Le Journal de Michel Perdrial
Le Journal de Michel Perdrial



Loïc Boyer
Je suis l’auteur de textes courts qui furent publiés depuis mil neuf cent quatre-vingt-quinze dans des revues littéraires en France (Supérieur Inconnu, Supplément d’Ame, Nouvelle Donne, Le Bord de l’Eau, Pris de Peur, l’Art du Bref, Sol’Air, Gros Textes, Salmigondis, Verso, Décharge, Bulle, Filigranes, Diérèse, Martobre, Comme ça et Autrement, (Cahier d’) Ecritures, La Nef des Fous), en Belgique (Traversées, Ecrits Vains, L’Arbre à Plumes, Inédit Nouveau, Bleu d’Encre), au Canada (Les Saisons Littéraires) et en Italie (Les Cahiers du Ru).
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.







Rss

En relisant le Journal (1879-1939) de l’abbé Mugnier (un)

31 octobre 2016


Mon exemplaire de l’édition de poche du Journal (1879-1939) de l’abbé Mugnier publié au Mercure de France, dans la collection Le Temps retrouvé, a certaines pages dont l’encre a pâli, comme si je l’avais usée à force de relectures. La plus récente, au Pays Basque, date du printemps dernier.
L’abbé Mugnier, plus souvent présent dans le monde (où il entra par Huysmans qu’il convertit) qu’à la chapelle (d’où des ennuis avec sa hiérarchie), y raconte essentiellement ce que d’autres lui racontent dans les salons ou au confessionnal, vivant par procuration la vie qu’il aurait voulu avoir, tout en donnant de temps à autre un point de vue sans illusions sur les hommes et la société. Il n’est jamais aussi heureux que lorsqu’il reçoit un témoignage de reconnaissance, comme celui que lui envoie Cosima Wagner (une lettre de quatre pages) suite à une conférence qu’il a faite sur son défunt mari en mil huit cent quatre-vingt-quinze. Il m’est doux de rayonner sous forme admiratrice., avoue-t-il à cette occasion.
Cette relecture est responsable de nombreuses notes, dont voici les premières :
Renan couchait avec sa sœur. Lockroy aurait avoué qu’il aurait donné à Renan la croix de commandeur, en souvenir des exploits érotiques de l’auteur de La Vie de Jésus avec sa sœur Henriette sous la tente. (vingt-six avril mil huit cent quatre-vingt-seize, citant les propos d’un certain Dessus, ami de Huysmans )
Hier, Huysmans me contait que Victor Hugo était jusqu’à la fin un colosse « libidineux ». Il montait sur les omnibus pour y ramasser des petites filles avec lesquelles il se satisfaisait. (six septembre mil huit cent quatre-vingt-dix-sept)
Hier, au confessionnal, une femme m’a révélé l’existence de brasseries (il y en aurait trois comme celle-là) à Paris, où, après une consommation élevée, on fournit, au premier, dans des salons d’un luxe inouï des femmes à des femmes, des femmes à des hommes, voire même des enfants, petites filles non encore violées ou qui le sont déjà et qui simulent une virginité perdue… Des femmes s’amusent avec des chiens, des danois dont on entend les aboiements. De vieux messieurs viennent, pour des sommes importantes, voir derrière des rideaux les spectacles auxquels leur impuissance les empêche de se mêler. Cette femme qui a été caissière dans l’une de ces maisons, m’a confié que les mères venaient proposer leurs filles encore vierges. (quatre septembre mil huit cent quatre-vingt-dix-huit)
Huysmans a redit qu’il n’y a pas de talent sans péché, que pour avoir du talent il faut avoir couché avec des femmes. Il va même plus loin. Baiser, dit-il, une femme, dessus, ne suffit pas. il faut du vice pour avoir du talent. Voilà une thèse curieuse. Dans quelle mesure est-elle vraie ? (dix-neuf mai mil neuf cent cinq)
Les femmes, les jeunes filles de la haute société fument maintenant devant leurs mères. (dix-sept juin mil neuf cent sept)
Lu la correspondance de Huysmans à Gustave Boucher. Quelques lignes sur moi m’ont déplu. Il m’appelle « pétulant abbé », « l’abbé Batifole ». (onze mars mil neuf cent neuf)
Encore la même jeune fille de la société (dix-neuf ans) couchant avec un valet de chambre. Elle l’aime. Elle lui avait fait faire ses Pâques. Conversion et perversion. (vingt-trois juin mil neuf cent neuf)
La comtesse Krosnowska m’a dit un mot de Renée Vivien morte de sa vie contre nature. Elle était trop étroitement unie avec la baronne Z. qui n’aime que les squelettes et les mourantes. (quinze octobre mil neuf cent dix)
On a beau être jeune, jolie et comtesse, et même pieuse : cela ne vous empêche pas de vous faire avorter deux fois, des œuvres de son mari et à l’insu de ce mari. Je viens de voir la coupable, qui est venue à mon confessionnal par cette pluie de novembre. (vingt-sept novembre mil neuf cent dix)
Jamais prêtre ne mangea plus en ville que moi. Je dissipe mon âme à pleine assiette. (vingt-neuf janvier mil neuf cent onze)
On m’a cité hier ce mot de Forain : « Le salon de la duchesse de Rohan, c’est la rue avec un toit. » (vingt-trois février mil neuf cent onze)
Je ne dis rien de Mme Bourget qui me paraît bonne, douce, mais peu intéressante, maladive d’ailleurs. Les hommes de lettres ne devraient pas se marier. (cinq février mil neuf cent douze)