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retour sur trois ourses
C’est au printemps de cette année 2018 que La Revue des livres pour enfants me commandait un article sur l’association Les Trois Ourses. Le trentième anniversaire de cet institution méritait bien qu’on revienne sur leur histoire, leur parcours et surtout leurs rencontres, ce que je fis avec le plus de justesse possible.

L’automne est là et l’on apprend que cette structure, trentenaire donc, qui diffusait «un rayonnement et une influence aussi discrets que décisifs» pour reprendre les justes mots de Jacques Desse, a décidé de mettre fin à ses activités.

C’est bien triste mais je ne vais pas m’étendre ici sur le malheur (réel) que cela représente, plutôt coller plus bas le texte de cet article et quelques images prises dans leur accueillante galerie au fil des années, en guise d’exemple, pour que cela impulse chez d’autres ce désir de permettre aux enfants de découvrir la beauté du monde à travers le travail d’artistes qui ont des choses à leur dire.

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Il y a trente ans, donc, trois bibliothécaires décidaient de donner de l’ampleur à leur action en faveur du livre pour enfants, d’une manière qui soit plus en accord avec leurs intérêts — et ceux des enfants, et ceux des artistes. Ces trois femmes, Odile Belkeddar, Élisabeth Lortic et Annie Mirabel vont progressivement multiplier les rapprochements entre l’art et la jeunesse ; mais surtout en permettre au jeune public de participer, de s’impliquer, au sein des œuvres. L’art doit faire de l’enfant un spectateur engagé, c’est ce que permet le livre, c’est ce que défend Bruno Munari, rencontré dans les 1980 et aujourd’hui encore une des figures tutélaires de l’association.

Deux ans plus tard, en 1990, les Trois Ourses sont invitées par le designer graphique Ivan Chermayeff à la 40e Conférence Internationale sur le Design d’Aspen dont le thème est Growing by Design. De cette rencontre naissent très vite deux livres conçus par Jane et Ivan Chermayeff autour des collections du Musée des Arts et traditions populaires de Paris. Et quand en 2013 s’ouvrira la Galerie des Trois Ourses, c’est tout naturellement qu’elles vont l’inviter à montrer une série de ses collages ainsi que des dessins de chiens à l’encre de chine.

Mais c’est une autre rencontre, avec Katsumi Komagata cette fois, qui va donner une véritable visibilité aux Trois Ourses grâce à leur exposition 1, 2, 3 Komagata et l’arrivée consécutive en France de ses livres singuliers qui à la fin du XXe siècle, éblouissent tous les yeux curieux.
L’occasion pour de nombreuses personnes de découvrir cette structure pour laquelle l’art et le design (de l’italien designo, dessin) sont envisagés comme faisant partie de la vie de l’enfant, en témoignent les différents aménagements de leurs locaux passés et présents. La mise en espace au gré des rencontres, ateliers, expositions, ventes, tire toujours le meilleur parti d’un mobilier signé Eames, Vuarnesson, Bourroulec ou bien sûr Munari, non seulement pour ce qui est de la fonction mais également de la beauté. Avant le départ des Ourses pour un salon, il faut avoir vu à l’œuvre l’optimisation des colis permise par les éléments modulaires qui composeront leur espace d’exposition. Car l’association s’applique le principe d’un idéal formel qu’elles défend pour le compte des enfants : il ne s’agit pas que d’un discours ou d’une performance éphémère, mais de gestes de tous les jours, de la vie même — de vivre avec art. Il y a là un glissement du domaine purement esthétique à une forme d’humanisme qui guide leurs actions. Ainsi de cette rencontre (encore une) avec Remy Charlip grâce à l’éditrice Susan Hirschman autour du projet On dirait qu’il neige (projet lui-même lié au Petit chaperon blanc de Bruno Munari) qui a permit l’éclosion d’une véritable amitié autour de ce blanc qui est loin d’être une non-couleur, mais qui pour ces artistes est aussi important que le vert qui présida à création de la Boîte verte (véritable bibliothèque portative ne contenant que des livres verts, dessinée par Bruno Munari).

Il est toujours question d’amitié quand Nana Omi, bonne amie des Trois Ourses, déniche chez un bouquiniste de Prague l’édition originale d’un album de Dobroslav Foll. La richesse plastique et, à nouveau, l’interactivité proposée aux lecteurs, feront qu’elles le rééditeront tout aussitôt.

Dans la même veine, le compagnonnage avec les éditions MeMo va permettre à des volumes historiques devenus introuvables signés El Lissittzky ou Alexandre Rodchenko de retrouver le chemin de nos étagères.

Autre rapprochement d’importance, celui d’avec Marion Bataille, encouragée par l’association dès son projet Op-Up de 2006, alors produit à trente exemplaires fabriqués à la main, prémisse de son ABC3D paru en 2008 en 8 coéditions internationales, best-seller couvert de récompenses et ouvrant la voie au nouvel âge d’or des livres animés que nous vivons encore aujourd’hui. C’est toujours à leurs côtés qu’elle présentera The A-Z Book de Thomas Ockerse (1969) livre-alphabet mythique qui sera exceptionnellement à nouveau disponible en 2014 grâce à leurs efforts conjoints.

Toujours et encore, depuis trente ans, une approche humaniste des formes, fussent-elles colorées, musicales, ou plus prosaïquement celles d’un lit (Abitacolo de Bruno Munari, 1971) pour que toutes les Boucles d’or puissent y trouver une place car après tout et comme le dit Munari : «un livre est un lit, habité à sa façon par chacun de nous».
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