Dernières notes
Loïc Boyer
Je suis l’auteur de textes courts qui furent publiés depuis mil neuf cent quatre-vingt-quinze dans des revues littéraires en France (Supérieur Inconnu, Supplément d’Ame, Nouvelle Donne, Le Bord de l’Eau, Pris de Peur, l’Art du Bref, Sol’Air, Gros Textes, Salmigondis, Verso, Décharge, Bulle, Filigranes, Diérèse, Martobre, Comme ça et Autrement, (Cahier d’) Ecritures, La Nef des Fous), en Belgique (Traversées, Ecrits Vains, L’Arbre à Plumes, Inédit Nouveau, Bleu d’Encre), au Canada (Les Saisons Littéraires) et en Italie (Les Cahiers du Ru).
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.
25 juillet 2015
Est-ce raisonnable d’acheter les Oeuvres (complètes, sans les pamphlets évidemment) de Louis-Ferdinand Céline publiées au Club de l’Honnête Homme en mil neuf cent quatre-vingt-un, neuf lourds volumes tirés sur Vergé d’après des maquettes de Massin, avec des reliures exécutées et gravées à l’or fin et dorées par les Ateliers Mellottée à l’aide de fers originaux, et cela quand je devrais être occupé à préparer mes bagages ? C’est ce que je fais ce vendredi en début d’après-midi, me rendant sous le ciel lourd à la bouquinerie rurale Détéherre qui les propose à deux cent cinquante euros.
La fille de la maison trouve deux cartons, y range mon pesant et volumineux achat et se propose pour m’aider à les porter jusqu’à ma voiture.
-C’est surtout à l’arrivée que j’aurais besoin d’une aide. Si vous voulez, je vous emmène.
-Je ne crois pas que ce soit possible, me répond-elle, on a besoin de moi au magasin.
Son père semble de cet avis. C’est donc avec mes deux bras que je transporte les neuf volumes depuis l’île Lacroix jusqu’à chez moi.
Je me remets de l’effort à la terrasse de L’Interlude, songeant qu’une fois encore j’ai raté les soldes qui m’auraient permis de renouveler ma garde-robe, trop chaud au début, trop d’averses ensuite, et les jours qui passent. C’est mal vêtu que je prendrai dimanche matin la route qui mène en Haute-Saône.
Comme il me manque la carte Michelin de cette contrée, je demande ce samedi matin à Joseph Trotta s’il n’a pas ça dans ses vieux papiers du Clos Saint-Marc. Oui, il a des cartes Michelin dans un carton, me dit-il, mais il n’est pas encore prêt. Je repasse donc à onze heures. Il cherche, me dit qu’il a vu ça quelque part, ne trouve pas, m’abandonne pour aller faire des guili-guilis à un nouveau-né. Je laisse tomber, dis bonjour à un autre bouquiniste plus sympathique qui m’apprend qu’il a une correspondance de Flaubert en quatre volumes, celle de l’édition du centenaire, Ce pourrait être mon premier achat de livres après retour de vacances.
*
Le point faible de l’édition de Céline au Club de l’Honnête Homme : elle est illustrée par Raymond Moretti, celui qui a salopé les couvertures du Magazine Littéraire pendant des années.
*
Rue de la Croix de Fer, un jeune homme au regard éperdu m’aborde. Je m’attends à une demande d’argent mais c’est la Seine que cherche et vers laquelle court cet échappé de la chanson de Nougaro.
*
« De Flaubert à Monet, en passant par Malot et Hugo, ou, plus récemment, Matthieu Chédid, la Seine nourrit les imaginaires. » (Valérie Fourneyron, ancienne Ministre des Sports, ancienne Maire de Rouen, Députée, voulant une part de gâteau pour Le Havre aux Jeux Olympiques convoités par Paris)
La fille de la maison trouve deux cartons, y range mon pesant et volumineux achat et se propose pour m’aider à les porter jusqu’à ma voiture.
-C’est surtout à l’arrivée que j’aurais besoin d’une aide. Si vous voulez, je vous emmène.
-Je ne crois pas que ce soit possible, me répond-elle, on a besoin de moi au magasin.
Son père semble de cet avis. C’est donc avec mes deux bras que je transporte les neuf volumes depuis l’île Lacroix jusqu’à chez moi.
Je me remets de l’effort à la terrasse de L’Interlude, songeant qu’une fois encore j’ai raté les soldes qui m’auraient permis de renouveler ma garde-robe, trop chaud au début, trop d’averses ensuite, et les jours qui passent. C’est mal vêtu que je prendrai dimanche matin la route qui mène en Haute-Saône.
Comme il me manque la carte Michelin de cette contrée, je demande ce samedi matin à Joseph Trotta s’il n’a pas ça dans ses vieux papiers du Clos Saint-Marc. Oui, il a des cartes Michelin dans un carton, me dit-il, mais il n’est pas encore prêt. Je repasse donc à onze heures. Il cherche, me dit qu’il a vu ça quelque part, ne trouve pas, m’abandonne pour aller faire des guili-guilis à un nouveau-né. Je laisse tomber, dis bonjour à un autre bouquiniste plus sympathique qui m’apprend qu’il a une correspondance de Flaubert en quatre volumes, celle de l’édition du centenaire, Ce pourrait être mon premier achat de livres après retour de vacances.
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Le point faible de l’édition de Céline au Club de l’Honnête Homme : elle est illustrée par Raymond Moretti, celui qui a salopé les couvertures du Magazine Littéraire pendant des années.
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Rue de la Croix de Fer, un jeune homme au regard éperdu m’aborde. Je m’attends à une demande d’argent mais c’est la Seine que cherche et vers laquelle court cet échappé de la chanson de Nougaro.
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« De Flaubert à Monet, en passant par Malot et Hugo, ou, plus récemment, Matthieu Chédid, la Seine nourrit les imaginaires. » (Valérie Fourneyron, ancienne Ministre des Sports, ancienne Maire de Rouen, Députée, voulant une part de gâteau pour Le Havre aux Jeux Olympiques convoités par Paris)
24 juillet 2015
Assuré de trouver musique à mon goût ce troisième jeudi de terrasses avec Hot Slap, découvert lors de la dernière Fête de la Musique, je vais d’abord place des Floralies et du Socrate réunis voir et entendre Thomas Schoeffler Jr.
Venu d’Alsace, il joue du folk américain, chemise à carreaux et djine à genoux troués. « Bonjour Rouen », « Rouen, je vais te chanter une chanson qui… ». C’est un de ces artistes qui s’adressent à un public globalisé et défini par son lieu d’existence, ce qui me hérisse d’emblée. Le public est composé d’assis des terrasses et d’assis sur les marches et le pourtour du bassin. Un zonard fait son numéro en dansant à sa façon. « Je vous ai amené le soleil du Périgord » déclare-t-il, se croyant l’objet des applaudissements. Je quitte au bout de trois morceaux.
Une splendide voiture au nom de château jouxte la scène où doit jouer Hot Slap Trio, place du Lieutenant-Aubert. Il s’en échappe un musique d’époque. Je salue quelques connaissances. Un petit homme souriant à casquette vient me dit bonjour.
-On se connaît, me dit-il, mais je ne sais plus d’où.
-Val-de-Reuil, tu es instit, non ?
-Ah oui, ça y est, j’y suis, me répond-il.
Il me rappelle son nom.
-Tu as l’air de bien connaître les musiciens, lui dis-je.
-Je suis obligé, c’est mon fils qui tient la guitare.
Ce jeune guitariste, Martin Vivien, est aussi le chanteur et le meneur du trio. Il distribue la liste à jouer au batteur, Franky Wankers. « Pour toi, j’ai écrit en majuscule », lui dit-il. Didier Sel, le contrebassiste à l’impressionnante banane, les rejoint sur scène. Place à la bonne musique des fifties, au rockabilly mâtiné d’un peu de country.
Mon ancien collègue de Val-de-Reuil se lance dans un rock endiablé (comme on dit) avec une jolie créature. A l’invitation de son fils, le public se rapproche, ce qui nuit un peu à la possibilité de danser et aussi (ce n’est pas un mal) aux déplacements dommageables des photographes.
Cette fois-ci, je suis tout à fait disposé à acheter le cédé récemment sorti chez Smap Records, ce que je fais à l’issue du premier set auprès du producteur, l’ami Claude Levieux.
Avant que le Hot Slap Trio ne rejoue, j’ai le temps de passer à la maison. En arrivant rue Saint-Romain, j’ai une grosse frayeur en découvrant à hauteur de ma ruelle plusieurs camions de pompiers le gyrophare en bataille. Par bonheur aucun des hommes du feu n’est présent dans celle-ci. Ils se concentrent sur l’Archevêché. Le service de recherche toxicologique fait des prélèvements dans les soupiraux d’où semble émaner des vapeurs méphitiques ou méphistophéliques.
Un peu avant vingt et une heures, les camions de pompiers sont toujours là, le moteur tournant, quand je rejoins la place pour le second set. Au numéro trois, le jeune homme du premier étage, sous lequel est installé la scène, ferme sa fenêtre et ses rideaux d’un air excédé dès le début du premier morceau.
Un nombreux public se masse devant les musiciens, dont des enivrés de premier rang parmi lesquels quelques-uns que je côtoie parfois à différentes heures et j’ai toujours vus saouls. L’un, au surnom évocateur, danse avec sa bouteille. Près de moi, un homme à salopette fait danser savamment la femme d’un autre. L’harmoniciste prénommé Jean-Luc se joint au trio sur quelques morceaux. A un répertoire surtout composé de reprises s’ajoutent quelques compositions. C’est un excellent moment qui s’achève vers vingt-deux heures trente et me réconcilie temporairement avec les concerts. Quand je rentre à la maison, les pompiers ne sont plus là.
Venu d’Alsace, il joue du folk américain, chemise à carreaux et djine à genoux troués. « Bonjour Rouen », « Rouen, je vais te chanter une chanson qui… ». C’est un de ces artistes qui s’adressent à un public globalisé et défini par son lieu d’existence, ce qui me hérisse d’emblée. Le public est composé d’assis des terrasses et d’assis sur les marches et le pourtour du bassin. Un zonard fait son numéro en dansant à sa façon. « Je vous ai amené le soleil du Périgord » déclare-t-il, se croyant l’objet des applaudissements. Je quitte au bout de trois morceaux.
Une splendide voiture au nom de château jouxte la scène où doit jouer Hot Slap Trio, place du Lieutenant-Aubert. Il s’en échappe un musique d’époque. Je salue quelques connaissances. Un petit homme souriant à casquette vient me dit bonjour.
-On se connaît, me dit-il, mais je ne sais plus d’où.
-Val-de-Reuil, tu es instit, non ?
-Ah oui, ça y est, j’y suis, me répond-il.
Il me rappelle son nom.
-Tu as l’air de bien connaître les musiciens, lui dis-je.
-Je suis obligé, c’est mon fils qui tient la guitare.
Ce jeune guitariste, Martin Vivien, est aussi le chanteur et le meneur du trio. Il distribue la liste à jouer au batteur, Franky Wankers. « Pour toi, j’ai écrit en majuscule », lui dit-il. Didier Sel, le contrebassiste à l’impressionnante banane, les rejoint sur scène. Place à la bonne musique des fifties, au rockabilly mâtiné d’un peu de country.
Mon ancien collègue de Val-de-Reuil se lance dans un rock endiablé (comme on dit) avec une jolie créature. A l’invitation de son fils, le public se rapproche, ce qui nuit un peu à la possibilité de danser et aussi (ce n’est pas un mal) aux déplacements dommageables des photographes.
Cette fois-ci, je suis tout à fait disposé à acheter le cédé récemment sorti chez Smap Records, ce que je fais à l’issue du premier set auprès du producteur, l’ami Claude Levieux.
Avant que le Hot Slap Trio ne rejoue, j’ai le temps de passer à la maison. En arrivant rue Saint-Romain, j’ai une grosse frayeur en découvrant à hauteur de ma ruelle plusieurs camions de pompiers le gyrophare en bataille. Par bonheur aucun des hommes du feu n’est présent dans celle-ci. Ils se concentrent sur l’Archevêché. Le service de recherche toxicologique fait des prélèvements dans les soupiraux d’où semble émaner des vapeurs méphitiques ou méphistophéliques.
Un peu avant vingt et une heures, les camions de pompiers sont toujours là, le moteur tournant, quand je rejoins la place pour le second set. Au numéro trois, le jeune homme du premier étage, sous lequel est installé la scène, ferme sa fenêtre et ses rideaux d’un air excédé dès le début du premier morceau.
Un nombreux public se masse devant les musiciens, dont des enivrés de premier rang parmi lesquels quelques-uns que je côtoie parfois à différentes heures et j’ai toujours vus saouls. L’un, au surnom évocateur, danse avec sa bouteille. Près de moi, un homme à salopette fait danser savamment la femme d’un autre. L’harmoniciste prénommé Jean-Luc se joint au trio sur quelques morceaux. A un répertoire surtout composé de reprises s’ajoutent quelques compositions. C’est un excellent moment qui s’achève vers vingt-deux heures trente et me réconcilie temporairement avec les concerts. Quand je rentre à la maison, les pompiers ne sont plus là.
23 juillet 2015
Dans le sept heures cinquante-neuf de ce mercredi, à ceux qui utilisent régulièrement ce mode de transport pour aller travailler à Paris s’ajoutent des inhabituels qui ont abandonné la voiture de crainte d’être bloqués au retour par les éleveurs de bovins. Hier soir, avec leurs gros tracteurs, ces derniers ont empêché quiconque d’entrer à Rouen, après avoir fait de même à Caen et Evreux, barré les ponts de Brotonne et de Normandie et déversé du fumier à l’entrée de centres commerciaux.
A l’arrivée, les métros Douze et Huit m’emmènent jusqu’à l’angle des rues Ledru-Rollin et du Faubourg-Saint-Antoine où s’affiche le justicier Nicolas Dupont-Aignan : « Automobilistes méprisés, ne vous laissez plus faire ». Je fais mes courses chez Book-Off puis déjeune rue de Charonne à la terrasse de Chez Céleste pour dix-huit euros cinquante : mixte de pasteis (beignets de poissons divers), colombo de poulet, quart de vin portugais.
Près de moi un trentenaire est rejoint par un peute pas vu depuis longtemps. Ils se parlent avec la gaieté exagérée qui caractérise la conversation de beaucoup de garçons de cette génération. Pourtant celui qui attendait est dans une mauvaise passe : « Victoria s’est barrée du jour au lendemain ». Alors qu’ils s’entendaient très bien. Elle lui a dit : « Je sais pas pourquoi je pars, mais je pars ». Lui qui était si gentil et faisait tout ce qu’elle voulait. Heureusement qu’il n’a pas pris un appartement avec elle. Dans quelle merde il serait. « Je serais en train de pleurer chez mes parents. »
Avant de passer par l’autre Book-Off dont me rapproche le bus Vingt-Neuf, je vais prendre l’ombre dans le jardin du Palais Royal où je réussis à choper une chaise métallique près du bassin à jets d’eau. De jeunes pique-niqueurs y engagent une partie de pétanque (heureusement Barbey d’Aurevilly n’est pas là pour voir ça).
Ils sont remplacés par une poupée vivante en robe rose que l’on maquille et que l’on coiffe avant de la filmer marchant sur le bord du bassin avec à la main des ballons colorés qu’elle laisse s’envoler. A peine le dernier ballon a-t-il disparu dans le ciel mi-bleu mi-nuageux que des autorités badgées arrivent et virent cette équipe artistique qui passe devant moi en manifestant sa mauvaise humeur :
-Les fumiers ! Les veaux !
Le Parisien retourne à ses origines paysannes quand il est en colère.
*
Un des habituels voyageurs de l’aller travaillant à Paris dans le big data à l’un des inhabituels de sa connaissance travaillant dans le paramédical de pointe :
-Même si vous désactivez les cookies de votre ordinateur, il y a des moyens pour vous repérer grâce aux particularités techniques de chaque machine, par exemple le petit décalage entre son horloge interne et l’heure universelle. On est sûr que c’est vous et on peut vous envoyer des publicités ciblées.
-En même temps, lui répond le novice, je préfère que les publicités qu’on m’envoie soient ciblées, Si je cherche un abri de jardin, c’est bien que j’aie des liens vers les abris de jardin.
-Oui, mais comme on sait dans quelle gamme de prix vous achetez d’habitude, si vous êtes un habitué du premium on vous enverra directement sur les abris de jardin les plus chers, vous ne saurez pas qu’il y avait aussi bien pour moins cher.
*
Parmi les livres rapportés de la capitale : La force de vivre, les mémoires d’Erskine Caldwell publiés chez Belfond.
A l’arrivée, les métros Douze et Huit m’emmènent jusqu’à l’angle des rues Ledru-Rollin et du Faubourg-Saint-Antoine où s’affiche le justicier Nicolas Dupont-Aignan : « Automobilistes méprisés, ne vous laissez plus faire ». Je fais mes courses chez Book-Off puis déjeune rue de Charonne à la terrasse de Chez Céleste pour dix-huit euros cinquante : mixte de pasteis (beignets de poissons divers), colombo de poulet, quart de vin portugais.
Près de moi un trentenaire est rejoint par un peute pas vu depuis longtemps. Ils se parlent avec la gaieté exagérée qui caractérise la conversation de beaucoup de garçons de cette génération. Pourtant celui qui attendait est dans une mauvaise passe : « Victoria s’est barrée du jour au lendemain ». Alors qu’ils s’entendaient très bien. Elle lui a dit : « Je sais pas pourquoi je pars, mais je pars ». Lui qui était si gentil et faisait tout ce qu’elle voulait. Heureusement qu’il n’a pas pris un appartement avec elle. Dans quelle merde il serait. « Je serais en train de pleurer chez mes parents. »
Avant de passer par l’autre Book-Off dont me rapproche le bus Vingt-Neuf, je vais prendre l’ombre dans le jardin du Palais Royal où je réussis à choper une chaise métallique près du bassin à jets d’eau. De jeunes pique-niqueurs y engagent une partie de pétanque (heureusement Barbey d’Aurevilly n’est pas là pour voir ça).
Ils sont remplacés par une poupée vivante en robe rose que l’on maquille et que l’on coiffe avant de la filmer marchant sur le bord du bassin avec à la main des ballons colorés qu’elle laisse s’envoler. A peine le dernier ballon a-t-il disparu dans le ciel mi-bleu mi-nuageux que des autorités badgées arrivent et virent cette équipe artistique qui passe devant moi en manifestant sa mauvaise humeur :
-Les fumiers ! Les veaux !
Le Parisien retourne à ses origines paysannes quand il est en colère.
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Un des habituels voyageurs de l’aller travaillant à Paris dans le big data à l’un des inhabituels de sa connaissance travaillant dans le paramédical de pointe :
-Même si vous désactivez les cookies de votre ordinateur, il y a des moyens pour vous repérer grâce aux particularités techniques de chaque machine, par exemple le petit décalage entre son horloge interne et l’heure universelle. On est sûr que c’est vous et on peut vous envoyer des publicités ciblées.
-En même temps, lui répond le novice, je préfère que les publicités qu’on m’envoie soient ciblées, Si je cherche un abri de jardin, c’est bien que j’aie des liens vers les abris de jardin.
-Oui, mais comme on sait dans quelle gamme de prix vous achetez d’habitude, si vous êtes un habitué du premium on vous enverra directement sur les abris de jardin les plus chers, vous ne saurez pas qu’il y avait aussi bien pour moins cher.
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Parmi les livres rapportés de la capitale : La force de vivre, les mémoires d’Erskine Caldwell publiés chez Belfond.
22 juillet 2015
Le vingt et un octobre mil neuf cent trente-neuf, Sartre fait à nouveau usage de son don pour la prospective :
Mon amour, je ne crois pas que la guerre sera longue : un an, un an et demi au plus.
La correspondance avec Simone se poursuit, d’où j’extrais quelques notes pittoresques sur sa vie de soldat et d’autres concernant ses lectures (Flaubert en prend pour son grade, comme on dit à l’armée)
C’est curieux comme la guerre développe l’envie. Envie des sous-officiers de réserve contre les sous-officiers d’active qui touchent leur solde, envie des non-fonctionnaires contre les fonctionnaires qui touchent leur traitement, envie des paysans contre les ouvriers de l'arrière qui touchent leur salaire. (vingt-huit octobre mil neuf cent trente-neuf)
… quelques douces notations de gâteux idyllique dans le Journal de Tolstoï (…). Décidément vous me tuerez quand j’aurai dépassé la soixantaine. (mardi sept novembre mil neuf cent trente-neuf)
Je viens de faire un long discours sur les prix littéraires et l’activité commerciale des maisons d’édition à Mistler et à Pieter, ça intéressait l’un comme révolté et l’autre comme commerçant. (douze novembre mil neuf cent trente-neuf)
Tout juste un petit mot de Tania. La fin est bâclée et elle avait vivement griffonné qu’elle m’aimait passionnément, parce que Blin, de l’Atelier, venait à elle. Ce Blin tourne autour d’elle et cherche une histoire. Elle est flattée et je suppose que ça va s’emmancher. Je dois dire que ça m’est très désagréable. (vingt-cinq novembre mil neuf cent trente-neuf)
J’ai lu L’Education sentimentale de Flaubert en prenant des notes sur son style qui est exécrable. Que pensez-vous de cette phrase : « Cela descendit dans les profondeurs de son tempérament, et devenait presque une manière générale de sentir, un mode nouveau d’exister » ? Voilà pourtant ce qu’écrit ce type à qui l’on fait la réputation d’être un habile styliste. C’est d’ailleurs bête à pleurer. Mais intéressant malgré lui. (six décembre mil neuf cent trente-neuf)
C’était charmant d’ailleurs, les soldats s’interrogeaient dans le car : « Vous allez à l’hôtel Bellevue ? » « Non moi c’est à l’hôtel Beausite. » (même date)
Au revoir, mon cher amour. Il est dix heures moins le quart, dans la salle à manger il y a un piano et je vais en jouer un moment pour faire danser les secrétaires. (même date)
Je ne peux plus lire L’Education sentimentale c’est trop bête et puis j’ai horreur de la grosse délicatesse de ce temps-là – ça fait galanterie de monsieur barbu, conscient de son savoir-vivre, avec des doigts blancs et boudinés. (sept décembre mil neuf cent trente-neuf)
A part ça, c’est toujours cette vie resserrée de phalanstère. De phalanstère vers la fin, quand l’expérience a échoué, qu’on ne veut pas encore tout à fait l’admettre mais qu’on se hait dans tous les coins. (huit décembre mil neuf cent trente-neuf)
Mon amour, je ne crois pas que la guerre sera longue : un an, un an et demi au plus.
La correspondance avec Simone se poursuit, d’où j’extrais quelques notes pittoresques sur sa vie de soldat et d’autres concernant ses lectures (Flaubert en prend pour son grade, comme on dit à l’armée)
C’est curieux comme la guerre développe l’envie. Envie des sous-officiers de réserve contre les sous-officiers d’active qui touchent leur solde, envie des non-fonctionnaires contre les fonctionnaires qui touchent leur traitement, envie des paysans contre les ouvriers de l'arrière qui touchent leur salaire. (vingt-huit octobre mil neuf cent trente-neuf)
… quelques douces notations de gâteux idyllique dans le Journal de Tolstoï (…). Décidément vous me tuerez quand j’aurai dépassé la soixantaine. (mardi sept novembre mil neuf cent trente-neuf)
Je viens de faire un long discours sur les prix littéraires et l’activité commerciale des maisons d’édition à Mistler et à Pieter, ça intéressait l’un comme révolté et l’autre comme commerçant. (douze novembre mil neuf cent trente-neuf)
Tout juste un petit mot de Tania. La fin est bâclée et elle avait vivement griffonné qu’elle m’aimait passionnément, parce que Blin, de l’Atelier, venait à elle. Ce Blin tourne autour d’elle et cherche une histoire. Elle est flattée et je suppose que ça va s’emmancher. Je dois dire que ça m’est très désagréable. (vingt-cinq novembre mil neuf cent trente-neuf)
J’ai lu L’Education sentimentale de Flaubert en prenant des notes sur son style qui est exécrable. Que pensez-vous de cette phrase : « Cela descendit dans les profondeurs de son tempérament, et devenait presque une manière générale de sentir, un mode nouveau d’exister » ? Voilà pourtant ce qu’écrit ce type à qui l’on fait la réputation d’être un habile styliste. C’est d’ailleurs bête à pleurer. Mais intéressant malgré lui. (six décembre mil neuf cent trente-neuf)
C’était charmant d’ailleurs, les soldats s’interrogeaient dans le car : « Vous allez à l’hôtel Bellevue ? » « Non moi c’est à l’hôtel Beausite. » (même date)
Au revoir, mon cher amour. Il est dix heures moins le quart, dans la salle à manger il y a un piano et je vais en jouer un moment pour faire danser les secrétaires. (même date)
Je ne peux plus lire L’Education sentimentale c’est trop bête et puis j’ai horreur de la grosse délicatesse de ce temps-là – ça fait galanterie de monsieur barbu, conscient de son savoir-vivre, avec des doigts blancs et boudinés. (sept décembre mil neuf cent trente-neuf)
A part ça, c’est toujours cette vie resserrée de phalanstère. De phalanstère vers la fin, quand l’expérience a échoué, qu’on ne veut pas encore tout à fait l’admettre mais qu’on se hait dans tous les coins. (huit décembre mil neuf cent trente-neuf)
21 juillet 2015
Septembre mil neuf cent trente-neuf, voici Sartre coincé dans la drôle de guerre. Posté à la frontière, il fait face à un ennemi pas pressé d’attaquer et se débrouille au mieux pour éviter certains désagréments de la vie de garnison (il mange au restaurant, écrit ou lit au café, évite les dortoirs), une nouvelle vie qu’il n’avait pas anticipée comme le montre cet extrait de lettre de fin août mil neuf cent trente-neuf à Louise Védrine :
Il est impossible qu’Hitler songe à entamer une guerre avec l’état d’esprit des populations allemandes.
Quelques jours après, il est en uniforme et entreprend de narrer presque quotidiennement sa vie de soldat au « charmant Castor » :
Je m’étais promis de fraterniser mais je ne peux pas. Je me le suis amèrement reproché. Je n’ai pas le mot qui coule, ni l’abord amène. (samedi deux septembre mil neuf cent trente-neuf)
Nous attendons, nous nous promenons dans une plaisante campagne, nous ramassons des mirabelles (car je suis par la force des choses devenu un peu champêtre). (mardi cinq septembre mil neuf cent trente-neuf)
J’ai vu des photos de Paris pendant l’alerte du matin et ça m’a plutôt rassuré : on voyait de belles vendeuses qui se dirigeaient en riant vers les abris. J’imagine qu’on a choisi des Parisiens modèles, comme on montre des usines modèles en Russie. Mais tout de même, il avait l’air de faire beau là-bas et puis ça avait un petit air de Paris. (vendredi huit septembre mil neuf cent trente-neuf)
Par ailleurs le colonel a émis l’idée que je lui donne des leçons de philosophie pour parfaire sa culture générale. A part ça, une paix royale. (quatorze septembre mil neuf cent trente-neuf)
J’ai commencé le Journal de Dabit : des cris fadasses. C’est visiblement un con. (vingt et un septembre mil neuf cent trente-neuf)
Je lis toujours Dabit. C’est gonflant quand on est soi-même en pleine guerre de lire le Journal d’un type qui a passé ses dernières années à chier de peur devant la guerre future et qui a fini par mourir de la scarlatine. (vingt-trois septembre mil neuf cent trente-neuf)
Je suis un sujet de divertissement considérable pour mes trois acolytes à cause de la façon dont je mets mes bandes molletières et puis parce que je suis toujours en train de perdre quelqu’une des propriétés collectives que l’Etat me concède. (vingt-sept septembre mil neuf cent trente-neuf)
Je viens d’être interrompu par Mistler et Courcy dans le bureau des officiers, ils organisaient une chasse aux moustiques et les écrasaient au plafond avec la hampe du drapeau français. (vingt et un octobre mil neuf cent trente-neuf)
*
Je n’ai pas le mot qui coule, ni l’abord amène. J’aime bien cette formule que je peux faire mienne.
Il est impossible qu’Hitler songe à entamer une guerre avec l’état d’esprit des populations allemandes.
Quelques jours après, il est en uniforme et entreprend de narrer presque quotidiennement sa vie de soldat au « charmant Castor » :
Je m’étais promis de fraterniser mais je ne peux pas. Je me le suis amèrement reproché. Je n’ai pas le mot qui coule, ni l’abord amène. (samedi deux septembre mil neuf cent trente-neuf)
Nous attendons, nous nous promenons dans une plaisante campagne, nous ramassons des mirabelles (car je suis par la force des choses devenu un peu champêtre). (mardi cinq septembre mil neuf cent trente-neuf)
J’ai vu des photos de Paris pendant l’alerte du matin et ça m’a plutôt rassuré : on voyait de belles vendeuses qui se dirigeaient en riant vers les abris. J’imagine qu’on a choisi des Parisiens modèles, comme on montre des usines modèles en Russie. Mais tout de même, il avait l’air de faire beau là-bas et puis ça avait un petit air de Paris. (vendredi huit septembre mil neuf cent trente-neuf)
Par ailleurs le colonel a émis l’idée que je lui donne des leçons de philosophie pour parfaire sa culture générale. A part ça, une paix royale. (quatorze septembre mil neuf cent trente-neuf)
J’ai commencé le Journal de Dabit : des cris fadasses. C’est visiblement un con. (vingt et un septembre mil neuf cent trente-neuf)
Je lis toujours Dabit. C’est gonflant quand on est soi-même en pleine guerre de lire le Journal d’un type qui a passé ses dernières années à chier de peur devant la guerre future et qui a fini par mourir de la scarlatine. (vingt-trois septembre mil neuf cent trente-neuf)
Je suis un sujet de divertissement considérable pour mes trois acolytes à cause de la façon dont je mets mes bandes molletières et puis parce que je suis toujours en train de perdre quelqu’une des propriétés collectives que l’Etat me concède. (vingt-sept septembre mil neuf cent trente-neuf)
Je viens d’être interrompu par Mistler et Courcy dans le bureau des officiers, ils organisaient une chasse aux moustiques et les écrasaient au plafond avec la hampe du drapeau français. (vingt et un octobre mil neuf cent trente-neuf)
*
Je n’ai pas le mot qui coule, ni l’abord amène. J’aime bien cette formule que je peux faire mienne.
20 juillet 2015
Il suffisait de peu de chose pour que le jardin commun retrouve son calme, du départ en vacances des deux voisines à chiens, lesquelles l’ont au fil du temps transformé en terrain de campigne municipal, s’y montrant même en pyjama (ne manque que le seau de nuit). Cette tranquillité retrouvée est un peu étrange et je n’en profite guère car quand il s’agit de lire je préfère le faire entouré.
Je passe donc deux heures chaque jour et parfois davantage à diverses terrasses. Celle du Son du Cor jusqu’à présent ne souffre pas des vacances. J’y côtoie des touristes et des habitant(e)s du quartier parmi lesquel(le)s des lecteurs et lectrices, dont l’une vraiment charmante, au copain absent, avec qui ma relation se résume à un bonjour et un au revoir souriants.
Autre conséquence des vacances d’été, le départ des locataires des deux studios meublés d’en face dans la ruelle, deux garçons à peine vus, qui y auront passé l’année les rideaux tirés et la lumière allumée toute la nuit. Ce samedi, l’un deux, en compagnie de sa mère, ayant enfin ouvert les rideaux, faisait les carreaux, signe flagrant d’un proche état des lieux.
Jamais je n’ai vu un étudiant ou une étudiante faire les carreaux de son logement avant le moment de le quitter.
*
Ce samedi matin, j’évite, place des Floralies et du Socrate réunis, les disciples de Cheminade, pas vus depuis longtemps. Je les retrouve dimanche au marché du Clos Saint-Marc. La Grèce est en perdition, profitons-en pour faire quelques adhésions.
*
La guide touristique, dont l’accent anglais est si mauvais que je la comprends, au passage du petit train empli de vieux touristes semblables à ceux qu’elle cornaque à pied, s’adressant à ces derniers : « Oh, the ridiculous little train ! ». It’s the pot calling the kettle back, aurais-je pu lui dire.
*
Femmes qui désormais quand elles s’adressent l’une à l’autre s’appellent « ma belle » :
-Ah, bonjour, ma belle.
-Comment vas-tu, ma belle ?
-Allez, bisou, ma belle.
Je passe donc deux heures chaque jour et parfois davantage à diverses terrasses. Celle du Son du Cor jusqu’à présent ne souffre pas des vacances. J’y côtoie des touristes et des habitant(e)s du quartier parmi lesquel(le)s des lecteurs et lectrices, dont l’une vraiment charmante, au copain absent, avec qui ma relation se résume à un bonjour et un au revoir souriants.
Autre conséquence des vacances d’été, le départ des locataires des deux studios meublés d’en face dans la ruelle, deux garçons à peine vus, qui y auront passé l’année les rideaux tirés et la lumière allumée toute la nuit. Ce samedi, l’un deux, en compagnie de sa mère, ayant enfin ouvert les rideaux, faisait les carreaux, signe flagrant d’un proche état des lieux.
Jamais je n’ai vu un étudiant ou une étudiante faire les carreaux de son logement avant le moment de le quitter.
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Ce samedi matin, j’évite, place des Floralies et du Socrate réunis, les disciples de Cheminade, pas vus depuis longtemps. Je les retrouve dimanche au marché du Clos Saint-Marc. La Grèce est en perdition, profitons-en pour faire quelques adhésions.
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La guide touristique, dont l’accent anglais est si mauvais que je la comprends, au passage du petit train empli de vieux touristes semblables à ceux qu’elle cornaque à pied, s’adressant à ces derniers : « Oh, the ridiculous little train ! ». It’s the pot calling the kettle back, aurais-je pu lui dire.
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Femmes qui désormais quand elles s’adressent l’une à l’autre s’appellent « ma belle » :
-Ah, bonjour, ma belle.
-Comment vas-tu, ma belle ?
-Allez, bisou, ma belle.
18 juillet 2015
De grosses gouttes tombent peu avant le début des concerts de la deuxième semaine des Terrasses du Jeudi, mais cela s’arrête vite, le chaud soleil revient au moment où je me rapproche du seul concert qui me tente, celui de Giles Hedley & the Aviators. Il se tient sur le terrain de pétanque devant le Son du Cor.
Djine bleu de son âge, chemise bariolée d’artiste, Giles Hedley est accompagné de trois aviateurs dont un Rouennais. Cet Anglais septuagénaire amateur de Chicago Blues connaît bien la ville, nous dit-il, pour avoir enregistré ici quatre albums. Sûr que c’est de la bonne musique avec des solos applaudis de chaque musicien mais j’aime moins ça que le blouse de Leo « Bud » Welch, jeudi dernier, lequel, ai-je appris d’une connaissance, n’a pas convaincu certains spécialistes de la musique musicale.
Dans le nombreux public je repère des habitués du Son du Cor qui seraient là aussi pour n’importe quel autre concert et aimeraient pareillement n’importe quel style de musique à consommer en buvant sa bière dans un godet en plastique. Le son qu’ils écoutent est toujours celui se trouvant à proximité de leur abreuvoir.
Une poignée de photographes, de corpulence et d’âge divers, tous vêtus de noir, tournent autour de la scène comme des frelons. Cette chorégraphie nuisible est la plaie des Terrasses du Jeudi. L’un de ces parasites monte sur scène et colle son appareil sur les cordes de la guitare et les baguettes de la batterie sans que le vigile intervienne, sauf pour remettre en place un câble que le chasseur d’images manque d’arracher en redescendant lourdement.
A l’issue du premier set (comme ils disent), je décide de rentrer. C’est assez pour moi. Si je suis toujours bien dans un lieu où l’on vend des livres, je le suis de moins en moins là où l’on joue de la musique.
*
Le midi de ce jeudi, je côtoie au Son du Cor deux chiens genre caniche. L’un appartient à une femme, l’autre à un prof intermittent à chapeau qui répète partout que ce n’est pas le sien mais qu’il le garde. Quand une mignonne petite fille sort des toilettes avec son père, ces deux bestioles se jettent sur elle en gueulant. L’enfant complètement effrayée se précipite en pleurs dans les bras de son père qui a bien envie de les flinguer.
« Il n’est pas méchant, il n’est pas méchant », c’est tout ce que trouve à dire le prof par intérim chapeauté, un argument qui n’est dépassé en stupidité que par l’animal dont il s’occupe sans trop se fouler.
*
Ce vendredi, France Culture est encore France Cultes avec une émission concernant « la promesse » dans laquelle prêche un islamologue, Rachid Benzine. L’ont précédé la veille : une spécialiste de la religion juive, Delphine Horvilleur, rabbin et non pas judéologue, et un de la religion catholique, Jean-Luc Marion, philosophe et non pas cathologue. L’islamologue est affligé d’un tic verbal insupportable qui lui fait dire « je dirais » deux à trois fois par minute. A la fin de son intervention, des questions sont posées aux trois propagandistes.
L’une vient d’un homme qui précise être athée, à quoi le cathologue, soi-disant philosophe, rétorque : « Qu’en savez-vous, l’athéisme est toujours une notion relative, on est toujours provisoirement athée en attendant de trouver la bonne représentation de Dieu ». L’animateur des débats, un journaliste du Monde, ne juge pas utile de donner à l’athée la possibilité de protester.
*
Catalogue (nom commun) : spécialiste des catastrophes. Un métier d’avenir, je dirais.
Djine bleu de son âge, chemise bariolée d’artiste, Giles Hedley est accompagné de trois aviateurs dont un Rouennais. Cet Anglais septuagénaire amateur de Chicago Blues connaît bien la ville, nous dit-il, pour avoir enregistré ici quatre albums. Sûr que c’est de la bonne musique avec des solos applaudis de chaque musicien mais j’aime moins ça que le blouse de Leo « Bud » Welch, jeudi dernier, lequel, ai-je appris d’une connaissance, n’a pas convaincu certains spécialistes de la musique musicale.
Dans le nombreux public je repère des habitués du Son du Cor qui seraient là aussi pour n’importe quel autre concert et aimeraient pareillement n’importe quel style de musique à consommer en buvant sa bière dans un godet en plastique. Le son qu’ils écoutent est toujours celui se trouvant à proximité de leur abreuvoir.
Une poignée de photographes, de corpulence et d’âge divers, tous vêtus de noir, tournent autour de la scène comme des frelons. Cette chorégraphie nuisible est la plaie des Terrasses du Jeudi. L’un de ces parasites monte sur scène et colle son appareil sur les cordes de la guitare et les baguettes de la batterie sans que le vigile intervienne, sauf pour remettre en place un câble que le chasseur d’images manque d’arracher en redescendant lourdement.
A l’issue du premier set (comme ils disent), je décide de rentrer. C’est assez pour moi. Si je suis toujours bien dans un lieu où l’on vend des livres, je le suis de moins en moins là où l’on joue de la musique.
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Le midi de ce jeudi, je côtoie au Son du Cor deux chiens genre caniche. L’un appartient à une femme, l’autre à un prof intermittent à chapeau qui répète partout que ce n’est pas le sien mais qu’il le garde. Quand une mignonne petite fille sort des toilettes avec son père, ces deux bestioles se jettent sur elle en gueulant. L’enfant complètement effrayée se précipite en pleurs dans les bras de son père qui a bien envie de les flinguer.
« Il n’est pas méchant, il n’est pas méchant », c’est tout ce que trouve à dire le prof par intérim chapeauté, un argument qui n’est dépassé en stupidité que par l’animal dont il s’occupe sans trop se fouler.
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Ce vendredi, France Culture est encore France Cultes avec une émission concernant « la promesse » dans laquelle prêche un islamologue, Rachid Benzine. L’ont précédé la veille : une spécialiste de la religion juive, Delphine Horvilleur, rabbin et non pas judéologue, et un de la religion catholique, Jean-Luc Marion, philosophe et non pas cathologue. L’islamologue est affligé d’un tic verbal insupportable qui lui fait dire « je dirais » deux à trois fois par minute. A la fin de son intervention, des questions sont posées aux trois propagandistes.
L’une vient d’un homme qui précise être athée, à quoi le cathologue, soi-disant philosophe, rétorque : « Qu’en savez-vous, l’athéisme est toujours une notion relative, on est toujours provisoirement athée en attendant de trouver la bonne représentation de Dieu ». L’animateur des débats, un journaliste du Monde, ne juge pas utile de donner à l’athée la possibilité de protester.
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Catalogue (nom commun) : spécialiste des catastrophes. Un métier d’avenir, je dirais.
17 juillet 2015
Ce mercredi soir c’est encore une fois la pagaille gare Saint-Lazare. Tous les trains qui auraient déjà dû être partis vers la province sont encore là, vers la banlieue c’est encore pire. La sono brouillée diffuse des messages stressés annonçant des problèmes électriques. Des employées distribuent de petites bouteilles d’eau. Des palettes entières ont été déposées au bout des quais. Quand le train de dix-neuf heures trente pour Rouen que je dois prendre est affiché, voie vingt, j’ai la surprise de le voir presque plein. J’y trouve à m’asseoir et apprends de mon voisin que c’est le train pour Oissel qui devait partir plus tôt et est encore là. Je redescends et me renseigne auprès d’un gilet rouge. Oui, c’est le train pour Oissel mais il est possible qu’il aille jusqu’à Rouen.
Je retourne m’asseoir à ma place. Un message du chef de bord annonce que ce train est bien celui de dix-neuf heures trente pour Rouen et invite les voyageurs du train pour Oissel à descendre et à se rendre voie vingt-six. La plupart descendent, dont mon voisin.
L’une des voyageuses restées s’adresse à moi :
-Mais le dix-neuf heures trente, il s’arrête aussi à Oissel.
-Oui.
-Mais alors pourquoi sont-ils tous descendus ?
-Ils sont descendus parce qu’on leur a demandé de descendre, lui dis-je.
Ce train est heureusement climatisé et ne s’emplit pas trop vite de nouveaux voyageurs. Je m’y désaltère de l’eau offerte par la Senecefe, de l’Abatilles Sainte-Anne, eau minérale naturelle d’Arcachon, la plus profonde puisée en France, à quatre cent soixante-douze mètres.
Las, une voix masculine à l’intérieur du train invite à le quitter : ce train n’ira pas à Rouen, prière de se renseigner en gare.
Au bout du quai personne n’est au courant. Une contrôleuse descend et donne l’explication :
-C’est le conducteur qui a voulu gérer les annonces, il a dit n’importe quoi.
Nous remontons mais à l’heure prévue le train ne part pas. Un message de la contrôleuse promet son départ pour dans dix minutes avec un arrêt supplémentaire à Mantes-la-Jolie.
C’est le cas. Le voyage se passe sans incident. L’arrivée à Rouen a lieu avec un quart d’heure de retard sur l’horaire prévu. La Senecefe s’excuse pour ce désagrément consécutif à une panne d’alimentation électrique en gare de Saint-Lazare.
*
Sachant que les trains électriques fonctionnent de plus en plus mal, au point de ne pas pouvoir rouler comme prévu dès qu’il fait trop chaud ou trop froid et que, d’autre part, quoi qu’on dise qu’on va faire, c’est foutu pour la planète, je propose qu’on en revienne aux bonnes vieilles locomotives diesel.
Je retourne m’asseoir à ma place. Un message du chef de bord annonce que ce train est bien celui de dix-neuf heures trente pour Rouen et invite les voyageurs du train pour Oissel à descendre et à se rendre voie vingt-six. La plupart descendent, dont mon voisin.
L’une des voyageuses restées s’adresse à moi :
-Mais le dix-neuf heures trente, il s’arrête aussi à Oissel.
-Oui.
-Mais alors pourquoi sont-ils tous descendus ?
-Ils sont descendus parce qu’on leur a demandé de descendre, lui dis-je.
Ce train est heureusement climatisé et ne s’emplit pas trop vite de nouveaux voyageurs. Je m’y désaltère de l’eau offerte par la Senecefe, de l’Abatilles Sainte-Anne, eau minérale naturelle d’Arcachon, la plus profonde puisée en France, à quatre cent soixante-douze mètres.
Las, une voix masculine à l’intérieur du train invite à le quitter : ce train n’ira pas à Rouen, prière de se renseigner en gare.
Au bout du quai personne n’est au courant. Une contrôleuse descend et donne l’explication :
-C’est le conducteur qui a voulu gérer les annonces, il a dit n’importe quoi.
Nous remontons mais à l’heure prévue le train ne part pas. Un message de la contrôleuse promet son départ pour dans dix minutes avec un arrêt supplémentaire à Mantes-la-Jolie.
C’est le cas. Le voyage se passe sans incident. L’arrivée à Rouen a lieu avec un quart d’heure de retard sur l’horaire prévu. La Senecefe s’excuse pour ce désagrément consécutif à une panne d’alimentation électrique en gare de Saint-Lazare.
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Sachant que les trains électriques fonctionnent de plus en plus mal, au point de ne pas pouvoir rouler comme prévu dès qu’il fait trop chaud ou trop froid et que, d’autre part, quoi qu’on dise qu’on va faire, c’est foutu pour la planète, je propose qu’on en revienne aux bonnes vieilles locomotives diesel.
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