Dernières notes
Loïc Boyer
Je suis l’auteur de textes courts qui furent publiés depuis mil neuf cent quatre-vingt-quinze dans des revues littéraires en France (Supérieur Inconnu, Supplément d’Ame, Nouvelle Donne, Le Bord de l’Eau, Pris de Peur, l’Art du Bref, Sol’Air, Gros Textes, Salmigondis, Verso, Décharge, Bulle, Filigranes, Diérèse, Martobre, Comme ça et Autrement, (Cahier d’) Ecritures, La Nef des Fous), en Belgique (Traversées, Ecrits Vains, L’Arbre à Plumes, Inédit Nouveau, Bleu d’Encre), au Canada (Les Saisons Littéraires) et en Italie (Les Cahiers du Ru).
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.
23 avril 2023
Ce samedi matin, sous un ciel gris, je franchis la Liane par le pont semi-couvert. Il s’agit cette fois de faire le tour complet du port de pêche (mon premier essai ayant échoué à cause de la pluie qui m’avait fait rebrousser). Je longe à nouveau le bassin Napoléon, de là à l’écluse Loubet, de là à la Capitainerie d’où je photographie en face Nausicaá et au loin le dôme de la Basilique, de là au Bassin Loubet où sont amarrés les bateaux de pêche industrielle, des gros comme on ne voit pas à Dieppe, l’un a pour nom Parti de Rien.
Je ne suis pas le seul à marcher autour de Bassin Loubet. Un homme m’a rejoint et dépassé au passage de l’écluse. Il fait la même chose que moi mais avec un appareil de professionnel. Au bout de ce bassin se trouve le préau de ramendage dans lequel gisent de longs filets. Je ne suis pas loin du Portel dont je vois les éoliennes, immobiles. Les laissant dans mon dos, je reviens par l’autre côté, photographiant pour finir le seul bâtiment à l’architecture originale. Les autres sont fonctionnels, de vastes hangars. Des camions sont garés devant leurs portes attendant un chargement.
De retour sur l’autre rive de la Liane je fais un court passage au marché de la place Dalton, y achète deux kilos de bananes pour trois euros, puis entre Chez Jules où se trouve la foule du samedi matin, essentiellement bourgeoise. Je reste là lisant Stendhal jusqu’à midi moins le quart puis me dirige ver la brasserie Le Royal, voisine du Columbus Café, où j’ai retenu une table.
Le décor en est encore joli mais abimé par une télé musicale à chanson française. Des gens de passage constituent l’essentiel de la clientèle de cette affaire familiale, le patron en cuisine, la patronne et sa fille, charmantes toutes les deux, en salle et derrière le comptoir, la seconde en longue jupe plissée et crop top. Une formule est proposée même ce jour, à dix-neuf euros dix. Je vois arriver successivement sur ma table, bien placée au fond de la salle, un peu en hauteur, un petit verre de sauvignon, un petit gratin de julienne que j’ai demandé avec du riz parce que les frites j’ai besoin de faire une pause, une petite part de tarte pomme rhubarbe et un café. Au regard de la quantité et de la qualité, c’est cher payé, mais je ne fais aucune remarque désagréable et comme le soleil est apparu durant mon repas, je vais m’installer à ma table habituelle de la terrasse du Français où, après un nouveau café, je reprends ma lecture, bien que j’aie les yeux fatigués et souvent comme un voile devant le droit.
*
Une cliente de Chez Jules : « J’hésite entre un chocolat viennois et un mojito ». Une autre, plus âgée : « Je ne serai pas une veuve joyeuse ».
*
Dans La Voix du Nord, lu au Columbus Café, Lille qui s’enorgueillit d’être la ville française qui fait le plus pour les chiens. De quoi donner des idées à qui n’en a pas, alors qu’il y en a déjà trop. Sur le marché de la place Dalton, où que je pose mon regard, au moins trois chiens visibles.
*
Un début de texte en employant « de là » à la manière du jeune Stendhal qui court toujours d’un lieu à l’autre. Pour moi, il n’est plus question de courir. Pour une autre de mon âge, ça s’est terminé par une chute dont elle sent encore les conséquences, ce qu’elle raconte à chaque tablée de Chez Jules ce samedi matin « J’ai voulu courir avec mon chien sur la plage ». Cela ne lui serait pas arrivé si la plage de Boulogne était interdite aux chiens comme celle de Wimereux.
Je ne suis pas le seul à marcher autour de Bassin Loubet. Un homme m’a rejoint et dépassé au passage de l’écluse. Il fait la même chose que moi mais avec un appareil de professionnel. Au bout de ce bassin se trouve le préau de ramendage dans lequel gisent de longs filets. Je ne suis pas loin du Portel dont je vois les éoliennes, immobiles. Les laissant dans mon dos, je reviens par l’autre côté, photographiant pour finir le seul bâtiment à l’architecture originale. Les autres sont fonctionnels, de vastes hangars. Des camions sont garés devant leurs portes attendant un chargement.
De retour sur l’autre rive de la Liane je fais un court passage au marché de la place Dalton, y achète deux kilos de bananes pour trois euros, puis entre Chez Jules où se trouve la foule du samedi matin, essentiellement bourgeoise. Je reste là lisant Stendhal jusqu’à midi moins le quart puis me dirige ver la brasserie Le Royal, voisine du Columbus Café, où j’ai retenu une table.
Le décor en est encore joli mais abimé par une télé musicale à chanson française. Des gens de passage constituent l’essentiel de la clientèle de cette affaire familiale, le patron en cuisine, la patronne et sa fille, charmantes toutes les deux, en salle et derrière le comptoir, la seconde en longue jupe plissée et crop top. Une formule est proposée même ce jour, à dix-neuf euros dix. Je vois arriver successivement sur ma table, bien placée au fond de la salle, un peu en hauteur, un petit verre de sauvignon, un petit gratin de julienne que j’ai demandé avec du riz parce que les frites j’ai besoin de faire une pause, une petite part de tarte pomme rhubarbe et un café. Au regard de la quantité et de la qualité, c’est cher payé, mais je ne fais aucune remarque désagréable et comme le soleil est apparu durant mon repas, je vais m’installer à ma table habituelle de la terrasse du Français où, après un nouveau café, je reprends ma lecture, bien que j’aie les yeux fatigués et souvent comme un voile devant le droit.
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Une cliente de Chez Jules : « J’hésite entre un chocolat viennois et un mojito ». Une autre, plus âgée : « Je ne serai pas une veuve joyeuse ».
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Dans La Voix du Nord, lu au Columbus Café, Lille qui s’enorgueillit d’être la ville française qui fait le plus pour les chiens. De quoi donner des idées à qui n’en a pas, alors qu’il y en a déjà trop. Sur le marché de la place Dalton, où que je pose mon regard, au moins trois chiens visibles.
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Un début de texte en employant « de là » à la manière du jeune Stendhal qui court toujours d’un lieu à l’autre. Pour moi, il n’est plus question de courir. Pour une autre de mon âge, ça s’est terminé par une chute dont elle sent encore les conséquences, ce qu’elle raconte à chaque tablée de Chez Jules ce samedi matin « J’ai voulu courir avec mon chien sur la plage ». Cela ne lui serait pas arrivé si la plage de Boulogne était interdite aux chiens comme celle de Wimereux.
22 avril 2023
Ce vendredi matin, en descendant du bus F à l’arrêt Mairie de Wimereux, j’expérimente ce qui est promis pour cette journée, une ondée passagère. Elle me retient pendant dix minutes sous l’abribus, face au marché. Le nuage passé, le ciel devenant plus ou moins bleu, je rejoins la large promenade du bord de mer sur laquelle depuis mon précédent passage ont été installées des cabanes en bois peintes en bleu et blanc, celles qu’ailleurs on pose sur la plage. Chacune est différente et porte un nom.
Au bout de la promenade, côté Boulogne, je dois contourner par la route les bâtiments universitaires de la Maison de la Marine pour rejoindre le sentier des douaniers. Il débute dans les ajoncs en fleur. On se croirait sur la Côte d’Emeraude plutôt que sur la Côte d’Opale. C’est une végétation chère à mon cœur et qui fleure bon.
Sorti de tout ce jaune, j’aperçois au loin les quatre éoliennes du Portel. Elles tournent. Le sentier, aménagé, monte vers la Pointe de la Crèche, mon objectif du jour. Son seul défaut est d’être caillouteux. Après une longue partie rectiligne, il tourne à droite et voici qu’apparaissent des éléments de la batterie connue sous le nom de Fort de la Crèche. Sur un bunkeur, un graffeur a dessiné un porteur de crête et sa copine assis sur un banc scrutant le large. Sur le toit de ce petit ouvrage militaire est un belvédère. On peut poser ses pieds sur des semelles dessinées afin de se situer parmi les lieux touristiques inscrits dans des cercles. J’en connais plusieurs maintenant.
Les éoliennes du Portel sont dans le soleil tout comme la partie visible de la plage de Boulogne-sur-Mer. Je pourrais continuer jusqu’à cette dernière mais je reviens sur mes pas. A mi-descente, je croise une routarde à sac à dos qui me rappelle la fille de Paimpol en moins jolie. On se dit bonjour mais cela n’ira pas plus loin, nos chemins sont opposés. Quand j’arrive à Wimereux, il est plus de dix heures mais aucun bar n’est ouvert au bord de la mer où pourtant les premières familles vont et viennent. Près de la Mairie est le Café de la Mairie. C’est là que je prends un café et lis Stendhal au milieu d’autochtones à paniers et d’étrangers en villégiature.
Lors de ma venue précédente je n’avais pas remarqué à quel point Wimereux est bourgeoise. Cela explique le prix de mon café : un euro quatre-vingts. Ce Café de la Mairie fait brasserie mais, est-il inscrit sur l’ardoise, son plat du jour, c’est « hors vacances scolaires » (il faut plumer les touristes pendant qu’ils sont là). Les autres restaurants de la rue intérieure ont des prix exagérés, ce pourquoi je me rabats, dans une impasse adjacente, sur Burger Fermier des Enfants Rouges. On ne peut y manger que ça. J’opte pour le Classic Burger à treize euros avec un verre de vin du Luberon à cinq euros mais quand il s’agit de payer j’en ai pour vingt euros à cause du maroilles que j‘ai choisi à la place du cheddar, une petite arnaque que je ne dénoncerai pas aux autorités compétentes. Cela pour un burgueur moins bon que celui d’Au Bureau. Je sors de là résolu, si je reviens à Wimereux, à n’y plus déjeuner.
Si aucune autre ondée passagère ne se déclenche, le ciel est suffisamment gris et il fait suffisamment frais pour que je descende du bus F qui me ramène à Boulogne à l’arrêt Navarin proche de mon logis temporaire où je me fais un café gratuit.
*
Devinette du Café de la Mairie : « Le point commun entre Pierre Palmade et Claude François, c’était la cocaïne, mais est-ce que tu connais la différence ? »
*
Sur la promenade de Wimereux : « Hélios, au pied ! », un affreux chien. J’en connais un qui serait dépité s’il entendait ça.
*
Burger Fermier des Enfants Rouges, c’est aussi au Touquet et ça a pour origine le quartier du Marais et son Marché des Enfants Rouges, prout prout branchouille.
*
Réponse à la devinette du Café de la Mairie : « Claude François, au moins, c’était un bon conducteur. »
Au bout de la promenade, côté Boulogne, je dois contourner par la route les bâtiments universitaires de la Maison de la Marine pour rejoindre le sentier des douaniers. Il débute dans les ajoncs en fleur. On se croirait sur la Côte d’Emeraude plutôt que sur la Côte d’Opale. C’est une végétation chère à mon cœur et qui fleure bon.
Sorti de tout ce jaune, j’aperçois au loin les quatre éoliennes du Portel. Elles tournent. Le sentier, aménagé, monte vers la Pointe de la Crèche, mon objectif du jour. Son seul défaut est d’être caillouteux. Après une longue partie rectiligne, il tourne à droite et voici qu’apparaissent des éléments de la batterie connue sous le nom de Fort de la Crèche. Sur un bunkeur, un graffeur a dessiné un porteur de crête et sa copine assis sur un banc scrutant le large. Sur le toit de ce petit ouvrage militaire est un belvédère. On peut poser ses pieds sur des semelles dessinées afin de se situer parmi les lieux touristiques inscrits dans des cercles. J’en connais plusieurs maintenant.
Les éoliennes du Portel sont dans le soleil tout comme la partie visible de la plage de Boulogne-sur-Mer. Je pourrais continuer jusqu’à cette dernière mais je reviens sur mes pas. A mi-descente, je croise une routarde à sac à dos qui me rappelle la fille de Paimpol en moins jolie. On se dit bonjour mais cela n’ira pas plus loin, nos chemins sont opposés. Quand j’arrive à Wimereux, il est plus de dix heures mais aucun bar n’est ouvert au bord de la mer où pourtant les premières familles vont et viennent. Près de la Mairie est le Café de la Mairie. C’est là que je prends un café et lis Stendhal au milieu d’autochtones à paniers et d’étrangers en villégiature.
Lors de ma venue précédente je n’avais pas remarqué à quel point Wimereux est bourgeoise. Cela explique le prix de mon café : un euro quatre-vingts. Ce Café de la Mairie fait brasserie mais, est-il inscrit sur l’ardoise, son plat du jour, c’est « hors vacances scolaires » (il faut plumer les touristes pendant qu’ils sont là). Les autres restaurants de la rue intérieure ont des prix exagérés, ce pourquoi je me rabats, dans une impasse adjacente, sur Burger Fermier des Enfants Rouges. On ne peut y manger que ça. J’opte pour le Classic Burger à treize euros avec un verre de vin du Luberon à cinq euros mais quand il s’agit de payer j’en ai pour vingt euros à cause du maroilles que j‘ai choisi à la place du cheddar, une petite arnaque que je ne dénoncerai pas aux autorités compétentes. Cela pour un burgueur moins bon que celui d’Au Bureau. Je sors de là résolu, si je reviens à Wimereux, à n’y plus déjeuner.
Si aucune autre ondée passagère ne se déclenche, le ciel est suffisamment gris et il fait suffisamment frais pour que je descende du bus F qui me ramène à Boulogne à l’arrêt Navarin proche de mon logis temporaire où je me fais un café gratuit.
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Devinette du Café de la Mairie : « Le point commun entre Pierre Palmade et Claude François, c’était la cocaïne, mais est-ce que tu connais la différence ? »
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Sur la promenade de Wimereux : « Hélios, au pied ! », un affreux chien. J’en connais un qui serait dépité s’il entendait ça.
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Burger Fermier des Enfants Rouges, c’est aussi au Touquet et ça a pour origine le quartier du Marais et son Marché des Enfants Rouges, prout prout branchouille.
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Réponse à la devinette du Café de la Mairie : « Claude François, au moins, c’était un bon conducteur. »
21 avril 2023
Ciel bleu en début de matinée, grisaille et froid pour le reste de la journée de ce jeudi, ainsi parle Météo France. Je n’ai donc pas à modifier mon projet du jour : découvrir le Fort et le Phare d’Alprech. Un bus C m’emmène au Portel.
Laissant les éoliennes immobiles derrière moi, je mets le cap sur le Cap d’Alprech par le sentier des douaniers. La vue est belle sur la mer à ma droite, désastreuse sur un énorme campigne de mobil homes à ma gauche. Ce lotissement occupe toute la pente de la falaise. Comment peut-on choisir ça comme hébergement de vacances, c’est de plus cher. Une fois cette nuisance visuelle dépassée, j’aperçois assez vite les deux éléments qui signalent que j’approche du Cap d’Alprech : le Phare et le Fort qui portent son nom.
Ce Phare d’Alprech a pour particularité d’être doté d’un escalier métallique hélicoïdal extérieur. Deux employés montent à son sommet en lui tournant autour. Le Fort d’Alprech est demi enterré et demi ruiné.
J’entre dans ce dernier par la grande porte. Sur la gauche, je trouve la grille d’un des bâtiments entrouverte. J’y pénètre. Une dame est là avec trois messieurs. Elle m’explique que ce n’est visitable que par des groupes sur réservation, qu’elle et eux sont là pour voir si des hirondelles ont fait leur nid à l’intérieur afin de les laisser en paix. Finalement, elle me propose de l’accompagner dans sa recherche, tandis que les hommes restent dans l’entrée. Nous parcourons les deux seules salles visitables. Voûtées, elles servaient de dortoirs et de réfectoires aux soldats. Cette aimable personne m’explique que ce Fort d’Alprech a été construit après la défaite de mil huit cent soixante-dix et a été partiellement détruit par les bombardements de mil neuf cent quarante-quatre. Point de nichées d’hirondelles, je la remercie et prend congé.
Le ciel est encore bleu mais des nuages sont en embuscade. Je retourne au Portel par le même sentier qui aurait besoin d’être entretenu. Les marches en bois installées pour faciliter la randonnée sont rendues dangereuses par les creux qui se sont formés à leur base. Je prends donc mon temps et arrive au Chant de l’Heurt un peu avant dix heures. Il vient d’ouvrir. Je m’installe en terrasse à une table haute ensoleillée pour mon café lecture. A l’horizon, dans la brume, un porte-conteneurs va vers l’Europe du Nord. En une heure, il semble avoir peu avancé. Effet d’optique due à la distance, je pense. Quand les nuages me mettent à l’ombre, je ne peux résister longtemps au froid.
Avant qu’il soit midi, j’entre dans le cimetière et y trouve un monument aux péris en mer (dont des mousses de treize ou quinze ans) et un mur où sont inscrits les noms de civils victimes des bombardements (parfois des familles entières de dix à douze personnes de tous les âges).
A la Brasserie Michel, je suis le seul à déjeuner en début de service : roulé au jambon, Parmentier salade, mousse au chocolat, avec quart de vin rouge. Lorsque j’ai presque terminé se présentent deux tablées d’ouvriers qui tous commandent une Bête. Je suis également, durant les trois quarts du trajet, le seul passager du bus H qui va vers Boulogne.
Laissant les éoliennes immobiles derrière moi, je mets le cap sur le Cap d’Alprech par le sentier des douaniers. La vue est belle sur la mer à ma droite, désastreuse sur un énorme campigne de mobil homes à ma gauche. Ce lotissement occupe toute la pente de la falaise. Comment peut-on choisir ça comme hébergement de vacances, c’est de plus cher. Une fois cette nuisance visuelle dépassée, j’aperçois assez vite les deux éléments qui signalent que j’approche du Cap d’Alprech : le Phare et le Fort qui portent son nom.
Ce Phare d’Alprech a pour particularité d’être doté d’un escalier métallique hélicoïdal extérieur. Deux employés montent à son sommet en lui tournant autour. Le Fort d’Alprech est demi enterré et demi ruiné.
J’entre dans ce dernier par la grande porte. Sur la gauche, je trouve la grille d’un des bâtiments entrouverte. J’y pénètre. Une dame est là avec trois messieurs. Elle m’explique que ce n’est visitable que par des groupes sur réservation, qu’elle et eux sont là pour voir si des hirondelles ont fait leur nid à l’intérieur afin de les laisser en paix. Finalement, elle me propose de l’accompagner dans sa recherche, tandis que les hommes restent dans l’entrée. Nous parcourons les deux seules salles visitables. Voûtées, elles servaient de dortoirs et de réfectoires aux soldats. Cette aimable personne m’explique que ce Fort d’Alprech a été construit après la défaite de mil huit cent soixante-dix et a été partiellement détruit par les bombardements de mil neuf cent quarante-quatre. Point de nichées d’hirondelles, je la remercie et prend congé.
Le ciel est encore bleu mais des nuages sont en embuscade. Je retourne au Portel par le même sentier qui aurait besoin d’être entretenu. Les marches en bois installées pour faciliter la randonnée sont rendues dangereuses par les creux qui se sont formés à leur base. Je prends donc mon temps et arrive au Chant de l’Heurt un peu avant dix heures. Il vient d’ouvrir. Je m’installe en terrasse à une table haute ensoleillée pour mon café lecture. A l’horizon, dans la brume, un porte-conteneurs va vers l’Europe du Nord. En une heure, il semble avoir peu avancé. Effet d’optique due à la distance, je pense. Quand les nuages me mettent à l’ombre, je ne peux résister longtemps au froid.
Avant qu’il soit midi, j’entre dans le cimetière et y trouve un monument aux péris en mer (dont des mousses de treize ou quinze ans) et un mur où sont inscrits les noms de civils victimes des bombardements (parfois des familles entières de dix à douze personnes de tous les âges).
A la Brasserie Michel, je suis le seul à déjeuner en début de service : roulé au jambon, Parmentier salade, mousse au chocolat, avec quart de vin rouge. Lorsque j’ai presque terminé se présentent deux tablées d’ouvriers qui tous commandent une Bête. Je suis également, durant les trois quarts du trajet, le seul passager du bus H qui va vers Boulogne.
20 avril 2023
Pour un euro, en une heure à cause de moult détours, je vais ce mercredi matin en car de Boulogne-sur-Mer à Etaples-sur-Mer. L’arrivée se fait devant la Gare. Je descends par de petites rues jusqu’au port, lequel se trouve sur la Canche. Etaples, contrairement à ce qu’elle veut faire croire n’est pas au bord de la mer, comme l’est Le Touquet, sa voisine de l’autre côté de la Canche, Le Touquet où je n’ai pas envie d’aller, je n’aime pas cet endroit (rien à voir avec Macron).
Dans ce port ne sont que des bateaux de plaisance. Je ne sais où sont amarrés les bateaux de pêche dont on vend le poisson sous des hallettes. Une promenade est aménagée le long de cette Canche. Je l’emprunte et entre à l’Office du Tourisme sis dans l’ancienne usine Saint frères à l’architecture typique. On m’y donne un plan qui me permettra de retrouver la Gare. Je poursuis ensuite jusqu’à la Maison de la Baie de la Canche près de laquelle se trouve Raphaël, une statue de Bruno Catalano. Elle représente un voyageur à valise dont le corps est traversé par le paysage (j’ai déjà vu ça ailleurs, je ne sais plus où, devant une gare je crois).
Je fais demi-tour et retourne en ville, sur une grande place où se trouve la Mairie (l’église est un peu en arrière, d’architecture contemporaine). Pour une fois, il fait beau, presque bon. De quoi me donner envie de m’asseoir à la terrasse du Café de l’Hôtel de Ville où un café à un euro quarante m’est servi par une aimable dame. Je lis là le Journal de Stendhal tandis que le soleil me chauffe le dos.
A l’heure du déjeuner, je rejoins, sur cette même place, le restaurant Au Vieux Port. Il usurpe son nom mais a une grande terrasse. Son premier menu est cher, aussi je décide de ne boire que de l’eau de la carafe. Le patron me dit qu’il faut obligatoirement commander de l’eau en bouteille. « C’est illégal, lui réponds-je en me levant, je vais vous signaler aux autorités compétentes. »
Je retourne vers la Canche où le Bar à Quai (attention jeu de mots) a sorti deux tables au soleil. Une est libre. Elle devient mienne. A l’intérieur, ce sont des groupes qui carburent à la bière et c’est complet. Par curiosité, n’en ayant jamais mangé, je choisis la poutine au bœuf (un plat qui souffre de son homonymie) que j’accompagnerai d’un verre de Saint-Nicolas-de-Bourgueil, cela fera presque vingt euros. Je vois arriver une grande terrine fumante. Cela ressemble à de la tartiflette avec des frites et un stèque haché dedans, le tout vaguement sucré. Comment je parviens à tout manger, je ne sais. Peut-être ne recommencerai-je jamais.
Grâce à mon plan et à des conseils d’autochtones, je retrouve la Gare d’Etaples devant laquelle stationne, moteur tournant, une voiture de la Gendarmerie. J’attends le car de quatorze heures cinq pour Boulogne. Il se présente ponctuellement. Durant le trajet de retour, je lutte pour ne pas m’endormir, putain de poutine.
*
Et hop, restaurant Au Vieux Port, place du Général de Gaulle à Etaples, signalé à la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes.
*
J’avais déjà eu un souci à Etaples, une histoire d’hébergement médiocre, du temps que j’étais bien accompagné.
Dans ce port ne sont que des bateaux de plaisance. Je ne sais où sont amarrés les bateaux de pêche dont on vend le poisson sous des hallettes. Une promenade est aménagée le long de cette Canche. Je l’emprunte et entre à l’Office du Tourisme sis dans l’ancienne usine Saint frères à l’architecture typique. On m’y donne un plan qui me permettra de retrouver la Gare. Je poursuis ensuite jusqu’à la Maison de la Baie de la Canche près de laquelle se trouve Raphaël, une statue de Bruno Catalano. Elle représente un voyageur à valise dont le corps est traversé par le paysage (j’ai déjà vu ça ailleurs, je ne sais plus où, devant une gare je crois).
Je fais demi-tour et retourne en ville, sur une grande place où se trouve la Mairie (l’église est un peu en arrière, d’architecture contemporaine). Pour une fois, il fait beau, presque bon. De quoi me donner envie de m’asseoir à la terrasse du Café de l’Hôtel de Ville où un café à un euro quarante m’est servi par une aimable dame. Je lis là le Journal de Stendhal tandis que le soleil me chauffe le dos.
A l’heure du déjeuner, je rejoins, sur cette même place, le restaurant Au Vieux Port. Il usurpe son nom mais a une grande terrasse. Son premier menu est cher, aussi je décide de ne boire que de l’eau de la carafe. Le patron me dit qu’il faut obligatoirement commander de l’eau en bouteille. « C’est illégal, lui réponds-je en me levant, je vais vous signaler aux autorités compétentes. »
Je retourne vers la Canche où le Bar à Quai (attention jeu de mots) a sorti deux tables au soleil. Une est libre. Elle devient mienne. A l’intérieur, ce sont des groupes qui carburent à la bière et c’est complet. Par curiosité, n’en ayant jamais mangé, je choisis la poutine au bœuf (un plat qui souffre de son homonymie) que j’accompagnerai d’un verre de Saint-Nicolas-de-Bourgueil, cela fera presque vingt euros. Je vois arriver une grande terrine fumante. Cela ressemble à de la tartiflette avec des frites et un stèque haché dedans, le tout vaguement sucré. Comment je parviens à tout manger, je ne sais. Peut-être ne recommencerai-je jamais.
Grâce à mon plan et à des conseils d’autochtones, je retrouve la Gare d’Etaples devant laquelle stationne, moteur tournant, une voiture de la Gendarmerie. J’attends le car de quatorze heures cinq pour Boulogne. Il se présente ponctuellement. Durant le trajet de retour, je lutte pour ne pas m’endormir, putain de poutine.
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Et hop, restaurant Au Vieux Port, place du Général de Gaulle à Etaples, signalé à la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes.
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J’avais déjà eu un souci à Etaples, une histoire d’hébergement médiocre, du temps que j’étais bien accompagné.
19 avril 2023
Un petit-déjeuner pris rapidement au Columbus Café après une nuit dans des draps changés hier par mon logeur et sa fille, il est huit heures cinq quand le car Boulogne Desvres où j’ai payé mon euro démarre. Le Guide du Routard Nord Pas de Calais m’a donné envie d’aller voir cette petite ville du Boulonnais de l’intérieur, connue, paraît-il, pour la faïence qu’on y fabrique. En chemin je remarque une belle église fortifiée à tour carrée, un haut viaduc de chemin de fer, des collines qui se succèdent dans la brume, une Maison du Cheval Boulonnais mais pas la queue d’un. La moitié de la dizaine de voyageurs s’arrête à Samer et enfin c’est Desvres où l’autre moitié descend à l’arrêt Eglise, sauf moi qui vais jusqu’à l’arrêt suivant, le terminus situé près d’un étang. Je marche le long de cette eau paisible pour revenir dans le centre. Encore une fois, le ciel est gris et il souffle un vent froid.
« Elle est en travaux l’église, on lui refait la pointe », me dit un promeneur de chien à qui je demande par où passer pour la retrouver. Même sans échafaudages, elle doit être laide, me dis-je en y arrivant. Une boutique sur deux est fermée. Celles qui sont ouvertes ont l’air d’être fermées. Sur une place se tient le marché vers lequel se dirigent quelques femmes et hommes. De la faïence je ne vois que des échantillons sur des façades, notamment sur celle de la Médiathèque.
Mon intention était de déjeuner ici puis de regagner Boulogne en début d’après-midi. Le peu d’intérêt que je trouve à cet endroit et le froid persistant me conduisent à rentrer par le neuf heures trente-cinq. Une femme revenant du marché m’explique où trouver l’arrêt. « De l’autre côté de l’église, près des impôts qu’ont fermé. »
A dix heures vingt, je suis à ma table habituelle de Chez Jules où je reprends ma lecture du Journal de Stendhal et retiens une table pour midi. Les vieux habitués sont là, dynamisés par la présence au milieu d’eux d’une trentenaire. L’un : « Qu’est-ce que t’as là, sur ton bras, tatoué, c’est une abeille ? » Elle : « Oui, c’est une abeille, tout le monde dit que c’est une bite. »
Comme toujours le téléphone ne cesse de sonner pour des réservations. Antonio est à la manœuvre. Un réserveur lui demande à être avec la p’tite serveuse. « La p’tite serveuse ? Angèle ? Okay je note ». Je le croyais patron de cet établissement renommé. Il n’en est rien, la patronne est Madame Leleu, souvent dans son bureau, près de la caisse à midi.
La formule à dix-huit euros de ce mardi comprend un faux-filet sauce au bleu frites fraîches salade, un cheesecake au caramel, un verre de vin rouge et un café. Ce n’est pas la p’tite serveuse qui s’occupe de moi mais un néo barbu qui joue les blasés devant ses deux aides qui débutent dans le métier.
A l’issue, bien que le soleil ne fasse que de courtes apparitions, je prends un café puis lis à la terrasse du Français. Jusqu’à ce que mes mains soient victimes de crampes dues au froid.
« Elle est en travaux l’église, on lui refait la pointe », me dit un promeneur de chien à qui je demande par où passer pour la retrouver. Même sans échafaudages, elle doit être laide, me dis-je en y arrivant. Une boutique sur deux est fermée. Celles qui sont ouvertes ont l’air d’être fermées. Sur une place se tient le marché vers lequel se dirigent quelques femmes et hommes. De la faïence je ne vois que des échantillons sur des façades, notamment sur celle de la Médiathèque.
Mon intention était de déjeuner ici puis de regagner Boulogne en début d’après-midi. Le peu d’intérêt que je trouve à cet endroit et le froid persistant me conduisent à rentrer par le neuf heures trente-cinq. Une femme revenant du marché m’explique où trouver l’arrêt. « De l’autre côté de l’église, près des impôts qu’ont fermé. »
A dix heures vingt, je suis à ma table habituelle de Chez Jules où je reprends ma lecture du Journal de Stendhal et retiens une table pour midi. Les vieux habitués sont là, dynamisés par la présence au milieu d’eux d’une trentenaire. L’un : « Qu’est-ce que t’as là, sur ton bras, tatoué, c’est une abeille ? » Elle : « Oui, c’est une abeille, tout le monde dit que c’est une bite. »
Comme toujours le téléphone ne cesse de sonner pour des réservations. Antonio est à la manœuvre. Un réserveur lui demande à être avec la p’tite serveuse. « La p’tite serveuse ? Angèle ? Okay je note ». Je le croyais patron de cet établissement renommé. Il n’en est rien, la patronne est Madame Leleu, souvent dans son bureau, près de la caisse à midi.
La formule à dix-huit euros de ce mardi comprend un faux-filet sauce au bleu frites fraîches salade, un cheesecake au caramel, un verre de vin rouge et un café. Ce n’est pas la p’tite serveuse qui s’occupe de moi mais un néo barbu qui joue les blasés devant ses deux aides qui débutent dans le métier.
A l’issue, bien que le soleil ne fasse que de courtes apparitions, je prends un café puis lis à la terrasse du Français. Jusqu’à ce que mes mains soient victimes de crampes dues au froid.
18 avril 2023
Ce lundi matin, je prends pour la première fois un car de la Région Hauts-de-France, le Boulogne Calais par la côte, un euro le voyage. Peu de monde dans celui-ci, qui me permet de revoir le Cap Gris Nez puis le Cap Blanc Nez. C’est ensuite le Tunnel sous la Manche et Sangatte où était la Jungle. Partis sous un ciel un peu bleu, nous arrivons sous un ciel très gris. Le soleil est pour l’Angleterre dont on aperçoit les falaises blanches. Le terminus est devant la Gare de Calais Ville. Le car pour Gravelines est à côté, prêt à partir. Il est pris d’assaut par des dizaines de migrants. Des Policiers font la police, pas très cordiaux, pas méchants non plus.
J’entre dans la Gare pour prendre un billet de train à l’automate car l’horaire du car de retour est trop tardif à mon goût. Je choisis celui au prix le moins cher mais une fois imprimé je découvre qu’il est pour un Tégévé partant de Calais Fréthun et ne s’arrêtant qu’à Boulogne Ville. Le chef de gare passe par là, il me dit qu’on va arranger ça au guichet. La guichetière n’est pas d’accord mais elle obéit à son supérieur. Elle corrige mon billet à la main et lui donne un coup de tampon.
Il est temps pour moi de visiter Calais, pas vue depuis longtemps. Je commence par le splendide Hôtel de Ville et la statue des Bourgeois puis vais voir l’église Notre-Dame, la Tour du Guet et le Phare. Il fait vraiment froid, ce qui gâche un peu le plaisir. Je trouve refuge dans un estaminet près du port, La Marinière, pour un café à un euro quarante. Des retraités y picolent gentiment.
Pour déjeuner il y a plusieurs restaurants autour de la place d’Armes, près de la Tour du Guet. Sur cette place est une statue de Charles et Yvonne de Gaulle marchant, sans piédestal. C’est Au Coq d’Or qui a ma préférence, on y propose un menu à treize euros quatre-vingt-dix comprenant une mise en bouche (petite rillette de saumon), un lapin en cocotte frites salade et un café gourmand peu fourni. La salle est essentiellement occupée par un groupe de vieilles et de vieux en voyage organisé « On a fait beaucoup de car » « On a même fait que ça ». Ils ont la bonne idée de ne pas être trop bruyants. Je suis content de mon lapin.
Comme il fait toujours aussi froid, je me rapproche de la Gare par un jardin public dans lequel je croise une nouvelle fois Charles de Gaulle, cette fois accompagné de Winston Churchill, tous deux marchant, sans piédestal, et j’entre à L’Authentique dont je deviens le seul client pour un café à un euro cinquante. On y diffuse une bonne musique américaine qui ne gêne pas ma lecture du Journal de Stendhal mais à quatorze heures le patron m’apprend qu’il ferme jusqu’à seize heures.
Plus qu’à zoner dans les rues comme un migrant. Vers quinze heures, je rejoins la Gare où de nombreux Policiers filtrent les arrivées de trains. Mon Téheuherre est sur le quai Deux. Sur le quai voisin est un train comme je n’en ai jamais vu. Une voyageuse demande à l’équipe de nettoyage ce qu’il en est. « C’est l’Orient Express, faut avoir des ronds, il va jusqu’à Venise. » Sûr que je ne pensais pas le voir ici. Il attend sans doute de riches Anglais, me dis-je. On y fait également le ménage.
Notre train de pauvres part à quinze heures dix-huit. Il arrive à Boulogne Tintelleries avant le passage du contrôleur. Je n’ai donc pas à expliquer mon cas.
*
C’est à Calais que les six et sept avril mil neuf cent vingt et un se sont mariés Charles de Gaulle et Yvonne Vendroux.
*
Trois mille euros pour un Londres Venise avec le Venice-Simplon-Orient-Express, aller simple (Londres Calais se faisant en car de luxe), apprends-je à mon retour.
J’entre dans la Gare pour prendre un billet de train à l’automate car l’horaire du car de retour est trop tardif à mon goût. Je choisis celui au prix le moins cher mais une fois imprimé je découvre qu’il est pour un Tégévé partant de Calais Fréthun et ne s’arrêtant qu’à Boulogne Ville. Le chef de gare passe par là, il me dit qu’on va arranger ça au guichet. La guichetière n’est pas d’accord mais elle obéit à son supérieur. Elle corrige mon billet à la main et lui donne un coup de tampon.
Il est temps pour moi de visiter Calais, pas vue depuis longtemps. Je commence par le splendide Hôtel de Ville et la statue des Bourgeois puis vais voir l’église Notre-Dame, la Tour du Guet et le Phare. Il fait vraiment froid, ce qui gâche un peu le plaisir. Je trouve refuge dans un estaminet près du port, La Marinière, pour un café à un euro quarante. Des retraités y picolent gentiment.
Pour déjeuner il y a plusieurs restaurants autour de la place d’Armes, près de la Tour du Guet. Sur cette place est une statue de Charles et Yvonne de Gaulle marchant, sans piédestal. C’est Au Coq d’Or qui a ma préférence, on y propose un menu à treize euros quatre-vingt-dix comprenant une mise en bouche (petite rillette de saumon), un lapin en cocotte frites salade et un café gourmand peu fourni. La salle est essentiellement occupée par un groupe de vieilles et de vieux en voyage organisé « On a fait beaucoup de car » « On a même fait que ça ». Ils ont la bonne idée de ne pas être trop bruyants. Je suis content de mon lapin.
Comme il fait toujours aussi froid, je me rapproche de la Gare par un jardin public dans lequel je croise une nouvelle fois Charles de Gaulle, cette fois accompagné de Winston Churchill, tous deux marchant, sans piédestal, et j’entre à L’Authentique dont je deviens le seul client pour un café à un euro cinquante. On y diffuse une bonne musique américaine qui ne gêne pas ma lecture du Journal de Stendhal mais à quatorze heures le patron m’apprend qu’il ferme jusqu’à seize heures.
Plus qu’à zoner dans les rues comme un migrant. Vers quinze heures, je rejoins la Gare où de nombreux Policiers filtrent les arrivées de trains. Mon Téheuherre est sur le quai Deux. Sur le quai voisin est un train comme je n’en ai jamais vu. Une voyageuse demande à l’équipe de nettoyage ce qu’il en est. « C’est l’Orient Express, faut avoir des ronds, il va jusqu’à Venise. » Sûr que je ne pensais pas le voir ici. Il attend sans doute de riches Anglais, me dis-je. On y fait également le ménage.
Notre train de pauvres part à quinze heures dix-huit. Il arrive à Boulogne Tintelleries avant le passage du contrôleur. Je n’ai donc pas à expliquer mon cas.
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C’est à Calais que les six et sept avril mil neuf cent vingt et un se sont mariés Charles de Gaulle et Yvonne Vendroux.
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Trois mille euros pour un Londres Venise avec le Venice-Simplon-Orient-Express, aller simple (Londres Calais se faisant en car de luxe), apprends-je à mon retour.
17 avril 2023
Sur mon chemin, chaque matin, je trouve les frères Coquelin, de la Comédie Française, nés à Boulogne-sur-Mer. Ils sont statufiés, vert-de-grisés, au centre d’une fontaine asséchée sur la place sinistrée que je traverse en diagonale quand je vais petit-déjeuner au Columbus Café. L’aîné fut un bon Cyrano. Le cadet écrivit sous le nom de Pirouette.
Ce dimanche, au lieu d’un pain au chocolat, je choisis une patte d’ours. C’est empli de chocolat tiède dégoulinant. Le ciel est vaguement bleu. Je décide de retourner à la Ville Haute.
Cette fois, je fais le tour des remparts dans le sens inverse des aiguilles d’une montre, notant au passage le nom des portes et des tours : Porte des Dunes, Tour de la Cloquette, Tour Gaïette, Tour du Conseil, Tour des Degrés, Tour de Questinghen, Tour Françoise ou Tour du Coing, Tour Carrée, Porte Gayole, Tour Andrieu, Tour de Fresnes, Tour Gillet, Tour du Colombier, Château-Musée, Porte Flamengue ou Porte Neuve (proche de la Basilique), Grosse Tour Notre-Dame (pas grosse du tout), Tour Saint-Jean, Tour des Près, Tour Ancel, Tour Neuve, Tour Saint-Sauveur, Tour Brassart et à nouveau Porte des Dunes d’où je redescends dans la ville close, direction le Café de la Mairie.
A mon arrivée sortent de l’Hôtel de Ville des hommes en costume cravate et une Préfète ou Sous-Préfète en uniforme. Un soleil voilé donne sur les deux tables disponibles devant la porte de l’estaminet. J’en occupe une.
Bien qu’il fasse frais, après un café à un euro soixante-dix, je reprends ma lecture du Journal de Stendhal. Un couple à valises s’assoit à l’autre table et parle de rentrer. « Que ce soit en week-end ou en vacances, on aime pas trop rester une fois qu’on a quitté la location, c’est bizarre hein ? », constate-elle. La serveuse, qui vient d’arriver, installe le reste de la terrasse sur le côté. « Ça va ? », lui demande un habitué. « Y a des choses qui vont. Y a des choses qui vont pas. Comme chez tout le monde », lui répond-elle. Tout cela ne témoigne pas d’une folle joie de vivre.
Le soleil ne parvient pas à percer le voile nuageux, néanmoins je reste jusqu’à ce qu’il soit l’heure de songer à déjeuner. Dans ce but, je descends jusqu’à la place Dalton et entre au Bureau. Le personnel y est aimable et efficace. Mon Smoky Raclette Burger (seize euros cinquante) que j’accompagne d’un quart de pinot noir (cinq euros quatre-vingts) est fort correct.
*
On s’exagère les défauts de l’endroit où l’on est. (Stendhal, le trente mai mil huit cent six à dix heures du matin à l’auberge de Marchand à Gap)
On se console un peu des défauts de l’endroit où l’on est en pensant qu’on les exagère. (Moi-même, le seize avril deux mille vingt-trois à trois heures de l’après-midi en mon studio Air Bibi à Boulogne-sur-Mer)
Ce dimanche, au lieu d’un pain au chocolat, je choisis une patte d’ours. C’est empli de chocolat tiède dégoulinant. Le ciel est vaguement bleu. Je décide de retourner à la Ville Haute.
Cette fois, je fais le tour des remparts dans le sens inverse des aiguilles d’une montre, notant au passage le nom des portes et des tours : Porte des Dunes, Tour de la Cloquette, Tour Gaïette, Tour du Conseil, Tour des Degrés, Tour de Questinghen, Tour Françoise ou Tour du Coing, Tour Carrée, Porte Gayole, Tour Andrieu, Tour de Fresnes, Tour Gillet, Tour du Colombier, Château-Musée, Porte Flamengue ou Porte Neuve (proche de la Basilique), Grosse Tour Notre-Dame (pas grosse du tout), Tour Saint-Jean, Tour des Près, Tour Ancel, Tour Neuve, Tour Saint-Sauveur, Tour Brassart et à nouveau Porte des Dunes d’où je redescends dans la ville close, direction le Café de la Mairie.
A mon arrivée sortent de l’Hôtel de Ville des hommes en costume cravate et une Préfète ou Sous-Préfète en uniforme. Un soleil voilé donne sur les deux tables disponibles devant la porte de l’estaminet. J’en occupe une.
Bien qu’il fasse frais, après un café à un euro soixante-dix, je reprends ma lecture du Journal de Stendhal. Un couple à valises s’assoit à l’autre table et parle de rentrer. « Que ce soit en week-end ou en vacances, on aime pas trop rester une fois qu’on a quitté la location, c’est bizarre hein ? », constate-elle. La serveuse, qui vient d’arriver, installe le reste de la terrasse sur le côté. « Ça va ? », lui demande un habitué. « Y a des choses qui vont. Y a des choses qui vont pas. Comme chez tout le monde », lui répond-elle. Tout cela ne témoigne pas d’une folle joie de vivre.
Le soleil ne parvient pas à percer le voile nuageux, néanmoins je reste jusqu’à ce qu’il soit l’heure de songer à déjeuner. Dans ce but, je descends jusqu’à la place Dalton et entre au Bureau. Le personnel y est aimable et efficace. Mon Smoky Raclette Burger (seize euros cinquante) que j’accompagne d’un quart de pinot noir (cinq euros quatre-vingts) est fort correct.
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On s’exagère les défauts de l’endroit où l’on est. (Stendhal, le trente mai mil huit cent six à dix heures du matin à l’auberge de Marchand à Gap)
On se console un peu des défauts de l’endroit où l’on est en pensant qu’on les exagère. (Moi-même, le seize avril deux mille vingt-trois à trois heures de l’après-midi en mon studio Air Bibi à Boulogne-sur-Mer)
16 avril 2023
« J’ai un p’tit coup dans le nez. J’ai plus rien à manger à la maison. Tu peux me livrer quelque chose », entends-je dire le voisin du dessus à son téléphone quand il passe devant ma porte vers une heure du matin. Un peu plus tard, il redescend prendre sa commande auprès d’un scouteuriste.
Il est rare que je sois réveillé par du bruit au cours de la nuit, bien que mon studio Air Bibi soit au rez-de-chaussée. Ce logement pour étudiant, où je paie le tiers de ce que me coûterait une chambre d’hôtel, est confortable, bien chauffé, doté d’une bonne ouifi, d’une télé comme jamais je n’en ai regardé de si grande, d’une vaste salle d’eau dans laquelle est installé un grand frigo (ce qui fait que je ne l’entends pas se mettre en marche). Bref, je dors aussi bien que le peut un vieux qui à chacun de ses réveils songe à son état physique, à son âge et à la mort qui peut venir bientôt. Encore une nuit dont je sors vivant, telle est ma pensée à l’orée de chaque jour.
Ce samedi matin, c’est encore la pluie. Après le petit-déjeuner au Columbus Café où officie un néo barbu, je pousse la porte de Chez Jules vers dix heures. C’est jour de marché place Dalton. Des autochtones ayant terminé leurs courses viennent ici se réchauffer. Nul n’évoque la promulgation de la loi Macron repoussant le départ à la retraite de deux ans. Mes plus proches voisines regrettent les ennuis de la maison Tupperware. « Y avait de bonnes recettes et puis du bon matériel, c’était du costaud ». L’une d’elles raconte qu’elle a eu une femme de ménage qui se mettait en soutien-gorge et en culotte pour travailler « Heureusement que mon mari n’était plus là ». Je lis tranquillement le Journal de Stendhal à une table située contre la vitre d’où je peux voir l’animation du marché. Je constate qu’ici aussi, celui qui vend le moins est le marchand de miel.
A midi, je me rends au Palais de Matsuyama pour un déjeuner japonais à volonté. Pas loin de ma table sont assis un homme et une femme venus d’Ambleteuse. Cette dernière rend hommage sans le savoir à Mary Quant, qui vient de mourir, en portant une jupe à ras le bonbon (comme chantait Léo).
Il ne pleut plus quand je mets le pied dehors, mais il fait trop froid pour que je puisse prendre un café en terrasse. Ce sera donc encore une fois à la maison. Un homme que je croise rue Faidherbe me prévient : « Jésus revient, c’est l’heure de la repentance ».
*
Parler local (on évoque Vanessa Paradis) :
Emploi de core au lieu d’encore : « Elle est core pas mal ».
Emploi de fort pour très : « Elle était fort jolie ».
Il est rare que je sois réveillé par du bruit au cours de la nuit, bien que mon studio Air Bibi soit au rez-de-chaussée. Ce logement pour étudiant, où je paie le tiers de ce que me coûterait une chambre d’hôtel, est confortable, bien chauffé, doté d’une bonne ouifi, d’une télé comme jamais je n’en ai regardé de si grande, d’une vaste salle d’eau dans laquelle est installé un grand frigo (ce qui fait que je ne l’entends pas se mettre en marche). Bref, je dors aussi bien que le peut un vieux qui à chacun de ses réveils songe à son état physique, à son âge et à la mort qui peut venir bientôt. Encore une nuit dont je sors vivant, telle est ma pensée à l’orée de chaque jour.
Ce samedi matin, c’est encore la pluie. Après le petit-déjeuner au Columbus Café où officie un néo barbu, je pousse la porte de Chez Jules vers dix heures. C’est jour de marché place Dalton. Des autochtones ayant terminé leurs courses viennent ici se réchauffer. Nul n’évoque la promulgation de la loi Macron repoussant le départ à la retraite de deux ans. Mes plus proches voisines regrettent les ennuis de la maison Tupperware. « Y avait de bonnes recettes et puis du bon matériel, c’était du costaud ». L’une d’elles raconte qu’elle a eu une femme de ménage qui se mettait en soutien-gorge et en culotte pour travailler « Heureusement que mon mari n’était plus là ». Je lis tranquillement le Journal de Stendhal à une table située contre la vitre d’où je peux voir l’animation du marché. Je constate qu’ici aussi, celui qui vend le moins est le marchand de miel.
A midi, je me rends au Palais de Matsuyama pour un déjeuner japonais à volonté. Pas loin de ma table sont assis un homme et une femme venus d’Ambleteuse. Cette dernière rend hommage sans le savoir à Mary Quant, qui vient de mourir, en portant une jupe à ras le bonbon (comme chantait Léo).
Il ne pleut plus quand je mets le pied dehors, mais il fait trop froid pour que je puisse prendre un café en terrasse. Ce sera donc encore une fois à la maison. Un homme que je croise rue Faidherbe me prévient : « Jésus revient, c’est l’heure de la repentance ».
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Parler local (on évoque Vanessa Paradis) :
Emploi de core au lieu d’encore : « Elle est core pas mal ».
Emploi de fort pour très : « Elle était fort jolie ».
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