C’est le premier avril et la visite des musées est gratuite. Dès l’ouverture, avant que ne se pressent les familles du dimanche, je me présente à l’entrée de celui des Beaux-Arts à Rouen car je ne puis laisser passer une occasion de m’entretenir, sous la surveillance benoîte mais constante des gardiens du temple, avec deux de mes fidèles amies.
Je m’égare un peu dans le labyrinthe des salles d’exposition mais retrouve assez vite la première, la mal nommée Rigolette, qui n’est pas à la fête et tente de s’oublier dans de stupides travaux d’aiguille cependant qu’elle écoute, avec les yeux, le chant de deux volatiles encagés, semble-t-il des canaris mais la zoologie m’ennuie. C’est Joseph-Désiré Court, l’auteur de ce tableau et il lui a donné un titre explicite : Rigolette cherche à se distraire pendant l’absence de Germain. Comme à chacune de mes visites, je compatis, pauvre Rigolette, et je tente de lui remonter le moral en lui rappelant qu’elle a servi d’illustration pour l’édition Folio de Madame Bovary. «Ça me fait une belle jambe !» me répond sèchement Rigolette, qui les cache sous une ample robe à la rigueur toute plébéienne. Je finis par m’énerver moi aussi et lui demande : «Bon alors, qu’est-ce qu’il fout, Germain ?» mais elle s’est remise à ses travaux d’aiguilles, ne me parle plus, et je la plante là, Rigolette, un point à l’endroit, un point à l’envers.
Pour retrouver la deuxième, c’est plus compliqué. Je dois demander mon chemin à quelque gardien aimable et compétent : «Vous savez bien, la religieuse à la grosse fleur rouge.» «Ah oui, le tableau d’Alfred Agache, Enigme.» C’est cela, on m’indique l’endroit. Et la voilà qui vient à ma rencontre, cette religieuse éplorée, au regard altier et souffrant, dans un grand effet de voiles noirs. A sa main gauche, à hauteur de cœur, une grosse fleur écarlate, peut-être est-ce un pavot mais la botanique me fatigue. A terre, devant elle, deux autres fleurs rouges, comme piétinées. Et dans sa main droite pendante, un mouchoir empli de larmes, à moins que ce ne soit une missive chiffonnée et mouillée. Je l’interroge encore une fois : «Mais qui vous a mise dans cet état, ma soeur? Le nom de cet infâme séducteur ?» Et comme toujours elle me répond : «C’est une énigme.» Elle se fout de moi ou quoi ? Dépité, je la laisse à ses pleurs inextinguibles.
Je cherche la sortie, pas plus avancé que les fois précédentes et conscient qu’il me faudra revenir, croisant, de salle en salle, un public studieux qui discourt doctement devant chaque peinture, dessin ou esquisse. Intentions de l’auteur, techniques employées et autres questions dérisoires. A croire, me dis-je en franchissant le portail, qu’il n’y a que moi pour savoir à quoi ça sert un musée.
Je m’égare un peu dans le labyrinthe des salles d’exposition mais retrouve assez vite la première, la mal nommée Rigolette, qui n’est pas à la fête et tente de s’oublier dans de stupides travaux d’aiguille cependant qu’elle écoute, avec les yeux, le chant de deux volatiles encagés, semble-t-il des canaris mais la zoologie m’ennuie. C’est Joseph-Désiré Court, l’auteur de ce tableau et il lui a donné un titre explicite : Rigolette cherche à se distraire pendant l’absence de Germain. Comme à chacune de mes visites, je compatis, pauvre Rigolette, et je tente de lui remonter le moral en lui rappelant qu’elle a servi d’illustration pour l’édition Folio de Madame Bovary. «Ça me fait une belle jambe !» me répond sèchement Rigolette, qui les cache sous une ample robe à la rigueur toute plébéienne. Je finis par m’énerver moi aussi et lui demande : «Bon alors, qu’est-ce qu’il fout, Germain ?» mais elle s’est remise à ses travaux d’aiguilles, ne me parle plus, et je la plante là, Rigolette, un point à l’endroit, un point à l’envers.
Pour retrouver la deuxième, c’est plus compliqué. Je dois demander mon chemin à quelque gardien aimable et compétent : «Vous savez bien, la religieuse à la grosse fleur rouge.» «Ah oui, le tableau d’Alfred Agache, Enigme.» C’est cela, on m’indique l’endroit. Et la voilà qui vient à ma rencontre, cette religieuse éplorée, au regard altier et souffrant, dans un grand effet de voiles noirs. A sa main gauche, à hauteur de cœur, une grosse fleur écarlate, peut-être est-ce un pavot mais la botanique me fatigue. A terre, devant elle, deux autres fleurs rouges, comme piétinées. Et dans sa main droite pendante, un mouchoir empli de larmes, à moins que ce ne soit une missive chiffonnée et mouillée. Je l’interroge encore une fois : «Mais qui vous a mise dans cet état, ma soeur? Le nom de cet infâme séducteur ?» Et comme toujours elle me répond : «C’est une énigme.» Elle se fout de moi ou quoi ? Dépité, je la laisse à ses pleurs inextinguibles.
Je cherche la sortie, pas plus avancé que les fois précédentes et conscient qu’il me faudra revenir, croisant, de salle en salle, un public studieux qui discourt doctement devant chaque peinture, dessin ou esquisse. Intentions de l’auteur, techniques employées et autres questions dérisoires. A croire, me dis-je en franchissant le portail, qu’il n’y a que moi pour savoir à quoi ça sert un musée.