Dernières notes
Loïc Boyer
Je suis l’auteur de textes courts qui furent publiés depuis mil neuf cent quatre-vingt-quinze dans des revues littéraires en France (Supérieur Inconnu, Supplément d’Ame, Nouvelle Donne, Le Bord de l’Eau, Pris de Peur, l’Art du Bref, Sol’Air, Gros Textes, Salmigondis, Verso, Décharge, Bulle, Filigranes, Diérèse, Martobre, Comme ça et Autrement, (Cahier d’) Ecritures, La Nef des Fous), en Belgique (Traversées, Ecrits Vains, L’Arbre à Plumes, Inédit Nouveau, Bleu d’Encre), au Canada (Les Saisons Littéraires) et en Italie (Les Cahiers du Ru).
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.
11 mars 2024
Ce samedi est le jour de l’inauguration de la Bouquinerie de la Croix de Pierre. C’est une annexe de La Tonne, la librairie rouennaise qui depuis plus d’un an remplace la gargote du même nom où les frites étaient si bonnes. Cette seconde boutique dédiée à la seconde main ne sera ouverte que les après-midis des samedis et mercredis de quatorze à dix-huit heures.
Si je ne suis jamais allé à la librairie, n’achetant plus de livres neufs, je vais voir ce que propose cette annexe dédiée à l’occasion où sont rassemblés des livres qui n’ont pas coûté un sou à la libraire, ils lui ont été donnés, et qui sont revendus entre deux et cinq euros.
Je fais en sorte de n’avoir que cinq minutes d’avance à l’arrivée rue Edouard-Adam. L’annexe de La Tonne n’a pas encore d’enseigne. Sa porte est déjà ouverte et deux potentiels acheteurs m’ont précédé. Je dis bonjour. Un retraité tient la caisse. La tonnière m’indique que les livres sont classés par catégories. Je m’en doutais. Je déteste, quand je rentre dans une boutique de livres, qu’on me donne des indications avant que j’aie posé la question.
Comme je le constate moi-même, la littérature de grand format est à droite en entrant et, malheureusement, sur les deux étagères du bas. Je ne peux plus m’accroupir aisément et je vois mal. Néanmoins, je suis à peu près sûr que rien ne m’attendait là. Dans les autres rayonnages, je ne trouve pas davantage de quoi acheter. Il n’y a même pas là un livre que j’aurais déjà. Ce qui fait que je ne m’attarde pas. A quatorze heures vingt, je suis de retour chez moi.
Ce que je voudrais à Rouen, c’est une bouquinerie de la franchise Le Bibliovore, née à Tours et ayant depuis essaimé à Blois, Orléans, Poitiers, Angers, Limoges, Clermont-Ferrand, Besançon, La Rochelle et Le Mans.
Les livres, à condition qu’ils soient en très bon état (proche du neuf), y sont achetés un euro le kilo et revendus trois euros pièce ou dix euros les quatre.
Allez, quelqu’un(e) pour ouvrir un Bibliovore rouennais, afin que mon vœu soit exaucé.
Maintenant, y trouverais-je de quoi me plaire ? Pas sûr, il y a si peu de Rouennais(e)s qui s’intéressent à la littérature, la vraie.
*
Et donc, à défaut de trouver en occasion les livres que j’aime à Rouen, je commande ce dimanche chez Gibert Journaux intimes de Benjamin Constant (Gallimard), Journal de mes rencontres - Un cycle de tragédies de Iouri Annenkov (Editions des Syrtes), Lettres à Guillaume Apollinaire de Louise de Coligny-Châtillon (Gallimard) et J'aimerais penser que je vous manque un peu - Lettres à Lotte de Stefan Zweig (Albin Michel), quatorze euros le tout, livraison gratuite.
Si je ne suis jamais allé à la librairie, n’achetant plus de livres neufs, je vais voir ce que propose cette annexe dédiée à l’occasion où sont rassemblés des livres qui n’ont pas coûté un sou à la libraire, ils lui ont été donnés, et qui sont revendus entre deux et cinq euros.
Je fais en sorte de n’avoir que cinq minutes d’avance à l’arrivée rue Edouard-Adam. L’annexe de La Tonne n’a pas encore d’enseigne. Sa porte est déjà ouverte et deux potentiels acheteurs m’ont précédé. Je dis bonjour. Un retraité tient la caisse. La tonnière m’indique que les livres sont classés par catégories. Je m’en doutais. Je déteste, quand je rentre dans une boutique de livres, qu’on me donne des indications avant que j’aie posé la question.
Comme je le constate moi-même, la littérature de grand format est à droite en entrant et, malheureusement, sur les deux étagères du bas. Je ne peux plus m’accroupir aisément et je vois mal. Néanmoins, je suis à peu près sûr que rien ne m’attendait là. Dans les autres rayonnages, je ne trouve pas davantage de quoi acheter. Il n’y a même pas là un livre que j’aurais déjà. Ce qui fait que je ne m’attarde pas. A quatorze heures vingt, je suis de retour chez moi.
Ce que je voudrais à Rouen, c’est une bouquinerie de la franchise Le Bibliovore, née à Tours et ayant depuis essaimé à Blois, Orléans, Poitiers, Angers, Limoges, Clermont-Ferrand, Besançon, La Rochelle et Le Mans.
Les livres, à condition qu’ils soient en très bon état (proche du neuf), y sont achetés un euro le kilo et revendus trois euros pièce ou dix euros les quatre.
Allez, quelqu’un(e) pour ouvrir un Bibliovore rouennais, afin que mon vœu soit exaucé.
Maintenant, y trouverais-je de quoi me plaire ? Pas sûr, il y a si peu de Rouennais(e)s qui s’intéressent à la littérature, la vraie.
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Et donc, à défaut de trouver en occasion les livres que j’aime à Rouen, je commande ce dimanche chez Gibert Journaux intimes de Benjamin Constant (Gallimard), Journal de mes rencontres - Un cycle de tragédies de Iouri Annenkov (Editions des Syrtes), Lettres à Guillaume Apollinaire de Louise de Coligny-Châtillon (Gallimard) et J'aimerais penser que je vous manque un peu - Lettres à Lotte de Stefan Zweig (Albin Michel), quatorze euros le tout, livraison gratuite.
8 mars 2024
De ma lecture ferroviaire de Mémoires inédits de Mathilde Bonaparte dans la collection Les Cahiers Rouges chez Grasset, des souvenirs de jeune fille évoqués par une vieille femme et publiés pour la première fois en deux mille dix-neuf, je sauve quelques méchancetés :
La Princesse Zénaïde : C’était une grosse femme matérielle, épaisse à l’excès, sans cœur, sans esprit ayant eu seize enfants du plus dégoûtant des hommes qu’elle n’aimait pas, qu’elle estimait encore moins et à juste titre.
Son père, engrosseur de domestiques : Je ne nommerai pas toutes les dames que j’ai connues auprès de ma mère. Elles changeaient assez souvent. Je me souviens, entre autres, d’une Milanaise, Mlle Frosconi qui resta plusieurs années consécutives, entrecoupées de quelques absences forcées…
Mon père, le plus aimable des hommes, poussait la galanterie jusqu’à l’imprudence. D’ailleurs, le baron de Stoelting, son chevalier d’honneur, était une bonne tête de Turc. « C’est Stoelting », disait mon père, et ce beau Stoelting, avec ses larges mouchoirs, son nez en pied de marmite tout bourré de tabac, passait pour un Lovelace.
Adolphe Thiers : Pendant l’été 1837, Monsieur Thiers vint en Italie. Ce fut alors que je le vis pour la première fois. Sa femme l’accompagnait. Elle se disait souffrante. On prétendait qu’elle avait eu pour le maestro Bellini une affection des plus tendres et que son mariage avec M. Thiers était loin de la satisfaire. On la disait instruite des relations intimes de son mari avec sa mère.
Marie de Hesse-Darmstadt, future femme du futur Empereur de Russie Alexandre le Deuxième : Elle ne fut même pas placée sur la liste des princesses à marier qu’on mit sous les yeux du Grand-Duc. Cependant, ce fut elle qui lui plut. L’empereur Nicolas s’était imposé de ne pas contrarier l’inclination de son fils, mais ce choix lui fit dire, avec un peu de cynisme, que le cochon anoblit la truie.
De celle de Ça raconte Sarah de Pauline Delabroy-Allard dans l’édition de poche des Editions de Minuit, je ne retiens que ma déception. Impossible de croire à cette histoire d’amour passion entre deux femmes. L’auteure va de cliché en cliché. Ses phrases courtes fatiguent. Encore plus ses paragraphes type Ouiquipédia pour expliquer tel film ou tel lieu à des lecteurs supposés ignares. Le plus pénible est la deuxième partie quand la narratrice, après la mort de cette Sarah, plonge dans la dépression à Trieste, je l’ai lue en diagonale.
Page cinquante-sept : … des chiens errants errent dans les herbes touffues et vert tendre … (ça c’est étonnant)
Page cent soixante et un : Je chante de vieilles chansons françaises de variété que j’ai gardées en mémoire. (ça c’est lourd)
La Princesse Zénaïde : C’était une grosse femme matérielle, épaisse à l’excès, sans cœur, sans esprit ayant eu seize enfants du plus dégoûtant des hommes qu’elle n’aimait pas, qu’elle estimait encore moins et à juste titre.
Son père, engrosseur de domestiques : Je ne nommerai pas toutes les dames que j’ai connues auprès de ma mère. Elles changeaient assez souvent. Je me souviens, entre autres, d’une Milanaise, Mlle Frosconi qui resta plusieurs années consécutives, entrecoupées de quelques absences forcées…
Mon père, le plus aimable des hommes, poussait la galanterie jusqu’à l’imprudence. D’ailleurs, le baron de Stoelting, son chevalier d’honneur, était une bonne tête de Turc. « C’est Stoelting », disait mon père, et ce beau Stoelting, avec ses larges mouchoirs, son nez en pied de marmite tout bourré de tabac, passait pour un Lovelace.
Adolphe Thiers : Pendant l’été 1837, Monsieur Thiers vint en Italie. Ce fut alors que je le vis pour la première fois. Sa femme l’accompagnait. Elle se disait souffrante. On prétendait qu’elle avait eu pour le maestro Bellini une affection des plus tendres et que son mariage avec M. Thiers était loin de la satisfaire. On la disait instruite des relations intimes de son mari avec sa mère.
Marie de Hesse-Darmstadt, future femme du futur Empereur de Russie Alexandre le Deuxième : Elle ne fut même pas placée sur la liste des princesses à marier qu’on mit sous les yeux du Grand-Duc. Cependant, ce fut elle qui lui plut. L’empereur Nicolas s’était imposé de ne pas contrarier l’inclination de son fils, mais ce choix lui fit dire, avec un peu de cynisme, que le cochon anoblit la truie.
De celle de Ça raconte Sarah de Pauline Delabroy-Allard dans l’édition de poche des Editions de Minuit, je ne retiens que ma déception. Impossible de croire à cette histoire d’amour passion entre deux femmes. L’auteure va de cliché en cliché. Ses phrases courtes fatiguent. Encore plus ses paragraphes type Ouiquipédia pour expliquer tel film ou tel lieu à des lecteurs supposés ignares. Le plus pénible est la deuxième partie quand la narratrice, après la mort de cette Sarah, plonge dans la dépression à Trieste, je l’ai lue en diagonale.
Page cinquante-sept : … des chiens errants errent dans les herbes touffues et vert tendre … (ça c’est étonnant)
Page cent soixante et un : Je chante de vieilles chansons françaises de variété que j’ai gardées en mémoire. (ça c’est lourd)
7 mars 2024
Un obstacle sur la voie ce mercredi, oublié là par les ouvriers de la société privée effectuant de nuit des travaux dans le tunnel de Rolleboise entre Bonnières et Mantes-la-Jolie, est cause que le train de sept heures vingt-trois est retenu en gare. Il partira avec trente minutes de retard, nous dit-on.
Le départ a lieu à huit heures cinq. J’ai pour voisine une navetteuse qui devait prendre celui de huit heures. Elle est en contact avec d’autres qui sont parties bien plus tôt et dont les trains sont toujours bloqués vers Bonnières. Le nôtre s’arrête à Val-de-Reuil. La cheffe de bord nous annonce qu’il n’y a qu’une seule voie de disponible et donc tous les trains sont à la file. Elle prévoit une heure de retard à l’arrivée. Ce sera une heure et demie. Largement le temps qu’il me faut pour lire Ça raconte Sarah de Pauline Delabroy-Allard car ça me saoule, surtout la deuxième partie que je parcours en diagonale.
Le bus Vingt-Neuf, lui, se trouve bloqué près de la place des Vosges par des livreurs indélicats. J’en descends et poursuis à pied jusqu’à Ledru-Rollin. Un café comptoir au Camélia et j’entre chez Book-Off cinq minutes après l’ouverture.
J’en ressors avec des livres à un euro Mémoires de Montparnasse de John Glassco (Viviane Hamy), L’Auvergne des écrivains d’ailleurs (Page Centrale), La Femme qui pensait être belle de Kenneth Bernard (Le Tripode) et Jiří Kolář l’œil de Prague de Michel Butor (La Différence). Au magasin Eram d’à côté une employée installe une inscription autocollante sur la vitrine pour indiquer qu’ici on vend des chaussures de seconde main. De second pied serait plus approprié.
Au Diable des Lombards, je choisis les accras de poisson et le faux-filet frites salade.
-Votre collègue, mercredi dernier, m’a fait un prix carte de fidélité.
-Il aurait pas dû. C’est réservé aux employés de la Fnac, on a un accord avec eux.
Je paye donc quinze euros dix et dis que je reviendrai quand même.
Du sous-sol du Book-Off de Saint-Martin, je remonte d’autres livres à un euro : Lettres à Condorcet de Julie de Lespinasse (Desjonquières), Raymond Queneau et la fête foraine de Jacques Roubaud (Réunion des Musées Nationaux) et un mignonnet coffret du Livre de Poche contenant cinq Jean Effel Le Ciel et la Terre, Les Plantes et les Animaux, L'Homme, La Femme et Le Roman d'Adam et d'Ève.
Enfin au troisième Book-Off, je paie trois euros pour Les Lettres de Stark Munro d’Arthur Conan Doyle (Editions du Jasmin) et deux livres à offrir, tandis qu’au guichet des achats le vendeur n’est pas ravi de ce que lui apporte un jeune homme :
-Monsieur, je suis désolé, ils ont une drôle d’odeur vos cédés.
-Ils étaient dans un box. Ça doit être pour ça.
-Je suis désolé, ils sentent un peu l’urine, je ne vais pas pouvoir les reprendre.
Le jeune homme reprend sa marchandise et file sans demander son reste (comme on dit).
Bien chargé, je rejoins la station de métro Quatre Septembre et assiste à l’arrivée de deux voitures de la Police.
-Enlevez l’oreillette ! Videz vos poches ! Pocket !
Des policiers agressifs s’adressent au vendeur à la sauvette étranger qui tient boutique de fruitier à la sortie de la station. Il est là (ou un autre) depuis des années, mais cette fois il s’agit de faire place nette pour les Jeux Olympiques.
*
Dans les trois BookOff, un coffret (quel que soit le nombre de livres qu’il contient), c’est un euro. Ce mercredi à Saint-Martin, il y en a aussi un de trois livres de Douglas Kennedy mais c’est pas ma came (comme disent certains).
*
Un touriste rue de Rivoli :
-Ça c’est quoi ?
-La tour Saint-Jacques.
-La tour Saint-Jacques. Ce n’est pas une cathédrale alors ?
Ils voient des cathédrales partout.
*
Dans le train du retour mon voisin de devant joue au foute sur son ordinateur tout en regardant un film sur son Smartphone.
Le départ a lieu à huit heures cinq. J’ai pour voisine une navetteuse qui devait prendre celui de huit heures. Elle est en contact avec d’autres qui sont parties bien plus tôt et dont les trains sont toujours bloqués vers Bonnières. Le nôtre s’arrête à Val-de-Reuil. La cheffe de bord nous annonce qu’il n’y a qu’une seule voie de disponible et donc tous les trains sont à la file. Elle prévoit une heure de retard à l’arrivée. Ce sera une heure et demie. Largement le temps qu’il me faut pour lire Ça raconte Sarah de Pauline Delabroy-Allard car ça me saoule, surtout la deuxième partie que je parcours en diagonale.
Le bus Vingt-Neuf, lui, se trouve bloqué près de la place des Vosges par des livreurs indélicats. J’en descends et poursuis à pied jusqu’à Ledru-Rollin. Un café comptoir au Camélia et j’entre chez Book-Off cinq minutes après l’ouverture.
J’en ressors avec des livres à un euro Mémoires de Montparnasse de John Glassco (Viviane Hamy), L’Auvergne des écrivains d’ailleurs (Page Centrale), La Femme qui pensait être belle de Kenneth Bernard (Le Tripode) et Jiří Kolář l’œil de Prague de Michel Butor (La Différence). Au magasin Eram d’à côté une employée installe une inscription autocollante sur la vitrine pour indiquer qu’ici on vend des chaussures de seconde main. De second pied serait plus approprié.
Au Diable des Lombards, je choisis les accras de poisson et le faux-filet frites salade.
-Votre collègue, mercredi dernier, m’a fait un prix carte de fidélité.
-Il aurait pas dû. C’est réservé aux employés de la Fnac, on a un accord avec eux.
Je paye donc quinze euros dix et dis que je reviendrai quand même.
Du sous-sol du Book-Off de Saint-Martin, je remonte d’autres livres à un euro : Lettres à Condorcet de Julie de Lespinasse (Desjonquières), Raymond Queneau et la fête foraine de Jacques Roubaud (Réunion des Musées Nationaux) et un mignonnet coffret du Livre de Poche contenant cinq Jean Effel Le Ciel et la Terre, Les Plantes et les Animaux, L'Homme, La Femme et Le Roman d'Adam et d'Ève.
Enfin au troisième Book-Off, je paie trois euros pour Les Lettres de Stark Munro d’Arthur Conan Doyle (Editions du Jasmin) et deux livres à offrir, tandis qu’au guichet des achats le vendeur n’est pas ravi de ce que lui apporte un jeune homme :
-Monsieur, je suis désolé, ils ont une drôle d’odeur vos cédés.
-Ils étaient dans un box. Ça doit être pour ça.
-Je suis désolé, ils sentent un peu l’urine, je ne vais pas pouvoir les reprendre.
Le jeune homme reprend sa marchandise et file sans demander son reste (comme on dit).
Bien chargé, je rejoins la station de métro Quatre Septembre et assiste à l’arrivée de deux voitures de la Police.
-Enlevez l’oreillette ! Videz vos poches ! Pocket !
Des policiers agressifs s’adressent au vendeur à la sauvette étranger qui tient boutique de fruitier à la sortie de la station. Il est là (ou un autre) depuis des années, mais cette fois il s’agit de faire place nette pour les Jeux Olympiques.
*
Dans les trois BookOff, un coffret (quel que soit le nombre de livres qu’il contient), c’est un euro. Ce mercredi à Saint-Martin, il y en a aussi un de trois livres de Douglas Kennedy mais c’est pas ma came (comme disent certains).
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Un touriste rue de Rivoli :
-Ça c’est quoi ?
-La tour Saint-Jacques.
-La tour Saint-Jacques. Ce n’est pas une cathédrale alors ?
Ils voient des cathédrales partout.
*
Dans le train du retour mon voisin de devant joue au foute sur son ordinateur tout en regardant un film sur son Smartphone.
5 mars 2024
Bizarrement, alors que je m’attendais à ce que la Préfecture me téléphone pour me dire que la photo que j’ai fournie fin janvier à la Mairie de Rouen ne convenait pas pour ma prochaine carte d’identité, je n’ai pas été appelé. Aussi je me pointe ce lundi matin à l’accueil de la maison commune (comme on dit) avec l’espoir d’en prendre possession.
La femme brune à lunettes de l’accueil me donne un numéro. Je vais m’asseoir dans le couloir sur la gauche. Je suis vite appelé par la femme blonde à lunettes que se trouve dans la guérite d’accès rapide.
Elle cherche dans le tiroir des cartes en attente et ne me trouve pas. Vu le délai ce n’est pas normal. Elle fait une recherche sur son ordinateur et m’annonce que la demande a été rejetée par la Préfecture car la photo fournie par mes soins avait plus de six mois. Cela ne me surprend pas mais je m’étonne que cette Préfecture ne m’ait pas appelé sur mon fixe, comme elle devait le faire, pour le signaler. Peut-être l’a-t-on fait un jour où je n’étais pas là et puis on a laissé tomber.
Bref, plus qu’à recommencer en fournissant une photo de moins de six mois. En revanche, pas besoin de remplir à nouveau le dossier, il est enregistré, m’explique la fonctionnaire territoriale enfermée dans sa cage en verre. J’espère que cette dame moyennement aimable ne se trompe pas. Elle me donne un nouveau rendez-vous pour dans dix jours.
*
Je ne suis pas surpris par le refus de photo. J’ai voulu jouer au petit malin en donnant une photo qui me restait. Malheureusement, c’est aussi celle qui figure sur mon passeport qui a bien plus de six mois. Les instruments de flicage de la Préfecture ont fait le reste.
La femme brune à lunettes de l’accueil me donne un numéro. Je vais m’asseoir dans le couloir sur la gauche. Je suis vite appelé par la femme blonde à lunettes que se trouve dans la guérite d’accès rapide.
Elle cherche dans le tiroir des cartes en attente et ne me trouve pas. Vu le délai ce n’est pas normal. Elle fait une recherche sur son ordinateur et m’annonce que la demande a été rejetée par la Préfecture car la photo fournie par mes soins avait plus de six mois. Cela ne me surprend pas mais je m’étonne que cette Préfecture ne m’ait pas appelé sur mon fixe, comme elle devait le faire, pour le signaler. Peut-être l’a-t-on fait un jour où je n’étais pas là et puis on a laissé tomber.
Bref, plus qu’à recommencer en fournissant une photo de moins de six mois. En revanche, pas besoin de remplir à nouveau le dossier, il est enregistré, m’explique la fonctionnaire territoriale enfermée dans sa cage en verre. J’espère que cette dame moyennement aimable ne se trompe pas. Elle me donne un nouveau rendez-vous pour dans dix jours.
*
Je ne suis pas surpris par le refus de photo. J’ai voulu jouer au petit malin en donnant une photo qui me restait. Malheureusement, c’est aussi celle qui figure sur mon passeport qui a bien plus de six mois. Les instruments de flicage de la Préfecture ont fait le reste.
4 mars 2024
« Le ciel est-il enfin en train de se dégager au-dessus de la Garancière ? », se demande La Dépêche de Louviers.
« Depuis de longues années, la résidence située à l’angle de la rue Septentrion et de la rue du Pas des Heures à Val-de-Reuil est confrontée à de sérieux soucis d’entretiens. La raison ? Construite en 1977, « la copropriété a connu des difficultés de fonctionnement en particulier pour recouvrer les charges de copropriété auprès de certains copropriétaires qui ne les payaient pas », a rappelé l’adjoint au maire en charge des finances à la ville de Val-de-Reuil, Jean-Jacques Coquelet, lors du dernier conseil municipal. »
« Conséquences : l’état de la résidence s’est dégradé au fil des années. Infiltrations d’eau, pannes d’ascenseur, parties communes dégradées… les habitants ne comptent plus les déboires. »
« Mis à l’écart des plans de renouvellement urbain en raison de son caractère privé, l’immeuble apparaît aujourd’hui « comme une verrue au milieu du quartier », observe Jean-Jacques Coquelet »
« Le syndicat de copropriété est accompagné depuis 2019 par Citémétrie, un bureau d’études et de conseil indépendant. (…) « La grosse partie du dossier a concerné le redressement de la partie impayée », précise Mégane Barnavon, responsable de l’antenne Normandie de Citémétrie. »
« Le plan de sauvegarde a été prolongé jusqu’en 2026 avec l’ambition de démarrer de nouveaux travaux avant la fin de l’année pour rénover la résidence « du sol au plafond ». »
« Le chantier devrait durer entre douze et dix-huit mois. (…) Le montant moyen devrait approcher la somme de 17 000 € par propriétaire. »
Si je m’intéresse à cette copropriété rolivaloise, c’est que j’y ai habité une dizaine d’années m’étant laissé berner par les sirènes de l’accession à la propriété.
Quand je suis arrivé, il n’y avait que des Gaulois dans ma cage d’escalier. Vivait là notamment la seule libraire de la ville, belle-sœur du Maire de l’époque. Quelques années plus tard, j’étais le seul Blanc. Mes nouveaux voisins étaient originaires du Maroc, d’Afrique Noire et du Kurdistan et il n’y avait plus de librairie à Val-de-Reuil. J’ai alors connu les soucis causés par le non paiement des charges par certains. Seuls les travaux indispensables, par exemple l’étanchéité de la toiture étaient effectués. En plus d’en régler ma part, je devais payer une fraction des impayés.
Quand Electricité de France annonça que le courant dans les parties communes allait être coupé, ce qui aurait mis les ascenseurs à l’arrêt, il fallut l’intervention de la Mairie pour que l’on y échappe. Un jour, le syndic refusa de continuer à gérer cette copropriété à problèmes. Un administrateur judiciaire fut nommé, un retraité complètement dépassé qui par son inaction en a incité d’autres à ne pas payer leurs charges. Quand il fut renvoyé, un nouveau syndic accepta de prendre en charge la gestion à condition de ne pas s’occuper du passif.
Malgré cela, je garde un excellent souvenir de mon séjour à la Garancière où dans la chambre blanche me rejoignait celle qui vit maintenant à Asnières-sur-Seine.
Et heureusement, il s’est trouvé un commerçant algérien ayant besoin d’un pied-à-terre en France pour acheter mon appartement sans que j’y perde trop, me permettant de sortir de ce guêpier.
*
« Nous sommes l’un des plus vieux immeubles de la ville et nous allons devenir le plus beau ! », se réjouit l’une des résidentes dans l’article de La Dépêche de Louviers.
Je crains qu’elle se réjouisse un peu vite. La légende de la photo qui accompagne cet article est la suivante : « Le projet pourrait être accompagné d'une réhabilitation des parties extérieures de la résidence. Ces travaux seront « optionnels », précise Citémétrie. »
La Garancière risque de rester une verrue au milieu du quartier.
« Depuis de longues années, la résidence située à l’angle de la rue Septentrion et de la rue du Pas des Heures à Val-de-Reuil est confrontée à de sérieux soucis d’entretiens. La raison ? Construite en 1977, « la copropriété a connu des difficultés de fonctionnement en particulier pour recouvrer les charges de copropriété auprès de certains copropriétaires qui ne les payaient pas », a rappelé l’adjoint au maire en charge des finances à la ville de Val-de-Reuil, Jean-Jacques Coquelet, lors du dernier conseil municipal. »
« Conséquences : l’état de la résidence s’est dégradé au fil des années. Infiltrations d’eau, pannes d’ascenseur, parties communes dégradées… les habitants ne comptent plus les déboires. »
« Mis à l’écart des plans de renouvellement urbain en raison de son caractère privé, l’immeuble apparaît aujourd’hui « comme une verrue au milieu du quartier », observe Jean-Jacques Coquelet »
« Le syndicat de copropriété est accompagné depuis 2019 par Citémétrie, un bureau d’études et de conseil indépendant. (…) « La grosse partie du dossier a concerné le redressement de la partie impayée », précise Mégane Barnavon, responsable de l’antenne Normandie de Citémétrie. »
« Le plan de sauvegarde a été prolongé jusqu’en 2026 avec l’ambition de démarrer de nouveaux travaux avant la fin de l’année pour rénover la résidence « du sol au plafond ». »
« Le chantier devrait durer entre douze et dix-huit mois. (…) Le montant moyen devrait approcher la somme de 17 000 € par propriétaire. »
Si je m’intéresse à cette copropriété rolivaloise, c’est que j’y ai habité une dizaine d’années m’étant laissé berner par les sirènes de l’accession à la propriété.
Quand je suis arrivé, il n’y avait que des Gaulois dans ma cage d’escalier. Vivait là notamment la seule libraire de la ville, belle-sœur du Maire de l’époque. Quelques années plus tard, j’étais le seul Blanc. Mes nouveaux voisins étaient originaires du Maroc, d’Afrique Noire et du Kurdistan et il n’y avait plus de librairie à Val-de-Reuil. J’ai alors connu les soucis causés par le non paiement des charges par certains. Seuls les travaux indispensables, par exemple l’étanchéité de la toiture étaient effectués. En plus d’en régler ma part, je devais payer une fraction des impayés.
Quand Electricité de France annonça que le courant dans les parties communes allait être coupé, ce qui aurait mis les ascenseurs à l’arrêt, il fallut l’intervention de la Mairie pour que l’on y échappe. Un jour, le syndic refusa de continuer à gérer cette copropriété à problèmes. Un administrateur judiciaire fut nommé, un retraité complètement dépassé qui par son inaction en a incité d’autres à ne pas payer leurs charges. Quand il fut renvoyé, un nouveau syndic accepta de prendre en charge la gestion à condition de ne pas s’occuper du passif.
Malgré cela, je garde un excellent souvenir de mon séjour à la Garancière où dans la chambre blanche me rejoignait celle qui vit maintenant à Asnières-sur-Seine.
Et heureusement, il s’est trouvé un commerçant algérien ayant besoin d’un pied-à-terre en France pour acheter mon appartement sans que j’y perde trop, me permettant de sortir de ce guêpier.
*
« Nous sommes l’un des plus vieux immeubles de la ville et nous allons devenir le plus beau ! », se réjouit l’une des résidentes dans l’article de La Dépêche de Louviers.
Je crains qu’elle se réjouisse un peu vite. La légende de la photo qui accompagne cet article est la suivante : « Le projet pourrait être accompagné d'une réhabilitation des parties extérieures de la résidence. Ces travaux seront « optionnels », précise Citémétrie. »
La Garancière risque de rester une verrue au milieu du quartier.
2 mars 2024
Pour une fois la bande des retraité(e)s du samedi matin au Socrate est absente. Sa table habituelle est vite occupée par une autre. Celle-ci est composée de deux trentenaires, dont la tête m’évoque ce que Johnny appelait les mauvais garçons, d’une femme du même âge et de plusieurs enfants de moins de dix ans.
-On va prendre comme on a déjà pris dans l’autre bar, dit l’un aux autres.
Quand la serveuse vient les voir, il commande deux vodkas nature, un café et des Coca-Cola puis il la rappelle pour ajouter des croissants pour les enfants.
Il est neuf heures et demie. Un peu tôt pour la vodka mais, mon intuition était bonne, il s’agit de fêter sa libération de Bonne-Nouvelle. Finie la zonzon. C’est effectivement une bonne nouvelle. Je ne sais pas à qui sont les enfants. Ils se tiennent bien. Dès qu’un s’agite un peu, il est rappelé à l’ordre.
-Je sais ce que je vais faire, déclare le libéré. Je vais faire un spectacle pour raconter la prison. J’en ai vu des choses.
Je n’en suis qu’à la moitié de ce gros livre qu’est Correspondance d’Auguste Perret et Marie Dormoy. Au moment où je m’apprête à partir, le donneur d’ordre recommande la même chose sans les croissants et propose de payer. Il y en a pour quarante-six euros.
Leur conversation revient sur l’avenir. La dernière chose que j’entends, c’est « On pourrait braquer le bar ».
*
Touristes dépités par le temps médiocre :
-On n’a qu’à retourner à la Cathédrale.
-Laquelle ?
Rouen, la ville aux cent clochers.
*
Navrante abstention de Catherine Morin-Desailly, Sénatrice de Rouen, Centriste de Droite, lors du vote du projet de loi constitutionnelle visant à inscrire dans la Constitution la liberté pour les femmes de recourir à l'interruption volontaire de grossesse.
Voter contre ou s’abstenir c’est la même chose, c’est accepter qu’un jour la loi actuelle puisse être remise en question, c’est donc être contre l’avortement.
Tel est l’aveu de Catherine Morin-Desailly.
-On va prendre comme on a déjà pris dans l’autre bar, dit l’un aux autres.
Quand la serveuse vient les voir, il commande deux vodkas nature, un café et des Coca-Cola puis il la rappelle pour ajouter des croissants pour les enfants.
Il est neuf heures et demie. Un peu tôt pour la vodka mais, mon intuition était bonne, il s’agit de fêter sa libération de Bonne-Nouvelle. Finie la zonzon. C’est effectivement une bonne nouvelle. Je ne sais pas à qui sont les enfants. Ils se tiennent bien. Dès qu’un s’agite un peu, il est rappelé à l’ordre.
-Je sais ce que je vais faire, déclare le libéré. Je vais faire un spectacle pour raconter la prison. J’en ai vu des choses.
Je n’en suis qu’à la moitié de ce gros livre qu’est Correspondance d’Auguste Perret et Marie Dormoy. Au moment où je m’apprête à partir, le donneur d’ordre recommande la même chose sans les croissants et propose de payer. Il y en a pour quarante-six euros.
Leur conversation revient sur l’avenir. La dernière chose que j’entends, c’est « On pourrait braquer le bar ».
*
Touristes dépités par le temps médiocre :
-On n’a qu’à retourner à la Cathédrale.
-Laquelle ?
Rouen, la ville aux cent clochers.
*
Navrante abstention de Catherine Morin-Desailly, Sénatrice de Rouen, Centriste de Droite, lors du vote du projet de loi constitutionnelle visant à inscrire dans la Constitution la liberté pour les femmes de recourir à l'interruption volontaire de grossesse.
Voter contre ou s’abstenir c’est la même chose, c’est accepter qu’un jour la loi actuelle puisse être remise en question, c’est donc être contre l’avortement.
Tel est l’aveu de Catherine Morin-Desailly.
29 février 2024
Le merlou se manifeste quand je rejoins la Gare de Rouen ce mercredi matin pour le sept heures vingt-trois. Sur le quai Deux, j’entends qu’à son chant se mêle celui encore plus mélodieux d’un oiseau que je ne sais pas identifier. Le printemps va venir mais février n’est pas encore terminé.
Devant moi dans le train qui mène à Paris deux professeures discutent de barème de notation : « S’ils ont répondu à côté de la plaque mais correctement, je donne un point. » Je reprends la lecture de Mémoires inédits de Mathilde Bonaparte, une belle langue de vipère.
Au Marché d’Aligre, le rabatteur de chez Émile donne de la voix : « Allez-y, y a de la nouvelle marchandise. » Il y en a aussi chez le concurrent, Amin. Dans les deux cas, pas de livre pour moi.
Au comptoir du Camélia, on se plaint des trains. « J’ai mis trois heures pour aller à Troyes. Mes enfants, que j’allais chercher. » Une vieille bobo de tous les mercredis achète ses cigarettes. « Ah ! J’allais oublier mes clés. » C’est ce qu’elle dit à chaque fois, après avoir fait semblant de partir sans. C’est une commerçante d’à côté qui les fait garder ici, dans le tiroir-caisse.
Chez Book-Off, parmi les livres à un euro, je choisis L’odeur de l’Inde de Pier Paolo Pasolini (Folio), Le calme retrouvé de Tim Parks (Actes Sud), Ça raconte Sarah de Pauline Delabroy-Allard (Minuit double) et, celui dont je suis le plus content, Suite suisse d’Hélène Bessette (Laureli Léo Scheer).
Au Diable des Lombards, la formule du midi manque de diversité depuis quelques semaines. J’opte pour le faux filet grillé sauce au bleu frites salade et la tarte Tatin. Deux sexagénaires sont mes voisines. L’une explique à l’autre qu’elle a enfin réussi à se faire inviter par une vieille copine qui a une petite maison à Saint-Briac rue du Presbytère. Las, elle a déchanté à l’arrivée. La vieille copine a la maladie de Diogène. « Tu peux pas imaginer le bazar et l’état du canapé dans lequel j’ai dormi. » Le lendemain elle a filé. C’est un serveur qui travaille habituellement le soir qui est à la manœuvre. Il me demande si j’ai la carte de fidélité et me fait le repas à quatorze euros cinquante au lieu de quinze euros dix.
Encore un fois, je ressors déçu du Book-Off de Saint-Martin, avec seulement Mon valet et moi d’Hervé Guibert (Editions du Seuil).
C’est à peine mieux à celui de Quatre Septembre que j’ai rejoint après un trajet éprouvant, le métro Trois étant en panne. Je n’y mets dans mon panier que Le carnet vert de François Gorin (Médiapop Editions) et Marius Gardebois dit le Savoureux d’Albert Londres (Editions Chant d’orties). Des parents hésitent devant les multiples éditions de Bel Ami dont a besoin leur collégienne de fille. Une femme vient à leur secours : « Si vous permettez, je suis professeur de français. »
Au piano de la Gare Saint-Lazare s’exprime une chanteuse d’aigus de style québécois. De celles dont un jour j’ai entendu à la télé Eddy Mitchell dire : « Elles chantent comme si elles s’étaient coincées le clitoris dans la porte. » C’était il y a longtemps.
Au moment où je m’éloigne, l’artiste de gare s’attaque à Complainte de la serveuse automate Qu'est-ce que je vais faire aujourd'hui ? / Qu'est-ce que je vais faire demain ? / C'est ce que j'me dis tous les matins / Qu'est-ce que je vais faire de ma vie ?
Déjà j’aimerais bien que le train du retour arrive. Son conducteur et ses chefs de bord l’attendent au bout du quai Vingt-Cinq. Quand il apparaît enfin, un message signale qu’il a été mis à quai tardivement. Ce qui n’est pas une information.
Devant moi dans le train qui mène à Paris deux professeures discutent de barème de notation : « S’ils ont répondu à côté de la plaque mais correctement, je donne un point. » Je reprends la lecture de Mémoires inédits de Mathilde Bonaparte, une belle langue de vipère.
Au Marché d’Aligre, le rabatteur de chez Émile donne de la voix : « Allez-y, y a de la nouvelle marchandise. » Il y en a aussi chez le concurrent, Amin. Dans les deux cas, pas de livre pour moi.
Au comptoir du Camélia, on se plaint des trains. « J’ai mis trois heures pour aller à Troyes. Mes enfants, que j’allais chercher. » Une vieille bobo de tous les mercredis achète ses cigarettes. « Ah ! J’allais oublier mes clés. » C’est ce qu’elle dit à chaque fois, après avoir fait semblant de partir sans. C’est une commerçante d’à côté qui les fait garder ici, dans le tiroir-caisse.
Chez Book-Off, parmi les livres à un euro, je choisis L’odeur de l’Inde de Pier Paolo Pasolini (Folio), Le calme retrouvé de Tim Parks (Actes Sud), Ça raconte Sarah de Pauline Delabroy-Allard (Minuit double) et, celui dont je suis le plus content, Suite suisse d’Hélène Bessette (Laureli Léo Scheer).
Au Diable des Lombards, la formule du midi manque de diversité depuis quelques semaines. J’opte pour le faux filet grillé sauce au bleu frites salade et la tarte Tatin. Deux sexagénaires sont mes voisines. L’une explique à l’autre qu’elle a enfin réussi à se faire inviter par une vieille copine qui a une petite maison à Saint-Briac rue du Presbytère. Las, elle a déchanté à l’arrivée. La vieille copine a la maladie de Diogène. « Tu peux pas imaginer le bazar et l’état du canapé dans lequel j’ai dormi. » Le lendemain elle a filé. C’est un serveur qui travaille habituellement le soir qui est à la manœuvre. Il me demande si j’ai la carte de fidélité et me fait le repas à quatorze euros cinquante au lieu de quinze euros dix.
Encore un fois, je ressors déçu du Book-Off de Saint-Martin, avec seulement Mon valet et moi d’Hervé Guibert (Editions du Seuil).
C’est à peine mieux à celui de Quatre Septembre que j’ai rejoint après un trajet éprouvant, le métro Trois étant en panne. Je n’y mets dans mon panier que Le carnet vert de François Gorin (Médiapop Editions) et Marius Gardebois dit le Savoureux d’Albert Londres (Editions Chant d’orties). Des parents hésitent devant les multiples éditions de Bel Ami dont a besoin leur collégienne de fille. Une femme vient à leur secours : « Si vous permettez, je suis professeur de français. »
Au piano de la Gare Saint-Lazare s’exprime une chanteuse d’aigus de style québécois. De celles dont un jour j’ai entendu à la télé Eddy Mitchell dire : « Elles chantent comme si elles s’étaient coincées le clitoris dans la porte. » C’était il y a longtemps.
Au moment où je m’éloigne, l’artiste de gare s’attaque à Complainte de la serveuse automate Qu'est-ce que je vais faire aujourd'hui ? / Qu'est-ce que je vais faire demain ? / C'est ce que j'me dis tous les matins / Qu'est-ce que je vais faire de ma vie ?
Déjà j’aimerais bien que le train du retour arrive. Son conducteur et ses chefs de bord l’attendent au bout du quai Vingt-Cinq. Quand il apparaît enfin, un message signale qu’il a été mis à quai tardivement. Ce qui n’est pas une information.
27 février 2024
Une sorte de tempête sans nom souffle sur la ville ce lundi après-midi. Vers Le Havre les trains sont bloqués par une chute d’arbre. Au Socrate, où je lis Correspondance d’Auguste Perret et Marie Dormoy, les joues sont bien accrochées.
Néanmoins, les lycéen(ne)s, nouvellement en vacances, ne se risquent pas en terrasse. Pas très loin de moi, un quatuor, deux filles deux garçons, jouent aux cartes. Ils sont rejoints par un autre, des garçons qui restent debout autour d’eux.
-Vous vous installez à quelle table les garçons ? leur demande le serveur.
-On dit seulement bonjour, lui répond l’un.
-Ce n’est pas possible, quand on entre ici c’est pour boire quelque chose.
Ils se dirigent vers la sortie en traînant les pieds.
Le serveur les achève d’un « Vous vous parlerez sur Snap, »
*
Elle a quinze ans. Un jour elle croise une fugueuse qui a son âge, lui propose de passer la nuit dans le garage de ses parents où se trouve un canapé et où elle lui apportera à manger.
Elle a quarante-cinq ans et une fille de quinze ans. C’est une autre ou peut-être la même trente ans plus tard. Un jour elle croise une fugueuse qui a l’âge de sa fille et appelle la Police.
Ce n’est pas du cinéma. Ou peut-être que si.
*
« Dans les chansons aussi, des adultes vivaient avec de trop jeunes filles… », réalise soudain France Info. La radio qui vient d’ouvrir les oreilles cite évidemment Gainsbourg mais aussi Aznavour, Antoine, Moustaki, Brassens, et même Sardou. Il y en avait d’autres.
*
Je m’attends à ce que les critiques littéraires ouvrent bientôt les yeux et nous donnent la liste des livres à retirer des bibliothèques privées et publiques.
Néanmoins, les lycéen(ne)s, nouvellement en vacances, ne se risquent pas en terrasse. Pas très loin de moi, un quatuor, deux filles deux garçons, jouent aux cartes. Ils sont rejoints par un autre, des garçons qui restent debout autour d’eux.
-Vous vous installez à quelle table les garçons ? leur demande le serveur.
-On dit seulement bonjour, lui répond l’un.
-Ce n’est pas possible, quand on entre ici c’est pour boire quelque chose.
Ils se dirigent vers la sortie en traînant les pieds.
Le serveur les achève d’un « Vous vous parlerez sur Snap, »
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Elle a quinze ans. Un jour elle croise une fugueuse qui a son âge, lui propose de passer la nuit dans le garage de ses parents où se trouve un canapé et où elle lui apportera à manger.
Elle a quarante-cinq ans et une fille de quinze ans. C’est une autre ou peut-être la même trente ans plus tard. Un jour elle croise une fugueuse qui a l’âge de sa fille et appelle la Police.
Ce n’est pas du cinéma. Ou peut-être que si.
*
« Dans les chansons aussi, des adultes vivaient avec de trop jeunes filles… », réalise soudain France Info. La radio qui vient d’ouvrir les oreilles cite évidemment Gainsbourg mais aussi Aznavour, Antoine, Moustaki, Brassens, et même Sardou. Il y en avait d’autres.
*
Je m’attends à ce que les critiques littéraires ouvrent bientôt les yeux et nous donnent la liste des livres à retirer des bibliothèques privées et publiques.
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