Mardi 11 Janvier 2011

Livres

Nadia Sendin

D'autres vies que la mienne de Emmanuel Carrère chez Folio


Compte-rendu littéraire
D’autres vies que la mienne est un texte autobiographique dans lequel l’auteur fait le récit des vies des personnes qu’il a rencontrées et qui ont connu la mort d’un être aimé, la maladie, le handicap, le deuil. Ces autres vies sont celles de Delphine, Jérôme et Philippe qui ont perdu leur petite-fille emportée par la vague du tsunami au Sri Lanka en 2004. Ce sont celles de deux hommes qui ont compté dans la vie de Juliette, la belle-sœur de l’auteur, juge au tribunal d’instance de Vienne et morte d’un cancer au sein, après avoir combattu une maladie qui lui a fait perdre sa jambe à 17 ans. Il y a Patrice, son mari, ainsi que leurs trois filles, Amélie, Clara et Diane. Il y a aussi Etienne, le collègue de Juliette au tribunal de Vienne, qui lui aussi a perdu sa jambe adolescent à la suite d’un cancer. Tous deux forment un duo de juges infaillibles et conquérants, engagés dans la défense des ménages surendettés en situation de grande précarité.

Nous suivons l’auteur dans son projet d’écrire ce roman. Philippe, le grand-père de Juliette, morte au Sri Lanka, dit à Emmanuel Carrère : « toi qui est écrivain, tu vas écrire un livre sur ça ? » Puis Etienne, lui suggère la même idée : « Vous devriez y penser, à cette histoire de la première nuit. C’est peut-être pour vous. » Dans un premier temps, il est dubitatif face à cet ouvrage qu’il interrompt à plusieurs reprises, accaparé par d’autres projets. Finalement, ces vies s’imposent à lui et la crainte du pathétique ou du vulgaire s’efface devant la compassion et l’évidence de ces existences.

C’est un roman magnifique où se dessine en filigrane la réflexion de l’écrivain sur sa propre existence. Hanté par un mal-être hérité de l’enfance, une blessure originelle qui lui interdit d’être aux autres, l’auteur sort de ce récit serein, ouvert aux autres et libéré de son angoisse.