Le Journal de Michel Perdrial

Le Journal de Michel Perdrial




Loïc Boyer
Je suis l’auteur de textes courts qui furent publiés depuis mil neuf cent quatre-vingt-quinze dans des revues littéraires en France (Supérieur Inconnu, Supplément d’Ame, Nouvelle Donne, Le Bord de l’Eau, Pris de Peur, l’Art du Bref, Sol’Air, Gros Textes, Salmigondis, Verso, Décharge, Bulle, Filigranes, Diérèse, Martobre, Comme ça et Autrement, (Cahier d’) Ecritures, La Nef des Fous), en Belgique (Traversées, Ecrits Vains, L’Arbre à Plumes, Inédit Nouveau, Bleu d’Encre), au Canada (Les Saisons Littéraires) et en Italie (Les Cahiers du Ru).
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.







Rss

8 août 2025


Un livre lourd et volumineux, Correspondance de Marie-Antoinette, qu’en conséquence j’ai lu sur le banc du jardin le soir venu.
On sait comment la malheureuse a fini. Ses débuts m’ont fort intéressé. Marie-Antoinette, Archiduchesse d’Autriche, a quatorze ans quand elle arrive en France en mil sept cent soixante-dix pour épouser le Dauphin qui deviendra Roi le dix mai mil sept cent soixante-quatorze à la mort de son grand-père, Louis le Quinzième.
Le premier devoir de cette jeune Marie-Antoinette est de donner un héritier à son mari et à la France. Elle en a très envie mais lui, pendant des années, ne sait comment s’y prendre. Au point qu’un jour de mil sept cent soixante-dix-sept, Joseph, frère d’icelle, vient à Paris pour s’en mêler. Ce qu’il raconte dans une lettre à un autre frère, Léopold :
Dans son lit, il a des érections fort bien conditionnées, dit-il. Il introduit le membre, reste là sans se remuer, deux minutes peut-être, se retire sans jamais décharger, toujours bandant et souhaite le bonsoir. Cela ne se comprend pas, car avec cela, il a parfois des pollutions nocturnes mais en place, ni en faisant l’œuvre jamais. Et il est content, disant tout bonnement qu’il ne faisait cela que par devoir et qu’il n’y avait aucun goût. Ah ! si j’aurais pu être présent une fois, je l’aurais bien arrangé. Il faudrait le fouetter pour le faire décharger de foutre comme les ânes. Ma sœur avec cela a peu de tempérament et ils sont tous deux francs maladroits ensemble.
Cette visite débloque les choses, comme le raconte Marie-Antoinette à sa mère Marie-Thérèse, le dix-neuf août mil sept cent soixante-dix-sept :
Pour ce qui regarde mon état, il est malheureusement toujours le même, ce qui fait que je n’en importune pas ma chère maman. Mais je n’en désespère pourtant pas, car il y a pourtant un petit mieux, qui est que le roi a plus d’empressement qu’il n’en avait, et c’est beaucoup pour lui.
Ce qu’elle confirme le trente août, dans une nouvelle lettre c’est à sa mère :
Je suis dans le bonheur le plus essentiel pour toute ma vie. Il y a déjà plus de huit jours que mon mariage est parfaitement consommé. L’épreuve a été réitérée, et encore hier plus complètement que la première fois. J’avais pensé d’abord envoyer un courrier à ma chère maman. J’ai eu peur que cela ne fit évènement et propos. J’avoue aussi que je voulais être tout à fait sûre de mon fait. Je ne crois pas être grosse encore, mais au moins, j’ai l’espérance de pouvoir l’être d’un moment à l’autre.
Le dix-neuf décembre mil sept cent soixante-dix-sept, elle écrit à la même :
J’espérais, il y a quatre jours, que le courrier porterait à ma chère maman la nouvelle de ma grossesse. Depuis le retour de Fontainebleau, le roi a couché habituellement avec moi et a très souvent rempli tous les devoirs de véritable mari. Mes règles sont revenues hier, j’en suis bien fâchée, mais à la manière dont le roi est et vit actuellement avec moi, j’ai grande confiance qu’avant peu je n’aurai plus rien à désirer. 
Le dix-neuf avril mil sept cent soixante-dix-huit, Marie-Antoinette peut enfin annoncer à sa chère maman qu’elle est enfin enceinte :
Je n’ai jamais eu de retard, et au contraire toujours quelque avance. Au mois de mars, j’ai eu, le 3, mes règles. Nous voici au 19, et il n’est question de rien.
Elle donne naissance à une fille. Éprouvée par l’accouchement, elle déclare au Roi qu’elle ne tient pas à reprendre la vie conjugale avant plusieurs mois. Il y a aussi que la Reine a tenté de retenir à Versailles le séduisant comte suédois Axel de Fersen dont elle est tombée amoureuse.

7 août 2025


Le métro Quatorze est en travaux cette semaine. Je prends donc le bus Neuf qui dévie toujours le Marais et descends à Bastille. C’est Paris au mois d’août : des travaux et peu de monde dans les rues.
Personne chez Re-Read, mais ça c’est souvent. La libraire rachète de moins en moins de livres, m’en refusant un sur deux. Dans ses rayons : trop de livres invendables à quatre euros, c’est mon avis, et rien pour moi. Cela ne me surprendrait pas que cette boutique finisse mal.
Est-ce que le Book-Off de Ledru-Rollin file aussi un mauvais coton (comme on dit). Toujours est-il que je n’y trouve pas le moindre livre pour moi. Les rayonnages ne sont pas réassortis depuis des semaines.
Au Diable des Lombards n’étant plus en travaux (je me demande ce qu’on y a fait), j’y déjeune d’une rillette de thon et d’un gigot d’agneau pommes sarladaises, puis remonte du sous-sol du Book-Off de Saint-Martin avec deux livres à un euro : Tour du monde en 80 jours de Jean Cocteau (L’Imaginaire) et Voyages à l’île Maurice et La Réunion de Bernardin de Saint-Pierre (Magellan & Cie).
Au troisième, celui de Quatre Septembre, pourtant inexploré depuis un moment, c’est un seul : Les deux rives de Jean Grenier (Gallimard).
C’est décevant. D’autant que désormais, par la faute de Pécresse, un trajet de métro coûte deux euros cinquante. En trois trajets, je dépense autant que pour faire Paris Rouen avec le train Nomad. Ça n’a pas de sens.
Est-ce que mon circuit hebdomadaire parisien en a un ? C’est ce que je me demande au comptoir du Bistrot de Edmond, On y essuie les verres avec un torchon sale. « Vous avez supprimé la terrasse ? » demandé-je au serveur. « C’est pas nous, c’est la Mairie. » Il ne m’en dit pas plus. Ce n’est pas la première fois que ça leur arrive. Ils ont du mal à suivre la réglementation.
En attendant le train de seize heures quarante pour Rouen, je lis à Saint-Lazare Lettres à sa fille Myriam de Groucho Marx. Des missives publiées par celle-ci. Dans sa préface, elle se réjouit d’avoir eu un père intransigeant. Près de moi s’assoit une jeune femme cherbourgeoise qui vient de rencontrer par hasard deux connaissances cherbourgeoises. Ils rentrent chez eux, elle part au Canada depuis Orly. « C’est facile, leur dit-elle, j’ai le Quatorze qui m’emmène directement là-bas. » « Excusez-moi, lui-je, la ligne Quatorze est fermée pour travaux cette semaine. » « Oh, me dit-elle, heureusement que vous êtes là. »
C’est ce que je pense aussi.
                                                                      *
A peine acheté, déjà lu, le soir au jardin, Voyages à l’Île Maurice et La Réunion (cette dernière appelée alors Bourbon) de Bernardin de Saint-Pierre. Je ne me souvenais pas qu’il fût né au Havre et j’ignorais tout de sa jeunesse aventureuse. Son récit de navigation pendant les tempêtes est saisissant. Je découvre aussi que Bernardin de Saint-Pierre fut l’un des premiers à être opposé à l’esclavage. Quant à Paul et Virginie, jamais lu. Aucun goût pour ce genre de littérature sentimentalo-romantique.

2 août 2025


Parmi mes lectures de juillet deux mille vingt-cinq : Journal de galère d’Imre Kertész, dont je n’aime pas le titre en raison de l’emploi courant qui est fait du mot galère. L’auteur faisait référence à Molière. Et aussi à Camus dans son discours de Prix Nobel : Tout artiste aujourd’hui est embarqué dans la galère de son temps.
Dans mon petit carnet Hema, j’ai noté ceci :
L’incroyable cécité de la conscience humaine me bouleversera toujours. Ils parlent de déjeuner et de sieste et ne voient pas que le canapé où ils s’allongent est leur cercueil. (mil neuf cent soixante-cinq) 
Dieu (en feuilletant le livre de Mary McCarthy) : mais pour l’amour de Dieu ! Ce qui compte ce n’est pas de savoir s’Il existe ou non, c’est uniquement de savoir pourquoi nous croyons qu’Il existe ou non. (mil neuf cent soixante et onze)
Le suicide qui me convient le mieux est manifestement la vie. (mil neuf cent soixante-quatorze)
Je suis descendu acheter un journal. Je n’avais qu’à traverser la rue et donc, sachant que je reviendrais tout de suite, j’ai branché ma cafetière électrique. Et qu’est-il arrivé ? Je suis revenu. Comment ai-je pu faire preuve d’une telle assurance ? (mil neuf cent soixante-quinze)
Le monde est mauvais parce que je suis mauvais. (mil neuf cent soixante-dix-sept)
La plus terrifiante inconnue : moi-même. (mil neuf cent soixante-dix-neuf) 
Autrefois, la littérature montrait comment « ils » vivaient ; aujourd’hui, l’écrivain ne peut plus parler que de lui-même : dire comment « il » vit (essaie de vivre), à quel point il est perdu et désemparé. (mil neuf cent quatre-vingt-un)
On condamne chez les autres ses propres particularités les plus secrètes, les plus délicates et voluptueuses. (mil neuf cent quatre-vingt-cinq)
J’ai toujours eu une vie secrète, et c’était toujours celle qui était la vraie. (mil neuf cent quatre-vingt-huit)
Quand on connaît ses propres habitudes, on est moins perdu. (mil neuf cent quatre-vingt-neuf)
L’ennui est le piment de la vie. (mil neuf cent quatre-vingt-dix)
La ville que je traverse tous les jours, la tête basse, sans regarder autour de moi. cherchant seulement un trou où je pourrais me cacher et souffler, me dire que j’ai échappé, aujourd’hui encore, au spectre de ce qu’on appelle la vie par ici… (mil neuf cent quatre-vingt-dix)
Je commence à voir que ce qui m’a sauvé du suicide (empêché de suivre l’exemple de Borowski, Celan, Améry, Primo Lévi, etc.), c’est la « société » qui, après mon expérience concentrationnaire, a prouvé sous la forme de ce qu’on appelle le « stalinisme » qu’il ne pouvait être question de liberté, de délivrance, de grande catharsis, etc., c’est-à-dire de tout ce dont les intellectuels, les penseurs et les philosophes de régions plus chanceuses du monde ne se contentaient pas de parler mais à quoi ils croyaient manifestement ; cette société qui a assuré la continuation de ma vie de prisonnier excluant ainsi toute possibilité d’erreur. (mil neuf cent quatre-vingt-onze)

31 juillet 2025


J’innove ce mercredi en prenant à Saint-Lazare le métro Neuf, terminus Mairie de Montreuil, un lieu où je ne suis plus attendu.
J’en descends à l’arrêt Voltaire. Sur le boulevard du même nom, j’entre au bar Chez Justin pour un café verre d’eau lecture. Au mur, la reproduction d’un tableau de Keith Haring. Une porte de toilettes rafistolée avec une plaque de contreplaqué sur laquelle est inscrit, à l’intérieur, Gouines pour la Palestine (elles seraient accueillies comment par les Palestiniens ?). Ecrivains en robe de chambre de François Bott, ma lecture du jour, guère palpitante. De banals portraits rédigés d’un ton blasé par celui qui dirigeait Le Monde des Livres (il semble ignorer la vie de hors-la-loi d’Henri Calet). Ça ne me botte pas. Le café est à deux euros vingt.
Une trentaine de mètres et je suis chez Re Read où opère la jolie employée pas vue depuis longtemps. Je m’y fais rembourser mon café à l’aide de quelques livres légers.
Comme souvent, je suis devant le Book-Off de Ledru-Rollin à dix heures cinquante-cinq à côté de celles et ceux munis de chariots et de sacs emplis de culture à vendre. Parmi eux, un homme énorme qui dit bonjour à une vieille qui passe. Elle ne le reconnaît pas. « Je suis le boucher. Vous vous rappelez ? Je suis à la retraite maintenant. » « Et vous mangez trop de viande », lui répond l’interpelée. « Non, j’en mange pas du tout. C’est hormonal, m’a dit le docteur. » Elle le plante là. Je pense qu’il réfléchira avant de dire à nouveau bonjour à quelqu’un. Parmi tous les livres à un euro, je ne trouve pour moi qu’Articles de mode de Louise de Vilmorin (Le Promeneur).
D’un coup de métro, je rejoins Sainte-Opportune et trouve Au Diable des Lombards fermé pour travaux. J’opte pour L’Amazonial qui propose une formule à seize euros quarante : thon mayonnaise œuf dur et selle d’agneau au thym purée maison. C’est bon.
Il fait toujours trop chaud dans le sous-sol du Book-Off de Saint-Martin. Cela nuit à ma recherche de livres à un euro. Quand même, je remonte avec La Vie singulière de Thomas W. Higginson - L’homme qui fit connaître Emily Dickinson de Christian Garcin (Actes Sud), Charlotte Delbo de Violaine Gelly et Paul Gradvohl (Fayard) et Souvenirs du Marquis de Valfons (Le Temps Retrouvé Mercure de France).
Je rejoins la rue Beaubourg où je veux voir les photos d’une qui était placeuse à l’Opéra de Rouen quand j’y étais abonné, mais à l’endroit prévu je trouve des rideaux métalliques baissés.
A L’Opportun, la jolie serveuse cette fois n’est pas là. Tous les quarts d’heure, un ou une entre qui veut utiliser les toilettes sans consommer et se voit opposer un refus. J’achève là Ecrivains en robe de chambre.

28 juillet 2025


Depuis je ne sais combien de jours, le terrain de pétanque du Son du Cor ressemble à une pataugeoire. Il ne se passe quasiment pas de midi sans que la serveuse ne soit obligée de faire descendre l’auvent à cause d’une averse aussi dense que brève. Je ne me souviens pas de quand date le dernier bel été en Normandie. Les touristes qui viennent ici pour éviter la chaleur ont raison. Qu’ils n’oublient pas le parapluie. Ces derniers jours sous l’auvent du Son du Cor je lis Journal volubile d’Enrique Vila-Matas.
Ce temps médiocre me permet néanmoins de lire également la plupart des soirs sur le banc du jardin d’où les fleurs ont quasiment disparu et dont la pelouse est désormais tondue de temps à autre par un professionnel. Ce jeudi, c’est Partir à Permanbouc de Maurice Pianzola. Je prends un risque car la vieille voisine qui séjournait en hôpital spécialisé est de retour et rien ne dit qu’elle ne va pas, un jour ou l’autre, se remettre à balancer ses affaires par la fenêtre du troisième étage située au-dessus de ma tête. Pour l’instant, elle se contente d’en jeter dans les poubelles et, nouvelle dinguerie, met parfois sa télé à fond au milieu de la nuit sur l’une des chaînes d’info, de quoi empêcher toute la copropriété de dormir. Pour ma part, j’ai la solution du repli dans la petite chambre.
Entre deux lectures et entre deux averses, je me risque à fureter dans la drouille du Marché du Clos Saint-Marc. J’en reviens avec un livre acheté deux euros à un vendeur jamais vu : Le Père Peinard d’Emile Pouget (Galilée).
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La littérature n’est pas un métier, c’est une maladie. On n’écrit pas pour gagner de l’argent ou plaire aux gens, mais pour essayer de se soigner parce qu’on est infecté, parce que la tristesse s’est emparée de nous. (Ricardo Menéndez Salmón cité par Enrique Villa-Matas dans son Journal volubile)
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Ils regardèrent avec curiosité les cassettes dans lesquelles s’entassent les différents journaux et le guide ne manqua pas de leur expliquer que personne ne vole jamais aucun de ces journaux et que chacun glisse sa pièce dans la fente en haut de la boîte. Je devinai aisément le sens de leurs commentaires étonnés et admiratifs. Pareille honnêteté était un attrait touristique de plus, ils auraient quelque chose à raconter. Le guide leur fit un signe de son parapluie, ils purent s’engager sur la chaussée et moi, enfin seul, je pus prendre le journal dans une des boîtes, sans le payer évidemment. (Maurice Pianzola Partir à Permanbouc, Musée d’Art Moderne et Contemporain de Genève)

25 juillet 2025


Un que je connais bien est en lutte contre le trop grand nombre de logements Air Bibi de la métropole rouennaise dont il photographie les boîtes à clés. Ils empêchent qui cherche un appartement à louer d’en trouver un.
Je ne peux pas dire le contraire, mais je ne vais évidemment pas partir en guerre contre un système dont je suis le bénéficiaire quand je pars en vadrouille.
Bien obligé, les chambres d’hôtel coûtent deux fois plus cher, la vieillesse ne me permet plus le campigne et je ne dispose pas d’une maison de famille (comme on dit) en bord de mer ou ailleurs. Il est aisé de se passer d’Air Bibi quand on bénéficie d’un pied-à-terre où l’on va chaque année l’été pour se tremper les pieds dans la mer.
Ces maisons de famille ou résidences secondaires sont repérables à leurs volets fermés hors saison. Elles sont beaucoup plus nombreuses que les locations de courte durée de type Air Bibi. Je le constate à chaque fois que je vais en Bretagne ou sur la Côte d’Azur. Leurs propriétaires sont les principaux responsables de la grande difficulté à se loger sur la côte.
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Je n’ai pas signé la pétition contre la loi Duplomb. Il aurait fallu pour cela que je sois inscrit à France Connect, le portail officiel qui permet notamment de déclarer ses revenus. Je ne déclare jamais les miens. Ils se déclarent seuls, automatiquement.
Cette pétition a obtenu bien plus de signatures que la candidate de Les Républicains, Pécresse, a obtenu de voix à la Présidentielle. C’est pourtant ce Parti minoritaire et son chef Retailleau qui décident de la politique française depuis que Macron a sabordé son propre Parti.
Ce Duplomb, Les Républicains, est évidemment membre de la Fédération Nationale des Syndicats d’Exploitants Agricoles dont le chef, ponte de l’agro-chimie, rejoue sans cesse le sketch de Fernand Raynaud, J’suis qu’un pauvre paysan.
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Il n’y a pas que Cosidime qui soit en rupture dans les pharmacies depuis des semaines. D’autres médicaments tout aussi indispensables, notamment pour lutter contre le diabète ou les problèmes cardiaques, le sont aussi. Que fait la Ministre de la Santé, Catherine Vautrin, Les Républicains ? Rien.

24 juillet 2025


Mon gros souci du moment est celui du mois dernier : mettre la main sur un flacon de Cosidime, le collyre qui m’est nécessaire pour limiter l’aggravation de mon glaucome. Cette fois, il est introuvable à Rouen et dans sa banlieue. La serviable pharmacienne de la Grande Pharmacie du Centre a tout fait pour m’en procurer allant même jusqu’à appeler le labo pour s’en faire envoyer directement et essuyant un refus. On ne passe que par les distributeurs. Lesquels n’en ont pas à distribuer.
A mon arrivée à Saint-Lazare ce mercredi, j’entre à la Grande Pharmacie Bailly où une pharmacienne m’apprend que si Cosidime est en rupture, il y a un générique et qu’il est disponible. « On ne m’a jamais dit ça à Rouen. » « Il existe pourtant depuis plusieurs années », me dit-elle.
Mon gros souci réglé en cinq minutes, je rejoins le Marché d’Aligre à l’aide des métros Quatorze et Huit. Emile et Amin ont un point commun : ils sont absents. Les vacances touchent tout le monde.
A pied, je rejoins Re Read qui ouvre toujours à dix heures mais fermera à l’heure du repas en août. Comme très souvent, j’en ressors bredouille.
La pluie est annoncée sous forme d’averses mais elle n’est point pressée. Je reste au sec quand je rejoins le Book-Off de Ledru-Rollin. Je n’y trouve que deux livres à un euro : Ecrivains en robe de chambre de François Bott (La Petite Vermillon) et Armen de Jean-Pierre Abraham (Petite Biblio Payot Voyageurs).
A l’aide des métros Huit et Un, je rejoins le bien nommé China, le restaurant chinois buffet à volonté de la rue de la Verrerie, toujours à douze euros cinquante.
Trois quarts d’heure plus tard, je descends au sous-sol du Book-Off de Saint-Martin où la chaleur s’incruste malgré les ventilateurs. J’en remonte avec quatre livres à un euro, La colonne d’air suivi de Raymond Queneau ou l’oignon de Mœbius de Jacques Duchateau (Editions Ramsay), Une indifférence de rébellion de Pol Vandromme (Pierre-Guillaume de Roux), Trois… six… neuf… de Colette (Buchet Chastel), Mémoires d’une enfant d’Athénaïs Michelet (Le Temps Retrouvé Mercure de France) et un livre-disque au même prix, Fantaisie littéraire (le bec en l’air).
Il n’est pas encore quatorze heures que je m’installe sous la véranda de L’Opportun pour un café, verre d’eau et lecture, Vraie blonde, et autres de Jack Kerouac. C’est le moment où il se met à pleuvoir, et dru, panique en terrasse, repli à l’intérieur de celles et ceux qui y déjeunaient aidés par la nouvelle serveuse, vraie brune, bilingue, jolie.
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En ce qui concerne les femmes jeunes, je ne peux pas les regarder sans leur arracher leurs vêtements un par un, y compris cette dernière fille (avec sa Maman) qui porte un bandana vert et qui a un joli petit visage et un long manteau newlook, et des chaussures plates, qui marche en balançant nonchalamment les cuisses comme si elles étaient molles et pas aussi contrôlées que sa jeunesse le laisserait supposer, et le grand manteau dissimule sa silhouette mais j’imagine que sa chatte est douce, vous y parvenez à travers une culotte de dentelle blanche, et elle sera bien. C’est à peu près tout ce que je peux dire sur à peu près toutes les filles et le seul raffinement supplémentaire, c’est leur chatte et ça ira. (Jack Kerouac, Esquisses à Manhattan, texte publié en mil neuf cent soixante-trois dans la revue The Moderns)

18 juillet 2025


Thierry Ardisson, animateur de télévision, est mort. Je n’ai rien à dire sur lui. Je n’ai jamais regardé une de ses émissions. D’autres ont leur avis. Ainsi une qui le traite de porc pour certaines choses qu’il a dites lors d’une émission de mil neuf cent quatre-vingt-quinze. Et toutes et tous de renchérir. Où donc était-elle en mil neuf cent quatre-vingt-quinze ? Peut-être devant la télé le regardant, pas du tout choquée par ce qu’elle entendait. Si elle n’y était pas, des centaines de milliers y étaient, pas du tout choqués par ce qu’ils entendaient et aujourd’hui trouvant cela scandaleux. Nombreux sont celles et ceux qui pensent dans le sens du vent plutôt que par eux-mêmes. C’est l’un des signes de l’époque. Je préfère m’aérer l’esprit en lisant, dans Mémoires de l’inachevé, les lettres de Grisélidis Réal. Elle fut l’une des invitées de l’Ardisson. C’est là que, la première, elle a évoqué la vie sexuelle de l’abbé Pierre. Tous les bien-pensants lui sont tombés dessus.
Je pense qu’à l’époque des Romains, la législation était moins con, les gens se livraient tranquillement au « péché » dans les hautes classes – si on tue la bête dans l’homme, on tue aussi l’ange, car il faut les deux, l’un n’existe pas sans l’autre … (à Maurice Chappaz, Genève, le premier décembre mil neuf cent soixante-quatre)
Il paraît qu’on manque énormément de personnel pour l’enseignement primaire ici, l’État engage et paie pendant trois ans des études et des stages aux personnes désireuses de travailler par la suite dans l’enseignement.
Ah, si l’on pouvait me prendre, malgré mon casier judiciaire, mes enfants illégitimes et mes dossiers de police ! Nous serions sauvés, ce travail, même ingrat, je le ferais avec joie car il est socialement constructif. (à Maurice Chappaz, Genève, le douze juillet mil neuf cent soixante-six)
Je vis dans un perpétuel enchantement en passant d’un livre d’Henry Miller, Le Cauchemar climatisé, à un autre, Souvenirs souvenirs, du même auteur, tout en continuant la lecture profonde et délicate de L’Erotisme de Georges Bataille, et en m’enfonçant de temps en temps dans les grandioses et douloureux labyrinthes poétiques de Notre-Dame des Fleurs ou Miracle de la rose de Jean Genet. Oui, c’est un vrai plaisir d’être malade, au moins on peut lire, lire, sans rien faire d’autre en étant dans son droit. (à Henri Noverraz, le trente et un janvier mil neuf cent soixante-huit)
Cela fait déjà un certain temps que je voulais vous écrire pour vous remercier du magnifique contrat qu’Etienne Delessert accompagné d’une ravissante jeune femme blonde est venu me faire signer dans ma cuisine, contrat précieux et sauveur grâce auquel, sans nul doute, j’échappe à de futurs enfers. (à Bertil Galland, Genève, le quinze juillet mil neuf cent soixante-dix)
Je te jure que je regrette le temps où j’étais Putain, où j’étais désirée, adorée, léchée, aimée, RESPECTEE et payée… Oui, c’était le bon temps ! Personne ne se foutait de moi à l’époque… ça leur aurait coûté trop cher à ses Messieurs, c’était DEJA assez cher comme ça. (à Henri Noverraz, le vendredi quatorze août mil neuf cent soixante-dix)
J’ai passé la nuit dans la magnifique maison d’Anne Jenny. Chessex a dû vous dire. Etienne Delessert m’a donné une lithographie si belle, si saisissante, qu’elle a droit au mur rouge du Saint des Saints, mon alcôve, oui, me faisant face au-dessus du lit. Je ne m’en lasserai jamais. (à Bertil Galland, Genève, le lundi douze octobre mil neuf cent soixante-dix)
A part ça, j’ai reçu le contrat de Pro Helvetia que mon Editeur m’a fait avoir. Mon bouquin, mes aventures de courtisane à Munich parmi les soldats Noirs m’est donc commandé, payé par la Suisse bien-pensante ! Quelle farce ! (à Henri Noverraz, Genève, le six novembre mil neuf cent soixante-dix)
La vie est un assassinat permanent ! Et quand on n’est pas assassiné par les autres, on s’assassine soi-même ! (au même destinataire le même jour)
Je me rappelle avec nostalgie le Bordel de Munich où je fonctionnais comme Putain pour les soldats – il y avait aussi des capitaines, des sergents, des étudiants et même des bandits. Des Nègres, je me souviens de leurs bras, de leur douceur, de leurs violences, de leurs sexes jamais fatigués, de leur cœur ruisselant de tendresse. Ah j’étais aimée, léchée, dévorée du haut en bas par des langues, des mains et des tiges infatigables !
Je HAIS l’Europe et plus particulièrement la Suisse, ce pot de chambre où croupissent les refoulements et les tristesses avares. Il est temps qu’on foute le camp, qu’on lève l’ancre de ce fumier dégoulinant de petit confort merdeux, qu’on appareille vers l’amour, le soleil, les voluptés sans limite ! Oui foutons le camp, ne serait-ce qu’en pensée, de cet amalgame de détritus ! (à D. , Genève, le vingt-sept janvier mil neuf cent soixante et onze)
Nous sommes tout à la fois leur mère incestueuse, leur sœur incestueuse, leur femme-putain, avec nous ils peuvent tout se permettre : leur lécher le cul, les couilles, leur enfiler le doigt bien profond pour faire vibrer leur petite prostate si sensible – leur réciter des saloperies rituelles qu’ils n’osent pas demander à leur femme – ils peuvent se livrer sur nous à tous les attouchements interdits… nous sommes là pour ça, maquillées, parfumées, visibles jusque dans nos moindres recoins les plus « déchus » (et il faut savoir que certaines Putains d’âge avancé, même vieilles, grosses, dégueulasses, sales, gagnent autant d’argent et même plus parfois – par petites sommes, et d’ailleurs pas fatalement – que les Putains les plus belles, jeunes, bandantes à première vue comme des Brigitte Bardot).  (à Jacques Dominique Rouiller, Genève, le vingt-six mai mil neuf cent soixante-dix-sept)

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