moi.
« Des milliers de livres, me dit-il, partout dans la maison, surtout de l’ésotérisme mais aussi un peu de littérature et de philosophie. Les nouveaux proprios vendent tout à trois euros pièce. »
Je le remercie et ce samedi, d’un coup de métro gratuit, je rejoins la place du Boulingrin. De là, je marche jusqu’à la rue des Frères-Nicolle (Maurice Charles Marcel est-il écrit en petit sur la plaque). Cette rue monte bien. Je suis content d’arriver au numéro indiqué. Une affichette confirme la vente.
Ça ouvre à onze heures. Il est onze heures moins dix. Bientôt d’autres attendent aussi. Je discute avec l’un d’eux. Il m’explique qu’il y a des livres du bas jusqu’en haut de la maison, un désordre absolu, beaucoup en mauvais état, beaucoup avec des annotations au stylo. L’ancien propriétaire, décédé, était un théosophe peut-être atteint du syndrome de Diogène. Il m’apprend aussi que le prix des livres a été baissé à un euro. Lui en a déjà acheté des pleins sacs la semaine dernière, une partie pour lui, une partie pour la revente, et tous les bouquinistes sont déjà passés, notamment Elisabeth Brunet. « Et quand elle se déplace, c’est que c’est sérieux. », lui dis-je. Notre conversation roule ensuite sur la littérature. Il me dit qu’il a créé une petite maison d’édition. A son catalogue, des rééditions de livres tombés dans l’oubli qu’il a envie de défendre.
Quand la porte s’ouvre, des intéressés montent directement vers la maison mais mon interlocuteur me conseille d’entrer avec lui dans le garage où il y a beaucoup de choses. Effectivement, mais je me rends compte que je ne trouverai sans doute rien pour moi, trop peu de littérature, des quantités de livres mystico pantoufle. Je fouille quand même.
Quand j’ai fait le tour du garage, je monte les trois volées de marches en pierre irrégulières pour atteindre la maison où dans toutes les petites pièces du rez-de-chaussée, c’est le même bazar de livres.
Rien non plus pour moi dans ce rez-de-chaussée. Il y a encore un étage aux allures de grenier mais l’escalier hélicoïdal en bois n’est pas sécurisé. Je renonce à l’emprunter et redescends les marches de pierre. Jamais je ne voudrais habiter une maison pareille, aussi peu pratique, je plains le jeune couple qui s’est mis ça sur le dos.
De retour au garage, je constate que celui dont j’ai fait la connaissance a déjà empli un grand sac. Il me dit que des bouquinistes sont sur le coup pour acheter à bas prix tout ce qui va rester après la dernière vente publique qui a lieu demain. J’achète quand même deux livres, que je ne garderai pas, puis redescends en ville avec le métro.
C’est la dernière journée de troubadourisme johannique. Je la fuis à la terrasse du Son du Cor, à l’ombre, car le soleil chauffe et appelle les orages.
*
Jeu d’enfants à Rouen Saint-Sever où je suis allé tôt dans l’espoir de trouver un sac à dos noir à bas prix, espoir déçu. Elle : « Défense de marcher sur les ronds ! » Il n’y a que deux plaques d’égout. Lui : « Défense de marcher sur les déchets ! » Là, ça devient plus compliqué.
*
Intéressant dialogue entre un moutard de trois ans et son père :
-Et pourquoi on lave la rue par terre ?
-Pour que ça soit propre.
Que non. Sur Brocabrac, je ne regarde jamais les vide-maisons, persuadé qu’il n’y a là aucun livre pour moi.
« Des milliers de livres, me dit-il, partout dans la maison, surtout de l’ésotérisme mais aussi un peu de littérature et de philosophie. Les nouveaux proprios vendent tout à trois euros pièce. »
Je le remercie et ce samedi, d’un coup de métro gratuit, je rejoins la place du Boulingrin. De là, je marche jusqu’à la rue des Frères-Nicolle (Maurice Charles Marcel est-il écrit en petit sur la plaque). Cette rue monte bien. Je suis content d’arriver au numéro indiqué. Une affichette confirme la vente.
Ça ouvre à onze heures. Il est onze heures moins dix. Bientôt d’autres attendent aussi. Je discute avec l’un d’eux. Il m’explique qu’il y a des livres du bas jusqu’en haut de la maison, un désordre absolu, beaucoup en mauvais état, beaucoup avec des annotations au stylo. L’ancien propriétaire, décédé, était un théosophe peut-être atteint du syndrome de Diogène. Il m’apprend aussi que le prix des livres a été baissé à un euro. Lui en a déjà acheté des pleins sacs la semaine dernière, une partie pour lui, une partie pour la revente, et tous les bouquinistes sont déjà passés, notamment Elisabeth Brunet. « Et quand elle se déplace, c’est que c’est sérieux. », lui dis-je. Notre conversation roule ensuite sur la littérature. Il me dit qu’il a créé une petite maison d’édition. A son catalogue, des rééditions de livres tombés dans l’oubli qu’il a envie de défendre.
Quand la porte s’ouvre, des intéressés montent directement vers la maison mais mon interlocuteur me conseille d’entrer avec lui dans le garage où il y a beaucoup de choses. Effectivement, mais je me rends compte que je ne trouverai sans doute rien pour moi, trop peu de littérature, des quantités de livres mystico pantoufle. Je fouille quand même.
Quand j’ai fait le tour du garage, je monte les trois volées de marches en pierre irrégulières pour atteindre la maison où dans toutes les petites pièces du rez-de-chaussée, c’est le même bazar de livres.
Rien non plus pour moi dans ce rez-de-chaussée. Il y a encore un étage aux allures de grenier mais l’escalier hélicoïdal en bois n’est pas sécurisé. Je renonce à l’emprunter et redescends les marches de pierre. Jamais je ne voudrais habiter une maison pareille, aussi peu pratique, je plains le jeune couple qui s’est mis ça sur le dos.
De retour au garage, je constate que celui dont j’ai fait la connaissance a déjà empli un grand sac. Il me dit que des bouquinistes sont sur le coup pour acheter à bas prix tout ce qui va rester après la dernière vente publique qui a lieu demain. J’achète quand même deux livres, que je ne garderai pas, puis redescends en ville avec le métro.
C’est la dernière journée de troubadourisme johannique. Je la fuis à la terrasse du Son du Cor, à l’ombre, car le soleil chauffe et appelle les orages.
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Jeu d’enfants à Rouen Saint-Sever où je suis allé tôt dans l’espoir de trouver un sac à dos noir à bas prix, espoir déçu. Elle : « Défense de marcher sur les ronds ! » Il n’y a que deux plaques d’égout. Lui : « Défense de marcher sur les déchets ! » Là, ça devient plus compliqué.
*
Intéressant dialogue entre un moutard de trois ans et son père :
-Et pourquoi on lave la rue par terre ?
-Pour que ça soit propre.
12 mai 2024
Autre histoire de flammes, c’est le retour des Fêtes Jeanne d’Arc à Rouen, encore plus étalées que les années passées. La rue portant son nom est coupée à la circulation et bordée de barnums en plastique sous lesquels on vend un Moyen Âge de pacotille. Ailleurs, on danse, on combat, on défile. Des festivités rendues possibles par le supplice d’une femme. On peut dire merci à la Pucelle qui en ayant été brûlée vive permet aux autochtones et aux touristes de s’amuser.
A la terrasse du Sacre, j’ai pour voisins quatre quadragénaires qui picolent un peu avant d’y aller. « C’est quoi le programme ? » « Ben, on va aller se balader, on va voir ce qu’il y a. » L’un en a déjà une petite idée : « Des bracelets en cuir, des savons, des épées en bois. » Leur argot de paysans normands : « T’as pris ta gapette ? » « Toi, t’as graillé ? »
Ma lecture du jour est Pages de Journal d’Edith Thomas. A la date du dix-huit mars mil neuf cent quarante-trois, j’y trouve cette réflexion lumineuse appropriée au moment présent :
Les Visiteurs du soir le symptôme d’une maladie plus grande, plus généralisée et par conséquent beaucoup plus alarmante. C’est une manifestation incontestable du troubadourisme. Comme le mot ne se trouve dans aucun dictionnaire médical, peut-être est-il bon de tenter d’en donner une définition. Le troubadourisme est une maladie de l’art et de la littérature qui apparaît en période régressive et consiste en un attendrissement ingénu sur un passé imaginaire. Pour que ce passé soit le plus imaginaire possible, on le repousse aussi loin qu’on le peut, dans une mémoire qui se confond pour le public avec la légende : le Moyen Age fait fort bien l’affaire ! Le troubadourisme est donc une des multiples formes de l’évasion – par opposition au réalisme – et l’une des plus inquiétantes parce qu’elle est des plus insidieuses.
Le troubadourisme fait son apparition dans l’histoire des lettres vers la fin de l’Empire et le début de la Restauration dans une période d’oppression intellectuelle, de défaite et de pudibonde niaiserie. (…) … il est clair que les mêmes causes produisent les mêmes effets et que, lorsqu’on ne peut parler de son temps parce qu’il faudrait en dire des choses interdites et qu’on a pas le courage moral de se taire (parce qu’un écrivain, doit écrire, cela va de soi, même quand écrire est une imposture à cause de tout ce qu’il faut taire : l’essentiel) on n’a qu’à faire monter un troubadour à une échelle de soie - sur l’heure de minuit – quand chante le rossignol.
« Une période d’oppression intellectuelle, de défaite et de pudibonde niaiserie », voilà qui définit parfaitement les temps actuels.
A la terrasse du Sacre, j’ai pour voisins quatre quadragénaires qui picolent un peu avant d’y aller. « C’est quoi le programme ? » « Ben, on va aller se balader, on va voir ce qu’il y a. » L’un en a déjà une petite idée : « Des bracelets en cuir, des savons, des épées en bois. » Leur argot de paysans normands : « T’as pris ta gapette ? » « Toi, t’as graillé ? »
Ma lecture du jour est Pages de Journal d’Edith Thomas. A la date du dix-huit mars mil neuf cent quarante-trois, j’y trouve cette réflexion lumineuse appropriée au moment présent :
Les Visiteurs du soir le symptôme d’une maladie plus grande, plus généralisée et par conséquent beaucoup plus alarmante. C’est une manifestation incontestable du troubadourisme. Comme le mot ne se trouve dans aucun dictionnaire médical, peut-être est-il bon de tenter d’en donner une définition. Le troubadourisme est une maladie de l’art et de la littérature qui apparaît en période régressive et consiste en un attendrissement ingénu sur un passé imaginaire. Pour que ce passé soit le plus imaginaire possible, on le repousse aussi loin qu’on le peut, dans une mémoire qui se confond pour le public avec la légende : le Moyen Age fait fort bien l’affaire ! Le troubadourisme est donc une des multiples formes de l’évasion – par opposition au réalisme – et l’une des plus inquiétantes parce qu’elle est des plus insidieuses.
Le troubadourisme fait son apparition dans l’histoire des lettres vers la fin de l’Empire et le début de la Restauration dans une période d’oppression intellectuelle, de défaite et de pudibonde niaiserie. (…) … il est clair que les mêmes causes produisent les mêmes effets et que, lorsqu’on ne peut parler de son temps parce qu’il faudrait en dire des choses interdites et qu’on a pas le courage moral de se taire (parce qu’un écrivain, doit écrire, cela va de soi, même quand écrire est une imposture à cause de tout ce qu’il faut taire : l’essentiel) on n’a qu’à faire monter un troubadour à une échelle de soie - sur l’heure de minuit – quand chante le rossignol.
« Une période d’oppression intellectuelle, de défaite et de pudibonde niaiserie », voilà qui définit parfaitement les temps actuels.
11 mai 2024
C’est le silence dans l’appartement derrière ma chambre depuis mon retour de Toulon. Le jeune homme au chien est parti et personne ne le remplace à ce jour.
Pendant ce temps, l’appartement derrière la salle de bains est devenu logement Air Bibi. Pour l’instant, les touristes qui s’y succèdent ne me gênent pas. Quand même, je les entends marcher. Ils ne portent pas de chaussons comme la femme qui habitait là avant, à la santé chancelante, dont les pompiers cassaient de temps en temps la fenêtre pour voir si elle était encore vivante. Les beaux jours arrivant, je crains le moment où les occupants vivront les fenêtres ouvertes, cet appartement est exposé plein soleil et sous les toits, un piège par temps de canicule.
L’appartement de derrière la cuisine continue sa vie d’Air Bibi, pas de personnes bruyantes depuis l’épisode du saccage nocturne. Je n’entends que les passages aux toilettes.
De l’autre côté de la ruelle, trois Air Bibi qui ne font pas de bruit. Celui en sous-sol est souvent occupé. Pas les deux autres qui sont loués cher. Ces derniers appartiennent à la bourgeoise artiste qui avant de déménager avait transformé celui du bas en galerie nommée La Page Blanche. Elle y exposait ses œuvres et celles de ses semblables, avec peu de succès. Rebaptisé L’Atelier des Chanoines, ce « véritable atelier d’artiste » à la « localisation incroyable » est loué cent seize euros la nuit. Commentaires de ceux qui y sont passés :
« Superbe surprise merveilleuse. L'endroit est vraiment un studio de peinture. Je me sentais vraiment en France. »
« C’est effectivement un vrai lieu d’artiste, équipements sommaires et hétéroclites mais c’est bien ce que l’on s’attend à trouver. On sélectionne ce lieu pour son emplacement et son caractère atypique. Ceux qui aiment la bohème seront ravis ! »
« Il est effectivement possible de loger à trois car, comme indiqué sur l'annonce, le logement dispose d'un lit deux places et de deux fauteuils convertibles. Cependant ces deux derniers sont très incommodes, nous avons dû les rembourrer avec plusieurs couvertures pour pouvoir dormir un minimum correctement dessus car ils étaient beaucoup trop durs. »
Pendant ce temps, l’appartement derrière la salle de bains est devenu logement Air Bibi. Pour l’instant, les touristes qui s’y succèdent ne me gênent pas. Quand même, je les entends marcher. Ils ne portent pas de chaussons comme la femme qui habitait là avant, à la santé chancelante, dont les pompiers cassaient de temps en temps la fenêtre pour voir si elle était encore vivante. Les beaux jours arrivant, je crains le moment où les occupants vivront les fenêtres ouvertes, cet appartement est exposé plein soleil et sous les toits, un piège par temps de canicule.
L’appartement de derrière la cuisine continue sa vie d’Air Bibi, pas de personnes bruyantes depuis l’épisode du saccage nocturne. Je n’entends que les passages aux toilettes.
De l’autre côté de la ruelle, trois Air Bibi qui ne font pas de bruit. Celui en sous-sol est souvent occupé. Pas les deux autres qui sont loués cher. Ces derniers appartiennent à la bourgeoise artiste qui avant de déménager avait transformé celui du bas en galerie nommée La Page Blanche. Elle y exposait ses œuvres et celles de ses semblables, avec peu de succès. Rebaptisé L’Atelier des Chanoines, ce « véritable atelier d’artiste » à la « localisation incroyable » est loué cent seize euros la nuit. Commentaires de ceux qui y sont passés :
« Superbe surprise merveilleuse. L'endroit est vraiment un studio de peinture. Je me sentais vraiment en France. »
« C’est effectivement un vrai lieu d’artiste, équipements sommaires et hétéroclites mais c’est bien ce que l’on s’attend à trouver. On sélectionne ce lieu pour son emplacement et son caractère atypique. Ceux qui aiment la bohème seront ravis ! »
« Il est effectivement possible de loger à trois car, comme indiqué sur l'annonce, le logement dispose d'un lit deux places et de deux fauteuils convertibles. Cependant ces deux derniers sont très incommodes, nous avons dû les rembourrer avec plusieurs couvertures pour pouvoir dormir un minimum correctement dessus car ils étaient beaucoup trop durs. »
10 mai 2024
Quel plaisir de la voir arriver avec dix minutes d’avance alors que je l’attends sur le banc face au Paris. Nous élisons une table de trottoir encore au soleil et bientôt à l’ombre. Elle est en meilleure forme que je le craignais, sachant l’épreuve qu’elle subit depuis de longs mois. C’est une chance de pouvoir fêter son anniversaire le jour même. « Bizarrement, me dit-elle, je suis assez contente d’avoir trente-sept ans. » « C’est le numéro de mon siège de train à l’aller et au retour », lui apprends-je. Ce qui nous amène à évoquer les coïncidences, s’il y a ou non quelque chose derrière. Nous commandons la formule du jour avec un verre de pinot noir et continuons à parler de choses futiles ou sérieuses.
Nous en sommes à la moitié du repas quand s’installent à la table voisine une femme accompagnée d’un homme plus jeune qu’elle. Je la reconnais immédiatement, bien qu’elle soit marquée par l’âge, parce que je l’ai vue à la télé il y a peu. Je glisse à l’oreille de celle qui est assise avec moi et qui n’a pas eu la chance de la voir en concert le nom de sa voisine. Cette femme, dont la voix n’a pas changé, et l’homme qui l’accompagne parlent de Pasolini et d’édition.
Lorsque l’homme va aux toilettes, la patronne du Paris vient demander à la chanteuse de faire un selfie avec elle. Elle accepte avec le sourire et je lui dis « On vous a reconnue aussi madame Ringer ». Quand l’homme revient, elle lui dit « Je vais rentrer avec le métro ». « Tu te rappelleras que le jour de ton trente-septième anniversaire, Catherine Ringer était assise à côté de toi », dis-je à celle à qui j’offre trois livres mis de côté pour elle depuis longtemps. C’est l’année où nous avons un âge inversé.
Nous discutons encore un bon moment et il est plus de quatorze heures quand nous nous séparons, elle retournant au travail et moi prenant le métro Un pour rejoindre le sous-sol du Book-Off de Saint-Martin.
Un essaim de jeunes filles d’Europe de l’Est à jupe courte ou ventre nu y virevolte. Je ne sais où poser mon regard. Cela doit nuire à ma pêche aux livres à un euro. Néanmoins, je remonte avec Winter de Rick Bass (Hoëbeke), Lettres inédites à ses éditeurs Michel & Calmann Lévy d’Ernest Renan (Calmann-Lévy) et Le vrai lieu, entretiens d’Annie Ernaux avec Michelle Porte (Gallimard).
Dans le train du retour, c’est ambiance départ en vacances et panique chez les familles. Les réservations ont été annulées au dernier moment. Comment se placer dans un carré alors que ceux-ci sont déjà partiellement occupés par des isolés ou des duos.
*
C’est avec celle qui me tenait la main avant celle avec qui je suis au Paris ce mardi que j’ai vu et ouï Les Rita Mitsouko. C’était en deux mille trois, lors des concerts de l’Armada de Rouen.
Nous en sommes à la moitié du repas quand s’installent à la table voisine une femme accompagnée d’un homme plus jeune qu’elle. Je la reconnais immédiatement, bien qu’elle soit marquée par l’âge, parce que je l’ai vue à la télé il y a peu. Je glisse à l’oreille de celle qui est assise avec moi et qui n’a pas eu la chance de la voir en concert le nom de sa voisine. Cette femme, dont la voix n’a pas changé, et l’homme qui l’accompagne parlent de Pasolini et d’édition.
Lorsque l’homme va aux toilettes, la patronne du Paris vient demander à la chanteuse de faire un selfie avec elle. Elle accepte avec le sourire et je lui dis « On vous a reconnue aussi madame Ringer ». Quand l’homme revient, elle lui dit « Je vais rentrer avec le métro ». « Tu te rappelleras que le jour de ton trente-septième anniversaire, Catherine Ringer était assise à côté de toi », dis-je à celle à qui j’offre trois livres mis de côté pour elle depuis longtemps. C’est l’année où nous avons un âge inversé.
Nous discutons encore un bon moment et il est plus de quatorze heures quand nous nous séparons, elle retournant au travail et moi prenant le métro Un pour rejoindre le sous-sol du Book-Off de Saint-Martin.
Un essaim de jeunes filles d’Europe de l’Est à jupe courte ou ventre nu y virevolte. Je ne sais où poser mon regard. Cela doit nuire à ma pêche aux livres à un euro. Néanmoins, je remonte avec Winter de Rick Bass (Hoëbeke), Lettres inédites à ses éditeurs Michel & Calmann Lévy d’Ernest Renan (Calmann-Lévy) et Le vrai lieu, entretiens d’Annie Ernaux avec Michelle Porte (Gallimard).
Dans le train du retour, c’est ambiance départ en vacances et panique chez les familles. Les réservations ont été annulées au dernier moment. Comment se placer dans un carré alors que ceux-ci sont déjà partiellement occupés par des isolés ou des duos.
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C’est avec celle qui me tenait la main avant celle avec qui je suis au Paris ce mardi que j’ai vu et ouï Les Rita Mitsouko. C’était en deux mille trois, lors des concerts de l’Armada de Rouen.
9 mai 2024
Dans le sept heures vingt-trois pour Paris j’ai ce mardi pour voisine de droite une femme qui lit le guide Pays-Bas de Lonely Planet, ce qui donne une idée de sa destination finale, et pour voisine d’outre couloir une autre femme, énervante celle-ci, par sa façon de se moucher, de manger, de boire, de marmonner ce qu’elle tape sur son ordinateur et de laisser traîner son sac dans le couloir. Je lis Ma mère à boire de Régine Vandamme. Nous arrivons avec deux minutes d’avance et la voix du train s’excuse pour le retard.
Je suis content de retrouver le bus Vingt-Neuf dont je n’ai pas encore lu l’ode faite par Jacques Roubaud. Il démarre immédiatement et m’emmène à la Bastille.
De là, je rejoins à pied le Marché d’Aligre. Emile y présente, empilés, ce qu’on appelle des beaux livres, pas envie de regarder. Amin, lui, présente un tas (au sens propre) de livres consacrés à la psychanalyse et ses alentours. Comme j’ai du temps, je fouille un peu. Un homme a déjà devant lui deux piles de livres à qui je dis « On dirait la bibliothèque de Gérard Miller. » « Je l’ai connu à ses débuts, me dit-il. A la fac de Vincennes. A chaque rentrée, il venait voir ce qu’il y avait de nouveau chez les étudiantes. » Cet homme a un stand de livres sur ce marché le samedi et le dimanche. Quand je lui dis que je viens de Rouen, il me dit qu’autrefois il a songé à ouvrir une boutique là-bas car c’est une ville étudiante. Je pense qu’il a bien fait de ne pas.
Au Camélia, après un café, j’ouvre Le Parisien : quatre pages sur Bernard Pivot, au moins autant sur la flamme nazie qui arrive à Marseille, et une que je lis, consacrée à un quinquagénaire bien mis qui entre dans les magasins, se met à genoux, lèche le sol en disant qu’il a besoin d’aide puis repart. Quand les boutiquiers appellent la Police, on leur répond : « C’est le lécheur, n’ayez pas peur. »
Il y a du monde chez Book-Off en cette semaine de grand pont. Dans les rayonnages spécialisés, rien que je n’aie déjà mais je suis sauvé par les mal rangés, ces livres mis aux rayons Romans et Témoignages et qui n’en sont pas. A un euro pièce, je m’alourdis de Casanova ou l’exercice du bonheur de Lydia Flem (Seuil), Cahiers de Paris (Journal) de Petr Král (Flammarion), Dans quelle langue est-ce que je rêve ? d’Elena Lappin (Editions de l’Olivier), Lettres de Russie de Custine (Folio), La belle époque de Boris Vian (Dix/Dix-Huit) et My Lady Nicotine (une étude fumeuse) de James M. Barrie (Attila) illustré par Quentin Faucompré (c’est le titre de ce livre de l’auteur de Peter Pan qui a inspiré à Serge Gainsbourg My Lady Héroïne).
Sous un ciel enfin printanier, je rejoins la place de la Bastille et tourne à droite boulevard Richard-Lenoir jusqu’au banc où j’espère me rejoindra, à douze heures trente, celle qui me tenait la main et travaille dans le quartier. Je ne l’ai pas vue depuis trop longtemps. C’est son anniversaire.
*
Au Marché d’Aligre, un livre de Gérard Miller intitulé Malaise.
*
Chez Book-Off, une femme au téléphone : « Je suis dans une situation psychologique désastreuse et tu me dis ça en plus ! »
Je suis content de retrouver le bus Vingt-Neuf dont je n’ai pas encore lu l’ode faite par Jacques Roubaud. Il démarre immédiatement et m’emmène à la Bastille.
De là, je rejoins à pied le Marché d’Aligre. Emile y présente, empilés, ce qu’on appelle des beaux livres, pas envie de regarder. Amin, lui, présente un tas (au sens propre) de livres consacrés à la psychanalyse et ses alentours. Comme j’ai du temps, je fouille un peu. Un homme a déjà devant lui deux piles de livres à qui je dis « On dirait la bibliothèque de Gérard Miller. » « Je l’ai connu à ses débuts, me dit-il. A la fac de Vincennes. A chaque rentrée, il venait voir ce qu’il y avait de nouveau chez les étudiantes. » Cet homme a un stand de livres sur ce marché le samedi et le dimanche. Quand je lui dis que je viens de Rouen, il me dit qu’autrefois il a songé à ouvrir une boutique là-bas car c’est une ville étudiante. Je pense qu’il a bien fait de ne pas.
Au Camélia, après un café, j’ouvre Le Parisien : quatre pages sur Bernard Pivot, au moins autant sur la flamme nazie qui arrive à Marseille, et une que je lis, consacrée à un quinquagénaire bien mis qui entre dans les magasins, se met à genoux, lèche le sol en disant qu’il a besoin d’aide puis repart. Quand les boutiquiers appellent la Police, on leur répond : « C’est le lécheur, n’ayez pas peur. »
Il y a du monde chez Book-Off en cette semaine de grand pont. Dans les rayonnages spécialisés, rien que je n’aie déjà mais je suis sauvé par les mal rangés, ces livres mis aux rayons Romans et Témoignages et qui n’en sont pas. A un euro pièce, je m’alourdis de Casanova ou l’exercice du bonheur de Lydia Flem (Seuil), Cahiers de Paris (Journal) de Petr Král (Flammarion), Dans quelle langue est-ce que je rêve ? d’Elena Lappin (Editions de l’Olivier), Lettres de Russie de Custine (Folio), La belle époque de Boris Vian (Dix/Dix-Huit) et My Lady Nicotine (une étude fumeuse) de James M. Barrie (Attila) illustré par Quentin Faucompré (c’est le titre de ce livre de l’auteur de Peter Pan qui a inspiré à Serge Gainsbourg My Lady Héroïne).
Sous un ciel enfin printanier, je rejoins la place de la Bastille et tourne à droite boulevard Richard-Lenoir jusqu’au banc où j’espère me rejoindra, à douze heures trente, celle qui me tenait la main et travaille dans le quartier. Je ne l’ai pas vue depuis trop longtemps. C’est son anniversaire.
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Au Marché d’Aligre, un livre de Gérard Miller intitulé Malaise.
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Chez Book-Off, une femme au téléphone : « Je suis dans une situation psychologique désastreuse et tu me dis ça en plus ! »
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