Le Journal de Michel Perdrial

Le Journal de Michel Perdrial




Loïc Boyer
Je suis l’auteur de textes courts qui furent publiés depuis mil neuf cent quatre-vingt-quinze dans des revues littéraires en France (Supérieur Inconnu, Supplément d’Ame, Nouvelle Donne, Le Bord de l’Eau, Pris de Peur, l’Art du Bref, Sol’Air, Gros Textes, Salmigondis, Verso, Décharge, Bulle, Filigranes, Diérèse, Martobre, Comme ça et Autrement, (Cahier d’) Ecritures, La Nef des Fous), en Belgique (Traversées, Ecrits Vains, L’Arbre à Plumes, Inédit Nouveau, Bleu d’Encre), au Canada (Les Saisons Littéraires) et en Italie (Les Cahiers du Ru).
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.







Rss

9 juin 2022


Ce mercredi où il fait encore gris, après un petit-déjeuner chez P’tit Louis près de la Gare Routière, je quitte Brest avec le car BreizhGo numéro Douze de sept heures quarante-cinq qui en trente minutes mène à Saint-Renan, cité de l’intérieur dont le Guide du Routard dit grand bien.
Descendu à la Gare Routière de ce bourg d’où partent deux autres cars pour ailleurs, je marche vers le clocher que j’aperçois sur la hauteur, celui de l’église Notre-Dame-de-Liesse.
Quand j’y suis, elle ne me met pas spécialement en joie. L’une des rues qui y conduit a pour nom Casse-la-Foi, tellement elle est pentue et incite à faire demi-tour. Au centre du village est une place bordée de belles demeures en pierre ou à pans de bois et encorbellements. Je m’attendais cependant à mieux et, comme pas un café n’est ouvert, qu’aucun restaurant ne me donne envie pour midi et que le ciel se couvre de nuages gris, je décide de rentrer par le Douze de neuf heures quarante-cinq.
Sur le chemin de la Gare Routière est un supermarché Lideule où je fais quelques courses. Longtemps que je n’étais pas entré dans un. Comme par le passé, je constate que sa réputation de magasin moins cher est usurpée.
Il y a du monde dans le car Douze vers Brest qui est en correspondance avec deux venus de plus loin. Prudemment je porte un masque, comme trois autres. Je ne compte pas celle qui juge utile d’en avoir un mais le met sous son nez.
A l’arrivée, je descends à pied au Port de Commerce, bois un café et lis Simenon à la Presqu’île, déjeune au Tara Inn d’un pesk ha farz et d’une tarte amandine. Le café, c’est pour le Quatre Vents qui ce jour porte bien son nom.
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Partout dans Saint-Renan des affiches de Zorglub avec sa candidate locale.
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Deux artistes viennent de mourir :
Paula Rego, peintre et plasticienne, à l'âge de quatre-vingt-sept ans, dont j’avais beaucoup aimé l’exposition intitulée Les Contes cruels de Paula Rego au Musée de l’Orangerie en deux mille dix-huit.
Jacques Villeglé, plasticien et peintre, à l’âge de quatre-vingt-seize ans, que j’ai vu en personne au Musée de Louviers lors du vernissage de son exposition Affiche & alphabet 1956-2013 en deux mille quinze.
Aux infos de France Trois Bretagne, un reportage sur ce dernier et son œuvre car il était né à Quimper.
 

8 juin 2022


Contrairement à ce qui était annoncé, il pleut toujours ce mardi matin, une sorte de crachin breton qui ne m’empêche pas de prendre le tram puis le Bibus Dix-Neuf direction Plougastel. Commence une longue promenade dans des quartiers périphériques puis nous longeons la plage du Moulin Blanc et passons le Pont de l’Iroise. Après un court passage sur une quatre voies, ce sont encore des kilomètres au cours desquels la conductrice, qui découvre le parcours, nous fait faire un tour complet de rond-point (première fois de ma vie que je fais ça avec un bus) et nous arrivons à Plougastel.
Je descends à Champ de Foire. Une autochtone m’indique la boulangerie et un café ouvert. Chez Les Gourmands Disent (ah ah ah), j’achète un croissant et un pain au chocolat (un euro quatre-vingt-quinze) et je les mange avec un allongé à l’intérieur d’O Fraisia.
Sorti de là, je trouve facilement, près de l’église reconstruite après les bombardements comme l’essentiel du bourg, le magnifique calvaire à bubons évoquant la peste et datant de mil six cent deux qui a échappé au désastre et a même été restauré par les Américains. J’en photographie les quatre faces sous une pluie persistante qui m’amène à ne pas demander mon reste (comme on dit).
J’attends le Bibus du retour en compagnie d’un homme en fauteuil roulant électrique. Quand ce Dix-Neuf arrive le système d’accès pour les handicapé(e)s refuse de fonctionner et le malheureux reste sur le trottoir.
Je descends près du Quartz et continue avec un Bibus Deux jusqu’à la rampe qui permet de descendre dans le Port. Une fois encore, je m’assois à la terrasse couverte de La Presqu’île pour un café lecture puis à onze heures et demie, je vais goûter aux huîtres de Bretagne chez Brest Marée, marchand de poissons et fruits de mer, six pour neuf euros, fraîches et bonnes mais petites.
Mon repas se poursuit à l’intérieur de Tara Inn où presque toutes les tables sont réservées. Parmi les plats du jour, je choisis les tripes à la bretonne et ne les attends pas longtemps : « C’est pour qui la tripaille ? ». Un gâteau au chocolat et j’en ai fini.
Comme il pleut toujours un peu, je décide de rentrer et trouve des ouvriers qui changent un radiateur électrique dans l’appartement inoccupé en face du mien. Ils m’apprennent qu’ils vont aussi remplacer celui de ma chambre. La conciergerie n’a pas daigné m’en avertir. Je parle à ces deux garçons sympathiques de mon problème d’Internet et ils prennent l’affaire en main, trouvent rapidement le moyen de savoir le code de la boîte à clé de l’appartement de l’étage. L’un débranche puis rebranche la boxe sous la télé, bidouille un peu, et voilà que j’ai Internet à nouveau. Plus qu’à espérer que les nouveaux occupants de cet appartement, qui doivent arriver le soir venu, ne dérégleront pas à nouveau ce bazar. Je coince un petit mot dans leur boîte à clé les invitant à n’y pas toucher.
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A Plougastel, pas vu la queue d’une fraise.
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Pas vu non plus, le Musée de la Fraise et du Patrimoine, mais suis passé par le boulevard Louison-Bobet et devant le Groupe Scolaire Mona Ozouf.
 

7 juin 2022


La pluie est annoncée pour ce Lundi de Pentecôte. Cependant à mon réveil, le ciel est encore plus ou moins bleu, aussi suis-je dehors dès sept heures et prends-je, sans quitter Recouvrance, la direction des Ateliers des Capucins logés dans un ancien bâtiment industriel à l’architecture caractéristique posé sur un plateau dominant la Penfeld et l’Arsenal.
Je passe d’abord devant l’ancienne Maison d’Arrêt de Pontaniou, ruinée et interdite d’accès, puis arrive au pied des Capucins où sont logées une dizaine d’institutions culturelles. J’en fais le tour, photographiant à la fois le bâtiment et le panorama côté Pont de Recouvrance et côté Pont de L’Harteloire. Cesaria Evora a son belvédère ici et le Téléphérique une de ses extrémités. L’endroit est ouvert de dix heures à minuit (voire une heure du matin certains jours). Je reviendrai le voir vivre, me dis-je en le quittant.
Pour rejoindre « Brest même », j’emprunte le Pont de L’Harteloire d’où la vue en contre-bas est fort belle. Arrivé au bout, je trouve une boulangerie de quartier ouverte, nommée Breizh Boulange. Mes deux viennoiseries habituelles n’y coûtent qu’un euro quatre-vingt-cinq.
Le Port n’est pas tout près mais je n’ai qu’à marcher tout droit, d’abord ça monte, puis ça descend.
C’est ouvert heureusement à La Presqu’île, car le ciel devient gris puis arrive la pluie. Après avoir bu mon allongé , je lis Simenon longtemps tandis que les gouttes frappent le toit de la terrasse couverte. Près de moi sont quatre marins-pêcheurs dans la trentaine. L’un d’eux se fait charrier par les autres car il doit bientôt tenir la pêche à la ligne pour la kermesse à l’école de Recou où est sa fille.
Je finis par comprendre que Recou, c’est Recouvrance pour les intimes. Le quatuor enchaîne les demis et la conversation suit le taux d’alcoolémie. J’apprends grâce à celui qui habite à Recou que l’endroit a encore quelques lieux louches « mais c’est bien planqué ». Il évoque un hôtelier qui est en prison. « Ah oui, pourquoi ? », demande un autre. « Proxénétisme. »
A midi, je déjeune à proximité, chez Latitude Crêpe, qui a aussi une terrasse couverte.  Me côtoient sous celle-ci deux familles à moutards agités (c’était inévitable), deux jeunes couples qui un jour feront sûrement la même erreur et une Chinoise qui mange en visio avec je ne sais qui. Ma blé noir nommée Mistral (reblochon, pommes de terre, andouille de Guéméné grillée, salade, pomme, noix) et ma froment caramel beurre salé sont bonnes, que j’accompagne d’un demi de cidre à la pression.
L’addition réglée (dix-neuf euros vingt), j’enfile mon vêtement de pluie et ne croise aucun autre piéton jusqu’à mon logement provisoire.
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Les retraités du dessus sont partis. Comme la panne d’Internet est survenue à leur arrivée et qu’ils m’ont dit avoir eu des problèmes avec leur télé et pour cela avoir touché à la boxe qui est dessous, je les soupçonne d’être les responsables de mes ennuis.
Ce lundi de Pentecôte, Offside Bay est fermé. Je trouve bon accueil à l’Hôtel de la Rade où le réceptionniste me donne un « code client » pour activer la ouifi. Ce changement de lieu fait encore une fois criser Effe Bé, impossible de m’y connecter.
 

6 juin 2022


Le dimanche au lever du jour, à Brest comme ailleurs, on croise surtout dans les rues des paumé(e)s du petit matin, une viande saoule, jeune, inoffensive et pitoyable. Parfaitement à jeun, je remonte pédestrement la rue de Siam jusqu’au bout, contourne la place de la Liberté et poursuis dans le même axe, rue Jean-Jaurès, toujours montant, jusqu’à l’arrêt de tramouais Saint-Martin où je prends à gauche. Ici se cache le seul quartier de « Brest même » épargné par les bombardements.
J’aperçois d’abord l’église qui lui donne son nom, la plus vieille de la ville (dix-septième siècle), puis découvre à côté d’icelle un Poste de Police maculé de peinture rouge (il y a tout près une rue Proudhon) et de belles bâtisses aux volets colorés. J’arrive ensuite place Guérin, le cœur du quartier, en forme de carré. Sur un de ses côtés est une école jouxtée d’une médiathèque et sur les trois autres des maisons basses abritant pour certaines des petits métiers traditionnels (cafetier, bouquiniste, libraire, ostéopathe, etc.). Un calme total règne sur cette place qui doit être fort animée aux heures ouvrables. Je trouve ensuite les Halles, fermées bien sûr, autour desquelles se tient, d’autres jours, un marché aux puces. Ce quartier Saint-Martin vaut vraiment le déplacement.
Retourné rue de Siam, je parcours l’allée principale du marché dominical qui se tient près des Halles Saint-Louis (les fraises y sont proposées à cinq euros les cinq cents grammes bien que l’on soit à côté de Plougastel) puis je rejoins le Port de Commerce par le cours Dajot qui fut construit par des bagnards.
Après un café lecture à La Presqu’île, je déjeune près du port de plaisance dit du Château, d’un burgueur Royal Potatoes avec un quart de merlot, au restaurant Au Bureau. Je me trouve bientôt seul en terrasse sous un parasol transformé en parapluie par une soudaine drache qui fait fuir les autres clients vers l’intérieur. Celle-ci passée, le soleil revient, jusqu’à’ la prochaine.
« Pas besoin de vous donner le numéro de ma table », dis-je à celui que je vais voir pour payer mes vingt euros quatre-vingt-dix avant de retourner à Recouvrance.
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Recouvrance ne fut rattaché à Brest qu’à la construction du Pont en mil neuf cent cinquante-quatre. Ce qui était un lieu de turpitude est devenu bien tranquille, pour ne pas dire mort. Impossible d’y trouver un café sympathique, même en journée. On est loin de l’époque des bars à matelots et des filles dites de mauvaise vie qui s’épanouissaient notamment dans la rue Vauban à l’extrémité de laquelle je loge.
Moi qui pensais qu’à Recouvrance, ça fermait un peu plus tard / Moi qui pensais qu’à Recouvrance, on trouvait toujours à boire, chante Miossec dont l’étonnement m’étonne (il est né à Brest).
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Des débauches du passé, Pierre Mac Orlan a témoigné (dont une station de tramouais à Recouvrance porte le nom). En mil neuf cent vingt-six, il écrivait ceci:
C’est à Kéravel, derrière l’ancien bagne, dans ce quartier sillonné de venelles sans nom, simplement numérotées, qu’il faut aller chercher la toute petite fille, à la bouche un peu grande, qui, déjà en bas de soie sales afin de faire saillir ses genoux légèrement cagneux, offre la délicate hypothèse d’une « petite alliée » assez belle.
 

5 juin 2022


Vendredi soir, au moment où ils rentrent, je chope les occupants de l’appartement au-dessus du mien pour essayer d’obtenir d’eux la possibilité de me connecter sur leur boxe. Las, c’est aussi un logement Airbibi et eux aussi, deux couples de retraités, sont en panne d’Internet depuis leur arrivée. Une même boxe doit desservir les trois appartements du petit immeuble.
Après une nuit sans orage, bien qu’il ait été annoncé, je remonte la rue de Siam ce samedi et arrive à la boulangerie pour son ouverture. Il est sept heures et demie et aucun café n’est ouvert dans le coin.
Je mange donc mes viennoiseries sur un banc puis passe à la Gare Routière afin d’y prendre deux horaires qui me manquaient et redescends vers la Penfeld. Mon objectif du jour est de regarder de plus près le Château, c’est-à-dire d’en faire de tour avec mon appareil photo. Il abrite la Préfecture Maritime ainsi que le Musée de la Marine et doit son aspect actuel à Vauban.
Cela fait, j’emprunte la rampe qui mène au Port du Commerce. C’est ouvert à La Presqu’île. J’y bois un allongé (un euro cinquante) avant de lire longuement Mémoires intimes de Simenon entouré de quelques locaux qui, comme moi, viennent ici pour lire, mais Ouest France ou Le Télégramme ou les deux.
A midi, je déjeune au même endroit d’une andouillette de campagne suivie d’une mousse au chocolat avec un quart de vin rouge (vingt-deux euros) puis je reprends ma lecture sur un banc face à l’embarcadère.
Je profite ainsi de l’aubade donnée par quatre interprètes de musique bretonne à un peloton de cyclistes qui embarquent avec leurs engins pour Ouessant.
Au milieu de l’après-midi, je repasse chez Offside Bay avec mon ordinateur et en remontant sonne chez le voisin d’à côté que je soupçonne être le propriétaire d’une Lifebox sur laquelle je pourrais me connecter, s’il consentait à me donner son code.
« Ça ne se donne pas ces choses-là », me dit celui à qui j’explique mon cas après qu’il m’a fait entrer chez lui et qui s’avère être un retraité de chez France Telecom. Cependant tout n’est pas perdu, il me propose de bidouiller sa boxe pour la transformer en hot spot avec lequel je pourrai me connecter. « Je viendrai toquer à votre fenêtre quand j’aurai fait la manip ».
Ce qu’il fait. Je le fais entrer mais c’est pour apprendre que c’est fini le hot spot chez Orange. Il essaie une autre méthode avec son smartphone mais ça ne peut fonctionner qu’un temps. Et puis, comme ça fait un moment qu’on discute tous les deux, finalement il me dit qu’il va me le donner, son code ouifi. Il faut qu’il aille le chercher.
Le temps passe et il ne revient pas. J’en déduis qu’il a changé d’avis, de lui-même ou sur le conseil de sa femme que j’ai sentie très réticente.
Quand il toque à nouveau, il est presque dix-neuf heures. Il me confirme ce que je supputais. « On ne peut faire confiance à personne aujourd’hui », me dit-il avant que je lui souhaite une bonne soirée.
                                                                     *
Carieux homme qui refuse de donner son code ouifi car il faut de méfier de tout le monde, mais fait entrer directement un inconnu chez lui.
 

4 juin 2022


Toujours pas de ouifi dans mon appartement Air Bibi de Recouvrance. Comme il est géré par une conciergerie située je ne sais où loin de la ville, je crains que la situation perdure. Peut-être le problème vient-il de Esse Effe Air, la boxe n’apparaît même plus dans la liste des connexions disponibles. J’organise mes journées sans l’aide d’Internet.
Ce vendredi, je passe le Pont de Recouvrance avec le tramouais, en descends à Liberté, monte dans le Bibus Trois qui va à Océanopolis et m’arrête à Port de Plaisance. Nous sommes ici au lieu-dit Le Moulin Blanc, dont le port et la plage ont le nom.
Il est sept heures et demie. La boulangerie Paul est ouverte. J’achète croissant, pain au chocolat et café allongé pour trois euros vingt et petit-déjeune au soleil en terrasse, d’où j’ai vue sur la plage, peu vaste, et le début du Port de Plaisance, vaste.
Je longe ensuite celui-ci par une large promenade, décidé à me rapprocher par ce moyen du lointain Port de Commerce.
L’Armée en décide autrement. Je me heurte à une barrière grillagée placée en travers du chemin. « Village Mondial de la Voile Militaire », est-il affiché, « Ouvert à tout public » et en petit « de 10h00 à 18h00 ».
C’est bien les militaires, infoutus de se bouger avant le milieu de la matinée. Il y en a quand même un de levé, dans une petite guérite, chargé de surveiller la barrière. Il sort la tête quand il me voit photographier la pancarte.
-Ça ouvre à dix heures, me dit-il.
-J’ai compris. Je fais une photo pour montrer que là où il y a des militaires, il y a des barrières.
-Il faut vous plaindre au Maire, me dit-il.
-Mieux, au Ministre de la Défense.
-Aussi.
Je fais demi-tour et m’assois sur un banc pour commencer la lecture de Mémoires intimes de Georges Simenon, ce qui me rappellera La Rochelle, une relecture précisément, d’un livre dont j’ai tout oublié, hormis le lien ambiguë qu’avait sa fille suicidée avec lui. C’est une édition Presses Pocket, le plus épais livre de poche que je connaisse, mille deux cent cinquante pages.
A dix heures, horaire militaire, ouvrent les cafés restaurants, dont celui d’Olivier de Kersauson, Le Tour du Monde, situé à l’étage au-dessus de l’Amicale des Plaisanciers. Il dispose d’une grande terrasse avec une magnifique vue sur le port et Plougastel en face. Paradoxalement, le café n’y coûte qu’un euro cinquante.
Je suis si bien là avec Simenon que je demande à garder ma table pour le déjeuner. La restauration proposée est succincte et peu chère. J’opte pour les moules marinières à douze euros, avec un verre de sauvignon à deux euros quatre-vingts. Ce ne sont certes pas les frites de Tara Inn et si les moules sont petites au moins sont-elles nombreuses.
Il est treize heures quand j’attends le Bibus du retour. Sur la plage, la marée basse donne à voir les algues vertes sur lesquelles marchaient les baigneurs du matin. Ayant rejoint Recouvrance, je constate que ma ouifi est toujours en carafe et retraverse le Pont avec mon ordinateur pour un café à un euro soixante-dix chez Offside Bay.
Ce n’est pas le message de la conciergerie qui me permettra de régler mon problème d’Internet. On me conseille de vérifier les branchements de la boxe. J’y aurais pensé tout seul mais rien ne ressemble à une boxe dans l’appartement.
Avant de rentrer, je m’installe sur un banc proche de la Penfield et reprends mon gros livre, à ma gauche le Château, en face le Pont, à ma droite le Téléphérique. C’est la première fois que je le vois fonctionner. D’où je suis, ses cabines semblent bien petites et drôlement hautes.
                                                            *
Dans le Port de Plaisance du Moulin Blanc, cet avertissement : « Tout quillard le long du quai doit être maintenu obligatoirement par une cravate ».
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Pendant ma longue station chez Kersauson se succèdent à la table voisine quatre enseignant(e)s surveillant de loin leurs élèves qui font de la voile avec des moniteurs puis trois infirmières en pause méridienne. Leur point commun : des histoires avec les collègues.
                                                            *
On s’inquiète à la télé bretonne du manque d’eau d’une part et de blé noir d’autre part, les crêperies sont aux abois.
 

3 juin 2022


Comme je le craignais ma connexion Internet est toujours inopérante au petit matin de ce jeudi, de quoi compliquer la vie au vacancier que je suis.
Celui-ci, après un bol de thé, utilise pour la première fois sa carte dix voyages du réseau Bibus en montant dans le Deux à Recouvrance, direction Technopôle.
J’en descends à l’arrêt Plage Sainte-Anne, commune de Plouzané. Cette plage minuscule borde une anse qui sert de port à flot à de petits bateaux. Un mignon petit Hôtel des Bois la jouxte. Je le contourne et me trouve face à un escalier tant monumental qu’étroit. J’en monte prudemment les étroites marches de béton en reprenant mon souffle plusieurs fois et me voici sur le fameux Géherre Trente-Quatre qui fait le tour de la Bretagne.
De ce chemin, j’ai une vue magnifique sur le Goulet de Brest dans lequel circulent de nombreux bateaux. En face, si proche, est la Presqu’île de Crozon, l’un de ses trois doigts, celui du haut. Bientôt, l’allée caillouteuse se transforme en véritable sentier de randonnée et à cette heure matutinale, je l’ai pour moi seul.
Au bout d’un moment, j’arrive à la Pointe du Diable d’où j’aperçois un autre petit port à flot dans lequel les bateaux sont bien rangés. Le sentier m’y mène. Il s’agit du Port du Petit Dellec où une stèle rappelle qu’en mil neuf cent quarante-quatre trois enfants moururent d’un accident. Puis me voici au Fort du Dellec, qui n’est plus militaire mais culturel parfois. Dans son enceinte le sentier passe dans un tunnel qui débouche sur un belvédère où je grimpe, quelle belle vue sur le large ! C’est l’objet de ma dernière photo, car ensuite, s’il y a le Phare du Minou et la Plage du Petit Minou, c’est un peu loin et escarpé pour mon âge.
Aussi je reviens au Port du Petit Dellec et m’assois sur son unique banc pour lire Le Diable en France de Lion Feuchtwanger, bien chauffé par le soleil, tandis que quelques pêcheurs rejoignent leur bateau à l’aide d’un canot en plastique coloré, à la godille.
Vers dix heures, je reprends le sentier pour retourner à la plage Sainte-Anne. Il faut que je me gare plus d’une fois pour laisser passer sportifs et sportives. Quand je descends prudemment le vertigineux escalier aux marches en béton, deux attendent en bas que j’en aie terminé.
Cette dernière prise de risque mérite récompense sous forme d’un café lecture à la paisible terrasse de l’Hôtel des Bois. Je n’y suis dérangé par personne. Quand je paie mon euro soixante-dix à la patronne, je lui demande le prix des chambres. Soixante-dix euros, ce qui n’est pas exagéré, là où il se trouve.
Un Bibus numéro Deux me ramène à Brest, avec lequel je passe le Pont de Recouvrance. J’en descends peu après à l’arrêt Rampe. Celle-ci descend vers le Port de Commerce et le Tara Inn, où je déjeune pour le même prix qu’hier d’un Cottage Pie (« On va dire que c’est un Parmentier de bœuf à la Guinness, pour faire simple », me dit le serveur, et c’est fort bon), avec un quart de vin rouge et un tiramisu. Le café, c’est à la terrasse du Café des Mouettes, un euro quarante seulement, où je termine Le Diable en France.
Il fait chaud et lourd quand je rentre à mon logis temporaire. La ouifi n’y est pas revenue. Je dois retourner à Brest même, avec mon ordinateur. En bas de la rue de Siam, je trouve à me connecter au Offside Bay, un bar à bières dont le patron est bien serviable.
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Au Tara Inn, Fest Noz tous les lundis soirs et Fest Deiz le premier dimanche du mois.
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Dans un grand hangar portuaire est logé Le Fourneau, Centre National des Arts de la Rue.
 

2 juin 2022


Ce mercredi, après un allongé à un euro soixante-dix au Bistrot de P’tit Louis près de la Gare Routière, je trouve le quai d’où part le car BreizhGo numéro Onze de sept heures cinquante-cinq pour Le Conquet.
Nous ne sommes pas nombreux à faire le voyage. Sorti de la banlieue, le car emprunte des rues étroites dans la campagne où c’est difficile de croiser la moindre voiture et parfois longe la mer. Des passagers le quittent peu à peu. Je suis le seul à bord lors de la forte descente qui précède le terminus, station Embarcadère. Plusieurs dizaines d’humains y attendent le bateau BreizhGo pour Molène et Ouessant.
Pour ma part, je longe le bras de mer qui sert de port de pêche et de plaisance par un sentier jouxtant de belles demeures en pierre. Au loin une passerelle invite à passer sur l’autre rive où j’aurais envie de poursuivre la balade, mais hélas, celle-ci franchie, je découvre qu’en face des propriétés privées sont à contourner par la route.
Je rebrousse donc et m’arrête à la seule terrasse disponible, celle du Relais du Vieux Port, dont le menu est à trente-deux euros. J’en suis le seul client et le café n’y est qu’à un euro soixante-dix. Celui-ci bu, je poursuis la lecture du Diable en France de Lion Feuchtwanger tandis qu’entre la mer et moi passent des chiens promenant leur propriétaire.
Vers onze heures, je lève le camp et rejoins l’arrêt Embarcadère. Assis sur un banc au soleil, je regarde rentrer les bateaux de pêche. A onze heures trente arrive le car BreizhGo que j’attendais. Je suis le seul à y monter. Il grimpe le raidillon, prend quelques voyageurs de-ci de-là et arrive à Brest à midi trente-cinq.
Dans le Port de Commerce, je choisis de déjeuner en terrasse au Tara Inn, un peube irlandais dont la clientèle préfère manger à l’intérieur, lumière tamisée et musique de là-bas. L’aimable serveuse qui s’occupe de moi en a l’accent. J’ai une vue imprenable sur l’énorme obélisque érigé par l’American Battle Monuments. Parmi les plats du jour à dix euros, je choisis la saucisse fumée de Bretagne et ses frites maison (excellentes), avec un quart de vin rouge à trois euros et en dessert une coupe glacée irlandaise à quatre euros cinquante. Le café, c’est au Quatre Vents avec Lion Feuchtwanger.
                                                                  *
Au matin, j’ai pu redémarrer Effe Bé. Cependant, en rentrant, je découvre  un message m’enjoignant d’augmenter la sécurité de mon compte (ce que je ne peux faire, n’ayant pas de téléphone portatif). Le seize juin, on m’en avertit, je serai bloqué.
De plus, le soir venu, la connexion Esse Effe Air de mon logement Air Bibi cesse de fonctionner.
Toute cette technologie me saoule.
 

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