Dernières notes
Loïc Boyer
Je suis l’auteur de textes courts qui furent publiés depuis mil neuf cent quatre-vingt-quinze dans des revues littéraires en France (Supérieur Inconnu, Supplément d’Ame, Nouvelle Donne, Le Bord de l’Eau, Pris de Peur, l’Art du Bref, Sol’Air, Gros Textes, Salmigondis, Verso, Décharge, Bulle, Filigranes, Diérèse, Martobre, Comme ça et Autrement, (Cahier d’) Ecritures, La Nef des Fous), en Belgique (Traversées, Ecrits Vains, L’Arbre à Plumes, Inédit Nouveau, Bleu d’Encre), au Canada (Les Saisons Littéraires) et en Italie (Les Cahiers du Ru).
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.
14 octobre 2023
C’est au tour du bus Soixante ce vendredi à huit heures. J’en descends avant qu’il arrive à Talloires, à l’arrêt Chef-Lieu de Menthon-Saint-Bernard, commune en pente qui s’étend du lac à la montagne. La route qui la traverse assez haut la coupe malheureusement en deux. Devant moi est l’église. De jolies bâtisses sont visibles à proximité. Dans le ciel volent deux montgolfières.
M’engageant dans une petite rue qui va vers les Dents de Lanfon, j’aperçois le Château qui fait la renommée de ce bourg, celui vu de l’autocar en revenant de Thônes, une construction qui aurait inspiré Walt Disney en vacances dans la région et que certains comparent au Château de Louis Deux de Bavière. La route monte doucement, il n’a pas l’air si loin. Je me renseigne auprès d’une autochtone qui s’avère très aimable (il y en a). Elle m’explique que je dois aller sur la droite pour trouver un sentier sur la gauche qui m’y mènera. Ça montera un peu, surtout vers la fin, mais je peux y être en vingt minutes.
Ainsi fais-je, voyant le bâtiment de plus en plus gros. Nul autre que moi sur ce sentier qui permet aussi de voir le lac de haut et des fermes en contrebas. A l’arrivée, c’est sans surprise que je trouve l’endroit fermé. Les Menthon le font visiter, mais pas à cette heure matutinale, contre onze euros pour voir huit des cent cinq pièces, dont la cuisine qui possède un passe-plat de quinze mètres de long creusé dans la roche et la bibliothèque qui contient plus de douze mille volumes antérieurs à la Révolution.
En redescendant, je croise une classe qui monte, ce qui me rappelle les balades de ce genre que je faisais avec mes élèves. Un crochet par le moulin, qu’on ne peut davantage approcher, me permet de voir les vignes en biodynamie du châtelain (vingt-troisième génération de la famille de Menthon à vivre ici). Son jardin est en permaculture.
Gardant pour une autre fois la descente vers le lac, le port et la plage, je m’installe à la terrasse du Café de la Place, face à l’église. Le café n’y est qu’à un euro cinquante. La patronne ne cesse de recevoir des téléphonages de personnes souhaitant réserver pour midi. Je me renseigne et fais de même. Je lis là Saint-Simon un moment puis vais poursuivre au soleil sur un banc prés de l’église. Une exposition de photos anciennes m’apprend que celle-ci a perdu une aile pour élargir la route.
Au Café de la Place de Menthon-Saint-Bernard, le menu est à dix-neuf euros. Les clients du midi sont avant tout les ouvriers du coin. C’est fort bon, salade fermière, rosbif gratin de pommes de terre et dessert poire chocolat maison. On ne sert le vin qu’au verre. Il m’en coûte cinq euros pour du côtes-du-rhône. Les travailleurs boivent de l’eau.
Pour redescendre à Annecy c’est facile, l’arrêt de bus est devant la terrasse. Je peux prendre celui de treize heures sept. A l’arrivée, je me rends directement au Café des Arts où je continue ma lecture. A un moment une fenêtre s’ouvre en face et une femme met de la musique à fond en faisant des doigts d’honneur à la clientèle. « Oui, on a une voisine folle, ne vous inquiétez pas», explique la serveuse du jour. Cela ne dure pas, la folle a de la famille qui la calme.
J’ai prés de moi cinq lycéennes qui sèchent un cours de maths. Le « Je m’en bats les couilles » de l’une n’a pas de quoi me surprendre, mais les entendre s’interpeller en s’appelant « mec », entendre l’une qui éternue dire « Je suis désolée, les gars », une autre dire « Ecoutez-moi tous », j’ai dû louper un épisode.
*
Il y eut Saint Bernard et plus près de nous François de Menthon, Procureur au Procès de Nuremberg, Ministre du Général de Gaulle, lequel a dormi au Château (comme avant lui Jean-Jacques Rousseau).
*
Mise sous verre dans la salle du Café de la Place, la couverture d’un vieux numéro de Charlie Hebdo, un dessin de Reiser représentant un pilier de bar au nez rouge devant un verre de vin de même couleur qui déclare « Faut que je rentre, Chaban va causer ».
*
Ecran publicitaire dans la vitrine de la pharmacie donnant sur la place : « Et si la contention devenait tendance ? ». Toute tentative de rendre sexy l’abominable vieillesse est vouée à l’échec.
M’engageant dans une petite rue qui va vers les Dents de Lanfon, j’aperçois le Château qui fait la renommée de ce bourg, celui vu de l’autocar en revenant de Thônes, une construction qui aurait inspiré Walt Disney en vacances dans la région et que certains comparent au Château de Louis Deux de Bavière. La route monte doucement, il n’a pas l’air si loin. Je me renseigne auprès d’une autochtone qui s’avère très aimable (il y en a). Elle m’explique que je dois aller sur la droite pour trouver un sentier sur la gauche qui m’y mènera. Ça montera un peu, surtout vers la fin, mais je peux y être en vingt minutes.
Ainsi fais-je, voyant le bâtiment de plus en plus gros. Nul autre que moi sur ce sentier qui permet aussi de voir le lac de haut et des fermes en contrebas. A l’arrivée, c’est sans surprise que je trouve l’endroit fermé. Les Menthon le font visiter, mais pas à cette heure matutinale, contre onze euros pour voir huit des cent cinq pièces, dont la cuisine qui possède un passe-plat de quinze mètres de long creusé dans la roche et la bibliothèque qui contient plus de douze mille volumes antérieurs à la Révolution.
En redescendant, je croise une classe qui monte, ce qui me rappelle les balades de ce genre que je faisais avec mes élèves. Un crochet par le moulin, qu’on ne peut davantage approcher, me permet de voir les vignes en biodynamie du châtelain (vingt-troisième génération de la famille de Menthon à vivre ici). Son jardin est en permaculture.
Gardant pour une autre fois la descente vers le lac, le port et la plage, je m’installe à la terrasse du Café de la Place, face à l’église. Le café n’y est qu’à un euro cinquante. La patronne ne cesse de recevoir des téléphonages de personnes souhaitant réserver pour midi. Je me renseigne et fais de même. Je lis là Saint-Simon un moment puis vais poursuivre au soleil sur un banc prés de l’église. Une exposition de photos anciennes m’apprend que celle-ci a perdu une aile pour élargir la route.
Au Café de la Place de Menthon-Saint-Bernard, le menu est à dix-neuf euros. Les clients du midi sont avant tout les ouvriers du coin. C’est fort bon, salade fermière, rosbif gratin de pommes de terre et dessert poire chocolat maison. On ne sert le vin qu’au verre. Il m’en coûte cinq euros pour du côtes-du-rhône. Les travailleurs boivent de l’eau.
Pour redescendre à Annecy c’est facile, l’arrêt de bus est devant la terrasse. Je peux prendre celui de treize heures sept. A l’arrivée, je me rends directement au Café des Arts où je continue ma lecture. A un moment une fenêtre s’ouvre en face et une femme met de la musique à fond en faisant des doigts d’honneur à la clientèle. « Oui, on a une voisine folle, ne vous inquiétez pas», explique la serveuse du jour. Cela ne dure pas, la folle a de la famille qui la calme.
J’ai prés de moi cinq lycéennes qui sèchent un cours de maths. Le « Je m’en bats les couilles » de l’une n’a pas de quoi me surprendre, mais les entendre s’interpeller en s’appelant « mec », entendre l’une qui éternue dire « Je suis désolée, les gars », une autre dire « Ecoutez-moi tous », j’ai dû louper un épisode.
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Il y eut Saint Bernard et plus près de nous François de Menthon, Procureur au Procès de Nuremberg, Ministre du Général de Gaulle, lequel a dormi au Château (comme avant lui Jean-Jacques Rousseau).
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Mise sous verre dans la salle du Café de la Place, la couverture d’un vieux numéro de Charlie Hebdo, un dessin de Reiser représentant un pilier de bar au nez rouge devant un verre de vin de même couleur qui déclare « Faut que je rentre, Chaban va causer ».
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Ecran publicitaire dans la vitrine de la pharmacie donnant sur la place : « Et si la contention devenait tendance ? ». Toute tentative de rendre sexy l’abominable vieillesse est vouée à l’échec.
13 octobre 2023
Encore dans le bus Cinquante terminus Duingt Eglise, ce jeudi matin, mais pour en descendre assez vite à l’arrêt Riant Port de Sevrier, commune en longueur contigüe à Annecy. Le lac n’est pas loin de la route à cet endroit et le port assez étendu dont il est agréable de parcourir en solitaire les quais et les pontons.
Je marche ensuite jusqu’à la plage qui se vante d’être de sable. Un homme nage seul dans la fraîcheur du petit matin. Là-bas, le clocher de l’église m’indique le cœur de ce long bourg. Pas loin de cette église est le Boull’Café. J’y bois un café verre d’eau à un euro soixante-dix perché en terrasse avec vue sur la départementale Annecy Albertville.
La patronne m’explique où trouver la Fonderie Paccard. Ce n’est pas tout près. Il me faut marcher longuement sur le trottoir de cette route à voitures et camions avant d’arriver au rond-point du Carrefour Market. Le Musée de la Cloche et la Fonderie Paccard se trouvent derrière. Je n’imaginais pas ça comme ça, ni dans un pareil environnement. Ce banal bâtiment industriel n’est pas à l’image que je me faisais d’une entreprise datant de mil sept cent quatre-vingt-seize dont les cloches (certaines énormes) sont présentes dans le monde entier. Des vieilles et des vieux sortent de leur voiture ou descendent d’un autocar pour visiter le Musée de la Cloche. L’envie me manque d’en faire autant.
Par bonheur, il y a à proximité un arrêt de bus. Le prochain Cinquante est dans une demi-heure. Je l’attends face à l’Hôtel Restaurant Le P’tit Savoyard. Il est à vendre. Depuis un moment, semble-t-il.
A l’arrivée à Annecy, j’ai une heure pour lire Saint-Simon dans les Jardins de l’Europe entre le Pont des Amours et l’Ile aux Cygnes. A midi, à La Cuisine des Amis, mon repas se compose d’une cuisse de canard confite avec purée, d’un chou farci et d’un café.
Saint-Simon m’intéresse à nouveau car il raconte enfin les ultimes jours de Louis le Quatorzième, en insistant sur tout ce que Sa Majesté fait pour la dernière fois. Je ne saute donc pas de page au Café des Arts où opère un serveur pas encore vu. On y prépare pour la fin de l’après-midi l’Oktoberfest, une opération commerciale de la brasserie munichoise Paulaner. Cela met en joie mes voisins allemands.
*
Des fausses muettes qui veulent vous faire signer une pétition, cela existe encore à Annecy.
*
Le nombre de filles qui mangent au restaurant avec leur mère.
Celle du jour, enceinte, raconte à sa génitrice qu’elle et son mari ont fermé les yeux ce matin lors de l’échographie pour ne pas connaître le sexe du futur bébé.
Ont dû aussi fermer les oreilles lors de sa conception, pour ne pas entendre les nouvelles sur l’état du monde.
Je marche ensuite jusqu’à la plage qui se vante d’être de sable. Un homme nage seul dans la fraîcheur du petit matin. Là-bas, le clocher de l’église m’indique le cœur de ce long bourg. Pas loin de cette église est le Boull’Café. J’y bois un café verre d’eau à un euro soixante-dix perché en terrasse avec vue sur la départementale Annecy Albertville.
La patronne m’explique où trouver la Fonderie Paccard. Ce n’est pas tout près. Il me faut marcher longuement sur le trottoir de cette route à voitures et camions avant d’arriver au rond-point du Carrefour Market. Le Musée de la Cloche et la Fonderie Paccard se trouvent derrière. Je n’imaginais pas ça comme ça, ni dans un pareil environnement. Ce banal bâtiment industriel n’est pas à l’image que je me faisais d’une entreprise datant de mil sept cent quatre-vingt-seize dont les cloches (certaines énormes) sont présentes dans le monde entier. Des vieilles et des vieux sortent de leur voiture ou descendent d’un autocar pour visiter le Musée de la Cloche. L’envie me manque d’en faire autant.
Par bonheur, il y a à proximité un arrêt de bus. Le prochain Cinquante est dans une demi-heure. Je l’attends face à l’Hôtel Restaurant Le P’tit Savoyard. Il est à vendre. Depuis un moment, semble-t-il.
A l’arrivée à Annecy, j’ai une heure pour lire Saint-Simon dans les Jardins de l’Europe entre le Pont des Amours et l’Ile aux Cygnes. A midi, à La Cuisine des Amis, mon repas se compose d’une cuisse de canard confite avec purée, d’un chou farci et d’un café.
Saint-Simon m’intéresse à nouveau car il raconte enfin les ultimes jours de Louis le Quatorzième, en insistant sur tout ce que Sa Majesté fait pour la dernière fois. Je ne saute donc pas de page au Café des Arts où opère un serveur pas encore vu. On y prépare pour la fin de l’après-midi l’Oktoberfest, une opération commerciale de la brasserie munichoise Paulaner. Cela met en joie mes voisins allemands.
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Des fausses muettes qui veulent vous faire signer une pétition, cela existe encore à Annecy.
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Le nombre de filles qui mangent au restaurant avec leur mère.
Celle du jour, enceinte, raconte à sa génitrice qu’elle et son mari ont fermé les yeux ce matin lors de l’échographie pour ne pas connaître le sexe du futur bébé.
Ont dû aussi fermer les oreilles lors de sa conception, pour ne pas entendre les nouvelles sur l’état du monde.
12 octobre 2023
Ce mercredi, retour à Talloires avec le bus Soixante dont je descends à Ecoles. Par le chemin des Moulins qui longe l’église au-dessus de laquelle vole une montgolfière puis par le chemin de la Colombière où se trouve l’antenne européenne de la Tufts University, je rejoins le port qui prend ses aises dans la baie. On voit ici l’Abbaye, un bâtiment sans grand intérêt, ancien prieuré transformé en hôtel chic.
A cet endroit commence le chemin des Moines.qui suit le port en arc de cercle. J’ai en ligne de mire une maison blanche dont les deux fenêtres pourraient être les yeux et qui semble avoir une bouche boudeuse. A un moment, le chemin franchit un portillon et devient très étroit. Une pancarte indique « Secteur de la Grotte aux Oiseaux, passage escarpé, portez des chaussures de marches adaptées » (sic, comme on dit). Je n’ai que des Doc percées mais je m’y engage.
Plus que tomber dans le lac, je crains d’avoir à croiser quelqu'un, mais il n’y a personne ce matin dans le port de Talloires. Après la maison blanche, le chemin s’élargit à nouveau et devient forestier. On entre dans la Réserve Naturelle du Roc de Chère. Au bout de quelques mètres, il faut grimper dans la montagne par un escalier à marches de bois dont je ne vois pas le bout. Je ne m’y risque pas.
Je reviens par le passage périlleux jusqu'au tranquille chemin des Moines puis monte dans le centre du bourg dominé par les Dents de Landon qui me rappellent en moins grandiose les Dentelles de Montmirail.
Aujourd’hui, le Café Gisèle est ouvert. C’est à sa terrasse que je prends un café à deux euros avec un grand verre d’eau. Un couple d’Australiens est ma seule compagnie. N’ayant pas envie de déjeuner au village, je reste là jusqu’à ce qu’il soit l’heure d’un bus pour rentrer à Annecy. « Pourquoi Gisèle ? » demandé-je quand je paie à l’une des deux jeunes femmes qui gèrent l’endroit. « C’est pour le côté marrant, c’est en rapport avec la Gisèle des Bronzés font du ski. Entre nous on s’appelle les Gigi. » « Je pensais que c’était en référence à Gisèle Halimi », lui dis-je. « Ça peut aussi, mais ça c’est venu après, d’abord c’est le côté foufou. » Elles le cachent bien.
Encore une fois, je déjeune à La Cuisine des Amis. D’une petite cuisse de lapin et d’un minuscule creume-beule aux poires. C’est un jour de ciel bleu à lire sur un banc près de l’embarcadère puis au Café des Arts où ma serveuse préférée est absente. J’ai de plus en plus de mal avec le troisième volume Folio des Mémoires de Saint-Simon. Je le lis en diagonale. Cette niaiserie de lui : Une idée sans exécution est un songe. Cela me fait penser aux maximes de Monsieur Rêve, philosophe rouennais.
*
En face de Talloires, c’est Duingt. Vu d’ici ça fait envie.
A cet endroit commence le chemin des Moines.qui suit le port en arc de cercle. J’ai en ligne de mire une maison blanche dont les deux fenêtres pourraient être les yeux et qui semble avoir une bouche boudeuse. A un moment, le chemin franchit un portillon et devient très étroit. Une pancarte indique « Secteur de la Grotte aux Oiseaux, passage escarpé, portez des chaussures de marches adaptées » (sic, comme on dit). Je n’ai que des Doc percées mais je m’y engage.
Plus que tomber dans le lac, je crains d’avoir à croiser quelqu'un, mais il n’y a personne ce matin dans le port de Talloires. Après la maison blanche, le chemin s’élargit à nouveau et devient forestier. On entre dans la Réserve Naturelle du Roc de Chère. Au bout de quelques mètres, il faut grimper dans la montagne par un escalier à marches de bois dont je ne vois pas le bout. Je ne m’y risque pas.
Je reviens par le passage périlleux jusqu'au tranquille chemin des Moines puis monte dans le centre du bourg dominé par les Dents de Landon qui me rappellent en moins grandiose les Dentelles de Montmirail.
Aujourd’hui, le Café Gisèle est ouvert. C’est à sa terrasse que je prends un café à deux euros avec un grand verre d’eau. Un couple d’Australiens est ma seule compagnie. N’ayant pas envie de déjeuner au village, je reste là jusqu’à ce qu’il soit l’heure d’un bus pour rentrer à Annecy. « Pourquoi Gisèle ? » demandé-je quand je paie à l’une des deux jeunes femmes qui gèrent l’endroit. « C’est pour le côté marrant, c’est en rapport avec la Gisèle des Bronzés font du ski. Entre nous on s’appelle les Gigi. » « Je pensais que c’était en référence à Gisèle Halimi », lui dis-je. « Ça peut aussi, mais ça c’est venu après, d’abord c’est le côté foufou. » Elles le cachent bien.
Encore une fois, je déjeune à La Cuisine des Amis. D’une petite cuisse de lapin et d’un minuscule creume-beule aux poires. C’est un jour de ciel bleu à lire sur un banc près de l’embarcadère puis au Café des Arts où ma serveuse préférée est absente. J’ai de plus en plus de mal avec le troisième volume Folio des Mémoires de Saint-Simon. Je le lis en diagonale. Cette niaiserie de lui : Une idée sans exécution est un songe. Cela me fait penser aux maximes de Monsieur Rêve, philosophe rouennais.
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En face de Talloires, c’est Duingt. Vu d’ici ça fait envie.
11 octobre 2023
Ce mardi matin, je compte utiliser le montant non débité sur ma carte de car lors de mon retour du Grand-Bornand pour aller à Thônes, à mi-chemin entre Annecy et ce Grand-Bornand, mais quand je monte dans le car de huit heures vingt-cinq, le chauffeur me dit que le valideur ne fonctionne pas « Allez-y, c’est open bar. » Un couple d’Anglais qui a choisi de payer en liquide n’a pas cette chance. L’homme demande quelle est la meilleure place pour voyer. Le chauffeur les installe devant à sa droite, c’est là qu’ils verront le mieux. Un endroit où je ne m’assois jamais, trop dangereux en cas d’accident.
Les arrêts ne sont pas signalés dans les cars à Wauquiez. Je demande à ce chauffeur de m’arrêter à la Gare Routière de Thônes. Il m’apprend qu’aujourd’hui cet arrêt va être déplacé en raison de travaux. Quand on arrive, c’est toujours à la même place. « Au retour, il vaut mieux aller en bas », me dit-il. En bas, où ça ? Il ne prend pas le temps de m’expliquer ça clairement.
Il fait beau ce matin quand je me dirige vers le centre de Thônes guidé par son église à bulbes à la pointe effilée. Je passe prés d’un vieux pont sur le Fier. A côté de l’église, la Mairie est du genre je me pose un peu là. Je vois aussi les vieilles demeures de ce « gros bourg pas désagréable, bien situé en tout cas entre Annecy et les Aravis », comme dit mon vieux Guide du Routard. Ensuite que faire ? Je n’ai pas l’intention de grimper dans la montagne, ni l’envie de me balader le long du modeste Fier, aussi je décide de rentrer.
Un ouvrier de la voirie en travaux m’explique que pour être sûr d’être pris par le car je peux marcher cinq cents mètres jusqu’à la Coopérative du Reblochon. Ce que je fais et me poste devant l’arrêt Les Perrasses. Un car arrive vers dix heures dix. Je valide ce retour grâce à l’avoir de ma carte. Voilà une escapade à Thônes qui ne m’aura rien coûté. Durant le trajet, je peux voir de près l’impressionnant Château de Menthon occupé par la même famille depuis bientôt mille ans.
A midi, je retrouve La Cuisine des Amis, bavette sauce champignons purée maison légumes, moelleux au chocolat et café. Au bout d’une demi-heure, le plat du jour devient indisponible. Le précédent de l’autre fois n’était donc pas un accident.
Pour lire Saint-Simon, qui m’ennuie en ce moment à se faire mousser pour les conseils qu’il prodigue au Duc d’Orléans avant la mort de Louis le Quatorzième, je choisis un banc à l’ombre près de l’embarcadère, côté Marquisats, puis comme c'est jour de relâche au Café des Arts, je vais me percher au Café des Ducs. On y est fébrile en raison du gros évènement de samedi prochain. Il est question du nombre de fûts de bière à rentrer demain, des tireuses à mettre en place et d’un barnum qu’on ne peut monter que si on est quatre, rappelle-toi l’an dernier comme on en a bavé.
*
A la Gare Routière, un car dont la destination est Usine Mobalpa.
*
« Ta mère fait les courses. Moi je suis parti marcher au bord du lac. » ‘ (Un homme au téléphone, avachi sur un banc)
*
Celui qui, muni d’une petite passoire emmanchée sur un long bâton, pêche les pièces que jettent les touristes dans l’eau du vieux puits d’Annecy.
Un témoin : « La police vous dit rien ? »
Lui : « Ah bah, ils aiment pas. »
Un quinquagénaire qui n’a pas l’apparence d’un pauvre.
Les arrêts ne sont pas signalés dans les cars à Wauquiez. Je demande à ce chauffeur de m’arrêter à la Gare Routière de Thônes. Il m’apprend qu’aujourd’hui cet arrêt va être déplacé en raison de travaux. Quand on arrive, c’est toujours à la même place. « Au retour, il vaut mieux aller en bas », me dit-il. En bas, où ça ? Il ne prend pas le temps de m’expliquer ça clairement.
Il fait beau ce matin quand je me dirige vers le centre de Thônes guidé par son église à bulbes à la pointe effilée. Je passe prés d’un vieux pont sur le Fier. A côté de l’église, la Mairie est du genre je me pose un peu là. Je vois aussi les vieilles demeures de ce « gros bourg pas désagréable, bien situé en tout cas entre Annecy et les Aravis », comme dit mon vieux Guide du Routard. Ensuite que faire ? Je n’ai pas l’intention de grimper dans la montagne, ni l’envie de me balader le long du modeste Fier, aussi je décide de rentrer.
Un ouvrier de la voirie en travaux m’explique que pour être sûr d’être pris par le car je peux marcher cinq cents mètres jusqu’à la Coopérative du Reblochon. Ce que je fais et me poste devant l’arrêt Les Perrasses. Un car arrive vers dix heures dix. Je valide ce retour grâce à l’avoir de ma carte. Voilà une escapade à Thônes qui ne m’aura rien coûté. Durant le trajet, je peux voir de près l’impressionnant Château de Menthon occupé par la même famille depuis bientôt mille ans.
A midi, je retrouve La Cuisine des Amis, bavette sauce champignons purée maison légumes, moelleux au chocolat et café. Au bout d’une demi-heure, le plat du jour devient indisponible. Le précédent de l’autre fois n’était donc pas un accident.
Pour lire Saint-Simon, qui m’ennuie en ce moment à se faire mousser pour les conseils qu’il prodigue au Duc d’Orléans avant la mort de Louis le Quatorzième, je choisis un banc à l’ombre près de l’embarcadère, côté Marquisats, puis comme c'est jour de relâche au Café des Arts, je vais me percher au Café des Ducs. On y est fébrile en raison du gros évènement de samedi prochain. Il est question du nombre de fûts de bière à rentrer demain, des tireuses à mettre en place et d’un barnum qu’on ne peut monter que si on est quatre, rappelle-toi l’an dernier comme on en a bavé.
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A la Gare Routière, un car dont la destination est Usine Mobalpa.
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« Ta mère fait les courses. Moi je suis parti marcher au bord du lac. » ‘ (Un homme au téléphone, avachi sur un banc)
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Celui qui, muni d’une petite passoire emmanchée sur un long bâton, pêche les pièces que jettent les touristes dans l’eau du vieux puits d’Annecy.
Un témoin : « La police vous dit rien ? »
Lui : « Ah bah, ils aiment pas. »
Un quinquagénaire qui n’a pas l’apparence d’un pauvre.
10 octobre 2023
Ça commence très bien ce lundi. Après être descendu du bus Cinquante à son terminus, Eglise de Duingt, et avoir dépassé la presqu’île du château, je trouve entre le lac d’Annecy et la route qui mène à Albertville, un cheminement piétonnier en béton surélevé où je me sens en sécurité. Dans le ciel, cinq montgolfières assurent le spectacle. De temps à autre, j’entends le bruit caractéristique des flammes que l’on relance pour donner de l’altitude à ces gros ballons.
Quand les montgolfières disparaissent, mon chenin en béton fait de même. Il me faut traverser la route où filent les voitures et marcher de ce côté sur un trottoir étroit qui souvent n’est qu’un bas-côté périlleux. Dans quelle dinguerie me suis-je lancé en voulant aller à pied à Bout du Lac, hameau de Doussard. Voitures et camions me frôlent à cinquante centimètres. Aucun bicycliste ne circule sur cette route, il n’en sortirait pas vivant.
De plus, j’ai sous-estimé la distance à parcourir. Je suis loin de voir la queue du lac mais obligé de continuer maintenant que j’ai déjà marché si loin.
Enfin j’arrive au panneau Doussard Bout du Lac. Un peu plus loin est un petit port. Je traverse une nouvelle fois la dangereuse route pour m’en approcher. Il y a là aussi un arrêt du car Albertville Annecy. Il en est un de prévu dans cinq minutes que je décide de prendre. Je n’aurai donc pas vu la réserve naturelle que je devine au bout du bout du lac.
Pour un euro cinquante, je rejoins Duingt. Aujourd’hui son bar tabac brasserie Le Millésime est ouvert. On pourrait croire que sa jeune patronne fait la tronche mais elle n’est qu’une Savoyarde comme beaucoup d’autres. Sous la surveillance d’une caméra murale, je bois un café verre d’eau à la terrasse intérieure pleine de laisser-aller et de jouets d’enfant. Quand je paie un euro soixante-dix à cette personne maussade, je lui demande si elle sert à manger à midi. Evidemment non.
Je rentre donc à Annecy avec le bus Cinquante et à midi, comme Le Napoli et La Cuisine des Amis sont fermés, j’essaie le Bistrot du Pâquier et ne suis pas déçu. La cuisine y est réellement maison. Il y a longtemps que je n’ai mangé des frites aussi bonnes que celles qui accompagnent mon pavé de rumsteck. Avec mon entremet aux poires, j’en ai pour seize euros.
Je vais lire prés du Pont des Amours, sur l’un des bancs d’un loueur de pédalos absent. A peine y suis-je qu’une jeune fille à veste mauve s’assoit devant moi au bout du ponton. Comment résister à l’envie de sortir mon appareil. Je fais trois photos d’elle.
Vers quatorze heures, je rejoins le Café des Arts où des tables sont libres et la musique appropriée à la météo, Sunny Afternoon des Kinks. Mon café m’est apporté par ma serveuse préférée. Il me faut peu de temps pour que j’aie une serveuse préférée et c’est souvent une fille qui semble sortie des années Soixante-Dix, écris-je dans mon carnet. Dix minutes plus tard, elle revient me voir. « Je peux t’encaisser, s’il te plaît ? ». « Et voilà pour toi », me dit-elle en me rendant la monnaie. Il y a au moins une personne chaleureuse parmi les Savoyard(e)s, si elle en est une.
*
C'est en forêt, dans la commune de Doussard, et non pas dans celle de Chevaline, comme il a été relaté par les journalistes, que le cinq septembre deux mille douze, quatre personnes ont été tuées : trois touristes britanniques et un bicycliste habitant la région (affaire dite de la tuerie de Chevaline).
Quand les montgolfières disparaissent, mon chenin en béton fait de même. Il me faut traverser la route où filent les voitures et marcher de ce côté sur un trottoir étroit qui souvent n’est qu’un bas-côté périlleux. Dans quelle dinguerie me suis-je lancé en voulant aller à pied à Bout du Lac, hameau de Doussard. Voitures et camions me frôlent à cinquante centimètres. Aucun bicycliste ne circule sur cette route, il n’en sortirait pas vivant.
De plus, j’ai sous-estimé la distance à parcourir. Je suis loin de voir la queue du lac mais obligé de continuer maintenant que j’ai déjà marché si loin.
Enfin j’arrive au panneau Doussard Bout du Lac. Un peu plus loin est un petit port. Je traverse une nouvelle fois la dangereuse route pour m’en approcher. Il y a là aussi un arrêt du car Albertville Annecy. Il en est un de prévu dans cinq minutes que je décide de prendre. Je n’aurai donc pas vu la réserve naturelle que je devine au bout du bout du lac.
Pour un euro cinquante, je rejoins Duingt. Aujourd’hui son bar tabac brasserie Le Millésime est ouvert. On pourrait croire que sa jeune patronne fait la tronche mais elle n’est qu’une Savoyarde comme beaucoup d’autres. Sous la surveillance d’une caméra murale, je bois un café verre d’eau à la terrasse intérieure pleine de laisser-aller et de jouets d’enfant. Quand je paie un euro soixante-dix à cette personne maussade, je lui demande si elle sert à manger à midi. Evidemment non.
Je rentre donc à Annecy avec le bus Cinquante et à midi, comme Le Napoli et La Cuisine des Amis sont fermés, j’essaie le Bistrot du Pâquier et ne suis pas déçu. La cuisine y est réellement maison. Il y a longtemps que je n’ai mangé des frites aussi bonnes que celles qui accompagnent mon pavé de rumsteck. Avec mon entremet aux poires, j’en ai pour seize euros.
Je vais lire prés du Pont des Amours, sur l’un des bancs d’un loueur de pédalos absent. A peine y suis-je qu’une jeune fille à veste mauve s’assoit devant moi au bout du ponton. Comment résister à l’envie de sortir mon appareil. Je fais trois photos d’elle.
Vers quatorze heures, je rejoins le Café des Arts où des tables sont libres et la musique appropriée à la météo, Sunny Afternoon des Kinks. Mon café m’est apporté par ma serveuse préférée. Il me faut peu de temps pour que j’aie une serveuse préférée et c’est souvent une fille qui semble sortie des années Soixante-Dix, écris-je dans mon carnet. Dix minutes plus tard, elle revient me voir. « Je peux t’encaisser, s’il te plaît ? ». « Et voilà pour toi », me dit-elle en me rendant la monnaie. Il y a au moins une personne chaleureuse parmi les Savoyard(e)s, si elle en est une.
*
C'est en forêt, dans la commune de Doussard, et non pas dans celle de Chevaline, comme il a été relaté par les journalistes, que le cinq septembre deux mille douze, quatre personnes ont été tuées : trois touristes britanniques et un bicycliste habitant la région (affaire dite de la tuerie de Chevaline).
9 octobre 2023
Ce dimanche avant la messe, je mets le pied dans deux imposants édifices religieux si proches l’un de l’autre qu’en arrivant j’ai pris le premier vu, Notre Dame de la Liesse, pour le second, la Cathédrale Saint Pierre. La façade remarquable de cette dernière ne me plaît guère, je la préfère par derrière. Et entre les deux, j’aime mieux et de loin Notre Dame de la Liesse. J’ose écrire qu’elle me met en liesse. Je parle de sa façade qui est contiguë à celle d'une belle demeure.
Pour ce qui est de l’intérieur les deux se valent, c’est sombre et il y fait doux. Après cette double visite, je vais lire Saint-Simon au bord du Thiou dans les Jardins de l’Europe me demandant d’où viennent toutes ces familles qui envahissent la ville.
Heureusement que j’arrive à midi pile à La Cuisine des Amis car un quart d’heure plus tard, plus une table n’est libre à l’intérieur comme à l’extérieur. Pour vingt euros soixante, j’ai droit à un suprême de pintade sauce forestière purée maison légumes, une part de tarte aux myrtilles et un café, ce dont je ne me plains pas.
C’est sur la promenade du Docteur-Servettaz entre le Pâquier et le Parc Charles-Bosson que je cherche un banc à l’ombre. Quand je le trouve, un couple de vieux me fonce dessus, elle me disant « On s’assoit aussi ». « Alors je m’en vais », lui dis-je en reprenant mes affaires. « On peut se mettre à plusieurs », me rétorque-t-elle. « Je ne suis pas communiste ».
Un peu plus loin, j’en trouve un où je peux être assis seul pour lire avec sous les yeux les montagnes dans leur superbe lumière, les voiliers et autres objets flottants et la foule qui passe dans un sens et dans l’autre, les piétons devant moi, les bicyclistes derrière moi, deux flux ininterrompus.
*
Le dimanche, certains font de la bicyclette en évoquant leurs occupations professionnelles (et il faut parler fort pour se comprendre quand on pédale).
*
Un père à sa fille de trois ans : « C’est ça que tu ne comprends pas dans ta petite tête d’idiote ». La mère ne dit rien.
*
Saint-Simon : Il y avait longtemps que je pensais à l’avenir, et que j’avais fait bien des réflexions sur un temps aussi important et aussi critique.
Ce que je fais moi-même depuis un moment, chaque jour et chaque nuit, songeant à la fois à l’état du monde et à cette période de ma vie qui me voit musarder deci delà et est l’avant-dernière.
Pour ce qui est de l’intérieur les deux se valent, c’est sombre et il y fait doux. Après cette double visite, je vais lire Saint-Simon au bord du Thiou dans les Jardins de l’Europe me demandant d’où viennent toutes ces familles qui envahissent la ville.
Heureusement que j’arrive à midi pile à La Cuisine des Amis car un quart d’heure plus tard, plus une table n’est libre à l’intérieur comme à l’extérieur. Pour vingt euros soixante, j’ai droit à un suprême de pintade sauce forestière purée maison légumes, une part de tarte aux myrtilles et un café, ce dont je ne me plains pas.
C’est sur la promenade du Docteur-Servettaz entre le Pâquier et le Parc Charles-Bosson que je cherche un banc à l’ombre. Quand je le trouve, un couple de vieux me fonce dessus, elle me disant « On s’assoit aussi ». « Alors je m’en vais », lui dis-je en reprenant mes affaires. « On peut se mettre à plusieurs », me rétorque-t-elle. « Je ne suis pas communiste ».
Un peu plus loin, j’en trouve un où je peux être assis seul pour lire avec sous les yeux les montagnes dans leur superbe lumière, les voiliers et autres objets flottants et la foule qui passe dans un sens et dans l’autre, les piétons devant moi, les bicyclistes derrière moi, deux flux ininterrompus.
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Le dimanche, certains font de la bicyclette en évoquant leurs occupations professionnelles (et il faut parler fort pour se comprendre quand on pédale).
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Un père à sa fille de trois ans : « C’est ça que tu ne comprends pas dans ta petite tête d’idiote ». La mère ne dit rien.
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Saint-Simon : Il y avait longtemps que je pensais à l’avenir, et que j’avais fait bien des réflexions sur un temps aussi important et aussi critique.
Ce que je fais moi-même depuis un moment, chaque jour et chaque nuit, songeant à la fois à l’état du monde et à cette période de ma vie qui me voit musarder deci delà et est l’avant-dernière.
8 octobre 2023
C’est par elle que l’on reconnaît Annecy de loin, tellement elle dépasse, dressée sur le Crêt du Maure, premier contrefort du Massif du Semnoz, la Basilique de la Visitation, construite entre mil neuf cent vingt-deux et mil neuf cent trente. Ce samedi matin, après avoir profité du soleil au Café des Ducs lors de mon petit-déjeuner, je décide d’aller la voir de près.
Pour ce faire, je grimpe la côte Perrière qui part du pont du même nom, celui qui sert à se photographier devant la proue du Palais de l’Ile. Ça monte bien, puis dans les rues suivantes un peu moins, enfin il me faut grimper un escalier qui tue. Je suis fort essoufflé quand j’en atteins le haut où sont assises deux femmes. « Attends, je vais descendre faire une photo », dit l’une à l’autre. « Il faudra remonter », lui dis-je. « Oh, on l’a déjà fait plusieurs fois. », me dit l’autre « Ah oui, je vois, vous êtes des masochistes. » « C’est exactement ça. »
Tout le monde n’arrive pas ici à pied. La place près de l’imposant édifice sert de parquigne à des campigne-cars. J’entre et vais voir de chaque côté du chœur les reliques de Saint François de Sales et de Sainte Jeanne de Chantal.
Mon exploit de la journée étant accompli, je redescends par le même escalier que s’apprêtent à monter cinq jeunes dont une fille à béquilles, puis je trouve un raccourci sous la forme d’un chemin de terre qui traverse une sorte de parc pas entretenu où dorment sous des tentes des sans logis. Ce sentier me conduit à proximité du Thiou côté Marquisats. On y prépare les bateaux promène-touristes. Ce sera une grosse journée, il fait beau, la foule est de retour.
Avant de ne plus pouvoir le faire, je vais boire un café au Café des Arts et y lis Saint-Simon. A midi, je déjeune au Napoli du même faux-filet que samedi dernier et d’une tarte aux myrtilles qui ne vaut celles que l’on sert en Alsace dans les fermes-auberges. La patronne me demande si je suis en vacances et d’où je viens. Des questions auxquelles je n’aime pas répondre. A ma droite est un jeune couple. Elle trouve que les façades colorées de la rue du Pâquier font penser à Cuba où elle n’est jamais allée.
Mon addition réglée, je vais lire dans les Jardins de l’Europe, sur un banc à l’ombre, près d’un autre où pique-niquent des grands-parents et leurs deux grandes petites-filles. Un animal les embête. « C’est un frelon, dit le grand-père, il est même asiatique ». Les voici bientôt tous les quatre debout autour du banc. Jusqu’à ce que la bestiole aille voir ailleurs.
Ce que je fais moi aussi. Malgré le monde je peux m’asseoir à une table haute au Café des Ducs où le principal serveur prénommé Enguerrand sait quoi m’apporter. « Santé ! », dit-il quand il dépose ma tasse de café et mon verre d’eau.
*
Deux ambiances musicales, Otis Redding au Café des Arts, Alpha Blondy au Café des Ducs, chacune à mon goût.
Pour ce faire, je grimpe la côte Perrière qui part du pont du même nom, celui qui sert à se photographier devant la proue du Palais de l’Ile. Ça monte bien, puis dans les rues suivantes un peu moins, enfin il me faut grimper un escalier qui tue. Je suis fort essoufflé quand j’en atteins le haut où sont assises deux femmes. « Attends, je vais descendre faire une photo », dit l’une à l’autre. « Il faudra remonter », lui dis-je. « Oh, on l’a déjà fait plusieurs fois. », me dit l’autre « Ah oui, je vois, vous êtes des masochistes. » « C’est exactement ça. »
Tout le monde n’arrive pas ici à pied. La place près de l’imposant édifice sert de parquigne à des campigne-cars. J’entre et vais voir de chaque côté du chœur les reliques de Saint François de Sales et de Sainte Jeanne de Chantal.
Mon exploit de la journée étant accompli, je redescends par le même escalier que s’apprêtent à monter cinq jeunes dont une fille à béquilles, puis je trouve un raccourci sous la forme d’un chemin de terre qui traverse une sorte de parc pas entretenu où dorment sous des tentes des sans logis. Ce sentier me conduit à proximité du Thiou côté Marquisats. On y prépare les bateaux promène-touristes. Ce sera une grosse journée, il fait beau, la foule est de retour.
Avant de ne plus pouvoir le faire, je vais boire un café au Café des Arts et y lis Saint-Simon. A midi, je déjeune au Napoli du même faux-filet que samedi dernier et d’une tarte aux myrtilles qui ne vaut celles que l’on sert en Alsace dans les fermes-auberges. La patronne me demande si je suis en vacances et d’où je viens. Des questions auxquelles je n’aime pas répondre. A ma droite est un jeune couple. Elle trouve que les façades colorées de la rue du Pâquier font penser à Cuba où elle n’est jamais allée.
Mon addition réglée, je vais lire dans les Jardins de l’Europe, sur un banc à l’ombre, près d’un autre où pique-niquent des grands-parents et leurs deux grandes petites-filles. Un animal les embête. « C’est un frelon, dit le grand-père, il est même asiatique ». Les voici bientôt tous les quatre debout autour du banc. Jusqu’à ce que la bestiole aille voir ailleurs.
Ce que je fais moi aussi. Malgré le monde je peux m’asseoir à une table haute au Café des Ducs où le principal serveur prénommé Enguerrand sait quoi m’apporter. « Santé ! », dit-il quand il dépose ma tasse de café et mon verre d’eau.
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Deux ambiances musicales, Otis Redding au Café des Arts, Alpha Blondy au Café des Ducs, chacune à mon goût.
7 octobre 2023
Huit euros, c’est le prix à payer pour aller d’Annecy à La Clusaz ou au Grand-Bornand avec le car de la Région (merci Laurent Wauquiez) et pareil pour le retour. J’ai une carte achetée seize euros à la boutique de la Gare Routière. Je valide mon aller dans le car de huit heures vingt-cinq ce vendredi. Nous ne sommes que quatre passagers au départ, un cinquième ayant été débarqué par le contrôleur. Certains n’iront pas au bout et paient donc moins cher que moi.
Le car contourne le lac par Chavoires, ce qui me vaut de voir les deux pêcheurs d’hier au bout du même ponton. Arrivé à Veyrier-du-Lac, il tourne à gauche à l’assaut de la montagne et je boucle ma ceinture de sécurité. Col de Bluffy, une belle église à Alex, Pays du Reblochon, Nécropole des Glières, Thônes, Les Villards-de-Thônes et son clocher à bulbes, Saint-Jean-de-Sixt, la Chaîne des Aravis et nous voici à la Gare Routière de La Clusaz au pied des remontées mécaniques. Je descends ainsi qu’une jeune femme, direction le village dont on devine l’église en contrebas malgré le soleil dans les yeux.
Je visite assez vite cet endroit que je connais déjà et reviens à la Gare Routière pour attraper le car suivant qui passe à dix heures vingt-cinq. Je paie un euro cinquante au chauffeur qui voyageait tout seul pour aller à l’étape suivante, le terminus à la Gare Routière du Grand-Bornand (Grand-Bo pour les intimes), laquelle se trouve en contrebas de l’église à bulbes.
Après être entré dans cette église que balaie une paroissienne, je fais le tour du village où des ouvriers se livrent à de bruyants travaux de voirie. Je photographie les plus beaux chalets puis m’assois à la terrasse ensoleillée de L’Optraken pour un café à un euro quatre-vingts suivi d’un peu de lecture. J’ai prés de moi quatre femmes futiles qui parlent fringues « Ouais, cet après-midi, je fais mon armoire ».
Des restaurants étant fermés, le choix est limité pour déjeuner. J’opte pour l’Hôtel Restaurant La Pointe Percée qui annonce un menu du jour à dix-sept euros, en réalité une formule plat dessert. Cela se résume à un burgueur et deux boules de glace, mais c’est bon. Ne mangent ici avec moi à l’ombre de la terrasse que des duos d’ouvriers. Eux aussi subissent le bruit de leurs collègues de la voirie qui n’ont pas de pause-déjeuner. Cette nuisance sonore me fait renoncer à un café. Je vais attendre le car de treize heures quarante au bord du ruisseau qui coule en contrebas, nommé le Borne.
Le valideur étant hors service, le chauffeur me dit que c’est bon. Me voici avec un retour à huit euros non consommé. Pas grand-monde encore dans ce car, un peu de jeunesse y monte en cours de route pour aller à la ville.
*
La Clusaz, j’y ai loué un gîte rural autrefois avec celle qui habite à Asnières quand elle me tenait la main. Je me souviens d’un dîner dans une ferme-auberge, une poule cuite dans la paille. J’y suis passé également avec celle qui habite à Montreuil du temps où elle me tenait la main. En hiver aussi, il y a fort longtemps, quand je vivais avec d’autres élèves-maitres de l’Ecole Normale d’Evreux dans la pseudo communauté des Grands Baux, Je me souviens qu’un soir dans un restaurant, l’un de nous s’adressant à quelqu’un qui avait perdu quelque chose lui avait dit « Si c’est les lunettes que vous cherchez, elles sont sur le nez » et que ça avait failli mal tourner.
*
La Clusaz, Le Grand-Bornand, ces villages de chalets de montagne ne font pas partie des lieux où je me sens bien.
De plus, il y a partout des escaliers plus ou moins éclairés et ça devient dangereux pour le vieux que je suis. Je dois sans cesse être sur mes gardes.
Le car contourne le lac par Chavoires, ce qui me vaut de voir les deux pêcheurs d’hier au bout du même ponton. Arrivé à Veyrier-du-Lac, il tourne à gauche à l’assaut de la montagne et je boucle ma ceinture de sécurité. Col de Bluffy, une belle église à Alex, Pays du Reblochon, Nécropole des Glières, Thônes, Les Villards-de-Thônes et son clocher à bulbes, Saint-Jean-de-Sixt, la Chaîne des Aravis et nous voici à la Gare Routière de La Clusaz au pied des remontées mécaniques. Je descends ainsi qu’une jeune femme, direction le village dont on devine l’église en contrebas malgré le soleil dans les yeux.
Je visite assez vite cet endroit que je connais déjà et reviens à la Gare Routière pour attraper le car suivant qui passe à dix heures vingt-cinq. Je paie un euro cinquante au chauffeur qui voyageait tout seul pour aller à l’étape suivante, le terminus à la Gare Routière du Grand-Bornand (Grand-Bo pour les intimes), laquelle se trouve en contrebas de l’église à bulbes.
Après être entré dans cette église que balaie une paroissienne, je fais le tour du village où des ouvriers se livrent à de bruyants travaux de voirie. Je photographie les plus beaux chalets puis m’assois à la terrasse ensoleillée de L’Optraken pour un café à un euro quatre-vingts suivi d’un peu de lecture. J’ai prés de moi quatre femmes futiles qui parlent fringues « Ouais, cet après-midi, je fais mon armoire ».
Des restaurants étant fermés, le choix est limité pour déjeuner. J’opte pour l’Hôtel Restaurant La Pointe Percée qui annonce un menu du jour à dix-sept euros, en réalité une formule plat dessert. Cela se résume à un burgueur et deux boules de glace, mais c’est bon. Ne mangent ici avec moi à l’ombre de la terrasse que des duos d’ouvriers. Eux aussi subissent le bruit de leurs collègues de la voirie qui n’ont pas de pause-déjeuner. Cette nuisance sonore me fait renoncer à un café. Je vais attendre le car de treize heures quarante au bord du ruisseau qui coule en contrebas, nommé le Borne.
Le valideur étant hors service, le chauffeur me dit que c’est bon. Me voici avec un retour à huit euros non consommé. Pas grand-monde encore dans ce car, un peu de jeunesse y monte en cours de route pour aller à la ville.
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La Clusaz, j’y ai loué un gîte rural autrefois avec celle qui habite à Asnières quand elle me tenait la main. Je me souviens d’un dîner dans une ferme-auberge, une poule cuite dans la paille. J’y suis passé également avec celle qui habite à Montreuil du temps où elle me tenait la main. En hiver aussi, il y a fort longtemps, quand je vivais avec d’autres élèves-maitres de l’Ecole Normale d’Evreux dans la pseudo communauté des Grands Baux, Je me souviens qu’un soir dans un restaurant, l’un de nous s’adressant à quelqu’un qui avait perdu quelque chose lui avait dit « Si c’est les lunettes que vous cherchez, elles sont sur le nez » et que ça avait failli mal tourner.
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La Clusaz, Le Grand-Bornand, ces villages de chalets de montagne ne font pas partie des lieux où je me sens bien.
De plus, il y a partout des escaliers plus ou moins éclairés et ça devient dangereux pour le vieux que je suis. Je dois sans cesse être sur mes gardes.
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