C’est d’abord pour voir celle qui travaille à Paris que j’attends le train de huit heures sept à la gare de Rouen ce mercredi, un œil sur le nouveau numéro de Charlie Hebdo et l’autre sur un essaim de jeunes Anglaises, le printemps étant la saison du renouveau des voyages scolaires, mais je suis aussi content à l’idée de revoir la capitale, dont mon vagabondage en Somme et Pas de Calais m’a privé pendant deux semaines.
A l’arrivée, je file directement au centre du dix-huitième arrondissement, sortant de terre devant la Mairie et avant l’heure du rendez-vous, profitant du beau temps qui s’annonce, grimpe tous les escaliers de la rue du Mont-Cenis, levant mon chapeau au croisement de sa rue au chevalier de La Barre et essayant d’imaginer à quoi pouvait ressembler la maison paysanne où vécut Berlioz à l’endroit de l’immeuble en béton sur lequel est posée la plaque. J’atteins la basilique du Sacré-Cœur, du parvis de laquelle j’ai une belle vue sur la brume qui empêche de voir la ville, un mélange de vapeur d’eau et de fines particules.
A cette heure n’y rodent que des privés de liberté, scolaires cornaqués par les profs et retraités par les guides. De faux artistes s’apprêtent à portraiturer le gogo. Des vendeurs de tours Eiffel chinoises ont déjà déballé. Les militaires du plan Vigipirate rouge renforcé guette l’islamiste ou le futuriste : un grand, un moyen, une petite, les trois à la peau noire, qu’on n’aille pas en déduire quoi que ce soit.
Redescendu à la Mairie, j’ai encore le temps de faire le tour de l’église Notre-Dame-de-Clignancourt, photographiant au passage les tentes des sans abris de la rue Aimé Lavy. A l’heure dite, je toque à sa porte, ma bouteille de vin et mes chips à la main.
Un mois que nous ne nous sommes vus. Heureux de nous retrouver, nous déjeunons d’un plat à la mexicaine de son invention face à la dent creuse dont je fais une photo afin d’en avoir trace le jour où un immeuble sur pivot y sera implanté. Au dessert, un tiramisu, je lui offre l’exemplaire des Trois Brigands de Tomi Ungerer trouvé chez Détéherre, la plus grande bouquinerie rurale de Normandie. Une mini sieste s’impose.
Au réveil, le travail l’appelle près de la Bastille où des livres m’attendent chez Book-Off. Ensemble, nous prenons le métro. Elle ne se sent pas trop en forme mais cela s’améliore au cours du trajet grâce à deux musiciens chanteurs qui investissent la rame : « Comment ça va ? Comme-ci, comme-ci, comme-ci, comme ça… »
*
Un sexagénaire chez Book-Off :
-Bonjour, est-ce que vous avez L’Officiel des spectacles ?
L’employée l’envoie chez un marchand de journaux.
Le même, de retour dix minutes plus tard :
-Bonjour, est-ce que vous avez L’Officiel des spectacles ?
Son deuxième prénom doit être Aloïs.
*
Mercredi soir à la gare Saint-Lazare : le piano mis à disposition des passant(e)s est monopolisé par un groupe de gospel. On n’entend pas l’instrument. On n’entend que les chants extatiques de ces frappé(e)s de dieu utilisant l’initiative de la Senecefe pour propager leur croyance de façon ostentatoire dans un lieu public.
*
Lecture d’un des livres bookoffiés dans le train du retour : Vénus et Tannhäuser, seule œuvre littéraire d’Aubrey Bearsdsley, illustrée par lui-même, censurée pendant longtemps, publiée chez Salvy en mil neuf cent quatre-vingt-quinze :
Sophie manifesta une intimité extrême avec une bouteille de champagne vide, jurant que celle-ci l’avait engrossée, avant de simuler un accouchement sur la table…
A l’arrivée, je file directement au centre du dix-huitième arrondissement, sortant de terre devant la Mairie et avant l’heure du rendez-vous, profitant du beau temps qui s’annonce, grimpe tous les escaliers de la rue du Mont-Cenis, levant mon chapeau au croisement de sa rue au chevalier de La Barre et essayant d’imaginer à quoi pouvait ressembler la maison paysanne où vécut Berlioz à l’endroit de l’immeuble en béton sur lequel est posée la plaque. J’atteins la basilique du Sacré-Cœur, du parvis de laquelle j’ai une belle vue sur la brume qui empêche de voir la ville, un mélange de vapeur d’eau et de fines particules.
A cette heure n’y rodent que des privés de liberté, scolaires cornaqués par les profs et retraités par les guides. De faux artistes s’apprêtent à portraiturer le gogo. Des vendeurs de tours Eiffel chinoises ont déjà déballé. Les militaires du plan Vigipirate rouge renforcé guette l’islamiste ou le futuriste : un grand, un moyen, une petite, les trois à la peau noire, qu’on n’aille pas en déduire quoi que ce soit.
Redescendu à la Mairie, j’ai encore le temps de faire le tour de l’église Notre-Dame-de-Clignancourt, photographiant au passage les tentes des sans abris de la rue Aimé Lavy. A l’heure dite, je toque à sa porte, ma bouteille de vin et mes chips à la main.
Un mois que nous ne nous sommes vus. Heureux de nous retrouver, nous déjeunons d’un plat à la mexicaine de son invention face à la dent creuse dont je fais une photo afin d’en avoir trace le jour où un immeuble sur pivot y sera implanté. Au dessert, un tiramisu, je lui offre l’exemplaire des Trois Brigands de Tomi Ungerer trouvé chez Détéherre, la plus grande bouquinerie rurale de Normandie. Une mini sieste s’impose.
Au réveil, le travail l’appelle près de la Bastille où des livres m’attendent chez Book-Off. Ensemble, nous prenons le métro. Elle ne se sent pas trop en forme mais cela s’améliore au cours du trajet grâce à deux musiciens chanteurs qui investissent la rame : « Comment ça va ? Comme-ci, comme-ci, comme-ci, comme ça… »
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Un sexagénaire chez Book-Off :
-Bonjour, est-ce que vous avez L’Officiel des spectacles ?
L’employée l’envoie chez un marchand de journaux.
Le même, de retour dix minutes plus tard :
-Bonjour, est-ce que vous avez L’Officiel des spectacles ?
Son deuxième prénom doit être Aloïs.
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Mercredi soir à la gare Saint-Lazare : le piano mis à disposition des passant(e)s est monopolisé par un groupe de gospel. On n’entend pas l’instrument. On n’entend que les chants extatiques de ces frappé(e)s de dieu utilisant l’initiative de la Senecefe pour propager leur croyance de façon ostentatoire dans un lieu public.
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Lecture d’un des livres bookoffiés dans le train du retour : Vénus et Tannhäuser, seule œuvre littéraire d’Aubrey Bearsdsley, illustrée par lui-même, censurée pendant longtemps, publiée chez Salvy en mil neuf cent quatre-vingt-quinze :
Sophie manifesta une intimité extrême avec une bouteille de champagne vide, jurant que celle-ci l’avait engrossée, avant de simuler un accouchement sur la table…