Tous les dimanches, il allait voir sa fille. Sa jolie Lara qui avait changé son prénom en Tamara, allez savoir pourquoi.
Il n'était à Paris que depuis deux mois lorsqu'il l'avait retrouvée. Un hasard heureux, un soir de trop grande solitude.
Trois ans qu'il ne l'avait pas vue. Plus de nouvelles. Disparue. C'était lui qui l'avait mise à la porte. Le jour de ses dix-huit ans. Il en avait eu assez de la voir traîner à la maison. Ecouter de la musique trop fort, fumer de drôles de cigarettes, grimper sur la première moto qui passait, c'était tout ce qu'elle savait faire.
Il lui avait montré la porte et elle ne s'était pas fait prier. Dans les semaines qui avaient suivi, il avait regretté mais trop tard. Lara n'avait pas téléphoné, pas même envoyé un simple mot sur une carte postale. Rien.
Sa femme, la mère de Lara, avait pleuré de plus en plus souvent. Il était rentré de plus en plus tard, s'attardant dans les bars, comme dans les mauvais romans.
Un jour, il était parti. S'il était possible de vendre des saucissons à Limoges, pourquoi ne pas en vendre à Paris loin des jérémiades conjugales.
Il vivait dans un hôtel médiocre du dix-septième arrondissement, près de la place de Clichy, où il avait toutes les nuits pour songer à sa vie ratée.
Il rêvait souvent à sa fille. Qui était si gentille quand elle le voulait bien et dont il était si fier quand elle était petite. Il la revoyait à dix ans dans son costume de ballerine. Elle s'enfermait dans sa chambre pour répéter inlassablement les pas qu'elle apprenait au cours de danse. Jamais il ne pouvait la voir danser; elle s'y refusait, têtue et hostile. Le seul jour où elle ne pouvait empêcher qu'il ne la regarde, c'était lors du gala de fin d'année. Il la cherchait des yeux, là-bas, loin, sur la scène, au milieu d'une quinzaine de fillettes toutes vêtues et coiffées comme elle, d'un petit chignon. Il n'était pas sûr de la reconnaître.
Un dimanche soir, après avoir résisté pendant plusieurs semaines à la tentation, il avait pris la rue de Douai et avait tourné à droite, rue Pigalle. Il était entré là où les néons brillaient et il y avait retrouvé sa fille.
Elle n'avait pas changé, peut-être plus jolie encore que dans son souvenir; elle dansait nue, seins projetés et cuisses écartées, cependant qu'il mettait pièce sur pièce dans la tirelire du peep-show.
Le gérant du lieu lui avait appris que Tamara était là tous les dimanches, sauf empêchement, dès onze heures du matin, et, depuis ce jour-là, à l'heure où d'autres allaient à la messe ou jouaient au tiercé, lui, mettait son plus beau costume, sa cravate à pois, qu'un jour Lara avait trouvée belle, et ses souliers vernis.
Lorsqu'il accrochait sa clé à l'entrée de l'hôtel, il ne manquait jamais de dire à la patronne qu'il allait voir sa fille.
-Elle est danseuse et le dimanche, elle ne danse que pour moi, ajoutait-il fièrement.
Il n'était à Paris que depuis deux mois lorsqu'il l'avait retrouvée. Un hasard heureux, un soir de trop grande solitude.
Trois ans qu'il ne l'avait pas vue. Plus de nouvelles. Disparue. C'était lui qui l'avait mise à la porte. Le jour de ses dix-huit ans. Il en avait eu assez de la voir traîner à la maison. Ecouter de la musique trop fort, fumer de drôles de cigarettes, grimper sur la première moto qui passait, c'était tout ce qu'elle savait faire.
Il lui avait montré la porte et elle ne s'était pas fait prier. Dans les semaines qui avaient suivi, il avait regretté mais trop tard. Lara n'avait pas téléphoné, pas même envoyé un simple mot sur une carte postale. Rien.
Sa femme, la mère de Lara, avait pleuré de plus en plus souvent. Il était rentré de plus en plus tard, s'attardant dans les bars, comme dans les mauvais romans.
Un jour, il était parti. S'il était possible de vendre des saucissons à Limoges, pourquoi ne pas en vendre à Paris loin des jérémiades conjugales.
Il vivait dans un hôtel médiocre du dix-septième arrondissement, près de la place de Clichy, où il avait toutes les nuits pour songer à sa vie ratée.
Il rêvait souvent à sa fille. Qui était si gentille quand elle le voulait bien et dont il était si fier quand elle était petite. Il la revoyait à dix ans dans son costume de ballerine. Elle s'enfermait dans sa chambre pour répéter inlassablement les pas qu'elle apprenait au cours de danse. Jamais il ne pouvait la voir danser; elle s'y refusait, têtue et hostile. Le seul jour où elle ne pouvait empêcher qu'il ne la regarde, c'était lors du gala de fin d'année. Il la cherchait des yeux, là-bas, loin, sur la scène, au milieu d'une quinzaine de fillettes toutes vêtues et coiffées comme elle, d'un petit chignon. Il n'était pas sûr de la reconnaître.
Un dimanche soir, après avoir résisté pendant plusieurs semaines à la tentation, il avait pris la rue de Douai et avait tourné à droite, rue Pigalle. Il était entré là où les néons brillaient et il y avait retrouvé sa fille.
Elle n'avait pas changé, peut-être plus jolie encore que dans son souvenir; elle dansait nue, seins projetés et cuisses écartées, cependant qu'il mettait pièce sur pièce dans la tirelire du peep-show.
Le gérant du lieu lui avait appris que Tamara était là tous les dimanches, sauf empêchement, dès onze heures du matin, et, depuis ce jour-là, à l'heure où d'autres allaient à la messe ou jouaient au tiercé, lui, mettait son plus beau costume, sa cravate à pois, qu'un jour Lara avait trouvée belle, et ses souliers vernis.
Lorsqu'il accrochait sa clé à l'entrée de l'hôtel, il ne manquait jamais de dire à la patronne qu'il allait voir sa fille.
-Elle est danseuse et le dimanche, elle ne danse que pour moi, ajoutait-il fièrement.