Il y a déjà une longue file d’attente devant la grille de l’Opéra de Rouen quand j’arrive ce mercredi soir. Je me mets au bout, près d’une fille qui explique par téléphone à sa copine comment venir du Cent Six où elle est allée par erreur jusqu’à l’Opéra qui accueille le concert de Vincent Delerm (piano voix).
Bientôt la file atteint le quai haut et doit bifurquer le long dudit puis se heurtant aux rails du métro elle se poursuit dans l’autre sens. Corneille est cerné mais n’en reste pas moins de pierre. Des employés de l’Opéra viennent mettre un peu de désordre en demandant la constitution de deux files, une devant chacune des deux portes. J’y gagne quelques places.
A l’ouverture, les deux files se reconstituent devant les portes de la salle. J’opte pour l’impaire gardée par une courageuse ouvreuse. Chacun peste contre l’attente. A vingt heures, le feu vert est donné. L’ouvreuse n’a alors qu’un objectif : ne pas être emportée par la ruée. Je laisse courir. Ma connaissance du lieu me fait choisir l’une des places de premier rang de corbeille côté jardin. Côté cour, ces places sont réservées aux invités, les amis et la famille, dont les parents de l’artiste que je n’avais pas recroisés depuis notre voyage en commun dans le bus parisien numéro vingt un mercredi matin.
Qu’est devenu Vincent Delerm (quarante ans maintenant) que je n’ai pas revu sur scène depuis ses débuts (une fois à Rouen dans le Jardin de l’Hôtel de Ville, une autre à Deauville dans le manège d’un haras le soir de son anniversaire). C’est pour le savoir que je suis là ce soir. Son premier disque (piano voix) m’avait séduit, les suivants m’ont déçu avec leurs chansons moins bien écrites et surtout pour certains le piano remplacé par un accompagnement musical sirupeux dans le genre du pire d’Aznavour. Où en est-il aujourd’hui alors qu’il renoue avec le piano voix ?
Vincent Delerm entre, salue et s’assoit face à l'instrument. Il chante devant un décor de fond de scène un peu foutraque et des projections vidéo qui lui permettent parfois de dialoguer avec le public par écrit. Il manie l’humour et ne se prive pas de quelques expérimentations participatives avec le public sur le thème du sentiment. Il n’est pas seul. Un complice est assis devant un autre clavier au fond dans la pénombre.
Je peux vérifier que ses chansons récentes ne valent pas les premières. Beaucoup se résument à des énumérations qui certes évoquent un souvenir mais ne donnent pas naissance à une petite histoire bien ficelée comme il savait en écrire alors qu’il habitait Rouen, rue des Requis. Cet amateur de foute (la faute à son éducation) a joué en première division une seule saison. Depuis il est en deuxième division, ce qui est encore bien mais plus très bien. Je n’en passe pas moins une bonne soirée.
A un moment, Vincent Delerm nous demande de choisir lesquels on veut entendre parmi ses succès. Les trois élus sont du début. « Je vois que j’ai bien fait de continuer à faire des disques après le premier », constate-t-il avant de jouer les premières notes de Fanny Ardant et moi.
Pour la fin du concert et les rappels, il se centre sur ses origines géographiques avec son anaphorique Je suis le garçon et son panoramique Voici la ville.
-Il faut quand même que je vous dise que le concert de ce soir a failli ne pas avoir lieu. Le camion de matériel a eu un grave accident ce matin. Le chauffeur et le piano en sont sortis indemnes, mais pas le décor. S’il est un peu de travers, ce n’est pas suite à un goût particulier que j’aurais.
Après plusieurs ovations debout, la chanson de l’ultime rappel est Tes parents dans une interprétation un peu chaotique. Un facétieux spectateur du balcon, au lieu de la question attendue Alors Vincent! Quand est-ce que vous faites un disque?, lui lance :
-Alors Vincent ! Quand est-ce que tu prends des cours de chant ?
Il se fait un peu huer.
-Laissez, laissez, tout le monde a droit de s’exprimer. Monsieur a dû avoir une invitation.
Vincent Delerm disparaît dans la coulisse, une main levée, d’un petit saut de pied.
*
Une constatation : le piano est un instrument qui supporte mal l’amplification du son par l’électricité.
Bientôt la file atteint le quai haut et doit bifurquer le long dudit puis se heurtant aux rails du métro elle se poursuit dans l’autre sens. Corneille est cerné mais n’en reste pas moins de pierre. Des employés de l’Opéra viennent mettre un peu de désordre en demandant la constitution de deux files, une devant chacune des deux portes. J’y gagne quelques places.
A l’ouverture, les deux files se reconstituent devant les portes de la salle. J’opte pour l’impaire gardée par une courageuse ouvreuse. Chacun peste contre l’attente. A vingt heures, le feu vert est donné. L’ouvreuse n’a alors qu’un objectif : ne pas être emportée par la ruée. Je laisse courir. Ma connaissance du lieu me fait choisir l’une des places de premier rang de corbeille côté jardin. Côté cour, ces places sont réservées aux invités, les amis et la famille, dont les parents de l’artiste que je n’avais pas recroisés depuis notre voyage en commun dans le bus parisien numéro vingt un mercredi matin.
Qu’est devenu Vincent Delerm (quarante ans maintenant) que je n’ai pas revu sur scène depuis ses débuts (une fois à Rouen dans le Jardin de l’Hôtel de Ville, une autre à Deauville dans le manège d’un haras le soir de son anniversaire). C’est pour le savoir que je suis là ce soir. Son premier disque (piano voix) m’avait séduit, les suivants m’ont déçu avec leurs chansons moins bien écrites et surtout pour certains le piano remplacé par un accompagnement musical sirupeux dans le genre du pire d’Aznavour. Où en est-il aujourd’hui alors qu’il renoue avec le piano voix ?
Vincent Delerm entre, salue et s’assoit face à l'instrument. Il chante devant un décor de fond de scène un peu foutraque et des projections vidéo qui lui permettent parfois de dialoguer avec le public par écrit. Il manie l’humour et ne se prive pas de quelques expérimentations participatives avec le public sur le thème du sentiment. Il n’est pas seul. Un complice est assis devant un autre clavier au fond dans la pénombre.
Je peux vérifier que ses chansons récentes ne valent pas les premières. Beaucoup se résument à des énumérations qui certes évoquent un souvenir mais ne donnent pas naissance à une petite histoire bien ficelée comme il savait en écrire alors qu’il habitait Rouen, rue des Requis. Cet amateur de foute (la faute à son éducation) a joué en première division une seule saison. Depuis il est en deuxième division, ce qui est encore bien mais plus très bien. Je n’en passe pas moins une bonne soirée.
A un moment, Vincent Delerm nous demande de choisir lesquels on veut entendre parmi ses succès. Les trois élus sont du début. « Je vois que j’ai bien fait de continuer à faire des disques après le premier », constate-t-il avant de jouer les premières notes de Fanny Ardant et moi.
Pour la fin du concert et les rappels, il se centre sur ses origines géographiques avec son anaphorique Je suis le garçon et son panoramique Voici la ville.
-Il faut quand même que je vous dise que le concert de ce soir a failli ne pas avoir lieu. Le camion de matériel a eu un grave accident ce matin. Le chauffeur et le piano en sont sortis indemnes, mais pas le décor. S’il est un peu de travers, ce n’est pas suite à un goût particulier que j’aurais.
Après plusieurs ovations debout, la chanson de l’ultime rappel est Tes parents dans une interprétation un peu chaotique. Un facétieux spectateur du balcon, au lieu de la question attendue Alors Vincent! Quand est-ce que vous faites un disque?, lui lance :
-Alors Vincent ! Quand est-ce que tu prends des cours de chant ?
Il se fait un peu huer.
-Laissez, laissez, tout le monde a droit de s’exprimer. Monsieur a dû avoir une invitation.
Vincent Delerm disparaît dans la coulisse, une main levée, d’un petit saut de pied.
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Une constatation : le piano est un instrument qui supporte mal l’amplification du son par l’électricité.