Dernières notes
Loïc Boyer
Je suis l’auteur de textes courts qui furent publiés depuis mil neuf cent quatre-vingt-quinze dans des revues littéraires en France (Supérieur Inconnu, Supplément d’Ame, Nouvelle Donne, Le Bord de l’Eau, Pris de Peur, l’Art du Bref, Sol’Air, Gros Textes, Salmigondis, Verso, Décharge, Bulle, Filigranes, Diérèse, Martobre, Comme ça et Autrement, (Cahier d’) Ecritures, La Nef des Fous), en Belgique (Traversées, Ecrits Vains, L’Arbre à Plumes, Inédit Nouveau, Bleu d’Encre), au Canada (Les Saisons Littéraires) et en Italie (Les Cahiers du Ru).
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.
13 mai 2015
Dans la correspondance de guerre entre Simone de Beauvoir et Jean-Paul Sartre, on croise les jeunes amantes de l’une et de l’autre, ainsi que Jacques-Laurent Bost (dit le petit Bost), l’amant de Simone. On y voit aussi une certaine Emma, personnage fictif qui leur sert à tromper la censure militaire lorsqu’il s’agit pour Simone d’aller rejoindre Sartre clandestinement.
Suite des échantillons :
J’ai mangé une côte de porc (…) et Dhome s’est ramené ; c’était l’ami de Delarue et un amoureux de Gibert, une espèce de demi-intellectuel prétentieux et con ; vous le connaissez, on vous en a parlé je crois, il s’est assis à notre table, l’air pertinent, et a commencé à disserter sur la profondeur de l’humour chez Molière. On s’est levées, on allait partir quand Kéchélévitch s’est amenée, des fleurs dans les cheveux, l’air d’une veuve corse en mal de vendetta… (mercredi treize mars mil neuf cent quarante)
J’attends Védrine chez moi mais je n’aurai pas le courage de me livrer à de coupables étreintes, je feindrai des malaises intimes. (jeudi quatorze mars mil neuf cent quarante)
J’ai attendu, un grand moment, fort prostrée ; et puis la porte s’est ouverte devant un jeune beau souriant lieutenant blond, beau comme un ange et mondain comme un pou qui m’a dit : « C’est vous Mlle de Beauvoir ? mais je vous ai connue à Marseille chez Mme Chazotte –et à Caen vous m’avez fait passer le bachot de philosophie, vous m’avez même mis un zéro. (mardi dix-neuf mil neuf cent quarante (Simone, allant rejoindre clandestinement le petit Bost, s’est d’abord trompée de train puis s’est fait chopée par des militaires qui l’ont prise pour une espionne communiste)
Je me suis jetée une fois sur un chien et une fois sur deux bonnes femmes qui en étaient fort indignées, mais dans l’ensemble c’était extrêmement glorieux. (dimanche quatorze juillet mil neuf cent quarante, faisant ses débuts de bicycliste)
On ne sait trop pourquoi, M. Kos. a expédié ses filles à 2 km. de là dans la maison d’un ami, une immense maison pleine d’alcools et de confitures où elles se sont prélassées trois semaines, en somptueuses robes de chambre volées à la maîtresse de maison, mangeant uniquement des confitures et se saoulant à demi du matin au soir avec les liqueurs. (…) Elles avaient avec elles un chien et un ouvrier abyssin chargé de garder la maison. Elles ont peu vu les Allemands qui sont seulement venus faire quelques omelettes chez elles, tandis que séduits par la vue qu’on a de La Mousse, ils logeaient à 70 dans la maison Kos. Madame Kos. se mourrait en battements de cœur pendant tout ce temps nécessairement. (un vendredi de juillet mil neuf cent quarante, pendant l’exode)
Suite des échantillons :
J’ai mangé une côte de porc (…) et Dhome s’est ramené ; c’était l’ami de Delarue et un amoureux de Gibert, une espèce de demi-intellectuel prétentieux et con ; vous le connaissez, on vous en a parlé je crois, il s’est assis à notre table, l’air pertinent, et a commencé à disserter sur la profondeur de l’humour chez Molière. On s’est levées, on allait partir quand Kéchélévitch s’est amenée, des fleurs dans les cheveux, l’air d’une veuve corse en mal de vendetta… (mercredi treize mars mil neuf cent quarante)
J’attends Védrine chez moi mais je n’aurai pas le courage de me livrer à de coupables étreintes, je feindrai des malaises intimes. (jeudi quatorze mars mil neuf cent quarante)
J’ai attendu, un grand moment, fort prostrée ; et puis la porte s’est ouverte devant un jeune beau souriant lieutenant blond, beau comme un ange et mondain comme un pou qui m’a dit : « C’est vous Mlle de Beauvoir ? mais je vous ai connue à Marseille chez Mme Chazotte –et à Caen vous m’avez fait passer le bachot de philosophie, vous m’avez même mis un zéro. (mardi dix-neuf mil neuf cent quarante (Simone, allant rejoindre clandestinement le petit Bost, s’est d’abord trompée de train puis s’est fait chopée par des militaires qui l’ont prise pour une espionne communiste)
Je me suis jetée une fois sur un chien et une fois sur deux bonnes femmes qui en étaient fort indignées, mais dans l’ensemble c’était extrêmement glorieux. (dimanche quatorze juillet mil neuf cent quarante, faisant ses débuts de bicycliste)
On ne sait trop pourquoi, M. Kos. a expédié ses filles à 2 km. de là dans la maison d’un ami, une immense maison pleine d’alcools et de confitures où elles se sont prélassées trois semaines, en somptueuses robes de chambre volées à la maîtresse de maison, mangeant uniquement des confitures et se saoulant à demi du matin au soir avec les liqueurs. (…) Elles avaient avec elles un chien et un ouvrier abyssin chargé de garder la maison. Elles ont peu vu les Allemands qui sont seulement venus faire quelques omelettes chez elles, tandis que séduits par la vue qu’on a de La Mousse, ils logeaient à 70 dans la maison Kos. Madame Kos. se mourrait en battements de cœur pendant tout ce temps nécessairement. (un vendredi de juillet mil neuf cent quarante, pendant l’exode)
12 mai 2015
Dimanche matin, à six heures, après une bonne nuit malgré la daube musicale faisant tapage nocturne chez le voisin d’en face, celui que je croise en semaine, costume, cravate et serviette en main, entrant au Palais de Justice pour y faire respecter la loi et qui certains ouiquennedes, cravate enlevée, s’en dispense, j’ouvre ma porte prêt à rejoindre ma voiture, mais considérant les nombreux mégots qui jonchent la ruelle, je retourne à l’intérieur, me munis d’un balai et pousse ces résidus jusqu’à sa courette (lorsque une fois je lui ai demandé d’éviter quand il reçoit ses ami(e)s que les mégots soient jetés depuis ses fenêtres devant ma porte, il m’a juré que ça ne venait pas de chez lui). La chose faite, je prends la route qui mène au département de l’Eure et assiste, au lieu-dit Saint-Adrien, à la sortie des noctambules du Moulin Rose, des trentenaires un peu éméché(e)s du même genre que les invité(e)s du voisin. Je rejoins Heudebouville où je constate une fois de plus cette année qu’au vide grenier les livres ne sont de sortie. En conséquence, l’un que je voyais les années précédentes acheter moult ouvrages pour les revendre porte à la main un cruchon jaune marqué Berger.
-Je vous attendais, me dit soudain un vendeur.
Je le regarde, surpris.
-Vous allez m’aidez à sortir ce coffre de ma remorque, ajoute-t-il.
-Non, lui dis-je, poursuivant mon chemin.
Outre que je n’y trouve plus rien qui m’intéresse, ces vide greniers ruraux me sont devenus suspects. Je n’y supporte plus qui les fréquente. J’ai l’impression d’être entouré d’électeurs et d’électrices de la fille Le Pen. S’y ajoutent celles et ceux que désormais je ne peux plus croiser sans penser au sept janvier: hommes barbus et femmes voilées. J’ai vite envie d’être ailleurs, fais quand même au retour, repassé en Seine-Maritime, le détour par le déballage de Saint-Aubin-Epinay où si l’on est plus riche on ne vend pas pour autant de bons livres.
Pour achever de me mettre de mauvaise humeur, bien que j’aie dépensé près de deux cents euros pour faire changer le capteur de flux de ma petite voiture chez Renault, celle-ci ne démarre pas mieux. La faute maintenant à la clé de contact, m’a dit le garagiste.
*
Rouen qui s’écroule (un). Le quai haut de la rive gauche sous lequel passent des trains de marchandise menace ruine, d’où interdiction aux camions d’y circuler, aux voitures de s’y garer et aux forains de la Saint-Romain de s’installer à proximité l’automne prochain. Ces derniers ont prévenu : ce sera là comme d’habitude et pas ailleurs, faisant en guise d’avertissement brûler des palettes sur la presqu’île Wellington où la Mairie et la Métropole veulent les envoyer, derrière le Hangar Vingt-Trois qui doit fermer, ceci n’étant pas sans rapport avec cela. J’attends la suite avec intérêt (blocage de la ville le vingt-huit mai).
*
Rouen qui s’écroule (deux). Rien ne va plus rue Verte près de la gare. Après le bouchage accidentel de la source Gaalor lors de la construction d’un immeuble à la place d’un lycée privé, ce fut d’abord l’Hôtel de Dieppe qui s’est fissuré, puis plusieurs mois après l’épicerie fine Le Potager de Sophie évacuée en urgence ainsi que les résidants des étages. C’est maintenant le Crédit Agricole pourtant situé de l’autre côté et à l’autre bout de la rue qui a bougé et doit déménager. Il jouxte le restaurant japonais à volonté que je fréquente de temps à autre. J’attends la suite avec intérêt (mon restaurant tiendra-t-il ?).
-Je vous attendais, me dit soudain un vendeur.
Je le regarde, surpris.
-Vous allez m’aidez à sortir ce coffre de ma remorque, ajoute-t-il.
-Non, lui dis-je, poursuivant mon chemin.
Outre que je n’y trouve plus rien qui m’intéresse, ces vide greniers ruraux me sont devenus suspects. Je n’y supporte plus qui les fréquente. J’ai l’impression d’être entouré d’électeurs et d’électrices de la fille Le Pen. S’y ajoutent celles et ceux que désormais je ne peux plus croiser sans penser au sept janvier: hommes barbus et femmes voilées. J’ai vite envie d’être ailleurs, fais quand même au retour, repassé en Seine-Maritime, le détour par le déballage de Saint-Aubin-Epinay où si l’on est plus riche on ne vend pas pour autant de bons livres.
Pour achever de me mettre de mauvaise humeur, bien que j’aie dépensé près de deux cents euros pour faire changer le capteur de flux de ma petite voiture chez Renault, celle-ci ne démarre pas mieux. La faute maintenant à la clé de contact, m’a dit le garagiste.
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Rouen qui s’écroule (un). Le quai haut de la rive gauche sous lequel passent des trains de marchandise menace ruine, d’où interdiction aux camions d’y circuler, aux voitures de s’y garer et aux forains de la Saint-Romain de s’installer à proximité l’automne prochain. Ces derniers ont prévenu : ce sera là comme d’habitude et pas ailleurs, faisant en guise d’avertissement brûler des palettes sur la presqu’île Wellington où la Mairie et la Métropole veulent les envoyer, derrière le Hangar Vingt-Trois qui doit fermer, ceci n’étant pas sans rapport avec cela. J’attends la suite avec intérêt (blocage de la ville le vingt-huit mai).
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Rouen qui s’écroule (deux). Rien ne va plus rue Verte près de la gare. Après le bouchage accidentel de la source Gaalor lors de la construction d’un immeuble à la place d’un lycée privé, ce fut d’abord l’Hôtel de Dieppe qui s’est fissuré, puis plusieurs mois après l’épicerie fine Le Potager de Sophie évacuée en urgence ainsi que les résidants des étages. C’est maintenant le Crédit Agricole pourtant situé de l’autre côté et à l’autre bout de la rue qui a bougé et doit déménager. Il jouxte le restaurant japonais à volonté que je fréquente de temps à autre. J’attends la suite avec intérêt (mon restaurant tiendra-t-il ?).
11 mai 2015
Lu à Paris mercredi dernier Chez Léon, troquet n’ayant pas changé depuis des décennies, La compagnie des zincs de l’oulipien François Caradec, décédé en deux mille huit, date de mil neuf cent quatre-vingt-six. Son titre préfigure ceux des articles de Libération et son propos les Brèves de comptoir de Jean-Marie Gourio.
On y trouve aussi la description détaillée de quelques estaminets parisiens disparus, tel « Chez Moineau » :
La rue des Canettes débouche devant le n°22 de la rue du Four. C’est là que s’ouvrait un étroit bistrot, « Chez Moineau ».
M. Moineau tenait le comptoir et la caisse, et tout au fond, dans une minuscule cuisine, Mme Moineau préparait un chaleureux couscous champenois servi par la jolie Mlle Moineau.
M. Moineau était tunisien, Mme Moineau champenoise. M. Moineau affirmait : « Chez moi, pas d’putains, pas d’pédés, pas d’clodos. » Naturellement, il y avait quelques échantillons des trois espèces pour confirmer la règle.
(…)
Au comptoir venait rire et boire tout Saint-Germain-des-Prés. Raymond Queneau, Ralph Messac, Boris Vian, Noël Arnaud, François Chevais, Jean-Louis Brau, quelques lettristes et situationnistes. Tant de monde en si peu de place ! Sans compter les habitants du quartier, les paroissiens de Saint-Sulpice et de Saint-Germain.
(…)
M. Moineau nous quitta pour ouvrir un nouveau café, plus vaste, au 14 rue Guénégaud. Au fond, devant la porte de la cuisine, il y avait un piano. C’est là que débuta Barbara, avant l’Ecluse. J’y venais avec André Bureau. Mais c’était trop loin. Il fallait s’asseoir. Nous avions perdu notre zinc. Il n’y a plus aujourd’hui rue du Four que des marchands de fripes, et rue Guénégaud des galeries d’art.
Dans ce livre, Caradec évoque aussi un bistrot clandestin :
Chérel tenait commerce de broques et d’antiquailles rue Coëtlogon, à l’enseigne de la Lanterne Magique. Le rideau de fer était en permanence à demi descendu : il fallait se courber pour entrer.
(…)
Dans cette boutique insolite, Chérel avec sa tête de marron sculpté traînait la savate, entrouvrait un tiroir secret, débouchait un litron. Nous avions convenu de nous y retrouver tous les samedis soirs, Alphonse Boudard, Eric Losfeld qui venait en voisin de la rue du Cherche-Midi, André Vers, les Massin, Hardellet. (…) Il organisait des cocktails pour quelques éditeurs de l’arrondissement : il prêtait le décor et la rue, l’éditeur apportait les boutanches.
*
Même si c’est vrai, c’est faux. (Henri Michaux, cité par François Caradec)
Cela me fait songer à ceci, trouvé quelque part cette semaine :
La vérité n'a qu'un visage, celui d'un démenti violent. (George Bataille)
*
Ce Même si c’est vrai, c’est faux. d’Henri Michaux me saute à nouveau aux yeux (comme on dit) au marché de broques et d’antiquailles du clos Saint-Marc, en rouge et en bas de la couverture d’un livre datant de l’année soixante-huit ridiculement titré La chienlit de papa par l’éditeur Albin Michel, livre bien plus haut que large comme on en faisait souvent en ce temps-là, et qui recense des citations préfigurant l’esprit et les revendications de cette époque. Ces extraits de textes ont été recueillis par François Caradec. Pour un euro, je le fais mien.
On y trouve aussi la description détaillée de quelques estaminets parisiens disparus, tel « Chez Moineau » :
La rue des Canettes débouche devant le n°22 de la rue du Four. C’est là que s’ouvrait un étroit bistrot, « Chez Moineau ».
M. Moineau tenait le comptoir et la caisse, et tout au fond, dans une minuscule cuisine, Mme Moineau préparait un chaleureux couscous champenois servi par la jolie Mlle Moineau.
M. Moineau était tunisien, Mme Moineau champenoise. M. Moineau affirmait : « Chez moi, pas d’putains, pas d’pédés, pas d’clodos. » Naturellement, il y avait quelques échantillons des trois espèces pour confirmer la règle.
(…)
Au comptoir venait rire et boire tout Saint-Germain-des-Prés. Raymond Queneau, Ralph Messac, Boris Vian, Noël Arnaud, François Chevais, Jean-Louis Brau, quelques lettristes et situationnistes. Tant de monde en si peu de place ! Sans compter les habitants du quartier, les paroissiens de Saint-Sulpice et de Saint-Germain.
(…)
M. Moineau nous quitta pour ouvrir un nouveau café, plus vaste, au 14 rue Guénégaud. Au fond, devant la porte de la cuisine, il y avait un piano. C’est là que débuta Barbara, avant l’Ecluse. J’y venais avec André Bureau. Mais c’était trop loin. Il fallait s’asseoir. Nous avions perdu notre zinc. Il n’y a plus aujourd’hui rue du Four que des marchands de fripes, et rue Guénégaud des galeries d’art.
Dans ce livre, Caradec évoque aussi un bistrot clandestin :
Chérel tenait commerce de broques et d’antiquailles rue Coëtlogon, à l’enseigne de la Lanterne Magique. Le rideau de fer était en permanence à demi descendu : il fallait se courber pour entrer.
(…)
Dans cette boutique insolite, Chérel avec sa tête de marron sculpté traînait la savate, entrouvrait un tiroir secret, débouchait un litron. Nous avions convenu de nous y retrouver tous les samedis soirs, Alphonse Boudard, Eric Losfeld qui venait en voisin de la rue du Cherche-Midi, André Vers, les Massin, Hardellet. (…) Il organisait des cocktails pour quelques éditeurs de l’arrondissement : il prêtait le décor et la rue, l’éditeur apportait les boutanches.
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Même si c’est vrai, c’est faux. (Henri Michaux, cité par François Caradec)
Cela me fait songer à ceci, trouvé quelque part cette semaine :
La vérité n'a qu'un visage, celui d'un démenti violent. (George Bataille)
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Ce Même si c’est vrai, c’est faux. d’Henri Michaux me saute à nouveau aux yeux (comme on dit) au marché de broques et d’antiquailles du clos Saint-Marc, en rouge et en bas de la couverture d’un livre datant de l’année soixante-huit ridiculement titré La chienlit de papa par l’éditeur Albin Michel, livre bien plus haut que large comme on en faisait souvent en ce temps-là, et qui recense des citations préfigurant l’esprit et les revendications de cette époque. Ces extraits de textes ont été recueillis par François Caradec. Pour un euro, je le fais mien.
9 mai 2015
C’est à neuf heures quarante-huit qu’arrive de Paris celle que j’attends dans la gare de Rouen ce huit mai. Il s’agit de fêter son anniversaire et je suis son invité.
Profitant du soleil matinal nous prenons une boisson chaude à la terrasse du bar des Fleurs près de la statue de Gustave défigurée par la mascarade du parcours Flaubert. Nous y évoquons nos vies respectives et l’avenir, notamment ce qu’il adviendra de mes écritures quand je ne serai plus, sans qu’une solution sorte de notre discussion.
Nous prenons ensuite l’apéritif à la maison, dans le jardin où s’activent mes voisines à chien, puis le chemin qui mène à la rue Beauvoisine où elle a réservé une table au Ryal Restaurant (cuisine métissée). L’accueil y est plaisant et la cuisine bonne : beignets et pièce de bœuf aux patates douces pour elle, accras et mafé d’agneau pour moi, en dessert pour tous deux une mousse à la noix de coco, tout cela accompagné d'une bouteille de bourgogne.
Au moment de l’addition, la bouteille de vin de palme ouverte après une commande imprudente pour l’apéritif ne lui est aimablement pas comptée.
-C’est tonton ? lui demande le patron en me désignant.
Cela fait bientôt dix ans que nous nous sommes rencontrés. Il nous reste à repasser à la maison où l’attend son cadeau.
Profitant du soleil matinal nous prenons une boisson chaude à la terrasse du bar des Fleurs près de la statue de Gustave défigurée par la mascarade du parcours Flaubert. Nous y évoquons nos vies respectives et l’avenir, notamment ce qu’il adviendra de mes écritures quand je ne serai plus, sans qu’une solution sorte de notre discussion.
Nous prenons ensuite l’apéritif à la maison, dans le jardin où s’activent mes voisines à chien, puis le chemin qui mène à la rue Beauvoisine où elle a réservé une table au Ryal Restaurant (cuisine métissée). L’accueil y est plaisant et la cuisine bonne : beignets et pièce de bœuf aux patates douces pour elle, accras et mafé d’agneau pour moi, en dessert pour tous deux une mousse à la noix de coco, tout cela accompagné d'une bouteille de bourgogne.
Au moment de l’addition, la bouteille de vin de palme ouverte après une commande imprudente pour l’apéritif ne lui est aimablement pas comptée.
-C’est tonton ? lui demande le patron en me désignant.
Cela fait bientôt dix ans que nous nous sommes rencontrés. Il nous reste à repasser à la maison où l’attend son cadeau.
7 mai 2015
C’est à côté des trois militaires en arme que j’attends le sept heures vingt pour Paris ce mercredi à la gare de Rouen. Ils discutent des remboursements de frais de mission. Je trouve place à proximité d’une voyageuse qui lit L’Histoire de France de 1789 à nos jours pour les Nuls. Pour ma part, je relis Mes prix littéraires de Thomas Bernhard publié de façon posthume en deux mille neuf en Allemagne et un an plus tard en France chez Folio Gallimard. On ne part pas immédiatement. « Notre train est retenu momentanément à quai suite à l’intervention des forces de l’ordre », annonce le contrôleur.
Au bout de cinq minutes, nous démarrons et apprenons qu’il s’agissait d’un voyageur agressif envers les autres voyageurs et les contrôleurs. Le trajet est paisible et comme je ne suis pas pressé, je grimpe dans le bus Vingt qui prend son temps pour me déposer à la Bastille. Après quelques gouttes sur la tête et un café au comptoir du Faubourg, je fais l’ouverture de Book-Off et y déniche Femmes de plâtre, essai sur l’art médical de Romain Slocombe de Sréphan Lévy-Kuentz (La Musardine).
Je déjeune face au passage Lhomme (rue pavée, végétaux qui grimpent sur les façades, ateliers d’artistes et d’architectes) dans le restaurant Chez Céleste, rue de Charonne, que je découvre portugais, d’un feroz d’avocat, sorte de guacamole avec de la morue, suivi d’un feijoada, sorte de cassoulet au porc salé et aux haricots rouges accompagné de riz et d’orange, formule à douze euros cinquante, tout cela bien bon avec pour boire un quart de vin du pays. Derrière moi une femme attend les trois qui manquent à sa table de quatre. Deux lui téléphonent à qui elle dit que ce n’est pas grave, qu’ils prennent leur temps. Le quatrième arrive, à qui elle dit que les deux autres ne seront pas là avant vingt-cinq minutes et que ça devient pénible leur habitude d’être en retard. Elle explique ensuite qu’elle joue Labiche, mais mon café bu, je n’en saurai pas davantage.
J’entre à côté à la galerie Arts Factory. J’y fais le tour de Notoriété discrète, exposition des dessins d'Aurélie William Levaux & Moolinex dont je ne saurais dire ce que j’en pense mais parmi les textes insérés dans les images, je note le réjouissant : « Si rien ne cloche, c’est que le problème est ailleurs. »
Sous un ciel menaçant, je rejoins Châtelet à pied. Remettant à un autre jour mon passage par Le Corbusier au Centre Pompidou, je fouille dans les livres poussiéreux du Boulinier de la Fontaine des Innocents et extrais du bac des livres à vingt centimes La compagnie des zincs de François Caradec publié en mil neuf cent quatre-vingt-six chez Ramsay.
C’est ce livre que j’ai le temps de lire entièrement Chez Léon en attendant l’heure du retour, après avoir évité la plus grosse averse en étant dans le bus Vingt-Sept et avoir trouvé dans l’autre Book-Off le Journal d’Andy Warhol (Grasset) que j’espère intéressant et qui me ramènera à Pittsburgh et New York.
Le train qui me ramène à Rouen est victime d’un ralentissement dû à « une difficulté de gestion du trafic entre Epône et Mantes-la-Jolie », ce qui me permet d’achever la relecture de Mes prix littéraires de Thomas Bernhard dont la rage inextinguible m’est un délice.
*
Comme je déteste ces villes moyennes avec leurs célèbres monuments qui les défigurent, sans que la population n’y trouve jamais rien à redire ! Les églises et les ruelles étroites, dans lesquelles végètent des êtres humains chaque jour plus bornés. Salzbourg, Augsbourg, Ratisbonne, Wurtzbourg, je les déteste toutes, parce qu’elles servent d’écrin séculaire à l’abrutissement. (Thomas Bernhard, Le prix du cercle culturel de la fédération de l’industrie allemande)
*
Au fond tous ces dignitaires ayant rallié Darmstadt aux frais de l’Etat ne s’y réunissent que dans le but, après une année stérile passée à se haïr à distance, de se raser mutuellement durant une semaine supplémentaire. Le verbiage des écrivains dans les halls d’hôtel de la petite Allemagne est probablement ce qu’on peut imaginer de plus répugnant. Ça empeste plus encore lorsque c’est subventionné par l’Etat, à l’image de tout ce nuage actuel de subventions qui empeste et empuantit tout. Les poètes et les écrivains ne doivent pas être subventionnés, encore moins par une Académie elle-même subventionnée, ils doivent être livrés à eux-mêmes. (Thomas Bernhard, A propos de ma démission)
Au bout de cinq minutes, nous démarrons et apprenons qu’il s’agissait d’un voyageur agressif envers les autres voyageurs et les contrôleurs. Le trajet est paisible et comme je ne suis pas pressé, je grimpe dans le bus Vingt qui prend son temps pour me déposer à la Bastille. Après quelques gouttes sur la tête et un café au comptoir du Faubourg, je fais l’ouverture de Book-Off et y déniche Femmes de plâtre, essai sur l’art médical de Romain Slocombe de Sréphan Lévy-Kuentz (La Musardine).
Je déjeune face au passage Lhomme (rue pavée, végétaux qui grimpent sur les façades, ateliers d’artistes et d’architectes) dans le restaurant Chez Céleste, rue de Charonne, que je découvre portugais, d’un feroz d’avocat, sorte de guacamole avec de la morue, suivi d’un feijoada, sorte de cassoulet au porc salé et aux haricots rouges accompagné de riz et d’orange, formule à douze euros cinquante, tout cela bien bon avec pour boire un quart de vin du pays. Derrière moi une femme attend les trois qui manquent à sa table de quatre. Deux lui téléphonent à qui elle dit que ce n’est pas grave, qu’ils prennent leur temps. Le quatrième arrive, à qui elle dit que les deux autres ne seront pas là avant vingt-cinq minutes et que ça devient pénible leur habitude d’être en retard. Elle explique ensuite qu’elle joue Labiche, mais mon café bu, je n’en saurai pas davantage.
J’entre à côté à la galerie Arts Factory. J’y fais le tour de Notoriété discrète, exposition des dessins d'Aurélie William Levaux & Moolinex dont je ne saurais dire ce que j’en pense mais parmi les textes insérés dans les images, je note le réjouissant : « Si rien ne cloche, c’est que le problème est ailleurs. »
Sous un ciel menaçant, je rejoins Châtelet à pied. Remettant à un autre jour mon passage par Le Corbusier au Centre Pompidou, je fouille dans les livres poussiéreux du Boulinier de la Fontaine des Innocents et extrais du bac des livres à vingt centimes La compagnie des zincs de François Caradec publié en mil neuf cent quatre-vingt-six chez Ramsay.
C’est ce livre que j’ai le temps de lire entièrement Chez Léon en attendant l’heure du retour, après avoir évité la plus grosse averse en étant dans le bus Vingt-Sept et avoir trouvé dans l’autre Book-Off le Journal d’Andy Warhol (Grasset) que j’espère intéressant et qui me ramènera à Pittsburgh et New York.
Le train qui me ramène à Rouen est victime d’un ralentissement dû à « une difficulté de gestion du trafic entre Epône et Mantes-la-Jolie », ce qui me permet d’achever la relecture de Mes prix littéraires de Thomas Bernhard dont la rage inextinguible m’est un délice.
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Comme je déteste ces villes moyennes avec leurs célèbres monuments qui les défigurent, sans que la population n’y trouve jamais rien à redire ! Les églises et les ruelles étroites, dans lesquelles végètent des êtres humains chaque jour plus bornés. Salzbourg, Augsbourg, Ratisbonne, Wurtzbourg, je les déteste toutes, parce qu’elles servent d’écrin séculaire à l’abrutissement. (Thomas Bernhard, Le prix du cercle culturel de la fédération de l’industrie allemande)
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Au fond tous ces dignitaires ayant rallié Darmstadt aux frais de l’Etat ne s’y réunissent que dans le but, après une année stérile passée à se haïr à distance, de se raser mutuellement durant une semaine supplémentaire. Le verbiage des écrivains dans les halls d’hôtel de la petite Allemagne est probablement ce qu’on peut imaginer de plus répugnant. Ça empeste plus encore lorsque c’est subventionné par l’Etat, à l’image de tout ce nuage actuel de subventions qui empeste et empuantit tout. Les poètes et les écrivains ne doivent pas être subventionnés, encore moins par une Académie elle-même subventionnée, ils doivent être livrés à eux-mêmes. (Thomas Bernhard, A propos de ma démission)
6 mai 2015
Les Lettres à Sartre de Simone de Beauvoir (Gallimard) groupées dans le volume deux ont été écrites de mil neuf cent quarante à soixante-trois. Beaucoup concernent l’an quarante pendant lequel Sartre fait le militaire attendant l’ennemi puis, quand celui-ci arrive, devient prisonnier de guerre. J’y retrouve la Simone que j’aime, entourée de sa cour de lycéennes et d’étudiantes, et prends suffisamment de notes pour alimenter ce Journal pendant plusieurs mercredis.
J’ai pris un chocolat au « Mahieu » et fait mon cours –il y a deux stagiaires qui sont des déchets d’humanité, à qui j’ai remis deux paquets de copies, c’est toujours ça de pris. (mardi neuf janvier mil neuf cent quarante)
J’ai travaillé près de 2h ½, mangé une choucroute en regardant une N.R.F. que j’avais volée au lycée et où il n’y a rien du tout –et puis lycée où j’ai fait rire mes élèves comme toujours… (lundi quinze janvier mil neuf cent quarante)
… la femme de l’hôtel (m’a arrêtée) pour me dire que l’eau étant arrêtée dans les cabinets, on utilisait le système espagnol des « corbeilles à papier », ce qui m’a rempli l’âme d’horreur. (samedi vingt janvier mil neuf cent quarante)
On est rentrées, on a dîné chez « Pagès » en badinant agréablement sur la meilleure manière de faire connaissance de Ch. Munch, le plaisant chef d’orchestre à tête de drogué qui nous charme fort. (dimanche vingt et un janvier mil neuf cent quarante)
Comme je mettais le pied dehors j’ai entendu une galopade ; c’était Sorokine qui me guettait depuis ¼ d’heure –elle était en détresse parce que depuis deux jours ses parents s’entr’égorgent pour se séparer sans l’emmener ; la mère pleure, le père gueule et cependant attire de temps en temps la fille sur son sein en disant : « ton père est bien seul aussi » et essaie de l’embrasser sur la bouche. (lundi vingt-deux janvier mil neuf cent quarante)
Après ça on est revenues aux étreintes et elle s’est énervée et alanguie jusqu’à ce que je me livre malgré tout sur elle aux dernières violences ; c’est marrant comme elle est devenue calme en un instant, et tout en tendresse gaie et vraiment charmante. (mercredi vingt-quatre janvier mil neuf cent quarante)
*
Les expressions de Simone : ça m’a fait plaisant, ça m’a fait poétique, ça m’a fait décevant, ça m’a fait triste, ça me fait morne, ça me fait amer.
*
En bas de la page quatre-vingt-dix-neuf de mon exemplaire, un discret tampon de La Radiotechnique Portenseigne Bibliothèque Loisirs rue Carnot à Suresnes. Souvenir de l’usine Portenseigne de Louviers où d’y travailler était prestige assuré pour l’ouvrier.
Que fabriquait-on chez Portenseigne ? Des antennes, je crois.
Variantes lovériennes : travailler chez Philips, travailler chez Wonder. Toutes usines disparues.
J’ai pris un chocolat au « Mahieu » et fait mon cours –il y a deux stagiaires qui sont des déchets d’humanité, à qui j’ai remis deux paquets de copies, c’est toujours ça de pris. (mardi neuf janvier mil neuf cent quarante)
J’ai travaillé près de 2h ½, mangé une choucroute en regardant une N.R.F. que j’avais volée au lycée et où il n’y a rien du tout –et puis lycée où j’ai fait rire mes élèves comme toujours… (lundi quinze janvier mil neuf cent quarante)
… la femme de l’hôtel (m’a arrêtée) pour me dire que l’eau étant arrêtée dans les cabinets, on utilisait le système espagnol des « corbeilles à papier », ce qui m’a rempli l’âme d’horreur. (samedi vingt janvier mil neuf cent quarante)
On est rentrées, on a dîné chez « Pagès » en badinant agréablement sur la meilleure manière de faire connaissance de Ch. Munch, le plaisant chef d’orchestre à tête de drogué qui nous charme fort. (dimanche vingt et un janvier mil neuf cent quarante)
Comme je mettais le pied dehors j’ai entendu une galopade ; c’était Sorokine qui me guettait depuis ¼ d’heure –elle était en détresse parce que depuis deux jours ses parents s’entr’égorgent pour se séparer sans l’emmener ; la mère pleure, le père gueule et cependant attire de temps en temps la fille sur son sein en disant : « ton père est bien seul aussi » et essaie de l’embrasser sur la bouche. (lundi vingt-deux janvier mil neuf cent quarante)
Après ça on est revenues aux étreintes et elle s’est énervée et alanguie jusqu’à ce que je me livre malgré tout sur elle aux dernières violences ; c’est marrant comme elle est devenue calme en un instant, et tout en tendresse gaie et vraiment charmante. (mercredi vingt-quatre janvier mil neuf cent quarante)
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Les expressions de Simone : ça m’a fait plaisant, ça m’a fait poétique, ça m’a fait décevant, ça m’a fait triste, ça me fait morne, ça me fait amer.
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En bas de la page quatre-vingt-dix-neuf de mon exemplaire, un discret tampon de La Radiotechnique Portenseigne Bibliothèque Loisirs rue Carnot à Suresnes. Souvenir de l’usine Portenseigne de Louviers où d’y travailler était prestige assuré pour l’ouvrier.
Que fabriquait-on chez Portenseigne ? Des antennes, je crois.
Variantes lovériennes : travailler chez Philips, travailler chez Wonder. Toutes usines disparues.
5 mai 2015
Un ciel gris, la pluie qui menace, mais je vais quand même ce dimanche matin au centre de Mont-Saint-Aignan, lieu-dit Le Village, pour le vide grenier annuel, d’ordinaire l’un des meilleurs de l’agglomération rouennaise. Comme je le craignais, les riches sont restés au lit. Seuls les pauvres ont déballés. Leur marchandise n’est pas de celle où je peux espérer un livre pour moi. Je redescends à Rouen.
J’enchaîne avec le déballage du quartier Saint-Eloi. Là aussi les exposants sont peu nombreux. La Police fait enlever des voitures qui ne gêneront personne. Je trouve pour un euro l’album Catherine Ringer chante les Rita Mitsouko and more à La Cigale, contenant cédé et dévédé, puis la pluie m’oblige à ouvrir le parapluie et à rentrer.
Il me reste à aller lire au Clos Saint-Marc, avec un café verre d’eau, Les Soleils révolus (Journal 1979-1982) de Gabriel Matzneff (Gallimard), publié en deux mille un, avec un avant-propos dans lequel l’auteur craignant « les néo-inquisiteurs » affirme qu’il s’agit là d’« années très anciennes » : les débauches auxquelles je m’y livrais appartiennent au passé.
*
Point de mort cette année aux Vingt-Quatre Heures Motonautiques de Rouen. Certains ont dû être déçus parmi le peu de spectateurs présents sur les quais.
*
Je ne suis pas sorti de cette histoire d’animal pissant devant ma porte. Il semble que le chien ne soit pas seul en cause, qu’un chat appartenant à d’autres y ait sa part. Il n’y a jamais eu autant d’animaux dans la copropriété depuis seize ans que j’y suis.
J’enchaîne avec le déballage du quartier Saint-Eloi. Là aussi les exposants sont peu nombreux. La Police fait enlever des voitures qui ne gêneront personne. Je trouve pour un euro l’album Catherine Ringer chante les Rita Mitsouko and more à La Cigale, contenant cédé et dévédé, puis la pluie m’oblige à ouvrir le parapluie et à rentrer.
Il me reste à aller lire au Clos Saint-Marc, avec un café verre d’eau, Les Soleils révolus (Journal 1979-1982) de Gabriel Matzneff (Gallimard), publié en deux mille un, avec un avant-propos dans lequel l’auteur craignant « les néo-inquisiteurs » affirme qu’il s’agit là d’« années très anciennes » : les débauches auxquelles je m’y livrais appartiennent au passé.
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Point de mort cette année aux Vingt-Quatre Heures Motonautiques de Rouen. Certains ont dû être déçus parmi le peu de spectateurs présents sur les quais.
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Je ne suis pas sorti de cette histoire d’animal pissant devant ma porte. Il semble que le chien ne soit pas seul en cause, qu’un chat appartenant à d’autres y ait sa part. Il n’y a jamais eu autant d’animaux dans la copropriété depuis seize ans que j’y suis.
4 mai 2015
on ne sait jamais
si la mer c’est la mer
si le rideau posé
c’est le bon vêtement
écrivait Jacques Perdrial, mon frère, dans ses poèmes de la jambe de bois. Cela fait vingt ans que dans la nuit du deux au trois mai, il est mort à La Rochelle.
le monde
est
une circonstance grave
ajoutait-il.
*
Dans la journée du deux mai, lecture de Mont Blanc de Fabio Viscogliosi (Stock) que l’on m’a offert à Paris, dont le sujet est la mort accidentelle des parents de l’auteur. Y figure cette citation d’Enrique Vila-Matas qui fait à elle seule l’objet d’un chapitre : Mais on sait fort bien que, lorsque quelqu’un meurt, les choses continuent à exister : le soleil, l’eau qui s’écoule, le murmure des feuilles bercées par le vent ! Mais on sait fort bien que rien ne révèle plus la perte d’un individu que la vie qui continue dans le monde, s’éloignant de plus en plus des yeux qui ne peuvent plus les regarder !
Des considérations, somme toute, banales que je ne relèverais pas à une autre date.
*
Fabio Viscogliosi est également l’auteur d’un livre dont le titre est de circonstance : Je suis pour tout ce qui aide à traverser la nuit.
si la mer c’est la mer
si le rideau posé
c’est le bon vêtement
écrivait Jacques Perdrial, mon frère, dans ses poèmes de la jambe de bois. Cela fait vingt ans que dans la nuit du deux au trois mai, il est mort à La Rochelle.
le monde
est
une circonstance grave
ajoutait-il.
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Dans la journée du deux mai, lecture de Mont Blanc de Fabio Viscogliosi (Stock) que l’on m’a offert à Paris, dont le sujet est la mort accidentelle des parents de l’auteur. Y figure cette citation d’Enrique Vila-Matas qui fait à elle seule l’objet d’un chapitre : Mais on sait fort bien que, lorsque quelqu’un meurt, les choses continuent à exister : le soleil, l’eau qui s’écoule, le murmure des feuilles bercées par le vent ! Mais on sait fort bien que rien ne révèle plus la perte d’un individu que la vie qui continue dans le monde, s’éloignant de plus en plus des yeux qui ne peuvent plus les regarder !
Des considérations, somme toute, banales que je ne relèverais pas à une autre date.
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Fabio Viscogliosi est également l’auteur d’un livre dont le titre est de circonstance : Je suis pour tout ce qui aide à traverser la nuit.
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